mercredi 3 septembre 2008

Etat des lieux

Israël est une affaire prédominante et primordiale parce que ce petit État niché en plein désert et privé de ressources conséquentes symbolise aujourd'hui le coeur de l'immanentisme décadent. Tant qu'on n'a pas compris cette évidence, on est incapable de réaliser les raisons du soutien profond, indéfectible et incompréhensible de l'Occident envers Israël, en particulier du fer de lance de l'Occident actuel, les États-Unis d'Amérique.
Aujourd'hui, le soutien sans faille (ou presque) que l'Occident accorde à Israël reconnaît implicitement que la création postcoloniale d'Israël s'ancre sur un mépris de colon à l'encontre des autochtones - les Palestiniens. Ce fait est indubitable pour qui accorde la primeur de ses vues à l'histoire et non à des mythes au sens d'affabulations et autres fariboles. Que l'on se réfère aux dizaines de travaux historiques qui démontrent les massacres commis par les sionistes et qui rendent profondément crapuleuse et immorale la création d'un État soi-disant fondé pour des raisons morales, essentiellement en réponse aux persécutions, notamment la Shoah.
Qu'on le veuille ou non, à quelques exceptions près, les Israéliens ont pris la place des Palestiniens. L'argument selon lequel les Juifs ont toujours habité en terre de Judée/Palestine est profondément inepte et pervers. A ce compte, on peut tout légitimer, fort du principe selon lequel l'exception ferait la règle. Quatre et quatre font dix, c'est bien connu. Cette règle d'or de la mathématique immanentiste permet de contourner les lois intangibles du reél et d'imposer fictivement la représentation humaine.
On nous bassine le plus souvent avec la paix au Proche-Orient. La solution invoquée serait la création de deux États côte à côte, deux États viables, l'un palestinien, l'autre israélien. Bien qu'ayant toujours été choqué par le caractère bien plus tribaliste que rationnel de l'État d'Israël, qui n'accepte que des Juifs comme citoyens de première catégorie, et qui pratique une discrimination raciale évidente sous prétexte de protéger les Juifs persécutés du monde, j'estimais que la solution de la paix avec deux États était la meilleure solution, sur des bases saines comme celles édictées à Genève. Je regrettais amèrement l'assassinat de Rabbin par un fanatique juif qui avait porté un coup d'arrêt considérable au processus de paix. Tout un symbole.
On peut gloser à l'envie sur l'ironie de cet assassinat par un extrémiste du même camp. Je serais très intéressé de connaître exactement le mécanisme et le déroulement de cet assassinat, comment un Président a pu être si facilement assassiné, malgré un service d'ordre pourtant fort respecté. Depuis que je connais le fonctionnement des false flag operations, j'ai appris comment on manipulait les lampistes, les Oswald ou les Oussama.
L'assassinat de Rabbin est le signe éclatant et ténébreux que la paix est sans doute une donnée impossible sous sa proposition actuelle de deux États indépendants. Au juste, je suis sceptique quant à la paix entre Israël et ses voisins; mais la solution des deux États est une fausse solution et qu'elle rend la paix impossible.
Si l'on analyse la logique immanentiste à l'oeuvre en Israël, la colonisation israélienne consiste à remplacer les autochtones par des Israéliens. D'une certaine manière, ceux qu'on nomme aujourd'hui les colons (en territoires occupés) ne désignent qu'une partie des colons, qui en fait s'étendent à l'ensemble du peuple israélien. Le peuple israélien est un peuple de colons, ce qui ne signifie pas que tous aient en tête cette mentalité colonisatrice, mais que la plupart agissent comme les peuples occidentaux et démocratisés : en moutons consensuels et dénués de sens politique.
L'immanentisme montre assez que les colons israéliens ne peuvent faire la paix avec les autochtones palestiniens. Le dessein inavouable des extrémistes est en fait le dessein du sionisme et le dessein d'Israël en tant qu'Etat : prendre la place des Palestiniens. Si bien qu'il ne faut pas s'étonner qu'un faux progressiste et vrai manipulateur tartuffe de l'acabit de BHL en France se montre faussement modéré et tolérant en appelant à la création de deux États : il ne sait que trop que l'avènement des deux États est impossible, puisque l'institution même d'Israël suppose le remplacement des autochtones par les immanentistes. L'argumentaire des deux États est une ruse pour poursuivre la politique immanentiste de remplacement du réel.
Que l'on consulte historiquement les différentes applications de la colonisation moderne : aux États-Unis, imagine-t-on sérieusement la création d'un État indépendant pour les autochtones Indiens? Les réserves indiquent assez le caractère animalier du traitement administré aux autochtones par les colons européens. Il est seulement possible aux immanentistes d'accomplir leur projet, qui est de remplacer le réel par l'Hyperréel.
Maintenant, que l'on se réfère au cas avorté de l'Afrique du sud : là, les Boers ont dû accepter la solution d'un seul État pour tous les habitants d'Afrique du sud. Il n'était pas question d'instituer deux États sous un motif racialiste et raciste obvie. On voit mal dès lors pourquoi ce qui est valable en Afrique du sud ne le serait plus en Israël/Palestine. L'alternative est simple : soit les immanentistes font disparaître le reél (avec la complicité du réel); soit ils disparaissent. Aux États-Unis, ce sont les autochtones historiques qui ont disparu. En Afrique du sud, ce sont les colons qui disparaîtront.
