La tactique du propagandiste part du constat (contestable) selon lequel tout domaine est constitué de morcelé et de conflictuel, tout en y décelant au fondement l'antagonisme irréconciliable. La perversion du Bien/Mal offre la formulation simpliste à cet agencement contradictoire. Au départ, ces deux notions ne sont pas antithétiques, au sens où le Mal se trouve englobé dans le Bien (le Bien = le Beau = le Vrai = l'Etre). La réduction de type immanente du Bien au même modèle que le Mal crée un système d'antagonisme, qui évoque la théorie (fragmentée et ténébreuse) d'Héraclite, selon lequel le monde perdurerait grâce à la tension indéfinie entre les contraires.
Dans notre époque contemporaine, le théoricien du IIIème Reich Carl Schmitt expliquera que le fondement de toute politique consiste à énoncer comme fin un principe ennemi. C'est une radicalisation politique de la théorie philosophique, au sens où la politique est une théorie qui s'applique au domaine humain, avec toute la difficulté qu'il y a à passer du réel au monde de l'homme. La contradiction crée un monde d'équivalences, dans lequel il n'est pas possible de sortir du domaine stable.
Outre que la contradiction ne peut être surmontée, le raisonnement d'Héraclite ne tient pas : si l'ordre était tenait sa stabilité de la contradiction initiale, outre que cette théorie n'explique nullement comment l'ordre découle de la contradiction, on voit mal en quoi les contradictions produiraient de l'équilibre et de la stabilité, non de la destruction et de l'autodestruction. Un tel raisonnement impliquerait que la contradiction engendre la non-contradiction, sans pour autant qu'on décèle le lien entre ces deux états.
Sans doute est-ce la raison pour laquelle Aristote pense tenir le lien avec le multiple, en reliant de la sorte l'être et le non-être. Mais cette argutie n'explique pas davantage pourquoi l'un dépendrait de l'autre - elle ne fait que reculer l'échéance explicative. Cette perversion d'un discours à la fois viable et insuffisant, celui de la théorie ontologique, est fondée dans l'ordre du discours propagandiste, centré autour du domaine politique, la propagande n'intéressant jamais que le monde de l'homme, avec la subversion du Bien et du Mal. L'antagonisme ainsi produit réduit les deux principes à des ersatz, tout en donnant l'impression que le propagandiste se situe dans le même ordre de valeur et de hiérarchie que le moraliste classique.
L'entourloupe fonctionne d'autant mieux que le propagandiste assoit ces équivalences biscornues par la restauration de la morale du plus fort, avec des résultats effectifs. On comprend pourquoi Platon l'a tant combattue dans le camp des ontologues (dont il est le plus illustre représentant) : la rhétorique du propagandiste superpose au discours moral le discours oligarchique, selon lequel le Bien = le plus fort, et le Mal = le plus faible. Les vertus guerrières ne sont jamais bien loin et se trouvent légitimées par le prolongement de la contradiction en affrontement. A ceci près que la guerre n'est pas la continuation de la paix, mais de la contradiction, la paix étant un idéal au sens d'illusion.
La loi du plus fort ne peut mener qu'à la guerre. La guerre est le moyen de surmonter la contradiction par le désordre provisoire et la succession d'un nouvel ordre, tout aussi provisoire, et situé sur le même plan. Dans ce schéma, on en reste au même plan. L'instabilité et la stabilité sont des successions entrecoupées de guerres et de chaos. Le propagandiste qui défend le plus fort croit que le plus fort est le Bien, au sens où il ne voit pas que son idéal du plus fort mène vers le chaos. Il est dans l'illusion que le plus fort instaure un ordre, violent mais pérenne, qui est l'ordre nécessaire. Le meilleur des ordres est aussi le seul : c'est en ce sens qu'il est légitime de défendre le droit du plus fort.
