Montaigne, dans l'Apologie de Sebond, déclare que "dire : "Il fait beau" ou dire : "Je mens" ne sont pas des propositions de même signification, car l'un répercute un fait positif, tandis que l'autre évalue, en considérant que le jugement est de type négatif. Le jugement n'est pas un fait. Donc : si le fait peut à bon droit prétendre relever de l'être, le jugement n'en est pas. Il exprime une autre réalité. Laquelle?
Ce constat est renforcé par la possibilité que l'évaluation soit négative. Un fait ne peut être négatif. Si l'on dit ainsi : "Il ne fait pas beau", un jugement est associé à la négation. Dire quelque chose de négatif, ce n'est pas ajouter quelque chose au positif implicitement affirmé. Il y aurait même hiatus entre les deux notions. On n'accède pas au positif à partir du négatif, par exemple par élimination, comme c'est le cas chez Descartes (ce qui signifie que le négatif cartésien n'en est pas vraiment, contenant en lui une positivité masquée).
Le fait est, dans la mentalité ontologique qui affirme qu'il n'est que de l'être, qu'il existe du négatif qui n'est pas réductible à du positif (cette dernière catégorie de négatif montre seulement que l'on veut isoler un positif qui est la vérité, tandis que ce qu'on prend fallacieusement pour du positif s'avère à y bien regarder moins vrai, ou faux; mais cette reconnaissance implicite, comme c'est le cas chez Descartes, s'avère intenable, car elle rétablit le négatif comme une catégorie qui ne peut être existante sans être incohérente; mais qui ne peut pour autant s'en tenir à la solution de Descartes de le cantonner dans la sphère seule du langage, comme s'il était possible de dissocier langage et réel).
Qu'une partie du langage répercute l'existence de quelque chose qui n'est pas de l'être à côté de l'être explique qu'on ait traité avec un malaise palpable ces sujets qu'on ne parvenait ni à expliquer, ni à définir. Soit on a convenu qu'il s'agissait d’Être, mais d'une catégorie étrange, étant indéfinissable, puisque inexplicable et incompréhensible; soit on a refusé d’expliquer le négatif, moins par paresse que par gêne.
On en voit une application moderne dans le cartésianisme, qui ne craint pas la contradiction quand il affirme que Dieu est tout-puissant, quoique le néant existe à côté. L'explication que propose Descartes se révèle un peu légère : les agissements de Dieu étant trop transcendants à notre raison, ils sont inexplicables; en conséquence, cette coexistence n'est contradictoire qu'à notre niveau limité, mais Dieu sait y pourvoir. Si le néant fait seulement partie du langage, c'est ainsi pour mieux donner des raisons, à défaut d'expliquer, de cette situation inexplicable, mais ce n'est pas grave, car elle se trouve confiée aveuglément à Dieu.
Ce néant d'un point de vue rigoureux signale simplement ce que la plupart ne veulent pas voir, prisonniers qu'ils sont du mythe de l'être (ainsi d'Aristote) : qu'il existe dans le réel (entendu comme l'ensemble de ce qui est au-delà de l'être, y compris des limites de formulation inhérentes au langage) quelque chose qui n'est pas de l'être, alors qu'on entend précisément que l'être constitue l'ensemble des choses physiques (l'être) ou transcendantes (l’Être). Quand on estime qu'existe seulement de l'être, on admet le non-être, comme chez Aristote, ce qu'on ne dit jamais en étudiant ce philosophe cardinal, parce que ce serait reconnaître que l'histoire de la philosophie, en n'étudiant que ce qu'elle pouvait étudier, est passé à côté de l'essentiel de sa tâche : expliquer l'être à partir du mystère de ce qu'on nomme en langage d'être : "ce qui n'en est pas".