Il convient de s'interroger sur cette incapacité à faire marche arrière dans le changement identitaire : comment se fait-il que les immanentistes ne puissent que perdurer dans leur immanentisme, y compris quand tout signale que cet immanentisme est frelaté? Comment se fait-il que les sionistes en tant qu'immanentistes en bout de course et de chaîne n'opèrent-ils pas des compromis qui leur permettraient de perdurer?
J'observerai pour commencer que l'identité est une forme qui n'évolue guère. On ne change qu'exceptionnellement d'identité nationale. C'est dire. On ne change jamais d'identité ontologique. C'est pire. Un homme ne devient pas oiseau, n'en déplaise à ce drôle de coco de Deleuze. Cette impossibilité à changer l'identité profonde touche bien entendu l'immanentisme, qui possède le caractère ontologique évident.
C'est un fait que l'identité ne se façonne que suivant des critères extérieurs à l'identifié. Ce n'est que de manière accidentelle que le sujet décide de son identité. Un immanentiste demeure ainsi immanentiste et n'a pas le choix des armes. Imagine-t-on un communiste se convertir vraiment au monarchisme? Évidement, le cas des girouettes existe, mais toujours à l'état de singularités. La règle est qu'il était impossible au communisme de se changer en libéralisme. Il était possible à un clique de trotskystes de se commuer en néo-conservateurs au nom de la parenté évidente entre Internationale et globalisation.
C'est une autre histoire. Il est impossible de changer en profondeur d'identité véritable. Sans doute qu'un changement d'identité profond détruirait inévitablement le sujet. On peut ainsi passer sans dommage apparent de l'état de trotskyste à celui de néo-conservateur. En fait, quand on examine l'état du patient néo-conservateur incriminé, on ne manque pas de constater que les dégâts insidieux sont considérables sur des organismes désormais passablement gâteux. Je pense par exemple à l'examen d'un Podhoretz ou d'un Kristol pères.
Concernant les Israéliens, il est évident comme la nécessité ontologique que le changement d'identité est impossible : un sioniste ne saurait virer humaniste ou transcendantaliste. Il est viscéralement, foncièrement immanentiste, soit élitiste et en apparence. Il lui est impossible de faire la paix avec des autochtones, alors que son dessein profond est de prendre leur place et de les supprimer. Ceux qui parmi les rangs sionistes appellent à la paix avec la solution à deux États promeuvent une illusion redoutable, car il s'agit d'une utopie entourée de la valeur positive et indiscutable de la paix.
Soit ils se trompent de bonne foi; soit ils trompent de mauvaise foi. Dans les deux cas, leur projet n'est pas applicable et ressortit de l'utopie la moins réaliste. Sans doute pourrait-on souligner qu'il procure le réconfort d'un rêve à peu de frais et d'une issue acceptable. Sauf que parler d'un projet inapplicable revient en fait à appuyer sournoisement et en sous-main un rhétorique menosngère. Raison pour laquelle les esprits lucides, quand ils abordent la question de la paix, l'assortisse de la justice, ainsi que le notait déjà un chanteur de reggae aussi paranoïaque que brillant, Peter Tosh.
Il n'est pas discutable que la paix en Afrique du sud n'est possible qu'avec l'institution d'un seul État. En réalité, la coexistence des Palestiniens et des Israéliens ne pourra se réaliser qu'à la condition d'un seul État. Sans cette condition, les projets de deux États les plus mirifiques seront à jamais des rêves de dingues virant aux cauchemars les plus abjects de dindes sans farce (et attrape).
En fait, je ne vois que deux alternatives pour le futur d'Israël.
- Soit un no future plus suicidaire que punk, où les Israéliens s'enferrent et s'enferment dans un radicalisme crescendo et monstrueux. Cette première solution aboutira à la disparition inévitable et à court terme d'Israël, notamment sous les coups de buttoir de la démographie, qui joue le rôle du réel impavide et impitoyable (le retour du réel avec usure).
- Soit un seul État pour les deux peuples, l'autochtone et le colonisateur, Palestiniens et Israéliens, ce qui, contrairement à ce que déplore la propagande pro-sioniste, serait une belle preuve de réconciliation et une solution fort respectable. Après tout, l'exemple sud-africain montre assez qu'il ne s'agit pas d'une utopie criminelle ou dangereuse, comme le furent les idéologies, à l'instar du libéralisme, du communisme, du nazisme ou du sionisme, qui toutes sont issues du terreau faussement fertile et vraiment stérile de l'occidentalisme le plus moribond et dégénéré.
Le seul moyen de sortir de l'impasse actuelle est de fuir les prétextes immanentistes et d'élire une solution réaliste. On comprend pourquoi les dirigeants israéliens, sionistes notoires et extrémistes, soit aussi immanentistes à la pointe du mouvement, sont si opposés à la solution de la paix véritable, à laquelle ils répugnent; et pourquoi ils se replient, tel un stratagème éculé, vers une fausse solution de paix factice qui leur permet de poursuivre leur politique destructrice. Pour combien de temps?

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