vendredi 29 juin 2018

L'hyperbole complotiste

Le complotisme exagère la portée du complot, fût-il important, par exemple s'il se trouve d'ordre collectif, au sens où il utilise des institutions. Il estime en effet qu'un complot peut régir la totalité de la société, non seulement dans la suite immédiate de son effectuation, mais aussi de manière prolongée. Plus le complotisme est prononcé, plus il estime cette possibilité plausible, voire certaine, au point que certains deviennent des généalogistes snobs, sauf qu'au lieu de dresser la généalogie des familles aristocratiques les plus chic, ils dressent la généalogie des familles qu'ils estiment les plus diaboliques, parce que leur diabolisme explique leur longévité et constitue le fonctionnement attitré pour l'homme.
En réalité, le complot ne fonctionne pas. C'est dire que sa longévité est quasi nulle. Il donne l'illusion de fonctionner dans les premiers instants, mais il exprime une tentative désespérée d'élites en décrépitude pour conserver leur pouvoir et rendre le changement de fond favorable.
Bien entendu, c'est impossible, car le pouvoir de quelques hommes ne peut contrecarrer une tendance de fond qui est bien entendu personnifiée par des hommes, mais qui vient de plus loin, qui exprime un changement d'ordre réel. Les hommes ne contrôlent pas tout le réel, c'est une évidence, mais sont dépendants de données extérieures qui les dépassent, au point que le plus souvent ils ne les identifient pas. D'autre part, les actions collectives humaines obéissent souvent à une dépersonnalisation, au sens où ce sont des mouvements de fond au sein de la société qui prédominent et que les individus qui les réalisent n'en ont que partiellement conscience (de telle sorte qu'ils ne peuvent véritablement comploter, raison pour laquelle le complot rate le plus souvent).
Mais la tentation d'interprétation complotiste surgit sans doute comme le désir pour l’homme de contrôler son univers, ce qui ne sera possible que s'il accroît ses connaissances, et les capacités techniques qui s'en suivent. C'est sans doute la véritable question : pourquoi le désir complotiste surgit-il, notamment aux périodes de crise? Parce que l'homme aimerait bien tout contrôler. Mais si c'est une hypothèse envisageable dans un avenir lointaine, par contre, ce ne pourra se faire de la manière dont le complotisme l'envisage, c'est-à-dire par la seule volonté.

lundi 4 juin 2018

La conscientisation

Nous ne parvenons pas à nommer le comportement pourtant évident selon lequel nous ne sommes pas mus par la raison pour une bonne part de nos comportements. La psychanalyse prétend nommer sous le terme d’inconscient ce comportement. Mais elle en reste à du négatif (in-conscient), sans parvenir à nommer positivement ce que recouvre le terme d'inconscient. 
En outre, il ne connote pas une faculté, plutôt la description négative d'un état qui est la réunion de toutes les facultés s'opposant à la conscience. Ce que nous nommons raison est conscient. Descartes et à sa suite un Sartre décident que la raison peut s’emparer de n'importe quel sujet qui a affecté la conscience et le rendre conscient.
Pourtant, contre cet élan de rationalisme que nous aimerions être vrai, car il indiquerait que la raison est capable de gouverner la plupart de nos comportements, mais qui se montre faux, il faut bien admettre que la raison n'est capable de se montrer active que dans les cas qui sont considérés comme préalablement acceptables par nos émotions. Autrement dit, notre système affectif précède notre activité rationnelle, au point qu’elle l'influence, ce que Spinoza reconnaît, en décrétant que le désir précède la raison, mais Spinoza reste rationaliste en estimant que l'on peut rendre conscients la plupart de nos désirs, ou rationaliser nos désirs, en trouvant leurs causes fondamentales - au fond, Freud fait preuve du même optimisme métaphysique  par sa méthode psychanalytique en estimant que l'analyse est la bonne méthode pour parvenir à cet objectif. Comment faire pour que l'on ait conscience de la plupart de nos actions? A condition que cette exigence soit causaliste, c'est-à-dire qu'elle estime, ainsi que le font Descartes et Spinoza malgré leurs divergences par la suite, qu'il faut prendre connaissance de la cause pour se montrer conscient.
Or qu'est-ce qui indique qu'il faut être conscient de la cause pour être conscient? Imaginons par exemple que ce qui compte, ce n'est pas d'avoir connaissance de la cause, mais des effets. Dans ce cas, la connaissance de la cause importe seulement dans la mesure où elle peut permettre de produire une connaissance plus sûre, mais c'est une connaissance de type scientifique. Dès lors, ce constat portant sur le caractère arbitraire du causalisme indique que le causalisme se cantonne à des limites scientifiques. Donc il se montre limité, ce qui en dit long sur la nature du diagnostic qu'il porte sur l'inconscient, en l'ajustant seulement à ce que la raison peut en comprendre. 
Il convient de trouver une autre faculté que la raison si on veut échapper aux limites de l'inconscient et s'approprier notre conduite. Mais on ne pourra jamais s'approprier notre conduite au sens où cela impliquerait de tout connaître et de tout maîtriser, un fantasme rationaliste que même les rationalistes les plus fervents évitent de proférer. On sait que le mimétisme désigne cette faculté que l'on nomme l'inconscient, parce qu'elle n'est pas accessible à la raison, ce qu’on peut expliquer par le fait que la raison se déploie de manière individuelle, quand le mimétisme relève d'un fonctionnement découlant du réel, donc qui traverse les individus sans qu'ils s'en rendent compte - raison pour laquelle le mimétisme est réputé à juste titre comme inconscient. La seule chose qu'on peut proposer est que l'homme accroisse ses actions de créativité, de telle sorte qu’il puisse rendre conscient par la création dont il accouche le maximum de ce dont il est capable.