Dans les autres cas, les philosophes qui admettent le non-être (ou le néant) pour estimer que c'est une catégorie dont on ne peut rien dire font de la frime (ainsi de Descartes, ce qui permet de se rendre compte que Descartes sur l'essentiel se montre plus aristotélicien que platonicien). Leur but n'est pas tant de se poser la question de la texture du réel que d'éliminer ce qui selon eux n'est pas de l'être. Au lieu de se demander pourquoi il existe du faux, ils s'en servent comme d'un moyen inavouable qu'on ne peut interroger, mais qui permet de déterminer ce qui est réel à partir de ce qui ne l'est pas.
Ce qui compte alors, c'est d'exprimer une hiérarchie dans le réel entre ce qui est vraiment de l'être, et ce qui l'est moins (l'être intérieur est ainsi le véritable être, relié à l’Être des êtres, Dieu, tandis que le réel au sens littéral est de l'être certes, mais dévalorisé).
Au lieu de se demander ce qu'est le réel dans son intégralité, on décide que ce qui compte, c'est que l'on identifie le vrai réel. Cette démarche aboutit à l'égarement épistémologique sous prétexte de chercher un autre problème que la question ontologique. Non plus ce qu'est l'être, ce qui implique de prendre en charge la question de l'ensemble, qui est la plus épineuse des questions (puisque s'il existe un extérieur à l'ensemble, alors cet ensemble s'avère insuffisant - d'où la question : faut-il concevoir l'ensemble en termes de tout?); mais tenir compte du fait qu'on n'arrive pas à répondre à cette question, et dès lors décréter qu'il convient de déplacer le problème, au lieu de l'affronter.
Cette démarche est typique d'Aristote pour que la philosophie soit un exercice point trop complexe : ne s’occuper que d'être fini, le restant étant vaguement rejeté comme du non-être, qui n'est pas connaissable (puisqu'il est relié à l'être sous une forme inconnue, quoique multiple). Bientôt, on n'en parle plus.
Descartes va plus loin : la faiblesse fondamentale de la métaphysique 1 était de ne pas avoir d'assises solides (étant entendu que le Premier Moteur relevait de l'incohérence caractérisée). Descartes s'attache à édicter les fondations de l'être. Il propose Dieu, mais son Dieu est particulier, puisqu'il possède des caractéristiques irrationalistes (ou arationalistes?), capables de conjuguer l'infini avec le néant. Il faudrait savoir : si Dieu est infini, il ne peut supporter la moindre coexistence; s'il existe à côté du néant, il n'est pas infini.
Conclusion : cette conception du faux sert dès lors plus à bloquer la vérité au niveau d'un certain modèle clair, mais faux, qu'à la chercher.
Le fait est, dans la mentalité ontologique qui affirme qu'il n'est que de l'être, qu'il existe du négatif qui n'est pas réductible à du positif (cette dernière catégorie de négatif montre seulement que l'on veut isoler un positif qui est la vérité, tandis que ce qu'on prend fallacieusement pour du positif s'avère à y bien regarder moins vrai, ou faux; mais cette reconnaissance implicite, comme c'est le cas chez Descartes, s'avère intenable, car elle rétablit le négatif comme une catégorie qui ne peut être existante sans être incohérente; mais qui ne peut pour autant s'en tenir à la solution de Descartes de le cantonner dans la sphère seule du langage, comme s'il était possible de dissocier langage et réel).
Qu'une partie du langage répercute l'existence de quelque chose qui n'est pas de l'être à côté de l'être explique qu'on ait traité avec un malaise palpable ces sujets qu'on ne parvenait ni à expliquer, ni à définir. Soit on a convenu qu'il s'agissait d’Être, mais d'une catégorie étrange, étant indéfinissable, puisque inexplicable et incompréhensible; soit on a refusé d’expliquer le négatif, moins par paresse que par gêne.
