dimanche 7 juin 2009

Le sacre du 911

Le 911 n'était pas un sacrifice conscient. Ce n'en était pas moins un sacrifice.

Venons-en au sacrifice. Ne sacrifions pas à la mode immanentiste qui veut qu'on ne parle pas de ce qui est religieux. Parlons de religieux. Evidemment, le nihilisme n'est pas du religieux explicite. Evidemment, le nihilisme ne fonctionne que s'il est dénié par ses usagers et ses sectateurs. Quand un financier se comporte en immanentiste (nihiliste moderne), il n'en a pas conscience, mais il poursuit de manière aveugle et superficielle la quête de son plaisir immédiat : toujours plus de fric, toujours plus de profit.
Quand on a compris que l'immanentisme désignait une mentalité déniée, ignorée, ignorante aussi, et pas un processus reconnu et officiel, on se penche sur ce qu'est le nihilisme. Réponse : la religion du diable. La meilleure ruse du diable consiste à avoir fait croire qu'il n'existait pas. La meilleure ruse de la religion nihiliste consiste à avoir fait croire qu'elle n'existait pas. La meilleure ruse des nihilistes consiste à croire qu'ils ne sont pas nihilistes. On a même des doctes et des pédants qui expliquent savamment, fiers de leur invention conceptuelle, que l'homme occidentaliste, l'homme supérieur, l'aboutissement du cheminement historique de l'être humain, ce curieux roseau pensant est l'espèce qui a achevé la sortie de la religion.
Maintenant, l'une des principales innovations du monothéisme consiste à avoir aboli le sacrifice humain et à l'avoir remplacé par un sacrifice symbolique. C'est ainsi que les musulmans remplacent Isaac par un mouton lors d'une de leurs fêtes principales. Les chrétiens vont encore plus loin puisqu'ils considèrent que le sacrifice est définitivement aboli ou reporté du fait de la Passion. Le Christ par son sacrifice ultime a aboli les rites sacrificiels.
Le seul penseur à s'être penché sérieusement sur la question du sacrifice est aussi le plus grand penseur du vingtième siècle (ou l'un des plus grands) : Girard. Girard comprend que le christianisme n'est pas un mythe et que ce qu'on nomme mythe en tant qu'explication religieuse polythéiste dépassée ne correspond pas au religieux monothéiste, encore moins au christianisme. Précisons que Girard est chrétien catholique et qu'il serait illusoire d'attendre de lui de l'objectivité. Comment être juge et partie?
La question du sacrifice hante le courant monothéiste. Le sacrifice semble aujourd'hui un rituel aussi infâme qu'inutile, lors duquel on allait jusqu'à mettre à mort des hommes. Non seulement le sacrifice est inutile, mais il est associé au monstrueux, au sanglant. Les positivistes actuels, qui s'ignorent en tant que positivistes et qui se donnent des noms positifs, comme démocrates ou laïcs, se montrent bien contents de ne pas appartenir à des âges aussi sombres que ceux durant lesquels on sacrifiait des hommes.
On a eu la Préhistoire, lors de laquelle l'homme mangeait de la viande quasi crue et peinait à entretenir le feu; et on a eu les sacrifices, qui sont des traditions heureusement oubliées. Juste après, on trouve les horribles supplices du Moyen Age européen, durant lesquels on faisait brûler des sorcières et des contestataires. Mais par-delà de ces images d'obscurantisme heureusement dépassé par la Civilisation, le Progrès, la Modernité : qu'est-ce que le sacrifice?
Rendre sacré : telle est l'étymologie (transparente) de ce terme. Abolir le sacrifice revient à abolir le sacré. Sacré sacrifice! Feu d'artifice! Abolir le sacré n'est possible que dans une mentalité de désacralisation, soit dans une mentalité qui réfute le sacré. Peut-être considère-t-elle que le sacré est dépassé, que nous somme sortis du sacré, que nous fonçons tête haussée vers le désacré...
Après tout, la laïcisation traduit au niveau politique et juridique cette mentalité qui consiste à sortir du noeud religieux. Sortir du religieux pose un problème insurmontable : l'homme étranger au religieux ne comprend plus le religieux. C'est-à-dire que la sortie de la religion masque la religion du déni de la religion. Comment comprendre le diable quand on postule que le diable n'existe pas? Comment comprendre ce qu'on dénie?
