dimanche 20 avril 2014

Le silence de Descartes

Qu’est-ce qu’un métaphysicien? Quelqu’un qui commence par expliquer qu’il y a l’être et le non-être; mais que, comme il n’y a rien à dire du non-être, on ne peut que s’attacher à connaître et comprendre l’être. C’est la déclarait liminaire qu’entreprend Aristote. Et puis, il passe à son ambition d’achever le savoir.
Quand Descartes survient pour rénover la métaphysique, il accroît la tendance. Il n’y a vraiment rien à raconter sur le non-être, au point qu’il se trouve relégué dans la sphère du dire, qui du coup serait déconnectée, au moins pour ce thème, de l’être.
Descartes ne parvient à se passer du non-être, mais il le situe dans une frange qui est étrangère à l’être selon lui (une distinction pour le moins contestable) : le dire. L’être qu’il obtient est l'être le plus pur qu’on a recherché depuis les débuts de la philosophie (à ne pas confondre avec la pensée, elle connexe de l’avèrent de l’homme).
Descartes estime ainsi qu’en rejetant le non-être, Aristote n’a pas réussi à isoler assez l’être. Ce qu’il faut en outre, c’est hiérarchiser l’être. De ce fait, Descartes va introduire dans la métaphysique la norme de Dieu. Bien entendu, ce n’est pas lui qui lance la mode de la conciliation entre métaphysique et christianisme, ni de la scolastique; mais il introduit la métaphysique dans le processus de renaissance de la science, en entendant édicter la science des sciences.
Il ne l’adosse pas sur la révélation, mais sur la hiérarchisation rationnelle de l’être. Descartes reconnaît que l’être n’est pas le réel, puisqu’il admet qu’il y a dans le langage du non-être, au point que l’homme se tient entre Dieu et le néant. Ce faisant, il reconnaît même que le néant n’est pas que dit, sans quoi il n’aurait pas une telle influence dans le champ de l’être, au point que l’homme soit composé de perfection et d’imperfection.
L’être n’est pas perfection, puisque l’imperfection est de l’être. Mais la hiérarchisation de l’être implique qu’il existe de l’être parfait et qu’il faille tendre vers cette perfection. Il convient de ne garder de l’homme composite que ce qui tend vers la perfection. C’est le cogito. Le restant n’est pas nié, mais lui est inférieur. 
Avant d’examiner ce que c’est que le néant à côté de la perfection, commençons par voir ce qu’est la perfection : est parfait ce qui n’est pas soumis à l’expérience. Donc : ce qui n’est pas observable par les sens, ni connaissable de manière scientifique. Descartes restaure la métaphysique comme supérieure à la science : au sens où la méthode scientifique ne peut permettre de connaître le domaine de l’infini qui n’est accessible que par l’examen de la raison.
Chez Descartes, le rationalisme est triomphant, au sens où ce qu'il recherche n’est pas de réconcilier le cogito avec l’extérieur, mais de le définir comme l’espace de la bonne philosophie - la nouvelle métaphysique qu’il instaure. On s’étonne que Descartes ne se préoccupe guère de réconcilier la métaphysique et la physique (les sciences). 
Mais c’est que ce n’est pas son dessein, et qu’il ne veut bien l’envisager, dans son dernier livre, que sous le prisme de la métaphysique. A partir du moment où la métaphysique est supérieure à la physique, toute connaissance scientifique est aussi précise qu’inférieure. 
En s’ébattant dans la métaphysique, Descartes pense avoir trouvé un domaine qui est supérieur en ce qu’il ne change pas. La réconciliation entre le physique et métaphysique n’est pas son but premier. Ce qu’il cherche plutôt, c’est à analyser les relations entre ce qui tend vers le parfait et son extérieur imparfait.
La grande question de Descartes n’est pas de réconcilier science et philosophie, mais de voir comment la métaphysique s’articule avec la connaissance scientifique. Autant dire : comment le cogito peut avoir besoin de connaître l’extérieur imparfait, s’il est parfait. La réponse est : le parfait peut s’intéresser aux échelons moins parfaits, qui relèvent de l’être, mais qui auraient pu se révéler irréconciliables avec le parfait.
L’homme, qui se tient entre Dieu et le néant, connaît le parfait de manière totale dès qu’il l’identifie par sa raison. Descartes estime avoir découvert cette vérité évidente, quoique inaperçue, par le cogito. Il s’échine à expliquer comment s’unir avec le parfait, et montre que, dès que l’homme doué de raison a identifié le cogito, il connaît de manière évidente et totale le parfait.
La connaissance du parfait est supérieure à la forme de connaissance scientifique, qui s’attache à découvrir l’imparfait. Raison pour laquelle Descartes n’a pas essayé de réconcilier la métaphysique avec la physique. Raison aussi pour laquelle il estime que les découvertes scientifiques, auxquelles il s’est tant astreint, n’ont pas besoin d’être vraies, du moment que la connaissance parfaite existe.
Si Descartes a réussi à définir la connaissance parfaite, cette dernière s’avère plus importante (capitale) pour l’homme que la connaissance imparfaite. La connaissance parfaite peut s’acquérir d’un coup, du moment qu’on l’a identifiée et qu’on fait montre de la bonne méthode; tandis que la connaissance imparfaite est ardue à connaître, parce qu’elle est rationnellement imparfaite (mélange entre raison et sens).
Le parfait ne nécessite pas d’effort ardu. La foi s’attache à connaître Dieu et ne nécessite pas d’autre effort que l’adhésion par la croyance. La métaphysique se distingue de la foi en ce qu’elle s’applique par l’effort de la raison à distinguer ce qui dans l’homme relève de la perfection.
C’est en ce sens que Descartes déclare que le bon sens est la chose du monde la mieux partagée : tout homme détient la faculté de connaître le parfait, comme tout homme peut croire en Dieu. Descartes attache la première importance à cette universalité de la raison. L’effort n’est pas dévalorisé, mais il ne peut survenir que quand le parfait s’applique à connaître l’imparfait.
Descartes accorde beaucoup de valeur à cet effort, en ce qu’il signe la possibilité d’améliorer l’imparfait; mais il sait aussi que l’effort est au service du parfait et que son action est métaphysique en ce qu’elle aura consisté à associer la raison à la foi : grâce à Descartes, l’effet rationnel se tient au service de la vérité selon laquelle la raison peut analyser l’infini, via le cogito. 
Descartes ne remet pas en question la foi. Il montre que la raison en est le fidèle allié. Du coup, la métaphysique est importante, car sans elle, la foi reste un pur objet qui permet de connaître Dieu, tandis qu’avec son adjonction, la foi peut être analysée par l’homme. La métaphysique trouve sa place dans la seule religion qui vaille selon Descartes : le christianisme (que Descartes entend comme le catholicisme).
Descartes estime ainsi avoir contribué à résoudre les insuffisances de la métaphysique 1 : 
1) elle doit être au service de la révélation et de la foi;
2) elle ne peut être achevée, au sens où elle se trouve reliée à l’infini et ne peut résoudre l’infini.
Descartes a dû être frappé par la disgrâce de la métaphysique. Comment une autorité comme Aristote a pu se trouver discréditée de la sorte et commettre de tettes erreurs si son approche est la bonne? C’est que sa principale erreur est d’avoir détaché le fini de l’infini, en niant l’infini et en le remplaçant par le néant. Tout l’effort de Descartes est de réconcilier la métaphysique avec l’infini.
C’est la raison pour laquelle il accorde au néant ce statut si particulier : le néant ne peut avoir un rôle effectif dans le réel si ce qui manque à côté du fini est l’infini; et si l’infini est tout-puissant au point qu’il peut changer le cours physique - des choses finies. D’un point de vue scientifique, Descartes pense avoir trouvé la parade au cuisant démenti qu’apporte la science expérimentale aux résultats physiques auxquels il parvient, avec une confiance aveuglée et démesurée dans la possibilité de clore le savoir en une existence.
Grâce à cette possibilité de l’infini de changer le cours des choses, le savoir physique ne peut qu’être imparfait, aussi rigoureux soit-il. Descartes rend la métaphysique indépendante des critères de vérité et de vérification de la science expérimentale. C’est ce qu’il voulait et c’est ce qui permet à la métaphysique de continuer son existence à côté de la religion : loin de lui procurer une indépendance, Descartes trouve que la métaphysique est complémentaire de la religion.
Quand il projette d’arrêter d’écrire, lassé par le manque de considération dont il jouit, selon lui, et des attaques de certains, qui le rendent amer et lui donnent le sentiment d’être incompris, ce n’est pas parce qu’il estime qu’il s’est trompé dans ces écrits, mais qu’il a achevé son entreprise de définition de la métaphysique moderne.
Descartes estime ses ouvrages de science, mais il en abandonne plusieurs, conséquents, pour ne pas avoir de problèmes. Il ne se sent pas dérangé par cet arrêt, alors qu'il a cherché avec acharnement à publier ses ouvrages de métaphysique et que l'amertume le ronge à la fin de sa vie, quand il estime qu'il est trop inconnu à son goût, et qu'il est également incompris.
C'est le signe que la métaphysique n'a pas la même valeur pour lui que la physique. Il a renouvelé la métaphysique; il peut ne pas renouveler la physique, bien qu'il se flatte d'avoir opéré quelques avancées. Ce n'est pas trop grave qu'il se montre imparfait dans l'imperfection, alors qu'il a réussi à isoler la perfection pour la raison. La raison s'attaque à de l'imparfait, quand elle se meut dans le physique, tandis qu'elle se meut sans difficulté quand elle se trouve dans la perfection.
Mais le point qui surgit tend à démentir que Descartes soit parvenu à résoudre les faiblesses de la métaphysique, qui ont dégénéré en sclérose scolastique. Comment se fait-il que Descartes introduise encore du néant alors qu'il a identifié que la viabilité métaphysique passait par la perfection divine? Qu'Aristote soit contraint de reconnaître le non-être se comprend : il faut bien un complément pour compléter l'être fini (et ce complément ne peut être de l'être, puisque celui-ci est circonscrit au fini).
L'innovation de Descartes consiste à avoir connecté le fini avec l'infini. Si cette connexion est valide, il ne devrait pas rester de la place pour le néant, qui est un indéfini dont l'existence même se trouve déniée par Descartes tout en admettant qu'une existence des plus larges, dans le langage, demeure. La contradiction de Descartes consiste moins à avoir cherché une hétéronomie dans le réel qu'à avoir cherché à l'étouffer sitôt qu'il l'a identifiée.
Si tel n'était pas le cas, jamais le néant ne se retrouverait dans la philosophie de Descartes - s'il avait réussi à identifier la perfection. Mais Descartes ne définit la perfection que comme l'infini. Autant dire que cette négativité de la définition s'apparente à un aveu d'échec (au moins partiel). 
La perfection qu'isole Descartes n'est pas parfaite. Comment est-ce possible? Soit Descartes ne vaut pas grand chose (sur le thème : inutile et incertain); soit Descartes, aussi subtil soit-il, s'est arrêté en cours de chemin. Que Pascal ou Leibniz l’aient lu avec attention Descartes avant d'en opérer la citrique indique qu'il constitue le carrefour dans la philosophie moderne.
Il est celui qui a rénové la métaphysique. Il aurait pu être celui qui affronte le problème de l'hétérogénéité du réel, du fait que le réel ne s'arrête pas seulement à la constitution en être. Mais cela aurait impliqué qu'il réfute l’hypothèse selon laquelle le réel est duel et qu'il trouve son unité au moyen de cette dualité.
Effrayé par cette perspective qui lui promettait des ennuis avec la censure catholique, Descartes s’est tu. Mais son silence s’explique davantage par le fait que cette perspective est effrayante. Le métaphysicien ne veut pas réfuter la question de l'être. Il veut seulement envisager l'être sous un point de vue fini. Aristote se montre classique en renvoyant ce qui ne relève pas selon lui de l'être fini aux calendes grecques de l'incompréhensible (le non-être).
Descartes décrète que l'être n'est pas seulement fini, mais que ce qui n'est pas seulement fini est aussi incompréhensible qu'indéfinissable. Circulez, y'a rien à voir. Il s'est arrêté devant le problème le plus capital auquel la philosophie, comme toute forme de pensée (transcendantaliste) s'est arrêtée avant elle devant ce problème, en opposant deux grandes résolutions qui arrivent au même constat : la connaissance du réel ne peut s'attacher qu'à la connaissance de ce qui est.
Le nihilisme, qu'il s'exprime purement, comme c'est le cas avec les atomistes, ou qu'il s'engage dans le compromis, comme c'est le cas de la métaphysique, reconnaît que ce qui est n’est pas l’ensemble du réel; mais il affirme aussi que seul ce qui est peut être connu. Ce qui revient à reconnaître que l’être est ce qui intéresse la connaissance. 
Si le nihilisme admet l’existence d’un autre élément que l’être, il tombe d’accord avec le transcendantalisme pour estimer que seul l’être importe à la connaissance. Dès lors, que change la différence entre les deux approches? A partir du moment où le nihilisme estime que ce qui n’est pas de l’être se borne à être non-être, indéfini et incompréhensible, il ne reste plus qu’à constater que le nihilisme va encore plus loin que le transcendantalisme dans le refus d’envisager ce qui dans le réel n’est pas de l’être.
Le transcendantalisme présente au moins le mérite de laisser la possiblité que l’infini entre dans l’Etre. On aboutit à une distorsion de la définition de l’être, mais l’on peut y retrouver la définition de l’infini. Tandis que l’être nihiliste n’est jamais que fini. L’infini n’y est pas reconnu. De ce fait, le transcendantalisme est praticable, quand le nihilisme ne l’est pas.
Et la métaphysique n’a jamais existé que comme béquille de secours rationaliste au transcendantalisme religieux, adossé sur la révélation. La faveur dont jouit le rationalisme aristotélicien auprès des monothéismes s’explique par le fait que la métaphysique ne peut concurrencer le monothéisme  mais lui fournit une précieuse béquille pour penser rationnellement ce qui est.
Au contraire, l’ontologie de tradition platonicienne constitue un sérieux danger, car elle entend s'imposer comme alternative à la révélation transcendantaliste. Pour que l’ontologie supplante le monothéisme, il faudrait qu’elle puisse être accessible par tous. Mais le rêve de république de Platon est chimérique, au sens où les hommes ne recourent pas dans leur immense majorité à la raison.
Alors que la révélation est accessible à tous, car elle est le sentiment qui répercute auprès des hommes la révélation divine. Chacun peut accéder au sentiment, quand la raison n’est pas accessible à tous. La métaphysique assume mieux l’élitisme de la raison, en considérant que les activités rationalistes ne peuvent émaner que d’élites, scientifiques ou philosophiques. Dans son schéma, le révélé est inutile.
Aristote assume pleinement ce schéma, en rejetant les religions de son temps (polythéistes). Descartes pourrait sembler en contradiction avec Aristote. Mais si on considère qu'il estime résoudre l’erreur d’Aristote en remplaçant le non-être par Dieu irrationaliste, on se rend compte qu'il attribue à Dieu la même place qu’Aristote accordait au non-être.
Déjà Aristote, pour rendre la connaissance de l’ensemble du fini possible, reliait être et non-être (par le multiple). Descartes lui aussi relie Dieu à l’être, à ceci près que l’unité existe (Dieu), mais qu’elle reste incompréhensible. La métaphysique se charge d’analyser ce qui relève de cet infini incompréhensible dans la subjectivité humaine. Elle en retire l’expérience du cogito.
A partir de cet instant, soit Descartes bascule dans la métaphysique, qui le mènera vers la phénoménologie, soit il décide d’affronter le problème logique qui se pose à sa réflexion : le réel n’est pas circonscrit à l’être. Descartes choisit le premier choix, parce que l’autre engagement aurait signifié rien moins que rejeter la métaphysique + la religion chrétienne, ce que Descartes tient pour, rien moins, que l’expression révélée de la vérité divine.
Descartes ne peut affronter ce problème. Est-ce une limite? Selon ce critère, il est le plus grand métaphysicien, devant Aristote, parce qu’il aura su en proposer la forme la plus achevée et subtile. Même les aspects les plus contestables de son système, comme ce néant qui continue à exister à côté de la perfection, comme malgré elle, sont source de réflexion et d’inspiration pour qui prend acte de la disparition de la métaphysique, de l’immanentisme, mais aussi de l’ensemble du transcendantalisme.