Quand Nietzsche soutient le plus fort au sens où les artistes créeraient leurs propres valeurs, il réhabilite l'indéfinition irrationaliste en croyant avoir proposé enfin une définition valable. Le propre du droit du plus fort, c'est qu'il promeut la destruction, quelle que soit la déclinaison dont il se réclame. Dans ce jeu de dupes, le thuriféraire du plus fort poursuit un but d'autodestruction dont il n'a pas conscience et qui se distingue du but qu'il entend poursuivre : le but effectif revient à l'autodestruction, quand le fantasmé croit dans la possibilité de la domination. Il est normal que le plus fort se trompe, car la domination repose sur l'illusion du fini.
Se tromper signifie que l'on ne perçoive du réel qu'une partie - non que l'on perçoit mal le réel, que ce soit en partie ou dans son ensemble. L'illusion revient à la réduction. La réduction au fini, qui est le schéma aristotélicien par excellence (suite auquel la philosophie, largement sous obédience métaphysique, décrétera qu'il n'y a rien à dire du non-être, ce qui ne veut pas dire que le non-être n'existe pas au sens de l'illusion, mais qu'il n'existe pas dans son sens nihiliste et littéral), implique le schéma antagoniste. D'une part, il est intéressant que des théoriciens profonds et violents comme Schmitt défendent cette vision originelle, car ils étudient le fond du problème politique et touchent de la sorte au problème théorique le plus général du réel.
D'autre part, le propagandiste est la figure obligée de l'intellectuel en régime oligarchique (expression du plus fort). Un BHL en ce moment exprime de manière emblématique les dérives du propagandiste : le positionnement du plus fort étant en train de tourner, ses mensonges se révèlent de plus en plus criants. Mais ses erreurs vérifiables par le passé s'expliquent du fait que la loi du plus fort n'est pas une théorie juste, au sens où elle interdit la pérennité des principes qu'elle promeut. La domination n'est possible que dans l'instant.
Le propre du discours propagandiste est d'oublier qu'existe une extériorité au monde de l'homme. Le propagandiste fait comme si l'homme maîtrisait son monde et que les plus forts pouvaient décider du Bien (le bien = la force, au demeurant indéfinissable). Comme le monde est extérieur à ce discours monolithique, totalisant et totalitaire, comme le monolithisme oublie l'hétérogénéité du malléable, cette partie non reconnue est obligée, au nom du lien et de l'unité entre toutes les parties du réel, de détruire la partie qui prétend à la totalité - et qui a fait sécession.
C'est en quoi le discours du plus fort est si dangereux : l'antagonisme qu'il instille entre le bien et le mal, se situant à l'intérieur du monde de l'homme, ne fait que rédupliquer l'antagonisme qu'il a créé entre le monde de l'homme et l'extérieur hétérogène du réel. Selon le critère de la domination, le propagandiste promeut la domination effective. Et il vérifie son assertion par le résultat immédiat. L'idée de résultat, de performance, et autres critères testés dans la gestion humaine libérale, ne valent que dans le court terme.
Sur le plus long terme, le réel fonctionne par disjonction et les effets ne peuvent produire des résultats sur le mode linéaire et prévisible. L'erreur du propagandiste consiste à adhérer à la linéarité, soit à croire qu'il peut prévoir et pérenniser sa domination. Son erreur est de vérifier sur le court terme linéaire, sans se rendre compte que la disjonction s'opère par la suite. Le propagandiste se croit habile, tandis qu'il est illusionné.
Il a combattu pour se situer dans le camp des plus forts, et il se flatte d'avoir si bien choisi. Pis, il a travaillé d'arrache-pied pour acquérir sa puissance académique : le recrutement des plus forts sur le plan intellectuel s'opère selon les termes de la domination. Il assoit sa légitimation sur ce genre de considérations, ses diplômes, son mérite... BHL est normalien de la rue d'Ulm, agrégé de philosophie, multimillionnaire, jouant sa partition, coincé entre les médias et le CAC 40. Il est normal qu'avec ce type de parcours, obnubilé par le succès et les titres, notre mondain se revendique sioniste inconditionnel au service de toutes les causes de l'OTAN.