Nous nous mouvons en terre immanentiste, soit dans une mentalité qui rend impossible la compréhension du religieux et qui y ajoute (avec usure) la destruction du religieux. Étymologiquement le religieux, c'est le lien ou la cueillette. Que l'on lie ou que l'on cueille, le sens de religieux découle d'une volonté de fonder, puisqu'il s'agit d'embrasser le champ du reél et de lui donner un sens. Cette définition du phénomène religieux est bien plus profonde que la définition que l'on attache d'ordinaire à la philosophie, soit à une sous-branche du religieux, ainsi qu'en témoigne explicitement la démarche de Platon et l'influence de la tradition égyptienne, partagée notamment par Pythagore.
Le religieux ne se comprend que si on le rapproche du sacré. Pratiquer une religion, ce n'est rien d'autre que finitudiser le sacré. La pratique religieuse, le rite, la spiritualité, toutes les formes religieuses que l'on peut rassembler sous le phénomène universel du religieux, ne se laissent entendre et saisir que si on comprend que le religieux permet surtout, avant tout, parmi ses mille sens et ses attributions multiples, certaines totalement sorties de leur contexte premier, de sacraliser.
Le religieux a un sens qui est un sens très concret et très profond. Le sens au départ, c'est la direction. Avoir du sens, c'est proposer une direction qui vaille. L'homme qui a du sens, c'est l'homme qui propose une direction à sa communauté, une pérennité, une viabilité. Idem pour le religieux : le religieux est cette démarche humaine primordiale, essentielle, sans laquelle aucune démarche ne vaut, de sacralisation.
Girard relie la culture au culte, histoire de montrer que toute démarche humaine n'était pas possible sans religieux. C'est malheureusement vrai, et je laisse méditer sur la valeur/teneur de notre époque qui bannit le religieux. Et si le diabolique était le dégénéré? On sait que le diable ne tient pas la route, mais ce qui ne tient pas la route, c'est ce qui perd son genre, son sens et sa valeur.
Le principe du religieux, c'est de sacraliser : rendre sacré - quoi? Rendre sacré le fini. Sacraliser le fini. La culture humaine n'est possible qu'à partir de cette sacralisation. En termes ontologiques, la sacralisation aboutit à la transformation de l'absolu en fini. En gros, c'est le principe de différence ou de changement. Sans sacralisation, le fini demeure identique, immuable et s'épuise. Tel un champ qui n'est pas cultivé (d'où l'autre sens de culture), il s'appauvrit jusqu'à devenir stérile et inutilisable.
Sans sacralisation, le monde de l'homme disparaît et c'est ce à quoi nous assistons aujourd'hui : après avoir cessé de sacraliser, nous avons épuisé notre monde immanentiste et ce dernier s'en va à la dérive, menace de faire de l'homme une espèce sur le déclin, bientôt en voie de disparition, peut-être à même de rejoindre le musée des espèces disparues et glorieuses, dont les dinosaures sont un exemple fameux et époustouflant.
C'est dire que le nihilisme annonce explicitement le destin qu'il réserve à ses sectateurs : le néant, soit la destruction. Etre nihiliste, c'est à terme accepter sa disparition. Bien entendu, quelqu'un qui vous expliquerait froidement qu'il travaille à sa disparition passerait pour fou. Le moins qu'on puisse noter, c'est que le nihilisme est un programme fou - inconséquent. Religion du déni de religion, hein? Conséquence de l'inconséquence conséquente?
Refuser la sacralisation, c'est se condamner à la disparition. Refuser le religieux, c'est refuser la sacralisation. Le nihilisme est l'élan religieux qui refuse le religieux, comme le diable est l'Ange qui refuse Dieu. En termes ontologiques, le diable est le sensible pur et Dieu est le reél. Le diable refuse le reél et réduit la définition du reél au sensible pur. Quelle sont les formes de sacralisation? Au fond, c'est toujours fort simple, étant entendu que le reél est une présence fort simple - raison pour laquelle toute explication véritable repose sur la simplicité.
Sacraliser revient à introduire dans le reél de l'absolu. A chaque fois que le monde de l'homme change, on a sacralisé. Autant dire que la sacralité s'exprime dans la culture. On discerne le lien entre culture et culte. Le culte sacralise explicitement quand le geste culturel est l'actualisation de ce sacre. La sacralisation se manifeste dans tout type de culture, travail (au premier rang agriculture), arts, pensée, j'en passe et des meilleures. Dans ce cas dira-t-on, quelle différence accorder à une culture qui dénie le sacré et le religieux?