mardi 1 avril 2014

Pour ne pas finir

La définition diffère de la description par le fait qu'elle embrasse l'ensemble, quand la description s'attache aux détails. De telle sorte que la définition est supérieure à la description. La description ne peut que suggérer le tout, tandis que la définition s'attaque à l'ensemble, et, si elle le manque, du moins permet-elle de dégager du réel, réel qui est faux, mais dont l'erreur demeure réelle.
La description supérieure est celle qui suscite l'élan vers le tout, qui est capable de dire partiellement pour que le lecteur tende vers l'universel. Raison pour laquelle la description suscite l'enthousiasme plus que la définition : elle donne l'impression, valorisante pour le lecteur, qu'il en sait plus que ce qu'on lui dit et qu'il est l'indispensable instrument de l'achèvement de la description. Sans le lecteur, pas moyen de donner à la description ses lettres de noblesse.
Alors que la définition est austère : comment réussir depuis le singulier de la finitude à énoncer l'universel de l'infini? Il existe un vertige assez démesuré dans l'inclination de la définition. La description est plus modeste et ne peut vraiment décevoir. Elle manque au maximum d'exprimer l'universel, quand la définition ne peut que décevoir : outre que la plupart de ses expressions s'avèrent ratées, et parmi les meilleures, la plupart mineures, peut-on vraiment dire l'universel depuis le singulier?
Dès lors, la supériorité de la définition sur la description souffre de son impossibilité putative : est-ce vraiment être supérieur que d'être 
malaisée, pour ne pas dire impossible? Cette supériorité conjuguée à l'impossible n'est plus de la supériorité, mais ressortit de l'imposture. Et il s'est trouvé de nombreuses voix pour remettre en question la validité de la démarche définitoire, qui serait définitive au sens où elle serait vouée à l'échec.
On pourrait d'ailleurs proposer comme définition de l'échec la seule voie qui permet l'illusion de l'achèvement. L'achèvement ne pourrait jamais se dessiner dans la manifestation de l'être quel qu'il soit. Il faut pour achever que la chose disparaisse, ce qui indique que l'achèvement n'existe pas et que seul ce qui n'existe pas est achevé.
L'art de la définition relève du genre philosophique. De ce point de vue, ceux qui rangent la philosophie dans le genre littéraire, comme un genre particulier au même titre que le roman, le théâtre ou la poésie, commettent une erreur manifeste : car la définition, si elle était rangée dans la description, y compris comme son expression la plus réussie ou aboutie, ne serait que de l'exercice singulier  ce qui contredit sa propre démarche.
Il existe une spécificité de la philosophie, n'en déplaise à de nombreux point de vue actuels, qui tendent à ranger la philosophie dans la littérature, et la définition dans la description, parce qu'ils considèrent que l'élément indépassable du réel est sa singularité (celui qui le revendique explicitement étant le philosophe Clément Rosset). 
Ce sont les immanentistes qui ont tendance à proposer cette entreprise de synthèse et de conciliation, qui a l'avantage de laisser croire qu'ils réussissent à expliquer ce qui auparavant faisait débat - et qui leur donne l'occasion de se pavaner en authentiques stylistes, surtout depuis les envolées lyriques de Nietzsche sur le thème.
Mais cette spécificité de la philosophie était la réclamation première des métaphysiciens, alors que l'on pourrait avoir tendance à tenir les immanentistes pour la radicalisation hérétique des métaphysiciens, surtout si l'on considère que Spinoza est le disciple hérétique de Descartes, dont il n'a fait que renverser l'irrationalisme (le centre n'est plus le cogito, mais le désir, autant dire que Dieu se trouve évincé du système).
Ce sont les disciples qui trahissent le plus leur maître. Aristote en sait quelque chose, lui qui fonda la métaphysique (terme posthume) contre l'héritage de son maître Platon. Spinoza pourrait aussi tenir cette place. Cette supériorité de la définition sur la description implique l’originalité de la philosophie sur la littérature - sans quoi c’est l’immanentisme qui finira par avoir raison, alors qu’il vient de l’entreprise métaphysique qui exige que la philosophie soit le mode d’expression privilégiée du discours humain, tandis que la religion relèverait des fariboles.
La définition selon la norme nihiliste serait que la définition se substitue à la révélation. La révélation n’est qu’une expression inférieure et superstitieuse de la définition humaine. Mais la définition humaine désigne dans le projet nihiliste la possibilité de connaître le réel qui est fini, quand la révélation apportait à l’homme démuni la lumière, définitive pour la clôture monothéiste, sur ce qu’était l’infini par rapport au fini.
La philosophie nihiliste est la possibilité de connaître l’ensemble du réel fini, quand la définition de la philosophie s’attache à comprendre ce qu’est l’infini, en posant que l’homme peut le comprendre et le définir. Le nihilisme se distingue de l’immanentisme, en ce que l’immanentisme ne cherche plus à définir l’ensemble du réel et abandonne la prétention de la métaphysique à instaurer un compromis entre transcendance et immanence à l’intérieur du fini.
La métaphysique essaye de considérer qu’il est possible que la forme existe à l’intérieur du fini dans son intégralité, quand l’immanentisme réfute toute possibilité de transcendance. La transcendance dans le fini ne consiste pas à introduire l’infini dans le fini, mais à essayer de trouver une vision totale du fini, avec cet atout que si le réel est fini, il est totalisante, quand l’infini rend difficile d’appréhender le réel d’un point de vue qui le surplombe.
Mais ce point de connaissance totalisante du réel fini ne se laisse pas trouver, ce qui rend l’hypothèse de la métaphysique obscure : comment la connaissance du fini est-elle possible dans son ensemble, alors que l’on ne parvient pas à définir l’endroit où l’on pourrait situer cette possibilité de l’embrasser (d’une manière quasi intuitive)? La différence avec l’immanentisme, c’est que lui propose une possibilité de connaissance dans l’immanence, puisque l’objet de la connaissance se rétrécit jusqu’au désir humain, qui est qualifié de complet au sens où il remplace l’entreprise de totalisation métaphysique.
Dès lors, la question porte sur le fait de savoir si la définition est un exercice de type humain qui porte sur le fini ou l’infini. Si l’infini rompt avec la révélation, la philosophie comporte deux branches et deux inclinations : 
1) la branche nihiliste, dont l’immanentisme est l’expression la plus influente depuis la contemporanéité, qui considère que la définition porte sur le fini; 
2) et la philosophie ontologique, qui considère que la définition peut être infinie.