Au final, l'erreur du propagandiste lui vient de prolonger la loi de l'éphémère (qui validerait le plus fort) comme loi du réel, et de tenir le réel pour le domaine du temps linéaire. L'erreur du propagandiste (la politique de l'antagonisme) est plus sophistiquée que celle de l'agent mimétique littéral (agir à l'encontre de ses intérêts), mais elle repose sur le même mécanisme. Le mimétisme est linéaire et ne peut s'élaborer que selon la loi du domaine. Il ne peut tenir compte de la disjonction ou de la malléabilité du réel. Il en résulte que toute imitation appauvrit le réel, du fait de sa réduction, non de sa singularité.
Dans notre époque contemporaine, le théoricien du IIIème Reich Carl Schmitt expliquera que le fondement de toute politique consiste à énoncer comme fin un principe ennemi. C'est une radicalisation politique de la théorie philosophique, au sens où la politique est une théorie qui s'applique au domaine humain, avec toute la difficulté qu'il y a à passer du réel au monde de l'homme. La contradiction crée un monde d'équivalences, dans lequel il n'est pas possible de sortir du domaine stable.
Outre que la contradiction ne peut être surmontée, le raisonnement d'Héraclite ne tient pas : si l'ordre était tenait sa stabilité de la contradiction initiale, outre que cette théorie n'explique nullement comment l'ordre découle de la contradiction, on voit mal en quoi les contradictions produiraient de l'équilibre et de la stabilité, non de la destruction et de l'autodestruction. Un tel raisonnement impliquerait que la contradiction engendre la non-contradiction, sans pour autant qu'on décèle le lien entre ces deux états.
Sans doute est-ce la raison pour laquelle Aristote pense tenir le lien avec le multiple, en reliant de la sorte l'être et le non-être. Mais cette argutie n'explique pas davantage pourquoi l'un dépendrait de l'autre - elle ne fait que reculer l'échéance explicative. Cette perversion d'un discours à la fois viable et insuffisant, celui de la théorie ontologique, est fondée dans l'ordre du discours propagandiste, centré autour du domaine politique, la propagande n'intéressant jamais que le monde de l'homme, avec la subversion du Bien et du Mal. L'antagonisme ainsi produit réduit les deux principes à des ersatz, tout en donnant l'impression que le propagandiste se situe dans le même ordre de valeur et de hiérarchie que le moraliste classique.
L'entourloupe fonctionne d'autant mieux que le propagandiste assoit ces équivalences biscornues par la restauration de la morale du plus fort, avec des résultats effectifs. On comprend pourquoi Platon l'a tant combattue dans le camp des ontologues (dont il est le plus illustre représentant) : la rhétorique du propagandiste superpose au discours moral le discours oligarchique, selon lequel le Bien = le plus fort, et le Mal = le plus faible. Les vertus guerrières ne sont jamais bien loin et se trouvent légitimées par le prolongement de la contradiction en affrontement. A ceci près que la guerre n'est pas la continuation de la paix, mais de la contradiction, la paix étant un idéal au sens d'illusion.
La loi du plus fort ne peut mener qu'à la guerre. La guerre est le moyen de surmonter la contradiction par le désordre provisoire et la succession d'un nouvel ordre, tout aussi provisoire, et situé sur le même plan. Dans ce schéma, on en reste au même plan. L'instabilité et la stabilité sont des successions entrecoupées de guerres et de chaos. Le propagandiste qui défend le plus fort croit que le plus fort est le Bien, au sens où il ne voit pas que son idéal du plus fort mène vers le chaos. Il est dans l'illusion que le plus fort instaure un ordre, violent mais pérenne, qui est l'ordre nécessaire. Le meilleur des ordres est aussi le seul : c'est en ce sens qu'il est légitime de défendre le droit du plus fort.
Quand Nietzsche soutient le plus fort au sens où les artistes créeraient leurs propres valeurs, il réhabilite l'indéfinition irrationaliste en croyant avoir proposé enfin une définition valable. Le propre du droit du plus fort, c'est qu'il promeut la destruction, quelle que soit la déclinaison dont il se réclame. Dans ce jeu de dupes, le thuriféraire du plus fort poursuit un but d'autodestruction dont il n'a pas conscience et qui se distingue du but qu'il entend poursuivre : le but effectif revient à l'autodestruction, quand le fantasmé croit dans la possibilité de la domination. Il est normal que le plus fort se trompe, car la domination repose sur l'illusion du fini.