Cette pseudo-culture qui n'est pas culte n'est déjà plus culture. La différence essentielle entre la culture religieuse et la culture nihiliste intervient dans le résultat : l'absence de renouvellement, de différence est le marque de fabrique de la culture nihiliste. Le nihilisme est mimétisme. Plus le mimétisme est pur, moins la différence s'exprime et plus la culture s'étiole - jusqu'à disparaître. Comment susciter la différence? En l'appelant de ses voeux. Le gratuit est le primordial.
On croit en Dieu quand on appelle Dieu. On se montre religieux quand on croit dans la religion. On se montre nihiliste quand on réfute Dieu, quelles que puissent être les subtilités inépuisables dont nous gratifient les philosophes contemporains, qui chacun présente et propose sa manière unique et indépassable de surmonter Dieu et de surpasser le religieux. Et quand une culture s'épuise, est-elle nécessairement nihiliste?
Point du tout, il faut différencier le nihilisme de la décadence. Le propre du nihilisme est de détruire de telle manière que l'herbe ne repousse point là où il est passé. Le nihilisme est l'Attila de la culture. Le propre du nihilisme culmine dans sa manifestation moderne et immanentiste de projet mondialiste unique : si le projet échoue, que devient la culture humaine? Là où la décadence et la disparition d'une culture classique autorisent et préparent le changement - et l'avènement d'une nouvelle culture, la décadence et la disparition d'une pseudo-culture nihiliste sont définitives.
Le nihilisme est ainsi ce qui interdit le changement et la différence. Voilà qui indique que le projet de répétition n'est pas du tout l'apothéose du fini ou l'incarnation de l'Idéal tel qu'on le dépeint traditionnellement, mais un faux reél ou un reél réducteur. Nous ne nous mouvons pas dans un reél qui serait dégénéré par rapport à un reél parfait, mais dans une partie du réel qui évoque fidèlement le tout du reél. Ce qui change est bien ce qui est reél, n'en déplaise aux adorateurs de l'Etre immuable, qui sont de faux réalistes.
L'homme transcendantaliste, qui se meut dans une culture typiquement religieuse, et qui souffre des inconvénients de la mentalité religieuse (certaines scléroses, certains défauts), ce transcendantaliste sacralise, c'est-à-dire qu'il instaure la pérennité de l'homme. Sans culture, l'avenir de l'homme est compromis. Si les cultures changent, la culture perdure. L'homme demeure quelles que soient ses demeures.
C'est ici qu'intervient le sacrifice. Rendre sacré est un projet impressionnant, à condition de différencier le sacré du sacrifice. Le sacrifice n'est pas le sacré. Le sacrifice est la manière spécifique de sacraliser pour que le reél suive le cours de ses voeux. Le propre du sacrifice est de permettre de changer le changement. Le sacrificateur sacrifie pour changer le cours du reél de telle manière que le réel agrée à ses attentes.
Dans cette compréhension de l'ordre des choses, le sacrifice est parade à la démesure au sens où la démesure consiste à estimer que l'homme peut changer les choses sans sacrifice, ce qui signifie sans sacrifice qui touche le sacrificateur. Dans le récit biblique, Abraham accepte de sacrifier Isaac, soit de sacrifier son fils unique sur commande divine. Sacrifier son fils unique, surtout pour un patriarche, c'est un geste fort, terriblement abominable, qui suffit à montrer que le sacrifice implique que le sacrificateur donne un sacrifice qui lui est particulièrement cher.
On comprend que le sacrifice au sens véritable concernait des hommes, soit des êtres qui sont chers à l'homme, puisqu'ils appartiennent à la même espèce. Quand on assiste à des sacrifices de prisonniers ennemis, l'ennemi n'est autre que celui qu'on aime, ainsi que le savent fort bien les tragédiens. On enseigne que la haine et l'amour sont des sentiments fort proches. Par ailleurs, nous avons une flopée d'histoires toutes plus horribles les unes que les autres sur le sacrifice d'enfants, de parents ou d'amis. Je ne retiendrai que le sacrifice d'Iphigénie par son père Agamemnon, qui retient une bonne part de la littérature grecque et qui n'est un mythe universel que parce qu'il est avant tout un récit religieux (soit l'autre sens de mythe, le plus profond).