1) La position du nihilisme a évolué depuis l’Antiquité concernant l’infini. Auparavant, tenant que le fini est assez vaste pour que la connaissance soit ample, le nihilisme reconnaît l’existence du non-être, jusqu’à Aristote. La métaphysique, qui exprime l’alliance bizarre de l’ontologie et du nihilisme, prétend que l’infini devient la possibilité de tenir une position universelle depuis un point du fini sur l’ensemble du fini.
Avec la crise de la scolastique, la métaphysique devient contrainte de considérer que la définition du fini s’est étiolée. Pour conserver son ambition universaliste, et ne pas l’abandonner à la science, avec la révolution expérimentale, elle tend à affronter l’infini, mais toujours du point de vue du fini. C’est l’irrationalisme cartésien, dont le rationalisme ne concerne que ce qui touche au fini. Dès que le fini doit s’attacher à connaître l’infini, Descartes propose que l’on substitue à l’infini l’indéfini.
Ce faisant, il admet que l’infini ne peut être compris, mais qu’il permet d’élargir le champ de la connaissance, de telle sorte que le fini ne puisse jamais s’étioler et que la sclérose scolastique ne soit pas métaphysique, mais exprime plutôt la mauvaise compréhension de ce que représente la métaphysique. La métaphysique tend à rendre possible la connaissance universelle dans le fini, quand le nihilisme considère que seule la connaissance multiple et morcelée est possible.
L’infini à l’aune métaphysique est la garantie que le fini est pérenne, bien qu’on ne puisse l’expliquer. L’infini est ainsi ce qui explique le fini, sans pouvoir être expliqué par lui. Cette construction explique que la théorie cartésienne ne parvienne à définir le fini par l’infini sans l’adjonction du néant. Comme c’est un néant d’autant plus inexplicable qu’il n’est pas comblé par l’infini lui aussi inexplicable, comme on ne comprend pas pourquoi l’inexplicable crée de l’inexplicable, ni que l’infini réputé parfait crée du néant réputé le plus imparfait, alors on relègue le non-être dans la sphère du non-dit, ce qui relève de l’incohérence.
Comment expliquer que le non-être soit non-dit, sans relever du réel de quelque manière que ce soit? C’est parce que la métaphysique est la tentative étrange de concilier l’être et l’infini. Depuis l’échec de la métaphysique originelle et aristotélicienne, qui considère qu'il suffit d’indiquer l’universalisme fini, la réforme cartésienne considère que l’universalisme n’est pas suffisant à partir du seul fini. Il convient donc d’adosser le fini sur l’infini pour qu’il soit suffisant.
Problème : l’infini en question étant irrationnel, il se révèle insuffisant. Il s’agit d’un infini qui ne peut être expliqué, ce que Descartes explique très bien dans sa Quatrième méditation : je ne peux expliquer pourquoi Dieu m’a fait si imparfait. Je dois l’accepter comme tel. 
L'insuffisance de l'infini dans la métaphysique rénovée depuis Descartes explique le besoin de lui adjoindre le néant, alors que le néant tel que le définit la métaphysique réussit l'exploit d'être quelque chose que l'on dit, mais qui n'existe pas : autant dire, une contradiction dans les termes. L'intention du cartésianisme étant de rénover la métaphysique obsolète, il s'agit moins de découvrir un nouveau type de réel au-delà de l'être (ou à côté), que de créer une hiérarchisation du réel parmi l'être, en sélectionnant l'être qui est essentiel de l'être secondaire.
De ce point de vue, le cartésianisme parvient à ses objectifs, puisqu'il réussit à identifier le réel essentiel et à écarter le mauvais grain de l'ivraie. Il renforce le dispositif aristotélicien, qui est jugé insuffisant depuis son effondrement en scolastique dogmatique, l'avènement de la science et la Renaissance intellectuelle. La métaphysique 1 entendait séparer ce qui est de ce qui n'est pas. La métaphysique 2 va plus loin : elle sépare parmi ce qui est ce qui est essentiel de ce qui est secondaire. 
Dans ce dispositif, le néant ne peut exister parce qu’il est dérisoire. Le secondaire est occupé par l’être (physique), tandis que le primordial relève de l’être (métaphysique). Descartes réussit à introduire un transcendantalisme interne à l’être entre le sensible et le cogito, l’infini qui relève de Dieu débouchant quant à lui sur un transcendantalisme irrationaliste.
La métaphysique cartésienne n’est ni un transcendantalisme, ni un immanentisme, mais passe injustement pour un idéalisme qui s’opposerait au spinozisme hérétique ou à l’immanentisme qui en découle, en penchant du côté du camp métaphysique auquel on a coutume d’associer à l’ontologie. Rien n’est plus étranger à l’ontologie que la métaphysique. Du coup, le cartésianisme qui n’est rien d’autre que la rénovation de la métaphysique est opposé à l’ontologie et se trouverait paradoxalement plus proche de l’immanentisme, qui va encore plus loin que le projet cartésien.
Chez Spinoza, l’aspiration à trouver le bon réel est résolu par l’identification du réel au désir. A la limite, le reste importe peu. C’est ainsi que la question de l’infini, cardinale chez Descartes, bien que de tendance irrationaliste, est évacuée chez Spinoza comme dérisoire, au moyen de la chiquenaude de l’incréé. Chez Descartes, l’infini ne pouvait être conçu par l’entendement fini que comme de l’indéfini. Chez Spinoza, l’infini n’existe pas, tout comme le non-être. Seul existe le désir. Le reste n’a pas d’importance, entendre : pour l’homme. Tout ce qui ne concerne pas l’homme n’a pas d’importance.
Et comme seul ce qui est immanent concerne l’homme, les questions de l’infini, de la transcendance, de Dieu, de l’Etre, et du non-être sont dépourvue d’intérêt. Tel est l’immanentisme. Ce n’est plus : « La vérité vous rendra libre » (Saint Jean), mais : « Mon mensonge te rendra libre ». La disparition de l’universalisme (la) entraîne son remplacement par la singularité de la subjectivité (mon). C’est le programme que préconise Nietzsche derrière l’expression de renversement de toutes les valeurs, la vérité étant ressentiment, et le mensonge affirmation du fort l’artiste créateur).
Dans cette position, la définition importe moins que la description, au sens où la définition est définition du singulier. Comment mieux rendre la définition singulière que par la description? La définition singulière est négation de l’universel, autant dire : le singulier est négation de la définition et réhabilitation de la description. 
Dans ce schéma, la définition se trouve niée, tandis que dans le schéma métaphysique, elle oscille entre négation (l’irrationalisme ne peut se dire) et affirmation unique : on identifie ce qui est essentiel comme l’unique issu de l’être fini, tandis que ce qui est second est multiple, donc relève de la définition scientifique.

