Le néant n'implique pas de savoir ce qu'est le néant, mais pose que le néant soit l'inverse de l'être, ce qui manifeste que le réel existe sous la forme d'une opposition irréconciliable. L'être est non seulement fini, mais est le seul connaissable, car, s’il est entouré d'élément étranger, cet étranger est nommé non-être, de manière négative, signifiant qu'il ne peut être connu. Le non-être exprime une théorie de la connaissance exclusiviste et clivante, qui concerne la partie homogène de l'être, mais ne peut que s'arrêter à l'étranger, irréconciliable et incompréhensible.
Cette approche du réel permet la connaissance certaine, théoriquement saisissable, avec une méthode a priori, ce qui implique que la certitude soit seulement possible dans l'optique irrationaliste et irréaliste et qu'elle relève de la pensée métaphysique. Cette connaissance se condamne à péricliter pour prix de sa certitude. La certitude ne peut survenir sans qu’un pan du réel soit décrété inconnaissable.
La certitude n'est pas le rêve qu'il convient à tout prix d'obtenir, ni le but de toute quête de connaissance, mais un acte destructeur et trompeur, selon lequel on ne peut connaître sur le court terme qu'en détruisant à plus long terme. Fidèle de cette approche, Descartes passe curieusement pour le philosophe qui permet de refonder l'entreprise de connaissance, en reliant la recherche scientifique à l’approche métaphysique.
Le terme métaphysique n'est pas anodin chez lui : son approche n'est pas indifféremment philosophique, ontologique et métaphysique. De par son éducation poussée chez les jésuites et sa connaissance de la philosophie issue de l'aristotélisme, dont la scolastique, Descartes aborde la philosophie dans une perspective métaphysique, même si la culture métaphysique a connu des évolutions en mille cinq cents ans. Rénover la philosophie signifie ici rénover la métaphysique.
Il est des plus curieux d'estimer que Descartes serait le continuateur de la méthode platonicienne, alors que sa méthode est destinée à rénover la métaphysique première devenue caduque, qui s'appuie sur une méthode rationnelle se passant de l'expérience, ou subvertissant l'expérience en l’inféodant au raisonnement. D'une manière générale, la métaphysique illustre que le rationalisme se déploie dans sa revendication la plus poussée et rigoureuse dans un contexte implicite d'irrationalisme.
Il n'est pas de certitude sans incertitude déniée et tue. Ce paradoxe n’induit nulle nécessité, sauf l’abandon de ladite certitude, comme une exigence qui n'est pas appropriée à la compréhension du réel, dont la validité ne vaut que si l'on recherche un type de réel bien particulier, qui n'est pas l'être pris dans son acception polysémique, mais l'être uniforme et univoque, dont la définition tendrait vers le donné. L'être figé, prévisible s e montre certes connaissable, mais à des conditions pour le moins contestables - qu'il ne représente plus vraiment le réel et qu'il le simplifie plutôt qu'il ne le définisse.
Raison pour laquelle l'exigence de rationalité qui caractérise la métaphysique finit de manière déceptive par révéler son obsolescence. La sclérose du réel est prévisible si le réel est expurgé de toutes ses facettes obscures et incomprises. Le certain évoque seulement le connu. L'exigence de certitude va de pair avec l'irréalité, l'incompréhension du réel, ce qui fait que comprendre de manière certaine n'est réellement pas possible, tout comme comprendre a priori et de façon complète.
A parti du moment où l'on conçoit le réel comme un donné intangible et fini, il ne peut être conçu que s'il perd sa texture de réel et qu'il s'affiche comme simplification abusive. Comment cette mentalité a-t-elle pu obtenir une telle influence, au point qu’on parle d'influence dominante? Parce que la philosophie, qui cherche une méthode de connaissance du réel, a cru qu'elle pouvait réutiliser et réappliquer la méthode scientifique? Bien que cette méthode ait évolué, la fascination de Démocrite ou d'Aristote montre qu'elle est ancienne - qu'elle ne remonte pas à la révolution expérimentale, qui précède la tentative de Descartes de la nier en métaphysique.
