La définition usuelle de réel semble contradictoire avec la volonté de trouver le terme définissant les choses qui relèvent de l'existence et qui se trouvent excéder le terme être. Sans quoi il n'est pas besoin de trouver une alternative au terme rebattu de la métaphysique : être. L'être pèche dans la signification qu'on lui a conférée avec la codification transcendantaliste, sans quoi il aurait réussi depuis le temps à définir ce qu'est l'être.
Le fait qu'il n'y arrive pas indique qu'il n'est pas la définition du réel qu'il revendique. Voilà qui indique, non que n'existe pas le fameux être, mais qu'il est insuffisant. La question qui alors se pose est : quel est le terme qui désigne le réel? L’hypothèse de l'être immanent à sa manifestation est incomplet. De ce fait, cette conception découle d'une mauvaise compréhension de la forme que prend le réel dans cette configuration : s'il est immanent, il n'est pas complet.
L'immanentisme a perçu le problème que posait le raisonnement transcendantaliste : l'être n'est visible qu'ici et maintenant, alors qu'il n'est pas définissable de manière transcendantaliste. C'est donc qu'il n'existe pas. Mais ce raisonnement, s'il prend en compte le caractère indéfinissable de l'être transcendant, énonce en réaction une absurdité : il crée de l'incomplétude.
Les deux alternatives fonctionnent sur le même modèle : l’homogénéité, selon laquelle tout est pensé à partir de l'être - et bientôt de l’intériorité, plus sûr témoignage de l'être, ainsi que l’établit Descartes. Il faut sortir de ce schéma dont les deux alternatives sont les deux faces complémentaires. Le transcendantalisme ne peut s'établir sans le nihilisme, et vice versa, l'immanentisme n'étant que l'expression du nihilisme cherchant la cohérence et l’identifiant au désir complet.
Sortir de cet état de fait, c'est aller à l'encontre de ceux qui estiment que c'est en partant de soi que l'on peut au mieux penser, à l'instar de Montaigne, alors que cette méthode ne fait que préciser la démarche de l'être. Ceux qui tiennent que Montaigne est un philosophe hétérodoxe ne le considèrent qu'en fonction des positions de la métaphysique ou de l'ontologie, mais sans se rendre compte qu'il ne sort pas du tout de la position de la primauté de l'être.
La remarque vaudrait également pour Nietzsche. Nietzsche ne propose rien pour sorti des schémas classiques, au point qu'il est possible de le rapprocher de Spinoza et d'établir entre ces deux points la branche de l'immanentisme, depuis l'hérésie postcartésienne jusqu’à de nos jours un Clément Rosset, qui personnifie le stade terminal de cet immanentisme. Sortir de ces impasses qui découlent toutes du transcendantalisme implique déjà de comprendre que les expressions philosophiques ne peuvent tenir que si elles oscillent entre transcendantalisme et nihilisme - l'exemple le plus marquant étant la métaphysique, typique compromis, mais même l’ontologie serait une illustration de cette constante.
Le terme réel tient justement compte du fait que l'être n'est pas la composante essentielle du réel, puisque dans le schéma métaphysique défini par Aristote le non-être qui côtoie l'être se définit par l'être, y compris en repoussoir. C'est également le cas chez Descartes, de manière plus poussée et contradictoire, Dieu parfait réussissant à reconnaître le néant. Il tient également compte de la validité de la critique d'obédience nihiliste, formulée en particulier par Nietzsche ou son disciple Rosset ("Sois ami du présent qui passe, le passé et le futur te seront donnés par surcroît"), selon laquelle seul existe le présent, ce qui implique la reconnaissance de l'incomplétude et l'apologie de l’irrationalisme fondamental, mais Rosset l’accepte, lui qui se targue sans ciller de la version troublante que propose Mach : "Un être unilatéral dont le complément en miroir n'existe pas".
Les nihilistes déclarés, comme Gorgias, ou masqués, comme les métaphysiciens ou les immanentistes, leur hérésie plus virulente, choisissent la version inconséquente, selon laquelle il n'y a que l'être, mais l'être est fini. Les ontologues en philosophie, qui propagent le point de vue plus étudié du transcendantalisme, proposent quant à eux un modèle plus cohérent, au sens de complet, bien que l'incohérence béante du nihilisme ne se trouve comblée que d’une manière hypocrite, puisque l’Être reste indéfini - et on a vu quel usage faisait un Nietzsche de ce manque, bien qu'il ne puisse aller trop loin, sans que ses attaques, pour conséquentes qu'elles soient à première vue, reviennent tel un boomerang afficher les failles de ses propres vues et les saper jusqu'à l'éradication définitive.
