lundi 3 février 2014

De l'identité des nationalismes

Nous vivons une époque de manipulation et de complots, si tant est que les complots et les opérations de manipulations croissent sous une ère de crise. Notre époque n’est pas une crise interne dans un système en continuation, mais la crise transitoire la plus importante qu’ait connue l’humanité. Elle signale le passage du transcendantalisme vers le néanthéisme. 
Le nihilisme, qui ne peut fonctionner en régime de pérennité que de manière souterraine, ressort en périodes de crise, comme l’illustre lors du passage du polythéisme vers le monothéisme les expressions comme le matérialisme abdéritain ou les sophistes en Grèce (aussi composite soit ce mouvement). 
Il est actuellement actif d’une manière paradoxale (car son activité est autodestrructrice), mais ne le restera que de manière transitoire, ce qui indique à quel point Nietzsche s’est trompé, lui qui pensait que les valeurs nihilistes qu’il porte allaient succéder au nihilisme passif qu’il annonce pour notre époque. Son nihilisme actif et divin, qu’il promeut sans le distinguer du nihilisme passif, ne lui succédera pas, mais constitue exactement la même opération que la précédente.
La manière de pensée hallucinatoire et confusionnelle de Nieztsche, consistant à distinguer le même et à tenir l’identique pour différent, qui allait le mener vers la folie mutique (effondrement d’un processus maniaco-dépressif?) se retrouve dans la manière de penser, majoritaire et éclatée, des périodes de crise, où la plupart considèrent que le vrai n’existe pas (ou n’est pas compréhensible) et que seul importe le principe de plaisir/douleur. Cette conception donne naissance à une multitude de chapelles antagonistes et contradictoires, dont le principe commun mène à la multiplicité des contre-cultures.
La manipulation associe les ennemis sous la principe de leur opposition commune et de leur communauté inavouable : le présupposé selon lequel, si le non-être existe, alors son déploiement politique et social s’effectue sur le terrain de la domination. La domination favorise le terreau de la multiplication. La domination favorise les conflits. Mais les conflits ne surviennent qu’entre dominateurs, dont l’opposition d’intérêt s’appuie sur la communauté de valeurs (la sempiternelle loi du plus fort). 
Le complot se distingue de la manipulation de manière ténue, en ce qu’il vise à nuire (il est négatif), quand la manipulation est plus un acte positif, intenté en faveur de ceux qui la fomentent. Nous vivons en ce moment une manipulation spécifique, que je voudrais consigner parce qu’elle aura des répercussions dans la décennie à venir en France et en Occident : la montée du communaurarisme ne date pas des années 2010 (ni des dix dernières années). S’il monte, c’est du fait de ses liens avec l’idéologie libérale, qui est une simplification de philosophies anglo-saxonnes comme l’empirisme ou l’utilitarisme, et dont la parenté avec l’immanentisme promu par Spinoza coule de source (au point que Spinoza le marrane des Provinces-Unies se montre libéral dans sa philosophie politique).
Pour éviter le communautarisme, il faudrait démanteler le libéralisme, ce qui pourrait être réalisé, au sens où le libéralisme est symboliquement mort depuis la crise de 2009 (pour faire rond avec la chute du Mur de Berlin, qui signa la mort, symbolique, du communisme). Mais les miasmes de ce décès en rendent les effets plus virulents, au point que l’on se situe dans un néo-libéralisme dénié (et scientiste), où la légitimation de sa poursuite tient à sa nécessité (incontournable, quoique négative). Nous nous trouvons donc dans un ultralibéralisme exacerbé, qui souffle sur les braises du communautarisme. Pourrait-il y avoir un communautarisme harmonieux?
Pour ce faire, il faudrait qu'il se fonde sur l’universalisme, qui est incompatible avec le libéralisme. Cela impliquerait que les communautés se rejoignent autour d’un projet commun. Si ce projet est politique, il est provisoire, car la seule communauté qui tienne sur la durée est religieuse. Le constat : non que la pluralité des communautés religieuses ne puisse tenir dans un espace politique commun, mais que le communautarisme viable soit religieux, et non idéologique ou ethnico-social. 
Voilà qui implique en incidence mineure que la laïcité telle qu’elle existe à l’heure actuelle en France ne puisse déboucher que sur le risque de guerre civile, puisqu’elle confond différents types de communautarisme (les plans religieux, idéologiques, sociaux...). 
En incidence majeure, le projet politique de laïcité reste à redéfinir par rapport au religieux, ce qui n’implique nullement la théocratie, encore qu’il faudrait réfléchir à ce qu’on appelle théocratie, mais que le politique soit au service du religieux, dont la multiplicité tend vers le même idéal (l’universel), quand l’actuelle laïcité tend à reléguer la croyance religieuse dans un particularisme individuel qui est anti-universaliste en ce qu’il coupe l’individualité de sa foi, elle universelle. 