Effectivement, c'est en science qu'il faut, à bon droit, rechercher la certitude, parce que la connaissance y est finie. Mais dès qu'on verse dans la philosophie, sa fin est l'infini. Dès lors, le critère de certitude est inadapté et se révèle comme une transposition abusive. La condamnation de la certitude, dont Descartes fait grand cas, et d'autres termes parents, comme la complétude, peut seule permettre de sortir de cette approche qui condamne la philosophie à être au pire un succédané de la science, dont la distinction apparaît confuse.
Le problème de la mainmise de la métaphysique sur l’histoire de la philosophie, c’est qu'elle a empêché la philosophie de sortir de ses balbutiements et d'atteindre son niveau de plénitude. L'expression de la philosophie, son rôle historique aussi, ne consistent pas à revendiquer le discours de la raison humaine, car l'on voit que les résultats, oscillant entre ontologie et métaphysique, ne sont pas probants : cette recherche commune de la certitude, si elle est plus affirmée en métaphysique, notamment dans sa forme rénovée avec Descartes, est également présente depuis Platon dans cette quête de l’Être, aussi parfait qu’indéfini - aussi certain que différé, comme un geste à la Derrida.
La raison mène à ces impasses, dont Heidegger, le dernier et le plus virulent des métaphysiciens, a nommé la destination véritable, quoique déniée sous des masques de grandiloquence rhétorique : chemins qui ne mènent nulle part. Ce n'est pas qu’il faille fuir la raison, c'est qu’il convient de la considérer pour ce qu'elle est quand elle se pose comme fin. Montaigne l'avait caractérisée avec lucidité et sévérité dans son Apologie de Raymond Sebon : la raison n'est pas capable d'affirmer quoi que ce soit de cohérent, encore moins de certain.
Mais Montaigne en reste à cette raison dont la négativité philosophique le satisfait. Dès lors, la philosophie est condamnée à une impasse dont elle ne peut sortir qu’en quittant la raison et en comprenant que si elle n'est que négative, alors la certitude qu'elle vise est une fausse promesse, qui confine à la supercherie. La bonne nouvelle est que la raison n'étant pas la fin de la philosophie, mais une faculté intermédiaire, il est logique que le changement de paradigme découvre cette erreur, expliquant les résultats catastrophiques autant que leur poursuite obstinée.
De ce point de vue, les résultats déplorables qu'on obtient en cherchant à instaurer la certitude viennent de la confiance béate que l'on accorde à la raison, comme la faculté obligée de réflexion et la fin naturelle et indiscutable de la pensée. Pourtant, la raison, s'imposant comme ce qui ne peut fonctionner que dans un espace fini et stabilisé, ne peut parvenir qu'à des résultats métaphysiques, voire flottants et imprécis, en ontologie, ce que Montaigne confirme en proposant d'en rester à une réflexion négative (lacunaire à affirmer quoi que ce soit).
C'est vers cette direction qu'il faut tendre si l'on veut que la philosophie ne soit pas une métaphysique de plus en plus imprécise et condamnée, pour dire quelque chose, à devenir une histoire de la philosophie roborative et répétitive. La philosophie doit se rendre compte que le propre de la pensée est de se montrer créateur, ce qui signifie que l'individu crée du nouveau par rapport à ce qui est donné, donc s’oppose à l'approche métaphysique et à toute certitude qui ne s'affirmer que dans ce qui est déjà. La certitude réfute la nouveauté.
Reste à définir ce que l'on entend par création. Des néo-platoniciens ont proposé que le terme renvoie au changement, mais ce terme reste encore trop vague, car qu’est-ce que le changement, sinon le constat, empli de mystère, selon lequel du nouveau apparaît, sans qu’on sache bien comment? Comment du nouveau peut-il apparaître dans de l'être, alors que l'être se présente comme le donné ? Soit on décrète qu'il n'est pas de réponse à ce mystère, geste de Montaigne, qui en reste à la philosophie comme critique négative, soit on considère que la connaissance philosophique est possible, à condition qu'on lui trouve une spécificité.