Le réel présente donc l’avantage de reconnaître la seule réalité, celle qui est ici et maintenant, et seulement ainsi; et aussi, en complément, de reconnaître la possibilité d'une autre réalité, différente, à condition qu'elle ne soit pas ailleurs (les arrières-mondes de Nietzsche) ou autour (Platon n'a jamais versé dans cette caricature nietzschéenne, mais estime que l'être est une partie de l’Être), mais ici et maintenant. Le différent n'est pas remarqué par les sens des êtres (ou des étants, comme le dirait pompeusement un Heidegger pour faire croire que l’Être existe, Dasein tout aussi indéfini que ses prédécesseurs), tout simplement parce qu'il en fait partie et que sa différence de texture le rend invisible.
Autrement dit, le différent de l'être, ou malléable, est une propriété qui lui est attachée et qui lui permet de s'étendre d'un point de vue physique, une plasticité au sens où Pic de la Mirandole ou Montaigne en parlent, sauf qu'il s’agit chez eux d'une faculté propre à l'homme et affectant sa dignité, dans un sens identitaire religieux. Il n'est pas possible d’envisager la dignité seulement humaine, même contresens que la raison, ce que rappelle Montaigne contre certains de ses commentateurs-déformateurs du moment, en expliquant avec finesse que la raison humaine est dénuée de fondements et entre dans un cercle vicieux, dont Nietzsche, le vrai maître de ces commentateurs, a proposé une figuration, en expliquant sans rire, et de manière incomplète, que derrière toute apparence se trouve indéfiniment une autre apparence.
Le réel constitue le terme approprié pour signaler que c'est au sein du physique, et nulle part ailleurs, que ce soit autour ou nulle part, que se trouve son complément sans lequel on sombre dans l'illogique. Par ailleurs, ce complément n'étant pas de l'être, c'est une propriété qui ne peut pas être répercutée dans le langage si l’on s'en tient au simple point de vue de l'être. Sortir de l'être n'est envisageable que si on envisage ce problème non en termes d'être, avec l'espace et le temps, mais comme une relation de voisinage.
Sinon, c'est impossible et c'est la raison pour laquelle aucune définition n'a été proposée depuis partant d’esprits subtils et éminents : parce qu'elle n'existe tout simplement pas. Seul ce qui est différent peut être aussi au même endroit. Voilà pourquoi ce qui est se perpétue : du fait de sa faculté de malléabilité. Et voilà pourquoi le couple même/autre ne doit pas être envisagé comme une solution d'alternative, mais comme les deux états, différents, qui constituent le réel, alors qu'on recherche illusoirement une cause unique, première, dont la propriété principale traduit aussi le caractère fantasmatique : c'est qu'elle serait alors parfaite et que la suite constituerait une déchéance aussi inéluctable que catastrophique.
Sur ce plan, le schéma que propose Descartes n'est que la réduplication métaphysique (rénovée) de ce qu'affirme le mythe du Jardin perdu et les mythes précédents dont il s'inspire. Ce qui pose problème c'est que cette dualité aboutisse à une représentation antagoniste et conflictuelle, comme c'est le cas du schéma gnostique et de tous les types de schéma de ce type (sensible/idéal ou bien/mal). Ce ne peut qu'être le cas dans le cadre transcendantaliste et nihiliste, dont la relation conflictuelle pourrait servir de symbole, puisque l'être étant l'unique grand tout, il ne peut que susciter un complément dont le caractère problématique ne peut être admis que de manière conflictuelle, pour éviter qu'elle sombre dans une proposition inconséquente et intenable, où la contradiction serait insurmontable.
Le double est le principe fondamental, qui devient complémentaire, à condition que l'on sorte du schéma classique transcendantaliste, qui enfle jusqu’au paroxysme et qui interdit que l'on sorte de ce monisme monomane - et que l'on envisage d'affronter la raison pour laquelle on ne parvient à expliquer la cause unique, qui n'existe pas davantage que l’Être qui en est l'expression conséquente dans l’inconséquence : c'est parce que ce schéma ne tient pas et qu'il faut en proposer un autre.