2) Qu’est-ce que la définition infinie? Alors que la définition pourrait sembler se limiter au fini, il appert qu’elle sert dès le départ à dépasser la singularité de tout objet, ce qui contredit la thèse de Rosset, qu’il reprend des nominalistes (d’une manière générale, Rosset, qui devient à la mode ulmienne de nos jours, ne crée pas de nouvelles idées, mais se contente, du fait de sa formation solide d’historien de la philosophie, spécialiste de Schopenhauer, et connaissant en profondeur Descartes, Pascal et Nietzsche, de reprendre la tradition immanentisme dont il se réclame  entre Spinoza et Nietzsche tout en la mâtinant de Schopenhauer. Telle est son originalité réelle).
La définition, déjà dans le giron fini sert à dépasser la singularité, quoi est l’unité de base du fini. Dès lors, si la définition dans le fini commence à chercher des absolus, c’est que soit elle trouve leurs fondements dans le fini, soit elle les trouve ailleurs, ce qui ne peut se situer que dans l’infini. La définition est donc un élément d’infini qui intervient dans le fini. Elle ne peut opérer que si elle recourt à l’infini pour chercher des éléments d’absolus dans le fini. 
Ces éléments sont soumis à une double impossibilité logique : 
1) ils ne peuvent être finis, ce qui les rapporteraient au singulier;
2) ils sont infinis, bien qu’ils ne peuvent être définis comme tels dans le schéma qui cherchent à les définir à partir du raisonnement transcendantaliste. Malgré toute sa perspicacité, Descartes ne réussit qu’à proposer que l’on substitue à l’infini indéfinissable et incompréhensible pour l’entendement fini l’indéfini, qui sans être positivement définissable accorde une base finie à l’infini, d’ordre négatif. 
L’infini est pourtant un terme négatif qui reconnaît qu’existe quelque chose qui n’est pas fini, et qui pour autant est quelque chose. C’est ici que le raisonnement transcendantaliste, dont l’ontologie est la meilleure expression depuis le monothéisme (depuis l’Antiquité), propose que l’infini relève aussi bien de l’être que le fini, et qu’il soit positivement l’Etre tout comme ce qui est fini est de l’être. 
La différence entre l’être et l’Etre reste cependant à définir (justement), car si l’on réussit selon ce raisonnement à définir l’être, on peine et on patine à définir l’Etre. L’infini est conçu comme une positivité qui n’est pas fini, quoiqu’elle soit quelque chose de supérieur au fini. La différence entre l’infini et l’indéfini est que l’infini recoupe une réalité qui n’est pas nommable et appréhendable par l’entendement, tandis que l’indéfini est une négativité pure qui n’étant pas appréhendable mérite seulement le désintérêt. 
L’infini selon Platon et l’ontologie relève de la différence la plus essentielle, quoique la moins définissable. Quelle est la différence entre l’infini et l’indéfini? L’indéfini serait plus la reconnaissance de la pure négativité de l’infini, au sens où ce qui existe comme tel n’existe pas comme fini. Descartes et ses successeurs en métaphysique n'iront pas plus loin. L’infini représente l’ultime tentative pour l’entendement de trouver une positivité dont on reconnaît qu’elle ne peut s’appréhender que comme négativité. La négation exprime ainsi l’existence autre de quelque chose qui n’est pas de l’être.
A cette question, Platon répond qu’il s’agit d’Etre et qu’on ne peut qu’en inférer la présence en constatant par la raison la présence d’un type de réel qui est autre que celui des sens et dont on sent l’infinité dans ce qui est plus petit que nous (par la division des problèmes). Mais Platon se montre trop influencé par un mode de raisonnement qui se retrouve chez les présocratiques, comme Parménide, et qui devait exister de manière atavique chez les polythéistes, qui estiment que le réel multiple doit aussi, du fait de la faculté à absolutiser qui existe dans l'entendement, relever de l’unique.
Descartes se montre de ce point de vue des plus modernes, lui qui lance la métaphysique 2, et un raisonnement qu’aucun philosophe de l’époque moderne ne parviendra à supplanter en termes de rigueur. L’existentialisme s’est réclamé de la démarche de Descartes, qui fonde son raisonnement métaphysique sur l’expérience. Mais Descartes lance-t-il peut-être, de manière précise avec son indéfini, la critique de ce qui est négatif et qui ne se trouve pas démontré par l’ontologie. 
Que définit-il par le négatif? Comme ce qui n’existe pas? Mais alors, comment concilier le Dieu, qui est perfection, avec le néant, qui n’existerait pas, mais relèverait du simple langage? Ce qui ne serait pas pourrait être dit tout en n’étant pas? Cette hypothèse est-elle seulement plausible? L’autorité que Descartes a acquise dans le monde de la philosophie ne doit pas faire oublier que l’éventualité repose sur une contradiction qui impliquerait que le dit ne soit pas de l’existant - que l’on puisse dire sans existence.
Comme cette possibilité est justement impossible, soit Descartes se montre faible dans son raisonnement, ce qui est impossible au vu de son oeuvre, soit il considère une fois de plus que le raisonnement humain n’est pas capable de comprendre comment la perfection côtoie l’imperfection. Il le dit à plusieurs reprises dans les Méditations. On pourrait aussi considérer la définition qu’il propose de la liberté ou de l’indéfini.
L’irrationalisme que l’on peut reprocher à Descartes, irrationalisme sur lequel s’adosse son rationalisme, n’est pas une faiblesse de sa pensée ou une marque de superstition simpliste, si l’on s’avise que Descartes considère que Dieu est ce qui peut surmonter le contradictoire, contrairement à l’homme engoncé dans le fini. Du coup, l’incompréhensible est une catégorie qui doit être réfutée quand on envisage le fini, d’ordre physique, mais qui est la norme en vigueur quand on envisage l’infini. 
Selon cette manière de penser déroutante, la perfection peut côtoyer l’imperfection, tout comme la liberté la nécessité, ou l’infini le fini. Rien ne sert d’expliquer pourquoi le contradictoire, qui est inopérant, dans le domaine du fini, devient le critère de l’infini, non que l’infini soit expression assumée de la contradiction, mais que l’infini soit résolution de la contradiction par un principe qui ne peut être compris de l’entendement fini et qui ne découle pas du principe de non-contradiction (tel qu’Aristote, de manière métaphysique 1, l’a défini en particulier).
Cette manière de pensée est à la fois insuffisante (elle n’explique rien) et insatisfaisante (elle contrevient à la logique), mais elle met le doigt sur le problème qui agite la philosophie depuis Platon, et la pensée depuis que l’homme existe : comment se fait-il que la pensée ne parvienne à théoriser le réel sans se débarrasser de la norme néant (ou non-être), sachant que sa première attention est de considérer que le néant est une aberration mentale et que seul ce qui existe peut exister, que le néant ne peut exister de manière paradoxale?
Platon l’ontologie opère une révolution importante en définissant le non-être comme l’autre et en reconnaissant que le non-être a une existence, mais qu’elle est mal comprise. Sauf que Platon réitère l’erreur en ne définissant pas l’Etre qui est sa valeur cardinale. Si l’Etre est indéfini, ou, pire, indéfinissable, le non-être se trouve restauré. L’ontologie ne parvient pas à se défiera des rets du néant, ce qui signifie qu’elle ne parvient pas à définir l’infini. Si elle y parvenait, le néant se trouverait balayé.
Ce qui signifie que le néant vient combler le manque de la pensée quand elle pense l’infini. Et il vient logiquement : car le néant désigne la négativité pure, quoique incompréhensible, qui caractérise déjà l’entreprise de désignation de l’infini. Tant qu’on en reste à une définition négative de l’infini, on admet qu’il est de la négativité dans le réel, bien qu’il soit scandaleux que le réel puisse comporter du négatif pur. 
C’est contre cette idée que s’oppose Platon, qui pense que du négatif peut exister, mais relativement à de l’être. Le négatif est alors la mauvaise définition de l’autre. Mais Platon a subrepticement rétabli le néant au lieu de l’anéantir (c’est le cas de le dire), ce qui implique que plus on essaye d’anéantir le néant, plus  on le renforce de manière souterraine et cachée. La réalité inadmissible quoique inévitable du néant ne peut subsister que si on ne parvient à définir le réel de telle manière que cette définition rende obsolète le néant.
Évidemment, l’ontologie ne définit pas le réel en ne définissant pas l’Etre; c’est une définition lacunaire et insuffisante qui renforce de ce fait le néant en le déniant. Face à cette réalité, l’élève Aristote fonde la métaphysique en ayant conscience que le problème aigu de la pensée concerne le non-être. Aristote se rend compte que pour son maître Platon, le problème cardinal à la fin de son existence, tel qu’il le consigne dans le Sophiste, c’est : le non-être.
Et il constate aussi que personne n’a réussi à résoudre ce problème, parce que la définition du réel telle que les religions l’enseignent ou les doctrines philosophiques ne parvient jamais à définir le réel de telle manière qu’il concilie les caractéristiques de l’être fini avec l’infini. Aristote opte alors pour une solution radicalement pragmatique : concilier les réussites de l'être avec le non-être.
1) Il n'existe de réalité que de l'être
2) Il ne peut exister d'être que fini.