La définition du nouveau et de la création est le malléable comme propriété. La faculté qui lui correspond et qu'on nomme création sans bien se rendre compte de quoi il s'agit, c'est la réflexion, comme ce qui en réfléchissant de manière littérale permet par la pensée de proposer l'accroissement de la perspective. Alors que la raison se contente de diviser et d'en rester à ce qui est déjà, avec des perspectives de créativité forcément limitées, ou alors sombrant dans l’imprécision et l'indéfinition, comme avec Platon, la réflexion est la faculté qui permet d’entrer en contact avec la propriété différente du malléable, donc de ne pas en rester au donné de l'être.
La certitude n'est pas le rêve qu'il convient à tout prix d'obtenir, ni le but de toute quête de connaissance, mais un acte destructeur et trompeur, selon lequel on ne peut connaître sur le court terme qu'en détruisant à plus long terme. Fidèle de cette approche, Descartes passe curieusement pour le philosophe qui permet de refonder l'entreprise de connaissance, en reliant la recherche scientifique à l’approche métaphysique.
Le terme métaphysique n'est pas anodin chez lui : son approche n'est pas indifféremment philosophique, ontologique et métaphysique. De par son éducation poussée chez les jésuites et sa connaissance de la philosophie issue de l'aristotélisme, dont la scolastique, Descartes aborde la philosophie dans une perspective métaphysique, même si la culture métaphysique a connu des évolutions en mille cinq cents ans. Rénover la philosophie signifie ici rénover la métaphysique.
Il est des plus curieux d'estimer que Descartes serait le continuateur de la méthode platonicienne, alors que sa méthode est destinée à rénover la métaphysique première devenue caduque, qui s'appuie sur une méthode rationnelle se passant de l'expérience, ou subvertissant l'expérience en l’inféodant au raisonnement. D'une manière générale, la métaphysique illustre que le rationalisme se déploie dans sa revendication la plus poussée et rigoureuse dans un contexte implicite d'irrationalisme.
Il n'est pas de certitude sans incertitude déniée et tue. Ce paradoxe n’induit nulle nécessité, sauf l’abandon de ladite certitude, comme une exigence qui n'est pas appropriée à la compréhension du réel, dont la validité ne vaut que si l'on recherche un type de réel bien particulier, qui n'est pas l'être pris dans son acception polysémique, mais l'être uniforme et univoque, dont la définition tendrait vers le donné. L'être figé, prévisible s e montre certes connaissable, mais à des conditions pour le moins contestables - qu'il ne représente plus vraiment le réel et qu'il le simplifie plutôt qu'il ne le définisse.
Raison pour laquelle l'exigence de rationalité qui caractérise la métaphysique finit de manière déceptive par révéler son obsolescence. La sclérose du réel est prévisible si le réel est expurgé de toutes ses facettes obscures et incomprises. Le certain évoque seulement le connu. L'exigence de certitude va de pair avec l'irréalité, l'incompréhension du réel, ce qui fait que comprendre de manière certaine n'est réellement pas possible, tout comme comprendre a priori et de façon complète.
A parti du moment où l'on conçoit le réel comme un donné intangible et fini, il ne peut être conçu que s'il perd sa texture de réel et qu'il s'affiche comme simplification abusive. Comment cette mentalité a-t-elle pu obtenir une telle influence, au point qu’on parle d'influence dominante? Parce que la philosophie, qui cherche une méthode de connaissance du réel, a cru qu'elle pouvait réutiliser et réappliquer la méthode scientifique? Bien que cette méthode ait évolué, la fascination de Démocrite ou d'Aristote montre qu'elle est ancienne - qu'elle ne remonte pas à la révolution expérimentale, qui précède la tentative de Descartes de la nier en métaphysique.
Effectivement, c'est en science qu'il faut, à bon droit, rechercher la certitude, parce que la connaissance y est finie. Mais dès qu'on verse dans la philosophie, sa fin est l'infini. Dès lors, le critère de certitude est inadapté et se révèle comme une transposition abusive. La condamnation de la certitude, dont Descartes fait grand cas, et d'autres termes parents, comme la complétude, peut seule permettre de sortir de cette approche qui condamne la philosophie à être au pire un succédané de la science, dont la distinction apparaît confuse.