Qu'on ne l'ait pas fait plus tôt, pour des raisons de lâcheté, de compromission, parce que la logique s’envisage seulement au sein de l'être, et interdit qu'on en sorte, s’explique très bien par la terreur qu’il y avait à sortir du schéma qui était le seul horizon de l'existence. Le sentiment de terreur n'enferme pas l'explication dans le psychologisme, mais subsume ce que la terreur contient au final de dimension philosophique, soit d'affrontement au réel qu’on ne parvient à expliquer, bien qu'il soit si présent qu’il s'en montre menaçant.
Y a-t-il une raison une que notre avis ne parvient à déceler? L'unité n'est en aucun cas le gage que l'on est parvenu au fondamental. Tout au contraire, on peut estimer que tant de temps passé à essayer de trouver la raison fondamentale, sans y être parvenu, c'est plutôt le signe que cette approche n'est pas la bonne et mérite d'être révisée - on peut même aller jusqu'à estimer que cette approche biaisée est connexe de la vision qu'implique le transcendantalisme.
Le deux est sans doute l'approche fondamentale, telle que la raison parvient à retranscrire le réel et à le comprendre depuis le point de vue de l'être, et même d'un être évoluant dans une dimension particulière, ce qui finalement importe peu (car les différences entre les dimensions sont sans doute relatives et se rejoignent sur la communauté de leur identité).
Si l'essence est un mythe, c'est l'essence entendue comme un être permanent et profond, que l'on pourrait retrouver. Le transcendantalisme agit comme la pensée de l'optimisme béat, selon laquelle notre manière de penser est directement en prise avec le réel, de telle sorte qu'en pensant de manière approfondie, on peut retrouver l’Être depuis l'être. Le point de vue qui reconnaît le malléable, qui s'interroge sur ce qu'on nomme néant, en ce sens néanthéiste, estime que la réflexion humaine ne peut sortir de l'être si on en reste à la raison; et qu'elle peut en sortir si elle se rend compte que la raison n'est pas la faculté qui mène la réflexion vers sa finalité, mais la faculté qui l'instille de manière fondamentale; de telle sorte que la fin de la pensée n'est pas d'analyser seulement le donné, auquel cas c'est la raison qui est la plus compétente; mais bien plutôt de créer de la réalité, d'être à la fois acteur et juge si l'on veut; de telle sorte que c'est alors la faculté de création qui est capable de prendre en charge la pensée; et que l'on assiste ce faisant à un changement de paradigme de la pensée et des valeurs qui la définissent : on recherche moins ce qui fonde, activité par excellence de la métaphysique ou de Descartes (mais activité qui rejoint en fait tout exercice de type transcendantalisme); que ce qui est le but.
Ce qui fonde est le point de départ, mais ce qui importe c'est la fin, même (et surtout) si la fin n'est jamais un état précis, mais le processus qui fait que l'on part de deux et que l'on arrive à un. C'est cette opération que le transcendantalisme a mal comprise et qu'il a pris pour une unité de départ qui se démultiplierait et se fractionnerait ensuite. Il l'a mal comprise, mais pourtant, le schéma qui en ressort est aberrant, quoique adoubé par les autorités les plus respectées, comme Descartes : il consisterait à expliquer que c'est le début qui est parfait, bien qu'il y ait eu ensuite autre chose, ce qui constitue la contradiction dans les termes...
Le deux est bien le début pour la compréhension humaine, telle qu'on peut l'envisager de nos jours. On peut insinuer qu'il s’agit de reconstitution, que l'idée d'un point de départ n'est pas possible; mais il est plus pertinent de proposer un schéma, et selon ce schéma, Dieu est celui qui part du deux pour aller vers l'un; autrement dit il est l'unificateur qui utilise comme technique pour sorti du deux qu'il est la stratégie de l'unification par l’extériorisation du problème. Comme Platon l'avait senti confusément, Dieu est celui qui est l'autre, mais pas l'autre inféodé à l'être, plutôt l'autre comme la figure de l'être.