Cette option prend en compte la  seule définition de l'être à laquelle la pensée arrive. La tentative de définir l'être comme infini parvient certes à résoudre la question du néant (l'abolir), mais de manière ambiguë, avec l'exemple de Platon, c'est-à-dire en renforçant la dimension souterraine du néant.
3) Il ne peut exister d'être fini qu'avec la coexistence du non-être.
Ce constat impliquerait presque que le non-être remplace l'infini, à ceci près que la définition de l'infini est modelée sur l'être (abolutisation de l'être), quand la définition du néant est la négation de l'être, l'idée selon laquelle tout ce qui a trait à l'être ne peut être utilisé pour tenter de définir le néant. Du coup, le néant sert de repoussoir tout indiqué à l'être : si l'on ne parvient à définir le néant, du moins autorise-t-il la définition de l'être à condition qu'il soit fini.
C'est à ce constat que parvient Aristote : il reconnaît explicitement que l'être étant fini, il est borné (entouré) de néant. Sa définition du néant implique la reconnaissance de celui-ci sur le plan réel. Le réel n’a pas encore comme chez Descartes ce statut alambiqué d’un discours qui n’existe pas, ce qui implique que le dire n’existe pas tant qu’il n’est pas connecté à quelque chose qui est.
Chez Aristote, ce qui n’est pas existe au même titre que ce qui est. Justement, ce qui est existant, ce qui n’est pas n’existe pas. Cette équivalence permet de rendre l’être exclusivement intéressant et de disposer d’un objet d’étude clairement défini. Mieux, Aristote, en reliant la multiplicité de l’être à la multiplicité du non-être, rend les deux domaines antagonistes de réel complémentaires et connectés entre eux, ce qui implique que l’être ne puisse exister sans le non-être et qu’on ne s’embarrasse plus jamais du non-être. A part de constater qu’il borne l’être, il n’y a rien à en dire. Aristote crée un domaine de réel dont il n’y a rien à dire et qui permet la définition de l’être.
Une fois cette équivalence posée, il lui reste à expliquer que la multiplicité peut être rassemblée en une seule forme et que la connaissance est possible. Connaissance qui ne peut concerner que l’être et qui ne peut être qu’achevée rapidement, puisque l’être est fini. Sauf que mille ans plus tard, la métaphysique est en faillite à peu près complète, et sur le point de la connaissance physique (et scientifique). Voilà qui implique que la méthode aristotélicienne soit fausse et que le remplacement de l’infini par le non-être ne permette pas la connaissance du réel.
Descartes surgit pour corriger les erreurs de la métaphysique tout en restant métaphysicien. Ses attaques contre la scolastique ne sont destinées qu’à réformer la métaphysique, pas à la remplacer par l’ontologie ou une nouvelle forme philosophique. Descartes prend acte du fiât que l’on ne peut reconnaître le non-être (qu’il nomme néant) comme parie du réel. Si Dieu est parfait et si le néant est imperfection, alors l’imperfection ne peut être réelle. Pour autant, on ne peut se passer de l’imperfection dans le système métaphysique. Pourquoi? Le propre de la métaphysique, que Descartes valide et reprend, c’est de considérer que le discours philosophique ne peut fonctionner que s’il commence par définir un domaine d’analyse fini.
Mais cette démarche implique le néant. Descartes va donc utiliser une ruse, que je tiens pour une argutie : la philosophie définit un objet d’étude fini, mais le propre de la toute-puissance divine consiste à être à la fois infini tout en acceptant hors de lui le néant, ce qui relève de la contradiction hallucinatoire. Sauf que la toute-puissance de Dieu surmonte le principe de contradiction, ici mis en branle. Du coup, la non-existence dicible (ou exprimable) du néant nous apparaît, à nous observateurs finis et rationnels, comme incompréhensible. L’argument de Descartes pour rendre le réel cohérent est de le définir comme incompréhensible pour l’entendement humain.
La réforme cartésienne consiste à rendre compatible l’infini et le néant. Chez Descartes, les deux sont compatibles du point de vue de Dieu, de la perfection, bien qu’il soit incompréhensible pour nous. Voilà qui implique que le Dieu cartésien, de même qu’il est capable de changer les lois physiques pour empêcher l’entropie du physique, est une perfection qui supporte l’imperfection en la rendant extérieure à sa manifestation. Comment est-ce possible? Si Dieu est parfait, tout ce qui est d’une manière ou d’une autre doit relever de son giron, quand bien même le néant ne relève pas à proprement parler (c’est le cas de le dire) de l’être, mais du dire. Il faudrait donc préciser : non ce qui est, mais le dire, mais il faut bien constater que l’on dit : ce qui est dit, ce qui implique que le dire soit aussi de l’être, un être différent de l’être physique. 
Comment l’imperfection peut-être être située hors de Dieu, bien qu’elle n’existe pas autrement que sous forme du dire? C’est le signe que Descartes estime de lui-même que l’entendement opère la distorsion du réel, puisqu’on voit mal comment le néant pourrait côtoyer l’infini, autrement que parce que l’entendement déforme le réel au point d’en dresser une représentation inexacte et incohérente. De ce fait, al seul possibilité d'accepter de manière incompréhensible Dieu consiste à en faire une perfection qui serait finie. Que l’homme soit une forme finie, et que dans l’ordre fini toute forme soit finie est compréhensible, du fait que le fini est situé entre le parfait et l’imparfait. Mais que Dieu soit perfection et finitude, si cette approche permet de rendre définissable Dieu, même de manière assez elliptique et incohérente, rend tout à fait saugrenu la définition de al perfection (la perfection serait finie), tout comme son lien avec le néant (l’imperfection pourrait être extérieure à l’infini parfait).
Ce faisant, soit Descartes est finalement un esprit assez inconséquent, dont les mérites initiaux se révèlent vite plus limités qu’ils n’ont l’air, soit il a choisi cette voie pour essayer de résoudre la crise métaphysique et rendre conciliables la métaphysique et l’infini. 
- La définition de la métaphysique porte justement sur la définition. La métaphysique énonce que jamais la philosophie ne peut être rigoureuse et cohérente si elle ne définit pas son objet d’étude. Mais elle ne peut définir que si elle s’attache à définir ce qui est fini. L’infini ne peut être défini. De ce fait, la métaphysique considère que l’infini n’est pas objet d’étude et qu’il n’existe pas. C’est le point de rupture entre Aristote et Platon : Platon tient que l’on peut remonter depuis le fini vers l’infini, ce qui implique que l’infini soit définissable; tandis qu’Aristote pense que l’on ne peut définir l’infini et que c’est la preuve que l’infini n’existe pas. 
Aristote parle-t-il d’infini? Non, il s’attache à rendre possible la connaissance générale du fini. Le particulier pour lui est le singulier; le général n’est pas la réunion de l’être et du non-être, mais seulement l’ensemble de l’être fini.
L’intervention de Descartes pourrait sembler postmétaphysique, en ce qu’il reconnaît, lui, l’existence de l’infini et de Dieu. Mais sa tentative de concilier le contradictoire et le non-contradictoire montre qu’il reste dans le sillage métaphysique : définir, ce qui implique s’attacher au fini. Et pour ce faire, rendre l’infini ... fini. Descartes, aussi incroyable que puisse paraître ce postulat, avait déjà commencé dans ce projet étrange en précisant que l’infini du point de vue de l'entendement doit être défini comme l’indéfini. L’indéfini désigne précisément ce qui ne peut être défini. Descartes aura défini négativement l’infini pour l’entendement, tandis qu’il reconnaît à cet infini la propriété de surmonter le principe de contradiction. Dieu est bien tout-puissant : il est surnaturel. 
De même, la perfection est finitudisée, si l’on peut dire, au sens où elle ne peut accueillir le manque (défaut) à ses côtés, et non en son sein, que si elle l’expurge d’elle-même; ce qui donne pour résultat que la perfection serait à la fois infinie et finie. Alors, pourquoi cette démarche si étrange et tarabiscotée chez Descartes, qui consiste à nier le principe de contradiction du point de vue de Dieu et à associer en son sein le fini et l’infini, de telle sorte que notre point de vue fini soit relié à l’infini, qui le surmonte tout en restant (à jamais) inexplicable?
Descartes prend acte de la faillite de la métaphysique d’origine aristotélicienne, ce qui signifie que le projet de s’arrêter au fini tout en le bornant de non-être ne tient pas. Cela implique que l’infini ne puisse être évité ou rejeté comme caduc. Descartes va donc essayer de réconcilier si l’on peut fier les deux, non en produisant une nouvelle définition qui puisse les rassembler, ce qu’il juge impossible, mais en décrétant que cette réconciliation, qui est incompréhensible du point de vue fini, s’effectue du point de vue infini. Dieu réconcilie les contradictions.
Ce que Descartes perçoit, plus encore que le rôle capital de l’expérience dans la philosophie, c’est le fait que cette expérience s’ancre dans le fini; tandis que cette expérience nous amène à considérer que l’infini seul ne peut tout résoudre. Pour Descartes, le problème est que nous ne pouvons aborder l’infini, irréfutable, que d’une manière négative, comme ce que dit de Dieu la théologie négative. L’infini existe d’autant plus qu’il nous est incompréhensible. Pour autant, Descartes découvre que si le fini ne peut comprendre l’infini, c’est la preuve que ce que nous appelons infini n’est pas du même ordre tout à fait que le fini. 
