jeudi 31 juillet 2008

Le rejet

Je crois que la catégorie qui permet le mieux de comprendre notre monde infesté et métastasé par le 911 est le rejet. En particulier, la catégorie du rejet est pertinente et appropriée parce qu'elle offre la clé qui déchiffre le tabou du monde sans sombrer dans l'anathème et la transgression. On sait que notre monde est fondé sur le tabou de l'antisémitisme. On nous rabâche que cet interdit viendrait de la Shoah, de sa singularité et de son horreur.
Tout à fait d'accord pour commémorer la Shoah et faire en sorte que de pareils évènements ne se reproduisent plus, mais :
1) les Tziganes et autres homosexuels doivent alors subir la même reconnaissance de principe, ce qui est loin d'être le cas;
2) le refus de l'antisémitisme ne signifie en aucun cas l'interdiction de porter une critique sur les Juifs ou les Israéliens.
L'antisémitisme consiste précisément à essentialiser la critique, soit à racialiser la critique en l'universalisant au peuple juif dans son ensemble et à prêter à ce peuple si particulier une caractéristique amalgamante et fortement péjorative.
Maintenant, si les Juifs sont des hommes comme les autres, ce que je crois fermement, alors ils sont critiquables comme les autres. On peut critiquer les Pakistanais ou les Saoudiens - $dans le 911 - ou dans d'autres affaires? Très bien, très juste, très salutaire! Eh bien, on critiquera alors s'il y a lieu aussi les Israéliens, ou les Juifs d'Amérique - ou d'ailleurs. Le seul critère demeure le critère de la vérité : apporter des arguments étayés et non relayer des dogmes indiscutables.
Justement, le fait de refuser la critique au nom de l'antisémitisme ressortit du dogme indiscutable et du refus manifeste de la critique. Toute critique contre des Juifs, quels qu'ils soient, aussi divers soient-ils, reviendrait à prononcer la sentence de l'antisémitisme? Très bien, dans ce cas, au lieu de perdre son temps à relever le fanatisme inscrit dans cette pensée, il suffit d'opposer précisément à l'antisémitisme, à son processus inacceptable d'amalgame, la catégorie du rejet comme explication et clé de voûte de l'histoire de notre monde immanentiste.
Après tout, de nombreux historiens et sociologues se fondent sur des documents précis pour affirmer que les Juifs ont joué un rôle historique qui les a conduits à assumer des charges dans le commerce, la finance et la banque. Ce fait étayé n'est nullement antisémite. Il est capital pour comprendre les dérives de l'immanentisme. Loin de découler d'un caractère racial et raciste, le goût de l'argent ou du pouvoir par exemple, cette particularité irréfutable de notre temps, s'explique facilement par le rejet qui poussa de nombreux Juifs vers les activités réprouvées par les chrétiens et les musulmans comme des pratiques dégradantes de l'usure.
Le rejet. C'est le rejet qui a mené à l'immanentisme. Et loin de cautionner des explications racistes, je demande qu'on examine la teneur du racisme spécifiquement antisémite, même si par ailleurs ce terme est chargé d'un brouillard et d'un brouillage patents. L'image antisémite du Juif usurier et du Complot mondial juif est certes fausse; mais elle s'explique par l'essentialisation qui est faite d'une pratique dont l'explication historique, sociologique et anthropologique suffit très bien.
Le rejet. Et que l'on s'attache à une constante par ailleurs de plus en plus caricaturale et incompréhensible de nos jours à force d'être criante de vérité : l'association des protestants et des Juifs, je veux dire des courants les plus fondamentalistes du protestantisme et du judaïsme pour dominer le monde par l'intermédiaire du pouvoir suprême de la banque et de la finance.