Pas le changement, comme une certaine tradition néo-platonicienne l'a proposé, sans définir ce qu'elle entendait par changement; mais l'autre entendu comme ce qui permet de ne pas en rester au même. L'autre est la propriété intrinsèque au réel, selon laquelle le réel est autocréatif, évolutif, ce qui permet au fini de ne pas rester figé, bloqué, donné; mais de se suffire à lui-même tout en étant incomplet. En ce sens, on peut dire que le réel est l'événement qui a le pouvoir d'être autre en étant lui. Le réel constitue bien ce qui peut dénoter à la fois le physique et son pouvoir intrinsèque de mutation, résolvant de la sorte les problèmes posés par l’Être et l'être, ou la définition de l'infini entendu comme l'homogène subsumant, bien qu'incompréhensible.
Les deux alternatives fonctionnent sur le même modèle : l’homogénéité, selon laquelle tout est pensé à partir de l'être - et bientôt de l’intériorité, plus sûr témoignage de l'être, ainsi que l’établit Descartes. Il faut sortir de ce schéma dont les deux alternatives sont les deux faces complémentaires. Le transcendantalisme ne peut s'établir sans le nihilisme, et vice versa, l'immanentisme n'étant que l'expression du nihilisme cherchant la cohérence et l’identifiant au désir complet.
Sortir de cet état de fait, c'est aller à l'encontre de ceux qui estiment que c'est en partant de soi que l'on peut au mieux penser, à l'instar de Montaigne, alors que cette méthode ne fait que préciser la démarche de l'être. Ceux qui tiennent que Montaigne est un philosophe hétérodoxe ne le considèrent qu'en fonction des positions de la métaphysique ou de l'ontologie, mais sans se rendre compte qu'il ne sort pas du tout de la position de la primauté de l'être.
La remarque vaudrait également pour Nietzsche. Nietzsche ne propose rien pour sorti des schémas classiques, au point qu'il est possible de le rapprocher de Spinoza et d'établir entre ces deux points la branche de l'immanentisme, depuis l'hérésie postcartésienne jusqu’à de nos jours un Clément Rosset, qui personnifie le stade terminal de cet immanentisme. Sortir de ces impasses qui découlent toutes du transcendantalisme implique déjà de comprendre que les expressions philosophiques ne peuvent tenir que si elles oscillent entre transcendantalisme et nihilisme - l'exemple le plus marquant étant la métaphysique, typique compromis, mais même l’ontologie serait une illustration de cette constante.
Le terme réel tient justement compte du fait que l'être n'est pas la composante essentielle du réel, puisque dans le schéma métaphysique défini par Aristote le non-être qui côtoie l'être se définit par l'être, y compris en repoussoir. C'est également le cas chez Descartes, de manière plus poussée et contradictoire, Dieu parfait réussissant à reconnaître le néant. Il tient également compte de la validité de la critique d'obédience nihiliste, formulée en particulier par Nietzsche ou son disciple Rosset ("Sois ami du présent qui passe, le passé et le futur te seront donnés par surcroît"), selon laquelle seul existe le présent, ce qui implique la reconnaissance de l'incomplétude et l'apologie de l’irrationalisme fondamental, mais Rosset l’accepte, lui qui se targue sans ciller de la version troublante que propose Mach : "Un être unilatéral dont le complément en miroir n'existe pas".
Les nihilistes déclarés, comme Gorgias, ou masqués, comme les métaphysiciens ou les immanentistes, leur hérésie plus virulente, choisissent la version inconséquente, selon laquelle il n'y a que l'être, mais l'être est fini. Les ontologues en philosophie, qui propagent le point de vue plus étudié du transcendantalisme, proposent quant à eux un modèle plus cohérent, au sens de complet, bien que l'incohérence béante du nihilisme ne se trouve comblée que d’une manière hypocrite, puisque l’Être reste indéfini - et on a vu quel usage faisait un Nietzsche de ce manque, bien qu'il ne puisse aller trop loin, sans que ses attaques, pour conséquentes qu'elles soient à première vue, reviennent tel un boomerang afficher les failles de ses propres vues et les saper jusqu'à l'éradication définitive.