Descartes va plus loin que Platon, qui estime plutôt que l’infini est la continuation du fini et que la raison pour découvrir l’infini par l’opération d’analyse du fini (opérations de division de ses parties). Descartes, lui, estime qu’il existe une différence entre l’infini et le fini, qui implique que l’autre ne soit pas interne à l’Etre (ou ses synonymes), mais que l’autre soit supérieur à l’être. Pour autant, Descartes s’oppose aussi à Aristote, qui crée un antagonisme ambivalent entre l’être et le non-être, bien qu’en même temps, il crée via le multiple une passerelle fondamentale entre les deux domaines antagonistes.
On peut donc dire que la position de Descartes constitue une réforme de la position aristotélicienne, qui est elle-même des plus nuancées, puisqu’elle ne repousse pas de manière claire l’être et le non-être, comme c’est le cas chez Parménide (par exemple), tandis qu’Aristote essaye de relier les deux éléments, bien qu’il leur accorde une valeur antagoniste. Descartes va plus loin encore sur le chemin de cette complémentarité antagoniste, qui sonne oxymorique et viole déjà la principe de non-contradiction qu’Aristote a défini comme la définition du fini (seul).
Descartes, lui, considère, dans la continuation de l’héritage chrétien, que Dieu existe, ce qui implique qu’à la différence du Premier Moteur, Dieu soit un principe non pas originel seulement, mais Aristote dirait finaliste, et ce terme n’est pas suffisant, au sens où Dieu est le principe de la création continuée (comme le dit Descartes dans la continuité de certains scoliastes), ce qui implique que Dieu soit le principe qui accompagne constamment la création du réel, comme si la création n’est pas la création originelle, mais comprend bien davantage, tout ce qui accompagne la création. 
En outre, Dieu est celui qui, aux yeux de Descartes, permet d’expliquer le fini et le réel tout en étant lui inexplicable. L’invocation de Dieu permet de ne pas expliquer. Dieu explique l’explicable (le physique), au sens où il n’est pas besoin d’expliquer Dieu. Dieu de ce point de vue est irrationnel à la différence du Premier Moteur.
Descartes propose que Dieu est celui qui surmonte l’oxymore, l’impossible, la contradiction. L’unité divine, implacable évidence dans le monothéisme, est ce qui surmonte la multiplicité des contradictions. Cette position originale de Descartes induit que Descartes se situe au-dessus dans la modernité de ses successeurs, qui ne peuvent se passer de sa référence et qui jamais n’affronteront ce point : si Descartes propose que le principe métaphysique, Dieu, soit ce qui surmonte le contradictoire, c’est qu’il se rend compte, à la différence d’Aristote, que ce qui se tient derrière (ou au-delà?) le contradictoire, c’est une réalité qui comme son nom l’indique relève bien du réel, mais ne relève pas de l’être.
Descartes n’approfondit pas cette intuition, bien qu’elle date au moins de l’époque des Méditations, peut-être parce qu’elle est trop dangereuse à aborder à l'heure de la censure sorbonnarde, où l’on tolère que l’on rénove la métaphysique, projet dans lequel Descartes se trouve encouragé par certaines autorités religieuses, comme les jésuites; mais où l'on peut se retrouver en mauvaise posture en cas d'hérésie (le religion étant le prétexte pour empêcher la contestation politique).
Descartes est passé à côté de l'essentiel d'une innovation qui lui aurait permis de rompre avec la métaphysique, au lieu de la rénover, et de renouveler plus précisément l'ontologie : la découverte selon laquelle il existe dans le réel une réalité qui ne relève pas de l'être. Les nihilistes depuis toujours ont pressenti cette intuition, mais ils s'arrêtent, non sans paresse, à ses portes, en refusant que le sens prenne possession de cet autre aspect.
Ils appellent cette autre réalité ce qui n'est pas de l'être. La négation permet la distinction, mais ne lui confère pas de positivité. Descartes va lui conférer une positivité qui concorde avec la monothéisme chrétien, Dieu, mais il ne va pas définir Dieu, Dieu est un positif empli de négation. Le fait que Descartes ait cherché à nommer le négatif autrement que de manière négative indique qu'il s'est arrêté aux portes, voire qu'il a fait marche arrière.
Peut-être n'est pas par peur de la censure, mais parce qu'il s'en est remis, en bon chrétien, à la ébriété révélée, sans chercher à comprendre quelque chose qui l'effrayait, et avait de quoi l'effrayer : que al philosophie depuis toujours a cherché à contourner le problème qui est derrière le non-être. Que toutes les positions n'ont jamais cherché à approfondir le problème. Le nihilisme décrète qu'il est une partie du réel qui est rien. C'est ce que répète Lucrèce à la suite de son mitre Epicure, et il est intéressant que l'épicurisme resurgisse dans l'Antiquité comme la reprise de la doctrine abdéritaine du matérialisme ou de l'atomisme.
Lucrèce s'inscrit dans une tradition qui est plus vaste que le nihilisme abdéritain. Descartes a évité cette issue, en choisissant de rénover la métaphysique. Il aurait pu rompre avec l'attitude de compromis de la métaphysique entre le nihilisme et l'ontologie. Il choisit, au nom de la prudence aristotélicienne, modernisée en apologie du masque, de s'arrêter au milieu du gué, soit de renouer avec la stratégie du compromis qu'avait initiée Aristote.
Après tout, Descartes est un philosophe majeur, de l'ampleur d'Aristote. Mais il préfère choisir l'évitement plutôt que la vérité, car la vérité est dérangeante. Aristote se rend bien compte que le nihilisme diffère le problème de l'être. Comme il a été l'élève de Platon, il se rend tout aussi compte que l'Etre s'impose comme la continuité de l'être et ne résout pas le problème de la différence au sein du réel entre l'être et un autre type de réalité.
Aristote choisit de couper la poire en deux et de dire que l'être est fini et côtoie le non-être. Comme le non-être est la part inconnaissable du réel, il reste à s'occuper de la connaissance de l'être. Et comme l'être est fini, sa connaissance peut être achevée en une vie.
Descartes n'ignore pas que cette méthode a échoué, et de manière consternant, avec l'érudition spécieuse de la scolastique. Il a le choix entre poursuivre cette tradition, qui part d'autant plus en lambeaux qu'elle se croit puissante et inamovible; ou rompre avec elle. Il est enthousiasmant qu'il choisisse de rompre, et des plus décevants qu'il décide pour rompre de rénover. La rupture n'est que de façade et reprendra, non seulement des éléments d'erreur de la métaphysique initiale, mais l'élément le plus décisif et profond, qui peut se résumer comme suit : il est une part d'inconnaissable dans le réel.
Cette part correspond exactement à la part qui ne correspond pas à l'être fini et que les philosophes n'ont pas réussi à nommer adéquatement, qu'ils versent dans l'homogénéisation (l'Etre) ou l'antagonisme (le non-être). Les deux options sont fausses, quoique la seconde est intenable et plus néfaste que la première. 
Descartes choisit de rendre en apparence le non-être positif, en l'intégrant à Dieu. De ce fait, Descartes ensevelit le problème de la différence essentielle posée par le non-être sous la reconnaissance de l'infini. Aristote ne reconnaissait pas l'infini. Descartes estime sans doute qu'en se conférant au dogme chrétien, le Dieu trinitaire, il conciliera (enfin) l'être avec l'infini. Pour lui, le problème de la métaphysique, qui a abouti à sa sclérose, tient à l'infini.
Problème : l'infini pour résoudre le problème du manque de définition de l'être, revendiqué avec le non-être, devrait se trouver défini. Le fait que Descartes recoure à un Dieu d'apparence monothéiste, de doit pas faire bolier qu'en ne le définissant pas, son Dieu est irrationaliste; Dieu existe d'usant plus qu'il n'est pas définissable rationnellement. C'est le signe que ce doue n'est pas rationnel, qu'il y a une coupure entre la raison et Dieu.
Ce Dieu qui semble, lui, relever du divin, en tout cas davantage que le Premier Moteur (simple mécanisme rationnel ancré dans la finitude), ne valide l'infini que pour le rendre indéfinissable. Descartes a intégré l'inconnaissable à Dieu, bien qu'il soit toujours contraint de reconnaître l'existence du néant dans le langage. 
Toutes ces prouesses (de surmonter l'irrationalité par une faculté supérieure à la raison humaine, trop humaine) valident le raisonnement selon lequel il existe de l'inconnaissable dans le réel - et même, que c'est le plus sûr moyen de connaître la partie connaissable que de la délimiter et d'estimer ce qui est connaissable de ce qui ne l'est pas - de départager le connaissable et l'inconnaissable.
Mais Descartes a choisi de ne pas choisir. Il a décidé qu'il y avait de l'indécidable. L'expression "il y a" signifie que l'on constate sans expliquer, soit que l'on ne veuille pas explique, soit que ce soit inexplicable. Descartes a choisi que c'était inexplicable. Il a corrigé Aristote : il existe de l'infini, certes, mais c'est de l'infini inexplicable. 
Il aurait pu poser la question : qu'est-ce qui n'est pas de l'être? Il aurait pu opérer la distinction fondamentale dans l'être, suivant la question que Leibniz posera à la suite de Descartes : pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien? Mais Descartes s'est arrêté aux bornes de la remis eme question. Sans doute est-il prêt à réformer la métaphysique, pas à remettre en question la philosophie et le monothéisme. La philosophie a vocation à rétablir certaines évidences passées après le doute, pas à proposer du nouveau qui conteste l'ancien.