L’opération d'enfumage actuelle soufflant sur les braises du communautarisme ne m’inquiète pas dans tel ou tel phénomène, dont le dérisoire le dispute à l'inconséquence. Ce phénomène seul ne peut que défavoriser la plupart de ses supporters, en ce qu’elle les enfermera dans l’euphorie d’une bulle d’oubli, alors qu’ils sont prisonniers d’une gangue obscurantiste, démagogique et dégénérante, qui accélérera (de manière mineure) leur descente de la beaufitude vers la ploucitude (fin inéluctable dans le fonctionnement oligarchique). 
Mais ce phénomène comporte un trait particulier, qui peut s’avérer explosif, au vu de la crise que nous endurons (pas tant du point de vue du communautarisme, car les communautés à quelque niveau qu’elles se situent ne se réduisent pas à une opération d’enfumage, dont les linéaments seront mis à jour dans les mois et les années à venir, avec l’accélération de l’information due à Internet) : la création d’un segment très particulier d’extrême-droite, qui se renouvelle ainsi en demeurant la même et en poursuivant ses entreprises de destruction (qui font partie de ce qu’elle est et qui expliquent pourquoi elle ne peut qu’être infiltrée et manipulée elle-même par des affairistes dont les premiers inpsirateurs sont les milieux d’affaires). 
Comment définir l’extrême-droite? Bien que les nuances soient telles qu’il faudrait parler d’extrêmes-droiteS, dont les méandres sont concurrents, ce qu’on nomme extrême-droite tourne autour du nationalisme, dont les déclinaisons sont nombreuses, mais le but identique dans un Etat-nation constitué : la domination politique, qui passe nécessairement par un système d’alliances.
Le nationalisme fonctionne à partir de deux constantes : 
1) la recherche d’un bouc émissaire;
2) l’ennemi comme fin politique (comme chez Carl Schmitt, le juriste du Troisième Reich).
Il faudrait ajouter que nous assistons, y compris pour les besoins de la cause (récupération nationaliste), à la superposition de niveaux hétéroclites de boucs émissaires. Les premiers sont religieux (les monothéismes, juif, chrétien et musulman); les seconds, idéologiques (sionisme ou islamisme); les troisièmes racialistes (la xénophobie), en particulier dirigées contre les Arabes, mais aussi les Noirs au sens large (négrophobie), voire les Blancs aussi dans certains endroits. 
Ces trois niveaux peuvent se superposer de manière assez incohérente, comme lorsque l’on oppose l’Islam au sionisme, dans la mentalité d’une certaine tendance nationaliste, mais dans le nationalisme français, ce sera en fait le sionisme au christianisme, le sionisme désignant avec hypocrisie le judaïsme, quand le christianisme se révèle intégriste ou fondamentaliste.
Je vais m’attacher à décrypter le nationalisme islamophobe ou judéophobe, mais, derrière ces deux courants emblématiques du nationalisme, en particulier occidental (et français), il faudrait ajouter que se superposent de manière hétéroclite l’islamophobie ou la négrophobie, qui désignent une haine religieuse superposée à une haine ethnico-raciale. 
L’amalgame peut être opéré du côté de la majorité (les Blancs confondant Noirs, Arabes et musulmans dans un joyeux mélange), mais aussi de certaines minorités qui se montrent elles aussi attirées par la xénophobie, voire, pour certains courants, par le nationalisme, et l’on confondra alors les Blancs avec les chrétiens, voire avec les juifs et/ou les sionistes (le mythe selon lequel les sionistes dirigeraient l’Occident ayant la vie dure, se superposant au mythe des islamistes musulmans ou des Noirs ayant le même statut que les musulmans).
La majorité des expressions nationalistes privilégient le bouc émissaire islamophobe, non seulement en France, mais en Occident, pour une raison précise : les musulmans y sont des minorités assez nombreuses, dont l'importance est susceptible de cristalliser les haines des frustrés de la majorité. Comme, de surcroît, les musulmans sont en situation d’opprimés politiques le plus souvent, il est facile de s'en prendre à un bouc émissaire dont l’importance relative tend à relativiser la faiblesse. Ce constat indique le moteur du nationalisme : la vengeance.
Nous assistons à la montée d’un segment qui pourrait passer pour concurrent, alors qu’il est plutôt complémentaire et minoritaire, du nationalisme dominant, autour de l'affaire Dieudonné et de certains de ses inspirateurs et soutiens : un nationalisme qui serait cette fois antisioniste, voire judéophobe (le vrai terme à employer pour caractériser rigoureusement la haine des juifs, et non le confus : antisémite, de vocation propagandiste et égarante). Si l'antisionisme est une position politique légitime, le nationalisme qui se revendique de l'antisionisme porte en son sein la judéophobie. 