Le problème de la mainmise de la métaphysique sur l’histoire de la philosophie, c’est qu'elle a empêché la philosophie de sortir de ses balbutiements et d'atteindre son niveau de plénitude. L'expression de la philosophie, son rôle historique aussi, ne consistent pas à revendiquer le discours de la raison humaine, car l'on voit que les résultats, oscillant entre ontologie et métaphysique, ne sont pas probants : cette recherche commune de la certitude, si elle est plus affirmée en métaphysique, notamment dans sa forme rénovée avec Descartes, est également présente depuis Platon dans cette quête de l’Être, aussi parfait qu’indéfini - aussi certain que différé, comme un geste à la Derrida.
La raison mène à ces impasses, dont Heidegger, le dernier et le plus virulent des métaphysiciens, a nommé la destination véritable, quoique déniée sous des masques de grandiloquence rhétorique : chemins qui ne mènent nulle part. Ce n'est pas qu’il faille fuir la raison, c'est qu’il convient de la considérer pour ce qu'elle est quand elle se pose comme fin. Montaigne l'avait caractérisée avec lucidité et sévérité dans son Apologie de Raymond Sebon : la raison n'est pas capable d'affirmer quoi que ce soit de cohérent, encore moins de certain.
Mais Montaigne en reste à cette raison dont la négativité philosophique le satisfait. Dès lors, la philosophie est condamnée à une impasse dont elle ne peut sortir qu’en quittant la raison et en comprenant que si elle n'est que négative, alors la certitude qu'elle vise est une fausse promesse, qui confine à la supercherie. La bonne nouvelle est que la raison n'étant pas la fin de la philosophie, mais une faculté intermédiaire, il est logique que le changement de paradigme découvre cette erreur, expliquant les résultats catastrophiques autant que leur poursuite obstinée.
De ce point de vue, les résultats déplorables qu'on obtient en cherchant à instaurer la certitude viennent de la confiance béate que l'on accorde à la raison, comme la faculté obligée de réflexion et la fin naturelle et indiscutable de la pensée. Pourtant, la raison, s'imposant comme ce qui ne peut fonctionner que dans un espace fini et stabilisé, ne peut parvenir qu'à des résultats métaphysiques, voire flottants et imprécis, en ontologie, ce que Montaigne confirme en proposant d'en rester à une réflexion négative (lacunaire à affirmer quoi que ce soit).
C'est vers cette direction qu'il faut tendre si l'on veut que la philosophie ne soit pas une métaphysique de plus en plus imprécise et condamnée, pour dire quelque chose, à devenir une histoire de la philosophie roborative et répétitive. La philosophie doit se rendre compte que le propre de la pensée est de se montrer créateur, ce qui signifie que l'individu crée du nouveau par rapport à ce qui est donné, donc s’oppose à l'approche métaphysique et à toute certitude qui ne s'affirmer que dans ce qui est déjà. La certitude réfute la nouveauté.
Reste à définir ce que l'on entend par création. Des néo-platoniciens ont proposé que le terme renvoie au changement, mais ce terme reste encore trop vague, car qu’est-ce que le changement, sinon le constat, empli de mystère, selon lequel du nouveau apparaît, sans qu’on sache bien comment? Comment du nouveau peut-il apparaître dans de l'être, alors que l'être se présente comme le donné ? Soit on décrète qu'il n'est pas de réponse à ce mystère, geste de Montaigne, qui en reste à la philosophie comme critique négative, soit on considère que la connaissance philosophique est possible, à condition qu'on lui trouve une spécificité.
La définition du nouveau et de la création est le malléable comme propriété. La faculté qui lui correspond et qu'on nomme création sans bien se rendre compte de quoi il s'agit, c'est la réflexion, comme ce qui en réfléchissant de manière littérale permet par la pensée de proposer l'accroissement de la perspective. Alors que la raison se contente de diviser et d'en rester à ce qui est déjà, avec des perspectives de créativité forcément limitées, ou alors sombrant dans l’imprécision et l'indéfinition, comme avec Platon, la réflexion est la faculté qui permet d’entrer en contact avec la propriété différente du malléable, donc de ne pas en rester au donné de l'être.
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