lundi 24 mars 2014

Cuisine rance

Je reprends avec la permission de son auteur cette analyse de la manipulation qui est ourdie autour de l'affaire Dieudonné et dont les premières victimes seront les banlieusards issus de l'immigration, qui constituent une large part de ce public vengeur.

https://www.facebook.com/profile.php?id=1669462665



(Désolé pour la longueur du texte...)

Comment fabrique-t-on une manipulation politique?
Tout d’abord prenez un parti nationaliste qui se présente comme indépendant et rebêêêle...

Marine Le Pen, qui est la fille de Jean-Marie, est dans une stratégie de respectabilisation du FN, de telle sorte qu’il s’aligne sur les partis d’extrême-droite en Europe prêts à régner. Pour ce faire, sa stratégie nationaliste est simple : monter la communauté blanche et catholique (d’origine...) contre les communautés africaines. L’affaire est réussie si ces dernières sont musulmanes et de banlieue (le repoussoir complet).
Ce faisant, Marine s’aligne sur le discours des néo-conservateurs comme Daniel Pipes aux EU ou Taguieff en France, qui dénoncent la nouvelle judéophobie depuis le 11 Septembre (terme plus cohérent qu’antisémitisme, parce qu’un Arabe antisémite ça ne veut rien dire, tandis que le même en judéophobe, ça a du sens).
Le discours de Marine s’en prend tacitement, mais clairement, au phénomène monté en mayonnaise (de mauvaise qualité) de Dieudonné, et au discours idéologique façonné par Soral et Egalité et Réconciliation, sorte de think tank alternationaliste qui est antisioniste et pro-musulman, à condition que ces deux attitudes soient nationalistes (ce qui change tout, mais bref).
On pourrait alors se dire : c’est la preuve que Marine et le FN sont opposés à Dieudonné et Soral, puisque la première défend le nationalisme islamophobe, quand les seconds défendent le nationaliste antisioniste (si tant est que Dieudonné soit nationaliste, ce qui est à mon avis lui accorder un crédit intellectuel trop grand, lui qui est seulement cynique, opportuniste, individualiste et attiré par l’argent).
C’est ici que l’on voit comment on monte une manip.
1) Tout d’abord, il est curieux d’opposer un nationalisme à un autre sur le plan logique. Les désaccords sont secondaires, quand l’essentiel est commun.
2) Ensuite, l’opposition souffre de graves contradictions de la part des intéressés. Quelques éléments : 
- Soral un ancien du FN appelle toujours à voter Marine (la moins pire et la moins sioniste, sic). 
- Dieudonné définit Le Pen père comme un résistant, ce qui est une insulte à la mémoire des Résistants et l’apologie décérébrée de l’Occupation et de Vichy.
- Soral a monté son think tank Egalité et Réconciliation avec l’aide logistique de Penninque, avocat proche du GUD et actuel conseiller de ... Marine Le Pen.
- Dieudonné est proche d’un autre Gudard en la personne de Châtillon, qui est lui aussi un conseiller de Marine, et qui dirige une boîte de com.
- En 2009, Soral et Dieudonné ont participé à une liste Antisioniste aux Européennes, qui comprenait outre l’intervention directe de l’Iran chiite (en direction des Sunnites de France!!!) 1/3 de candidats FN (noooon???).
Il y aurait d’autres éléments, mais ceux-ci suffisent à démonter de manière irréfutable que les passerelles entre le FN ligne nationaliste islamophobe et le groupuscule satellitaire de Soral et son complice idéologique Dieudonné contredisent l’opposition de façade.
Quelle est alors la stratégie mise en place par les spin doctors de Marine, dont certains viennent de l’ENA et de la haute fonction publique (le n°2 du FN est un Inspecteur des Finances et certains dans cette haute FP ont pris faits et causes pour le FN dans la crise depuis la présidentielle de 2012, ce qui signifie que certains ont choisi contre la crise ... le chaos)? 
Il s’agit de créer, non pas la politisation des Africains de banlieue, surtout s’ils sont musulmans, vers le nationalisme, car seule une infime minorité y consentira. Soral n’est jamais qu’un marginal, bien qu’il se déclare une star (c’est son rêve d'exclu de cet univers de toc des médias que de le réintégrer sur son cheval blanc). 
Ici intervient l’utilité du symptôme Dieudonné : si notre comique vulgaire et pornographique, qui rêve d’enfiler des quenelles dans le fion du sionisme ou de Hollande (au choix pour le fist fucking grand luxe) est le compagnon de route de Soral, de Châtillon, de Le Pen père et femme (Jany), etc, ses accointances avec l’extrême-droite sont :
- pour lui le moyen d’engranger des millions, surtout en ce moment; 
- et pour ceux qui le manipulent depuis 10 ans le moyen de créer une dépolitisation de ce public de banlieusards de (lointaine) origine africaine, voire musulmane, autour d’un pseudo-comique, qui signifie, dans la veine des rappeurs débiles ou des sportifs formatés, que l’on méprise leur intelligence, parfois assez limitée il est vrai.
Dieudonné occupe donc une place significative dans le dispositif qui consiste à éloigner ce public qui votait pour le PS et la gauche en majorité et qui désabusé en vient à se dépolitiser : il accélère ce processus, il le canalise grâce au mirage de l’antisionisme nationaliste (que certains prennent pour de l’anti-impérialisme!) et ce faisant, il participe au processus qui renforce le FN en supprimant un public hostile et inutile.
Coup double pour le FN dans sa stratégie pour accéder au pouvoir partiellement (occuper un ministère pourquoi pas) : 
1) il se respectabilise un peu plus, ce qui n’est pas évident vu d’où il vient et qui il contient;
2) il légitime son islamophobie et sa négrophobie, grâce à la dépolitisation des musulmans et des Noirs de banlieue.
Ces derniers sont des idiots utiles, qui sont les premières victimes de leur ras-le-bol travesti en vengeance. Tout comme Dieudonné sera à terme jeté comme une vieille chaussette après avoir été mis en lumière comme un improbable génie dégradable.
Cependant, cette stratégie contient une limite évidente : le FN ne peut fédérer une majorité de Français avec une stratégie qui repose sur le bouc émissaire, le rejet des minorités, la xénophobie, le racisme, l’islamophobie, etc.
Donc le FN est un parti voué à être minoritaire (comme Egalité et Réconciliation à être, elle, ultraminoritaire).
Dès lors, à qui profite le crime? 
Rappelez-vous que :
1) l’ascension du FN vers la légitimation publique dans les années 80 nécessitait beaucoup d’argent, qui fut donné en grande partie par la secte ... Moon. Mais oui. Donc : le FN est un parti promu par les Anglo-saxons.
2) les sionistes alliés des Anglo-saxons ont soutenu au départ Le Pen tout comme le CRIF qui s’est droitisé (tendance Netanyahu, quand même!) depuis 15 ans soutient l’ascension de Marine (déclaration de Cukierman), ou incruste Soral (via notamment le survivaliste San Giorgio) ou Dieudonné (les propriétaires du théâtre de la Main d’or depuis 4 ans sont des soutiens fervents de la politique actuelle d’Israël, si ça ne vous fait pas tilt sur la légitimité de la dissidence made in Dieudonné, laissez tomber, c’est un problème neuronal insoluble à l’heure actuelle).
3) le PS sous Mitterrand avait programmé de manière cynique la montée du FN mouture Jean-Marie pour affaiblir la droite et le RPR. L’attitude de Valls et Hollande (deux blairistes) suit la même logique : en faisant monter la sauce Dieudonné, ils le renforcent à court terme inexplicablement, et seraient des imbéciles - sauf s’ils espèrent contrer le ras-le-bol populaire contre leur politique mensongère au service des élites financières et leurs relais médiatiques par la dépolitisation et la montée du FN. Le discrédit des banlieues permet d’affaiblir la droite (UMP surtout) et de donner mauvaise conscience à ceux qui ne veulent pas participer au soutien du FN, parti xénophobe, nationaliste et islamophobe (quand même!).
Les principaux bénéficiaires sur le champ politique de cette montée conjointe et contradictoire de Dieudonné, Soral d’un côté, le FN de Marine de l’autre sont ... les socialistes de Hollande. Ca vous rappelle Mitterrand? Alors vous adorerez cette nouvelle version de Super-PS contre le FN! 
J’en reviens à Penninque qui est aussi l’avocat de ... Cahuzac, dont on peut penser qu’il ne roulait pas que pour lui dans les circuits troubles du PS, mais aussi pour d’autres ténors que DSK...
Les commanditaires sont-ils circonscrits au champ politique, alors que l’échiquier politique subit le discrédit?
C’est ici qu’il faut évoquer, par ces temps de 6 février 1934, non pas la Cagoule, mais la synarchie. La main de la synarchie n’apparaîtra pas directement derrière le FN ou le Maître du Logos Soral (tendance Groucho Marx) ou, plus encore, Dieudonné (tendance sous-Coluche), que les élites méprisent comme un bouffon inculte et extrémiste (à juste tire).
Le propre de la synarchie est d’appuyer une politique qui allie l’extrême-gauche à l’extrême-droite pourvu qu’elle déstabilise les institutions et qu’elle profite à ses élites. Egalité et Réconciliation revendique ce dessein au nom de l’alternationalisme, mais la dépolitisation sinistre de Dieudonné qui fait en lieu et place des quenelles vaines peut aussi participer de ce mouvement.
La synarchie est la faction extrémiste des élites industrielles et financières, qui depuis Napoléon opère en Occident et qui a élu son siège entre la City et Wall Street (autour de la banque Worms en France pendant la Seconde guerre mondiale, intégrée depuis par les intérêts Lazard, aujourd’hui représentés en partie par le milliardaire rocker tendance punk Pigasse I can’t get no satisfaction).
On retrouve dans l’entourage de Soral (formé par le contre-révolutionnaire Henry Coston et soutenu par son disciple Rattier, collaborateur récent d’Egalité et Réconciliation) des accointances avec la synarchie; tout comme la promotion de Faurisson par Dieudonné et sa clique (Châtillon était présent au procès après le Prix de l’infréquentabilité et de la dignité) révèle que Dieudonné est surveillé par les services anglais (via le parti nationaliste et révisionniste anglais : le British National Party) qui encadrent l’entourage anglophile de Faurisson. Dieudonné a reçu tout ce beau monde à son théâtre ultrasurveillé pour l’anniversaire de notre professeur passablement contestable. Par ailleurs, Dieudonné est accusé par de nombreuses sources d’être manipulé depuis des années par l'ex DCRI, les anciens RG, via son garde du corps et homme à tout faire.
Ces éléments pour montrer que la stratégie de Marine si elle instrumentalise les antisionistes nationalistes et les dépolitisés proto-nationalistes autour de Dieudonné se trouve elle-même manipulée par des marionnettistes plus importants du champ politique et des cercles financiers et industriels. 
L’histoire se répète et cette manipulation risque bien d’accroître les risques de chaos qui pèsent sur la France et l'UE. 
Pendant ce temps, un humoriste quenellier issu d’une irréductible Gauloise et d’un membre du Peuple de la forêt camerounaise fait croire qu’il est antisystème, dissident et très courageux à un public réduit mais fidèle d’Abraracourcix grandement issu des rangs africains, voire musulmans, de la banlieue. 

Vous voulez un - dessein???"