Le réel présente donc l’avantage de reconnaître la seule réalité, celle qui est ici et maintenant, et seulement ainsi; et aussi, en complément, de reconnaître la possibilité d'une autre réalité, différente, à condition qu'elle ne soit pas ailleurs (les arrières-mondes de Nietzsche) ou autour (Platon n'a jamais versé dans cette caricature nietzschéenne, mais estime que l'être est une partie de l’Être), mais ici et maintenant. Le différent n'est pas remarqué par les sens des êtres (ou des étants, comme le dirait pompeusement un Heidegger pour faire croire que l’Être existe, Dasein tout aussi indéfini que ses prédécesseurs), tout simplement parce qu'il en fait partie et que sa différence de texture le rend invisible.
Autrement dit, le différent de l'être, ou malléable, est une propriété qui lui est attachée et qui lui permet de s'étendre d'un point de vue physique, une plasticité au sens où Pic de la Mirandole ou Montaigne en parlent, sauf qu'il s’agit chez eux d'une faculté propre à l'homme et affectant sa dignité, dans un sens identitaire religieux. Il n'est pas possible d’envisager la dignité seulement humaine, même contresens que la raison, ce que rappelle Montaigne contre certains de ses commentateurs-déformateurs du moment, en expliquant avec finesse que la raison humaine est dénuée de fondements et entre dans un cercle vicieux, dont Nietzsche, le vrai maître de ces commentateurs, a proposé une figuration, en expliquant sans rire, et de manière incomplète, que derrière toute apparence se trouve indéfiniment une autre apparence.
Le réel constitue le terme approprié pour signaler que c'est au sein du physique, et nulle part ailleurs, que ce soit autour ou nulle part, que se trouve son complément sans lequel on sombre dans l'illogique. Par ailleurs, ce complément n'étant pas de l'être, c'est une propriété qui ne peut pas être répercutée dans le langage si l’on s'en tient au simple point de vue de l'être. Sortir de l'être n'est envisageable que si on envisage ce problème non en termes d'être, avec l'espace et le temps, mais comme une relation de voisinage.
Sinon, c'est impossible et c'est la raison pour laquelle aucune définition n'a été proposée depuis partant d’esprits subtils et éminents : parce qu'elle n'existe tout simplement pas. Seul ce qui est différent peut être aussi au même endroit. Voilà pourquoi ce qui est se perpétue : du fait de sa faculté de malléabilité. Et voilà pourquoi le couple même/autre ne doit pas être envisagé comme une solution d'alternative, mais comme les deux états, différents, qui constituent le réel, alors qu'on recherche illusoirement une cause unique, première, dont la propriété principale traduit aussi le caractère fantasmatique : c'est qu'elle serait alors parfaite et que la suite constituerait une déchéance aussi inéluctable que catastrophique.
Sur ce plan, le schéma que propose Descartes n'est que la réduplication métaphysique (rénovée) de ce qu'affirme le mythe du Jardin perdu et les mythes précédents dont il s'inspire. Ce qui pose problème c'est que cette dualité aboutisse à une représentation antagoniste et conflictuelle, comme c'est le cas du schéma gnostique et de tous les types de schéma de ce type (sensible/idéal ou bien/mal). Ce ne peut qu'être le cas dans le cadre transcendantaliste et nihiliste, dont la relation conflictuelle pourrait servir de symbole, puisque l'être étant l'unique grand tout, il ne peut que susciter un complément dont le caractère problématique ne peut être admis que de manière conflictuelle, pour éviter qu'elle sombre dans une proposition inconséquente et intenable, où la contradiction serait insurmontable.
Le double est le principe fondamental, qui devient complémentaire, à condition que l'on sorte du schéma classique transcendantaliste, qui enfle jusqu’au paroxysme et qui interdit que l'on sorte de ce monisme monomane - et que l'on envisage d'affronter la raison pour laquelle on ne parvient à expliquer la cause unique, qui n'existe pas davantage que l’Être qui en est l'expression conséquente dans l’inconséquence : c'est parce que ce schéma ne tient pas et qu'il faut en proposer un autre.
Qu'on ne l'ait pas fait plus tôt, pour des raisons de lâcheté, de compromission, parce que la logique s’envisage seulement au sein de l'être, et interdit qu'on en sorte, s’explique très bien par la terreur qu’il y avait à sortir du schéma qui était le seul horizon de l'existence. Le sentiment de terreur n'enferme pas l'explication dans le psychologisme, mais subsume ce que la terreur contient au final de dimension philosophique, soit d'affrontement au réel qu’on ne parvient à expliquer, bien qu'il soit si présent qu’il s'en montre menaçant.