Comment se fait-il que le protestantisme et le judaïsme se retrouvent dans cette association inexplicable? Comment se fait-il que des chrétiens aient consenti à une alliance avec le peuple déicide? A ces questions bizarres, on ne peut répondre décemment : ces questions ne sont pas envisageables ni exprimables parce qu'elles déboucheraient sur l'antisémitisme. A force de mentir et d'user de manière perverse de l'antisémitisme comme d'un bouclier anticritique, on va finir par servir l'antisémitisme réel et il ne faudra pas s'étonner si de nouveaux et effroyables lynchages de type antisémite sont organisés contre des populations innocentes : ces réactions de haine, de colère et de vengeance auront été attisées par une rhétorique du déni et du mensonge caractérisés.
Le rejet est l'explication limpide qui permet de comprendre l'alliance invraisemblable entre des juifs et des protestants : par le rejet, précisément. Les protestants, singulièrement les calvinistes, singulièrement les hérésies chrétiennes sionistes, présentent une démarche frappante. On connaît l'essai du sociologue Weber sur le protestantisme et le capitalisme et son explication de nature éthique et théologique. Mais je crois bien que le rejet explique plus de choses que l'éthique.
Comment se fait-il qu'à chaque fois que l'on étudie les secteurs d'influence véritable de l'immanentisme, on tombe sur le fondamentalisme et sur sa mutation en immanentisme? Parce que l'immanentisme est une religion, un fanatisme et qu'il se marie fort bien avec le fondamentalisme. Mais pourquoi cette mutation se produit-elle?
Comment expliquer que le protestantisme produise dans ces manifestations fondamentalistes l'immanentisme, ainsi que dans le monde anglo-saxon, et que ce christianisme si particulier s'allie avec le monothéisme le plus proche de lui, le judaïsme lui aussi fondamentaliste et lui aussi tourné vers le capitalisme? Comment se fait-il que l'essai que Weber consacre au protestantisme et à l'éthique capitaliste aurait pu tout aussi bien porter sur le judaïsme et l'éthique capitaliste?
On notera que le libéralisme et le capitalisme sont des doctrines et des idées qui sortent du monde anglo-saxon et qu'elles sont immédiatement appliquées par les protestants et les Juifs en priorité. Pas seulement, certes, car Weber s'est montré trop radical sans doute avec les catholiques, qui peuvent tout aussi bien finalement incliner vers le commerce.
Encore que le commerce soit une spécialité historique des Anglo-saxons et des Juifs. Mais c'est le rejet qui précisément définit et caractérise le mieux l'histoire des communautés juives et des communautés protestantes, dont on remarquera que le point commun réside dans le destin religieux de rejetés.
Autrement dit, l'inclination vers le capitalisme s'explique de manière religieuse par le rejet. Qu'est-ce que le rejet? C'est en gros le rejet absolu qui frappe ceux qui n'ont pas de terre ni de patrie. C'est bien entendu le cas pour les communautés juives et c'est même l'explication officielle qui est justement apportée à leur prépondérance pour le commerce et l'usure. Mais c'est aussi le cas pour les protestants, de manière peut-être moins prononcée, car les protestants persécutés par les catholiques ont une patrie dans certains cas, comme en Angleterre, avec l'hérésie anglicane, mais comme aussi dans l'Empire germanique (pour faire large).
C'est oublier que de nombreux protestants deviennent du fait de leur foi hérétique des apatrides et que l'immigration américaine présentera comme caractéristiques premières d'associer dans un premier temps beaucoup de Juifs et beaucoup de protestants. On sait que l'immigration vers l'Amérique présente de nombreuses similitudes avec l'émigration israélienne, sujet à aborder par la suite, mais il importe pour le moment de noter que c'est le rejet qui fonde les États-Unis et que c'est le même rejet qui sera l'explication à la création d'Israël.
Avec une surenchère notable : le rejet vers l'Amérique est un ton en dessous de l'explication officielle (et apportée a posteriori) de la création d'Israël par la Shoah. Il reste à comprendre l'association du rejet et de l'immanentisme. En un mot, ce serait quelque chose comme le rejet du réel et l'alternative de l'Hyperréel apportée par la religion de l'immanentisme. Tout un programme; tout un cauchemar.

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