Cette montée d'un segment de nationalisme antisioniste se fait à destination de la génération black-blanc-beur, en particulier du public de niveau social modeste, voire défavorisé, dont les banlieues ne sont pas le seul terrain. Cette génération black-blanc-beur composite est le terreau idéal, non du métissage, mais de la confusion sociale, avec les amalgames dont j’ai parlé entre religions, idéologies et races (au sens antiraciste). Les amalgames sont d’autant plus aisés à favoriser qu’ils s’opèrent dans des catégories sociales qui ont d’autant plus besoin d'identité qu’elles sont en manque de repères, du fait de l’immigration récente issue de l’Afrique, du racisme et de l’histoire de l’Empire français.
Cette extrême-droite s'appuie sur des cadres qui sont des nationalismes exacerbés sous leur masque progressiste (!), dont la diffusion se révèle minoritaire, quoique en expansion (limitée). Elle s'appuie sur le sentiment d'injustice qui étreint ce public autour de l’islamophobie (ou de la négrophobie), et qui est ressenti d’autant plus vivement qu’il est confus. Non que l’intégralité de ce segment soit musulman, mais que tous au sein de ce public potentiel se sentent offensés par le deux poids deux mesures qui condamne la judéophobie, tout en avalisant l'islamophobie.
Ce sentiment émane de surcroît d'un public qui se sent marginalisé, méprisé, voire insulté. C'est sur ce terreau de l'injustice que travaille l'extrême-droite en général, et celle de tendance antisioniste en particulier. A partir de l'injustice, on fait monter la vengeance, qui est perçue comme une réponse justifiée. Dans le cas de l'antisionisme, on finit par oublier que cet antisionisme découle du nationalisme, donc est judéophobe, hypocrite et haineux. 
Le paradoxe hideux est que les premières victimes de ce nationalisme antisioniste sont le public défavorisé et révulsé par l’islamophobie ou la négrophobie. Ceux qui croient tenir dans l’antisionisme le moyen de combattre l’islamophobie renforcent l’islamophobie en avivant le nationalisme. L’opposition artificielle et montée des musulmans aux sionistes atteint son summum de confusion en créant une opposition bancale entre une religion et une idéologie, tout en faisant oublier que, loin de constituer une solution, elle accroît le problème.
D’un point de vue conséquent, on peut considérer que la seule lutte contre l’islamophobie passe aussi par la lutte contre la judéophobie et que le nationalisme antisioniste est l’ennemi le plus dangereux des musulmans. Ceux qui sont les victimes du nationalisme antisioniste se font manipuler, car ils tiennent leur ennemi principal pour leur porte-parole. En réalité, pratiquer la judéophobie revient à la même opération que pratiquer l’islamophobie. 
Et pratiquer le nationalisme antisioniste relève de la même escroquerie : non seulement il est islamophobe et négrophobe, mais en plus, il n’a rien d’antisioniste - et tout de judéophobe. Cherchez l’erreur. La banalisation du nationalisme se perpètre dans ce cas précis par le confusion entre antisionisme et judéophobie, soit entre l’idéologie et le religieux, mais elle n'aurait qu'un public confidentiel si elle ne s'appuyait pas sur l'injustice islamophobe (qui comporte une dimension justifiée).
A-t-on le droit moral de répondre à l'injustice par la vengeance (donc l'injustice)? La réponse est : en aucun cas. Que faire alors? On ne combat l'injustice que par la redéfinition de la justice, qui ne peut souffrir de compromis avec quelque élément d’injustice que ce soit. Dans le cas de l'affaire Dieudonné, qui prospère sur ce terreau nationaliste et propagandiste, il doit être clair que la légitime lutte contre l'islamophobie ne peut passer par des compromissions avec le nationalisme antisioniste, ni avec aucune forme de judéophobie. 
C'est au nom du respect de l'Islam que tout discours d'obédience nationaliste, même indirect, comme un comique vulgaire et simpliste, doit être condamné, et j'ajouterais : c'est salir la lutte contre l'islamophobie que de la confondre avec le nationalisme antisioniste.
Dans une république où monte le communautarisme au sens libéral, il est urgent que des associations représentatives luttent contre l'islamophobie et déplore le manque de visibilité dont souffrent les musulmans en France. L'islamophobie prospère sur le terreau de l'ignorance et des préjugés qui lui sont liés. Les compromissions entre nationalisme et antisionisme, dont il resterait à caractériser les liens avec l'islamophobie, ne peuvent que rendre la cause de la lutte contre l’islamophobie douteuse, alors qu'elle était juste.