Le sacrifice second et dérivé d'animaux en lieu et place des êtres humains signifie tout simplement que l'on atténue l'efficacité du sacrifice en estimant que le sacrifice n'est plus aussi impérieux qu'à une certaine époque. On a moins besoin de sacrifier parce qu'on estime que l'on maîtrise mieux le reél. L'abolition du sacrifice dans le monothéisme chrétien signifie que ce monothéisme considère le sacrifice inutile parce que le reél est désormais maîtrisé suite à la Passion.
L'erreur du christianisme repose sur cette idée de maîtrise totale, qui est peut-être voisine de l'idée que l'Apocalypse est proche. Elle engendre la sortie de la religion, car l'absence de sacrifice induit que le sacrificateur disparaisse et que le cours des choses ne soit plus profitable à celui qui auparavant consentait à sacrifier. En tout cas, le dernier monothéisme, l'Islam, rétablit le sacrifice intermédiaire, soit la substitution du sacrifice humain de type polythéiste et originaire par le sacrifice de type animal. Quoi qu'il en soit, le sacrifice animal, qui est intenté par des éleveurs, voire des bergers, concerne aussi des sacrifices qui sont chers.
Pour que le sacrifice fonctionne, il faut ainsi que le sacrifice soit cher. Prix qui est peut-être un prix matériel élevé, comme c'est le cas pour un enfant, voire, dans une moindre mesure, pour un animal de son troupeau. Allez demander à un paysan ce que représente pour lui le prix d'une bête! Nous y sommes : le prix désigne une valeur infinie ou absolue, soit une valeur qui dépasse toute estimation matérielle ou sensible.
Le sacrifice ne fonctionne que s'il vient à remplacer un être cher. Dans ce cas, le sacrifice qui ne fonctionne pas consiste à sacrifier quelque chose qui n'est pas cher au lieu de quelque chose qui l'est. C'est un geste qui induit une grossière et inutile arnaque. Ce faux sacrifice revient dans le même temps à concevoir le sacrifice comme quantitatif et non qualitatif. On fixe un prix matériel et étranger. Cette manière de concevoir renvoie au 911. Le 911 est un faux sacrifice de type nihiliste.
Les sacrificateurs ont certes sacrifié des êtres humains par grand nombre. Mais c'était des étrangers, des individus qu'ils considèrent comme du troupeau, des serfs, du bétail remplaçable. On peut sacrifier quelque chose qui ne vous est pas cher, mais alors le sacrifice ne fonctionne pas. Le sacrifice n'est pas seulement inutile. Il se retourne contre vous. Ce que vous avez sacrifié libère un espace qui est occupé par des éléments aussi réels que destructeurs.
Le principe du sacrifice réussi apparaît en contrepoint du principe du sacrifice raté : libérer de l'espace fini qui sera remplacé par du sensible favorable au sacrificateur. En lieu et place du résultat défavorable, on obtient un résultat positif et agréable. On peut citer l'exemple du sacrifice d'Iphigénie. Iphigénie n'est pas sacrifiée gratuitement.
Elle est sacrifiée pour permettre le départ de la flotte grecque et surtout pour permettre le déroulement de la guerre de Troie. Agamemnon n'est pas un père infanticide désaxé et pervers, comme on aime à nous repaître de modèles de tueurs en série ou de violeurs en série. Le must est le pervers polymorphe qui tue, viole et supplicie des enfants. Le goût morbide que les spectateurs du médiatisme gâteux et mensonger affichent en dit long sur leur bêtise et leur inclination pathologique et simpliste pour les stéréotypes de propagande. Bêtise qui contraste le plus souvent avec l'exhibition de leurs diplômes impressionnants et ronflants!
Le 911 est l'opposé du sacrifice classique qu'Iphigénie pourrait inspirer et qu'Isaac dénoue (Yahvé ordonne de ne plus sacrifier d'humains chers). Le 911 est un sacrifice nihiliste/immanentiste. Les commanditaires du 911 étaient-ils des sacrificateurs conscients? Pas impossible que oui, vu que la plupart appartiennent à des sectes religieuses pseudo-chrétiennes et typiquement diaboliques et païennes (d'obédience babylonienne et de cultes autour de Mithra). Mais plus probable que non : après tout, le propre de l'immanentisme est de reposer sur le déni.