Y a-t-il une raison une que notre avis ne parvient à déceler? L'unité n'est en aucun cas le gage que l'on est parvenu au fondamental. Tout au contraire, on peut estimer que tant de temps passé à essayer de trouver la raison fondamentale, sans y être parvenu, c'est plutôt le signe que cette approche n'est pas la bonne et mérite d'être révisée - on peut même aller jusqu'à estimer que cette approche biaisée est connexe de la vision qu'implique le transcendantalisme.
Le deux est sans doute l'approche fondamentale, telle que la raison parvient à retranscrire le réel et à le comprendre depuis le point de vue de l'être, et même d'un être évoluant dans une dimension particulière, ce qui finalement importe peu (car les différences entre les dimensions sont sans doute relatives et se rejoignent sur la communauté de leur identité).
Si l'essence est un mythe, c'est l'essence entendue comme un être permanent et profond, que l'on pourrait retrouver. Le transcendantalisme agit comme la pensée de l'optimisme béat, selon laquelle notre manière de penser est directement en prise avec le réel, de telle sorte qu'en pensant de manière approfondie, on peut retrouver l’Être depuis l'être. Le point de vue qui reconnaît le malléable, qui s'interroge sur ce qu'on nomme néant, en ce sens néanthéiste, estime que la réflexion humaine ne peut sortir de l'être si on en reste à la raison; et qu'elle peut en sortir si elle se rend compte que la raison n'est pas la faculté qui mène la réflexion vers sa finalité, mais la faculté qui l'instille de manière fondamentale; de telle sorte que la fin de la pensée n'est pas d'analyser seulement le donné, auquel cas c'est la raison qui est la plus compétente; mais bien plutôt de créer de la réalité, d'être à la fois acteur et juge si l'on veut; de telle sorte que c'est alors la faculté de création qui est capable de prendre en charge la pensée; et que l'on assiste ce faisant à un changement de paradigme de la pensée et des valeurs qui la définissent : on recherche moins ce qui fonde, activité par excellence de la métaphysique ou de Descartes (mais activité qui rejoint en fait tout exercice de type transcendantalisme); que ce qui est le but.
Ce qui fonde est le point de départ, mais ce qui importe c'est la fin, même (et surtout) si la fin n'est jamais un état précis, mais le processus qui fait que l'on part de deux et que l'on arrive à un. C'est cette opération que le transcendantalisme a mal comprise et qu'il a pris pour une unité de départ qui se démultiplierait et se fractionnerait ensuite. Il l'a mal comprise, mais pourtant, le schéma qui en ressort est aberrant, quoique adoubé par les autorités les plus respectées, comme Descartes : il consisterait à expliquer que c'est le début qui est parfait, bien qu'il y ait eu ensuite autre chose, ce qui constitue la contradiction dans les termes...
Le deux est bien le début pour la compréhension humaine, telle qu'on peut l'envisager de nos jours. On peut insinuer qu'il s’agit de reconstitution, que l'idée d'un point de départ n'est pas possible; mais il est plus pertinent de proposer un schéma, et selon ce schéma, Dieu est celui qui part du deux pour aller vers l'un; autrement dit il est l'unificateur qui utilise comme technique pour sorti du deux qu'il est la stratégie de l'unification par l’extériorisation du problème. Comme Platon l'avait senti confusément, Dieu est celui qui est l'autre, mais pas l'autre inféodé à l'être, plutôt l'autre comme la figure de l'être.
Pas le changement, comme une certaine tradition néo-platonicienne l'a proposé, sans définir ce qu'elle entendait par changement; mais l'autre entendu comme ce qui permet de ne pas en rester au même. L'autre est la propriété intrinsèque au réel, selon laquelle le réel est autocréatif, évolutif, ce qui permet au fini de ne pas rester figé, bloqué, donné; mais de se suffire à lui-même tout en étant incomplet. En ce sens, on peut dire que le réel est l'événement qui a le pouvoir d'être autre en étant lui. Le réel constitue bien ce qui peut dénoter à la fois le physique et son pouvoir intrinsèque de mutation, résolvant de la sorte les problèmes posés par l’Être et l'être, ou la définition de l'infini entendu comme l'homogène subsumant, bien qu'incompréhensible.
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