Ce segment de marché nationaliste, qui a été étudié par les spin doctors et autres conseillers politiques qui infiltrent ces mouvances pour des objectifs de manipulation de certaines factions oligarchiques, ne disposera jamais, en tant qu'expression politique, d'un nombre de voix important. Dans la configuration actuelle, en France comme en Occident, le nationalisme ne peut prendre de l’importance politique et électorale que sur le terrain de l'islamophobie (et de son pendant plus vague la négrophobie, qui le recoupe en partie).
Ce segment n'est pas promu pour constituer un réservoir de voix au Front National (et aux partis d'extrême-droite en Occident), mais pour créer une déstabilisation dans les couches populaires, avec l’opposition du courant islamophobe au courant judéophobe. Il est promu pour créer les dissensions communautaristes, selon l'adage du diviser pour régner. Les partis politiques dominants (gauche et droite) font monter ce courant faible, voire inexistant, pour affaiblir le nationalisme islamophobe et créer l’illusion d’oppositions illusoires au système de plus en plus homogène et de moins en moins différent. 
Et tant mieux si le phénomène encourage la montée de valeurs qui contestent d’autant plus qu’elles sont dépolitisées et infrapolitiques, comme c’est le cas avec le comique vulgaire et simpliste de Dieudonné, ou avec le think tank alternationaliste (idéologiquement faible) E&R, mis en place par des cercles proches de ... Marine Le Pen. Le but sera idéalement atteint si la contestation est extrémisée (vers le nationalisme), segmentée (en plusieurs nationalismes) et dépolitisée (vers la pseudo-réflexion antiengagée ou le comique haineux). 
L'autre caractéristique de ce mouvement est d'empêcher par la confusion des valeurs la politisation de ceux qui en auraient le plus besoin : les victimes de la crise, qui sont en premier lieu ces classes pauvres ou modestes. Ce sont bel et bien les Français issus de l’immigration africaine qui ont le plus besoin d’engagement politique; mais aussi tous ceux qui viennent des classes modestes et dont les intérêts objectifs, comme dirait Marx, consistent à s’opposer politiquement aux valeurs oligarchiques que la crise porte (et que les nationalismes accroissent sous couvert de protestation anti-système). 
Si jamais ces victimes se politisaient, leurs revendications iraient aux antipodes du nationalisme, et tourneraient autour de la justice sociale et du niveau de vie. Le nationalisme accroîtra l'injustice et l’inégalitarisme. Surtout, la politisation amène la prise de conscience de l’intérêt général, selon lequel le groupe est plus fort que l’indivdiu. Seule la politisation permet cette efficacité supérieure. La dépolitisation permet de diviser en antagonismes inextricables les indivdius. C’est malheureusement l’arme du nationalisme qui permet le mieux cette guerre de tous contre tous, à l’opposé de la constitution de volontés générales : on le vérifie avec l’antagonisme du nationalisme antisioniste avec le nationalisme islamophobe, et l’illusion plus générale selon laquelle le nationalisme peut par sa seule force de contestation (négative) s’opposer au système politique en place.
Cette opération de confusion est menée contre des public a priori hostile au nationalisme, qui sont manipulés du fait de leur faible esprit critique, de leur absence d’études et de savoirs et de la colère qui les habite suite au sentiment d’injustice légitime qu’ils ressentent (chômage, discriminations...). Cependant, cette opération d’infiltration et d’endoctrinement quasi orwellienne (réussir l’exploit de diffuser le nationalisme auprès de ses victimes!) ne peut être montée par des groupes nationalistes de manière indépendante (comme si les cercles nationalistes disposaient d’indépendance par rapport au pouvoir qu’ils conspuent, comme d’adolescents à l’encontre de leurs parents).
L'intérêt de ces groupes consiste à rassembler les populations victimes de la crise contre un bouc émissaire simple à identifier. Ce genre de déstabilisation ne peut qu'émaner de cercles oligarchiques (au-delà de leurs relais politiques), dont l'intérêt n'est pas de faire monter le nationalisme, qu'ils méprisent, mais de créer les conflits entre victimes potentielles, fort de l’adage atavique selon lequel le meilleur moyen de régner consiste encore à diviser. 
Au final, celui qui croit agir contre l'islamophobie et/ou contre le sionisme en se rapprochant du nationalisme explicite ou diffus, comme dans les cas de dépolitisation aura été manipulé et aura agi contre ses intérêts, si tant est que ces derniers soient de lutter contre l'islamophobie, la négrophobie et le sionisme (et je crois que ces trois causes sont les paravents de sentiments inavouables et confus de haines rances et transgénérationnelles, dont la principale cause me semble être l’humiliation d’avoir été dominé. J’en veux pour signe l’absence de revendications positives pour lutter contre l’islamophobie, la négrophobie ou le sionisme, et le remplacement du positif par le négatif : la moquerie, l’amalgame et le rejet, trois positions propres à fonder le bouc émissaire et typiques du nationalisme contemporain, d'origine synarchique).