Se tromper signifie que l'on ne perçoive du réel qu'une partie - non que l'on perçoit mal le réel, que ce soit en partie ou dans son ensemble. L'illusion revient à la réduction. La réduction au fini, qui est le schéma aristotélicien par excellence (suite auquel la philosophie, largement sous obédience métaphysique, décrétera qu'il n'y a rien à dire du non-être, ce qui ne veut pas dire que le non-être n'existe pas au sens de l'illusion, mais qu'il n'existe pas dans son sens nihiliste et littéral), implique le schéma antagoniste. D'une part, il est intéressant que des théoriciens profonds et violents comme Schmitt défendent cette vision originelle, car ils étudient le fond du problème politique et touchent de la sorte au problème théorique le plus général du réel.
D'autre part, le propagandiste est la figure obligée de l'intellectuel en régime oligarchique (expression du plus fort). Un BHL en ce moment exprime de manière emblématique les dérives du propagandiste : le positionnement du plus fort étant en train de tourner, ses mensonges se révèlent de plus en plus criants. Mais ses erreurs vérifiables par le passé s'expliquent du fait que la loi du plus fort n'est pas une théorie juste, au sens où elle interdit la pérennité des principes qu'elle promeut. La domination n'est possible que dans l'instant.
Le propre du discours propagandiste est d'oublier qu'existe une extériorité au monde de l'homme. Le propagandiste fait comme si l'homme maîtrisait son monde et que les plus forts pouvaient décider du Bien (le bien = la force, au demeurant indéfinissable). Comme le monde est extérieur à ce discours monolithique, totalisant et totalitaire, comme le monolithisme oublie l'hétérogénéité du malléable, cette partie non reconnue est obligée, au nom du lien et de l'unité entre toutes les parties du réel, de détruire la partie qui prétend à la totalité - et qui a fait sécession.
C'est en quoi le discours du plus fort est si dangereux : l'antagonisme qu'il instille entre le bien et le mal, se situant à l'intérieur du monde de l'homme, ne fait que rédupliquer l'antagonisme qu'il a créé entre le monde de l'homme et l'extérieur hétérogène du réel. Selon le critère de la domination, le propagandiste promeut la domination effective. Et il vérifie son assertion par le résultat immédiat. L'idée de résultat, de performance, et autres critères testés dans la gestion humaine libérale, ne valent que dans le court terme.
Sur le plus long terme, le réel fonctionne par disjonction et les effets ne peuvent produire des résultats sur le mode linéaire et prévisible. L'erreur du propagandiste consiste à adhérer à la linéarité, soit à croire qu'il peut prévoir et pérenniser sa domination. Son erreur est de vérifier sur le court terme linéaire, sans se rendre compte que la disjonction s'opère par la suite. Le propagandiste se croit habile, tandis qu'il est illusionné.
Il a combattu pour se situer dans le camp des plus forts, et il se flatte d'avoir si bien choisi. Pis, il a travaillé d'arrache-pied pour acquérir sa puissance académique : le recrutement des plus forts sur le plan intellectuel s'opère selon les termes de la domination. Il assoit sa légitimation sur ce genre de considérations, ses diplômes, son mérite... BHL est normalien de la rue d'Ulm, agrégé de philosophie, multimillionnaire, jouant sa partition, coincé entre les médias et le CAC 40. Il est normal qu'avec ce type de parcours, obnubilé par le succès et les titres, notre mondain se revendique sioniste inconditionnel au service de toutes les causes de l'OTAN.
Au final, l'erreur du propagandiste lui vient de prolonger la loi de l'éphémère (qui validerait le plus fort) comme loi du réel, et de tenir le réel pour le domaine du temps linéaire. L'erreur du propagandiste (la politique de l'antagonisme) est plus sophistiquée que celle de l'agent mimétique littéral (agir à l'encontre de ses intérêts), mais elle repose sur le même mécanisme. Le mimétisme est linéaire et ne peut s'élaborer que selon la loi du domaine. Il ne peut tenir compte de la disjonction ou de la malléabilité du réel. Il en résulte que toute imitation appauvrit le réel, du fait de sa réduction, non de sa singularité.