mardi 11 mars 2014

Vertu du virtuel

On entend en ce moment des réactionnaires pleurnicher contre l'avènement d'Internet. Alors que l'édition Gutenberg permettait une expression qui était achevée dans le bon sens du terme, Internet signalerait la dégénérescence des nouvelles formes d'expression, liées à l'interactivité et à l'ordinateur.
Pour commencer, il faut se montre bien naïf pour croire qu'une certaine forme de communication achève le progrès technique, et Internet se trouvera un jour dépassé par des formes dont j'ignore le visage, bien que j'aie quelques intuitions à ce sujet, que je développerai un jour (si Dieu le veut, comme ajoutent les croyants). 
Puis, ces gens qu'un certain système d'édition a enrichi se scandalisent de ce que ce système se trouve subitement dépassé, bien que le processus prendra plusieurs siècles pour que la transition s'effectue et que l'on parle de Gutenberg comme d'une technique passée. Passe encore que certains romanciers aient pu se retrouver très riches grâce à leurs écrits tout en publiant des écrits intéressants, voire géniaux, mais je comprends nettement moins que l'on ne mesure pas à quel point l'actuel système Gutenberg empêche la créativité et devient un véritable filon pour faire de l'argent, et, plus encore, pour asseoir l'élitisme.
C'est la véritable critique que l'on pourrait dresser contre Gutenberg à l'heure où Internet monte en puissance de manière inexorable et irrésistible : l'obsolescence d'Internet touche en premier lieu à cet élitisme insoutenable qu'impose Gutenberg et qui constitue le principal obstacle à sa créativité. Gutenberg au moment, dépassé désormais, de sa mise en place, représentait au contraire une formidable progrès dans la possibilité d'exprimer des idées et des formes.
Et puis, petit à petit, la machine Gutenberg a pris une telle dimension qu'elle a cru que son format n'était pas un progrès, mais l'achèvement du progrès. Gutenberg s'est sclérosé en croyant être la fin. La fin exprime la déformation. Dès qu'une forme, de quelque nature que ce soit, pense achever la fin, elle annonce sa disparition. Oubliant qu'elle avait permis un accroissement important des moyens d'expression, Gutenberg s'est arc-bouté sur le pouvoir qu'il représentait et refuse désormais de soutenir le progrès de ces mêmes moyens d'expression, qui ont basculé vers Internet.
Quand on entend des écrivains célèbres (et médiocres) s'en prendre à Internet, la vraie question que l'on devrait leur opposer serait : pourquoi défendre le système obsolète qui vous a promu? Ils répondraient : mais parce que c'est le seul système qui encourage la création de valeur. Internet n'est que l'outil infâme d'un ramassis de pornographes et autres stupides nombrilistes, qui tuent la créativité. C'est ici qu'il faut contredire : de quelle créativité parlez-vous? De celle passée ou de vos productions qui se targuent des mérites passés, mais qui ne peuvent plus être créatrices?
Pour être créatif, il faut s'ouvrir aux changements. Il faut s'adapter aux progrès. Une créativité qui entendrait se figer sur un certain type de progrès se scléroserait aussi sûrement que l'invention. Cette dernière est promise à l'obsolescence. Et la créativité? Soit elle lui est associée; soit elle n'est plus créativité. 
Tel est le cas avec Gutenberg : la continuation de Gutenberg se situe dans Internet, de telle manière que la créativité a déjà déménagé vers l'hébergeur Internet et a déserté Gutenberg, qui ne contient plus que l'arrière-garde des nostalgiques et des caciques et qui pense se renouveler en maintenant à l'identique son mode de fonctionnement. Mais cette manière de procéder n'est qu'anti-créatrice. En outre, elle a pour principal inconvénient de prétendre que la texture du réel n'est constituée de virtuel que de manière périphérique ou accidentelle, tandis que le réel serait le réel qu'on nomme physique, le donné, dont le propre serait de constituer un fond stable et dont l'immuabilité consiste moins dans l'absence de changement que dans le changement par le chaos.
Internet montre au contraire que le progrès se manifeste par l'accroissement de la virtualité, ce qui n'implique nullement que le réel soit appelé à devenir de plus en plus virtuel, mais au contraire que la partie concrète du réel résulte d'une application du virtuel. Quand on critique la virtualisation du réel, on entend par virtualisation l'éloignement du réel, ce qui implique que l'on entende par réel ce qui est le plus porche, immédiat et physique. Pour ce qui est de la réalité immédiate, c'est justement pour cette raison que le réel est le terme qui convient pour désigner le quelque chose.
Car l'immédiat peut aussi bien contenir, dans sa fulgurance et son unité, ce qui excède justement le physique, comme ne retenir du réel que ce qui est sa version la plus solide et accessible. L'immédiat révèle le secret du réel : contenir en un seul instant tout le réel, de telle sorte que l'expression temporelle constitue l'étalement du réel en plusieurs instants d'êtres. Comment comprendre que ces instants multiples puissent être contenus dans un seul instant?
C'est ici que le virtuel peut nous mener vers la direction du réel qui ne saurait être seulement composé d'être au sens physique, ainsi que le suggère la tradition des nominalistes, dont se réclame de nos jours un Rosset au nom du réalisme intégral. Il est curieux de se réclamer du réalisme pour produire la définition incomplète (et hallucinatoire) du réel.
Le réel est plus à comprendre en termes de virtuels qu'en termes de donné. La virtualisation tant dénoncée par les sectateurs de Gutenberg d'Internet est un progrès en ce qu'elle permet d'exprimer plus facilement ce qui est réel. Et si Internet contient plus de données, de stocks et de potentialité d'exprimer des facettes de réalité, c'est parce que c'est le virtuel, et lui seul, qui permet l'accroissement des données sur le donné, et non des inventions internes au donné qui l'amélioreraient.
La virtualisation d'Internet constitue un progrès dans la possibilité pour l'homme de dire le réel et de s'y mouvoir. Se mouvoir dans le réel, c'est ainsi, non pas suivre les prescriptions nominalistes du pseudo réalisme intégral, mais approfondir son potentiel de virtualité, de telle sorte que la connaissance du réel se trouve enrichie, tandis que si l'on s'en tenait à une approche du réel comme donné, outre que l'on arriverait à l'entropie comme définition, on ne parviendrait jamais à créer quoi que ce soit.
Le virtuel est ce qui encourage la création. Le potentiel de création se trouve dans le virtuel. Internet est un puissant outil qui améliore la créativité humaine et la rend accessible à tous bien plus aisément que Gutenberg, dont on mesure l'oligarchisation croissante à mesure que s'installe sa sclérose. Gutenberg est donné. Le virtuel a besoin pour se maintenir de progresser vers Internet.
Il ne faudrait pas voir le réel comme plus composé de virtuel que de physique. Le réel a autant besoin de son actualisation que de sa virtualité. Sans virtuel, le réel s'étiole; sans physique, le réel n'aurait pas de consistance. La consistance désigne la matérialisation, soit le critère selon lequel il faut que le jeu incessant du virtuel trouve un débouché physique sur lequel adosser son mouvement.
Le physique est, non l'aboutissement du virtuel, mais le socle inférieur sans lequel le virtuel ne peut se développer. Sans le jeu incessant entre virtuel et physique, le réel ne peut perdurer. Considérer les deux de manière isolée rend impossible leur expression. Le virtuel pur est évanescent, le physique pur est palpable, mais ce n'est pas parce qu'on peut le sentir qu'il est plus réel que ce qui serait seulement appréhendable par la réflexion.
Au contraire, ce qui est le plus vérifiable par les sens est le moins réel au sens où il est le plus fragile. Le réel peut être dit virtuel au sens où sans virtuel on en conserverait que le résiduel, un peu comme si on décrétait que l'eau n'est en fait que l'écume née de ses flots tumultueux. Le virtuel amène à s'interroger sur la structure malléable du réel. Internet est l'invention technique qui facilite l'expression, le langage dans ce qu'il comporte de créatif et qui permet d'accéder à al dimension malléable du réel.
Si le discours ontologique est le discours qui à l'intérieur de la philosophie transcendantaliste s'oppose à la métaphysique, et si l'ontologie qualitativement supérieure peut se permettre de s'opposer à la métaphysique quantitativement plus importante, tout discours qui se développe à l'intérieur de la sphère transcendantaliste ne peut accéder au malléable et au niveau de réalité qui a besoin de l'innovation technique d'Internet.
Tant que l'on en reste au niveau technique Gutenberg, l'expression ne change guère du parchemin et du parchemin. On en reste à une conception élitiste du discours, qui ne peut être émis que par un tout petit nombre d'élus, et qui en peut être reçu que par un public à peine plus large. Le discours est une affaire de castes supérieures, dont se trouve issue la majorité. 
Internet permet potentiellement l'application généralisée du discours à tout individu, avec ce corollaire pervers selon lequel Internet sera utilisé en premier lieu par tout individu qui n'a pas reçu l'éducation en mesure d'exprimer son potentiel créatif. Mais c'est le lot de toute invention que de commencer par exprimer quantitativement son potentiel négatif, avant que sur la durée de montrer en quoi consiste son apport qualitatif. 
L'observateur ne peut apercevoir du réel sa dimension malléable, extensible, croissante d'un point de vue physique, si l'on se place d'un point de vue transcendantaliste, qui ne peut que développer cette optique, parce qu'il s'en tient à une approche du réel où ce qui est reconnu comme n'étant pas de l'être est du non-être ou de l'indéfinissable.
Du coup, il manque l'aspect du réel qui permet de le rendre compréhensible : l'Etre est aussi incompréhensible que perçu comme totalité infinie. Mais comment l'infini peut-il occuper la totalité de l'espace? C'est ici que l'intelligence bloque et que la raison ne parvient à saisir ce qui lui échappe manifestement. Ce qui fait que Platon s'en tient après moult atermoiements à l'autre comme de l'être fini, et que Descartes envisage que Dieu soit un mystère incompréhensible, associant le fini au total.
Le complet immanentisme  qui s'incarne dans le désir, est fini. Lui se montre logique, quoique assumant que complétude ne puisse s'associer qu'avec finitude. Au-delà, l'infini devient l'incréé. Pourquoi Gutenberg ne peut-il que s'en tenir à appréhender le réel comme ce qui est de l'ordre de l'infini, soit qui ne peut que comporter de la négativité? Gutenberg épouse le transcendantalisme monothéiste et surgit au moment de l'avènement du transcendantalisme.
Le monothéisme se caractérise par l'édition de l'unité. Le réel est un. Fort bien, sauf que l'un n'arrive pas à correspondre au réel. Gutenberg suit cette déclaration selon laquelle le discours sera incomplet pour dire le réel et ne parviendra à rendre compte de ce qui dans le réel est tenu pour n'étant pas réel. Le réel selon Descartes est autant infini que fini.
La technique Gutenberg consiste à rendre élitiste l'un, ce qui change par rapport à l'élitisme polythéiste qui correspond à la technique du parchemin (au sens large). L'élitisme pluriel devient l'élitisme un. Le transcendantalisme en peut être qu'élitiste, au sens où l'être que le transcendantalisme édicte et sélectionne est la part qui est l'être fini.
Gutenberg ne parvient qu'à montrer qu'il existe une unité entre ce qui est fini et ce qui est infini, mais sa technique d'expression ne peut définir ce qui sort du fini. Le parchemin parvenait à s'en sortir grâce à la multiplicité de l'être, qui comblait le manque du fini. L'unité est le paradoxe entre ce qui est défini et le lien avec ce qui n'est pas fini et qui n'est pas reconnu comme réel. 
Mais la technique qui est au service du transcendantalisme se montre élitiste. C'est Internet qui met fin à l'élitisme, même si l'innovation Internet, pour importante qu'elle soit (plus importante qu'Internet), n'est pas l'innovation ultime, mais laissera la place à plus performante qu'elle. La performance du progrès technique est au service de ce qui permet la progression de la connaissance du réel. 
L'augmentation du virtuel, qui est la spécificité d'Internet, est au service d'une meilleure connaissance du réel, de telle sorte que la résistance de Gutenberg à laisser la place à plus performant se traduit, sur le siècle qui vient, par une exigence réactionnaire de refuser que la connaissance progresse, au nom du fait que tout changement remet en question l'ordre que l'on domine. L'argument invoqué est réactionnaire : rendre l'expression plus égalitaire, comme c'est le cas avec Internet, reviendrait à abaisser le niveau d'intelligence.
C'est l'inverse qui est vrai : l'amélioration, qui passe par des découvertes singulières, souvent incomprises sur le moment, implique que  l'on rende plus accessible l'accès à l'expression, de telle sorte que les potentiels découvreurs aient plus de chance d'éclore au sein d'une masse plus grande. Plus les découvreurs sont potentiellement importants, plus les découvertes seront nombreuses.
Tandis qu'Internet rend plus créatif, Gutenberg détruit la créativité. Être plus créatif signifie que le potentiel de créativité croît en chaque individu, du fait qu'il se trouve convoqué par Internet (où l'on mesure que l'éducation de l'avenir sera connectée avec la créativité); tandis que Gutenberg tend de plus ne plus à remplacer la créativité par le principe oligarchique de connaissance, inférieur à la création : le savoir.
Le savoir rend compte du réel donné et empêche que l'on change la connaissance. Au contraire, le virtuel rend la connaissance dynamique au sens où le domaine de l'être ne peut être compris s'il n'est pas sans cesse soumis au changement. Le virtuel permet de mieux comprendre le réel, ce qui rend Gutenberg partie intégrante des acquis passés et dépassés. 
Quelle suite pour Internet? Pour prolonger la virtualisation, il faudrait se tourner vers ce qui peut encore accroître la créativité : la faculté de communiquer par télépathie. Le futur technologique se trouve dans la possibilité, non de libérer la créativité interne, vers ses effets extérieurs, mais d'abolir la distance entre l'extérieur et l'intérieur. Cette réconciliation ontologique passera par la juste compréhension du rêve devant lequel Descartes a échoué : réconcilier le cogito avec son extérieur (jamais nié).
Cet approfondissement du réel laisse espérer qu'un jour, dans de futurs siècles, l'homme sera capable d'aborder le réel selon les aspiration de l'intuition : embrasser d'un seul coup, à la manière d'une vision totale et fulgurante, l'intégralité du réel. Ce travail portera sur ce qui constitue la profondeur du réel, et non plus sur son étendue, comme c'est le cas aujourd'hui avec l'approche à dominante physique.
A ce moment, ce qu'on nomme de manière négative et imparfaite infini sera maîtrisé comme ce qui ressortit du virtuel. L'infini n'est pas un état existant et pour le moment indéfinissable (avec Descartes qui explique que l'on n'a pas à savoir pourquoi Dieu nous a créés ainsi, de manière imparfaite). Alors que ce qu'on nomme infini ne peut être compris depuis les normes finies et doit être appréhendé en termes de malléabilité. Vertu du virtuel.