Le 911 est un sacrifice nihiliste parce que les commanditaires ont détruit sous prétexte de sauver. Les commanditaires du 911 ont voulu sacrifier les 3000 victimes de leur holocauste matérialiste pour changer le cours des choses et empêcher l'effondrement systémique qui a commencé depuis lors et qui se manifeste sous les crises de la crise économique.
Le 911 est un sacrifice qui est condamné à échouer et qui montre la différence abyssale et irréconciliable entre le sacrifice authentique et le pseudo-sacrifice d'inspiration nihiliste. Le 911 a accentué et accéléré le processus de décomposition systémique, alors qu'il était censé le transformer en bien. Quand on comprend que le 911 est un processus de destruction manifestement involontaire au sens où le diabolique est involontaire, on comprend le lien entre le sacrifice et l'absolu d'un côté; le pseudo-sacrifice et le fini de l'autre.
Je veux dire que le 911 est un complot et que le complot n'est jamais que le synonyme et l'expression du pseudo-complot de facture nihiliste et de réalisation finie. Autant le vrai sacrifice est l'anti-complot par excellence, qui touche à l'infini et qui ne peut que changer de manière favorable à partir de ce qui est cher; autant le pseudo-sacrifice ne change pas ce qui est de manière favorable mais le change de manière défavorable pour le sacrificateur.
Il serait temps de relier le pseudo-sacrifice qui ne sacrifie pas ce qui lui est cher et sacrifie au contraire ce qui lui est étranger (ou hostile); au complot qui est un sacrifice d'expression finie. Le véritable sacrifice ne peut qu'aboutir à la transformation d'infini en fini, ce qui implique que le sacrifice authentique soit un sacrifice en lien avec l'infini; quand le complot est un pseudo-sacrifice en ce que c'est un sacrifice absolument fini (si je puis m'exprimer avec cet oxymore).
Si l'on résume la disjonction radicale :
- le sacrifice sacrifie ce qui est cher et en rendant sacré le sacrifié cher rend favorable le cours des choses détourné par l'adjonction d'absolu dans le sensible;
- le pseudo-sacrifice sacrifie ce qui est au mieux étranger et qui est fini.
Le sacrifice de fini ne peut qu'engendrer l'échec, puisqu'en détruisant du fini, on appauvrit le donné constitué et qu'on n'est pas prêt de l'enrichir, sauf à sacrifier (c'est le cas de le dire) à la mode immanentiste qui explique faussement et pompeusement que le néant régénère. Le néant n'existe pas positivement, mais ce n'est sans doute pas le plus important pour ces tarés dégénérés et désaxés.
Le plus important pour un nihiliste est de fomenter un complot à peu de frais, un complot qui n'engage jamais que ce qui n'engage pas - ou si peu. Le lien entre le fini et l'étranger est patent dans le pseudo-complot de facture nihiliste. Ce qui n'est pas cher est fini. Cet adage signifie tout simplement que le matériel est dénué de valeur véritable et que la valeur véritable s'obtient par le contact avec l'absolu et par la transformation de l'absolu en fini (projet qui fonde le religieux et qui est ce à quoi participe le sacrifice).
Voilà qui montre le lien entre complot et sacrifice. Le complot est un pseudo-complot d'essence nihiliste. Le sacrifice est une manifestation du religieux. Le religieux est la transformation de l'absolu en fini. Cette opération nous ramène à la cueillette en tant que le meilleur moyen de comprendre ce qu'est le religieux et ce qu'est le sacrifice est l'opération du paysan qui cultive sa terre. La cultivateur n'est pas quelqu'un de cultivé. C'est quelqu'un qui pratique la culture dans son sens premier. La culture, c'est le culte. Cultiver son champ, c'est pratiquer le culte.
C'est rien moins que montrer la transformation de l'absolu en fini dans le labourage. C'est définir le travail comme cette transformation. C'est comprendre pourquoi le religieux sanctifie le travail humain et le rattache au péché de l'homme (dans la tradition monothéiste chrétienne surtout). Le sacrifice est en fait la manière de sacrifier une partie du champ parce que la récolte ne donne pas. En échange, on escompte que la récolte donne enfin et que ce qu'on a sacrifié débouche sur du positif : la récolte pour l'ensemble du champ. Le pseudo-sacrifice sacrifie une partie du champ pour que le champ entier donne. Au final, loin du résultat escompté, la récolte ne donne pas du tout et à ce premier inconvénient vient maintenant s'en ajouter un second : le champ est atteint par une maladie qui le rend stérile pour plusieurs années.

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