On en voit une application moderne dans le cartésianisme, qui ne craint pas la contradiction quand il affirme que Dieu est tout-puissant, quoique le néant existe à côté. L'explication que propose Descartes se révèle un peu légère : les agissements de Dieu étant trop transcendants à notre raison, ils sont inexplicables; en conséquence, cette coexistence n'est contradictoire qu'à notre niveau limité, mais Dieu sait y pourvoir. Si le néant fait seulement partie du langage, c'est ainsi pour mieux donner des raisons, à défaut d'expliquer, de cette situation inexplicable, mais ce n'est pas grave, car elle se trouve confiée aveuglément à Dieu.
Ce néant d'un point de vue rigoureux signale simplement ce que la plupart ne veulent pas voir, prisonniers qu'ils sont du mythe de l'être (ainsi d'Aristote) : qu'il existe dans le réel (entendu comme l'ensemble de ce qui est au-delà de l'être, y compris des limites de formulation inhérentes au langage) quelque chose qui n'est pas de l'être, alors qu'on entend précisément que l'être constitue l'ensemble des choses physiques (l'être) ou transcendantes (l’Être). Quand on estime qu'existe seulement de l'être, on admet le non-être, comme chez Aristote, ce qu'on ne dit jamais en étudiant ce philosophe cardinal, parce que ce serait reconnaître que l'histoire de la philosophie, en n'étudiant que ce qu'elle pouvait étudier, est passé à côté de l'essentiel de sa tâche : expliquer l'être à partir du mystère de ce qu'on nomme en langage d'être : "ce qui n'en est pas".
Dans les autres cas, les philosophes qui admettent le non-être (ou le néant) pour estimer que c'est une catégorie dont on ne peut rien dire font de la frime (ainsi de Descartes, ce qui permet de se rendre compte que Descartes sur l'essentiel se montre plus aristotélicien que platonicien). Leur but n'est pas tant de se poser la question de la texture du réel que d'éliminer ce qui selon eux n'est pas de l'être. Au lieu de se demander pourquoi il existe du faux, ils s'en servent comme d'un moyen inavouable qu'on ne peut interroger, mais qui permet de déterminer ce qui est réel à partir de ce qui ne l'est pas.
Ce qui compte alors, c'est d'exprimer une hiérarchie dans le réel entre ce qui est vraiment de l'être, et ce qui l'est moins (l'être intérieur est ainsi le véritable être, relié à l’Être des êtres, Dieu, tandis que le réel au sens littéral est de l'être certes, mais dévalorisé).
Au lieu de se demander ce qu'est le réel dans son intégralité, on décide que ce qui compte, c'est que l'on identifie le vrai réel. Cette démarche aboutit à l'égarement épistémologique sous prétexte de chercher un autre problème que la question ontologique. Non plus ce qu'est l'être, ce qui implique de prendre en charge la question de l'ensemble, qui est la plus épineuse des questions (puisque s'il existe un extérieur à l'ensemble, alors cet ensemble s'avère insuffisant - d'où la question : faut-il concevoir l'ensemble en termes de tout?); mais tenir compte du fait qu'on n'arrive pas à répondre à cette question, et dès lors décréter qu'il convient de déplacer le problème, au lieu de l'affronter.
Cette démarche est typique d'Aristote pour que la philosophie soit un exercice point trop complexe : ne s’occuper que d'être fini, le restant étant vaguement rejeté comme du non-être, qui n'est pas connaissable (puisqu'il est relié à l'être sous une forme inconnue, quoique multiple). Bientôt, on n'en parle plus.
Descartes va plus loin : la faiblesse fondamentale de la métaphysique 1 était de ne pas avoir d'assises solides (étant entendu que le Premier Moteur relevait de l'incohérence caractérisée). Descartes s'attache à édicter les fondations de l'être. Il propose Dieu, mais son Dieu est particulier, puisqu'il possède des caractéristiques irrationalistes (ou arationalistes?), capables de conjuguer l'infini avec le néant. Il faudrait savoir : si Dieu est infini, il ne peut supporter la moindre coexistence; s'il existe à côté du néant, il n'est pas infini.
Conclusion : cette conception du faux sert dès lors plus à bloquer la vérité au niveau d'un certain modèle clair, mais faux, qu'à la chercher.