samedi 17 octobre 2009

Al Oussama

«Bernard Lewis occupe une position de prééminence unique dans le champ des études islamiques : par son immense érudition, par la clarté et l'élégance de son style, son oeuvre, tout en restant constamment débattue et discutée par les spécialistes, a trouvé un très large public à travers le monde. […] Bernard Lewis organise et interprète une masse de faits complexes avec un grand talent pédagogique doublé d'un vrai bonheur d’écriture.»
Gilles Kepel, Grandeur et déclin des empires arabes, Le Monde, 5 octobre 1996.

Après l’enregistrement trouvé par des soldats US au domicile d’un particulier à Jalalabad en Afghanistan, vidéo dans laquelle Oussama explique qu’il avait planifié les moindres détails des atrocités du 11 Septembre, deux déclarations prêtent aujourd'hui à sourire :
« Quant à ceux qui voient cet enregistrement, ils réalisent que non seulement il est coupable d’un meurtre incroyable, mais qu’il est dépourvu de conscience et d’âme. »
G. W. Bush, président des États-Unis en 2001.
« Nul doute que c’est la pure vérité. Les gens peuvent y voir Ben Laden reconnaître absolument froidement sa culpabilité pour l’organisation des atrocités du 11 Septembre »
Jack Straw, ministre des Affaires étrangères britannique en 2001.

http://www.reopen911.info/News/2009/10/16/daily-mail-uk-oussama-ben-laden-est-il-mort-il-y-a-sept-ans/

Encore un article qui insinue que Oussama le Superman du Mal - ou le Vieux de la Montagne version 911 - serait mort depuis belle lurette. Date évoquée? Le 13 décembre 2001, ce qui détruit totalement les apparitions spectrales et fausses du sieur depuis lors. On pourrait poser la question : comment se fait-il qu'il ait fallu tout ce temps pour que les médias occidentalistes condescendent à citer les experts et autres témoins qui prouvent de manière irréfutable qu'il existe une très forte probabilité pour que le terroriste en chef soit décédé? Pourtant, ces experts et autres spécialistes ne sont pas quelques hurluberlus isolés et discrédités. Ce sont des autorités ayant pignon sur rue. Que l'on vérifie la liste des témoins de cet article. Elle n'est pas exhaustive.
La réponse coule de source : parce que nos médias ne sont pas libres comme ils le claironnent; ou plutôt que la liberté qu'ils évoquent n'est pas absolue, démocratique, subversive et contestataire. C'est la liberté libérale des propagandistes de l'impérialisme occidentaliste. On peut critiquer tant qu'on veut, à condition - qu'on ne s'attaque pas aux fondements du fonctionnement impérialiste.
Maintenant, on lance un faux débat : serait-il opportun de remettre en question la VO du 911? Ne serait-ce point des ragots complotistes-conspirationnistes-paranos-ou-autres disponibles dans les poubelles d'Internet (on sait qu'Internet est de manière générale une poubelle qui fait de l'ombre aux médias de Gutenberg du fait de sa nullité et dont lesdits médias Gutenberg ont l'impartialité teintée de noble courage de rendre compte)? C'est nous prendre pour des benêts que de poser de telles questions, qui sont de fausses questions, dont le seul mérite revient à discréditer irrémédiablement les critiques.
De cet article, je retiens un passage qui pose débat : "Mais alors, si ce sont des faux, pourquoi al-Qaeda est-elle restée silencieuse à ce sujet ? (...) La réponse à la (...) question peut être que l’organisation terroriste informe est heureuse de mener sa propre guerre de propagande alors que ses soutiens déclinent – et profite du mythe selon lequel son dirigeant charismatique est encore vivant pour encourager des ralliements à sa cause."
Les auteurs du Daily Mail, un journal anglais conservateur, le moins qu'on puisse oser, c'est qu'ils font grand cas de l'organisation al Quaeda. D'après de nombreux observateurs et spécialistes, l'autonomie de cette organisation islamiste terroriste est une vaste plaisanterie. Cette nébuleuse terroriste lâche a toujours été utilisée dans la guerre d'Afghanistan par les services secrets occidentalistes pour mener à bien des opérations strictement locales.
On signe al Quaeda comme on use d'un commode prête-nom. Avant le 911, al Quaeda avait une certaine efficacité, mais depuis le 911, elle est capable d'attaques d'une complexité et d'une minutie stupéfiantes. La planification d'attaques terroristes de cet acabit nécessite au bas mot des structures logistiques dignes des plus grands États occidentaux.
Quand arrêtera-t-on de prendre des vessies pour des lanternes? Si al Quaeda a toujours été un bras armé régional du terrorisme occidentaliste, pourquoi cette donnée étayée aurait-elle changé depuis le 911? Partout où l'on retrouve la trace d'al Quaeda, on tombe sur des indices de services atlantistes. Oussama est un agent notoire de ces services, en particulier des Saoudiens - du prince Turki. Les autres mercenaires charismatiques de l'organisation sont à l'encan (al Zawahiri, KSM...). Les enquêtes du journaliste allemand Elsässer notamment ne laissent aucun doute sur le sujet : al Quaeda est une organisation islamiste terroriste manipulée en sous-main par des marionnettistes atlantistes autrement plus puissants.
Les fils remontent quand on réduit la problématique en direction exclusive des services américains; quand on agrandit, on tombe sur les ramifications du terrorisme promu par l'Empire britannique, dont le centre se situe au Londonistan. La complaisance revendiquée tolérance des Britanniques au sujet du terrorisme qu'ils abritent est stupéfiante. On les laisse enflammer les mosquées de Londres, puis, soudain, miraculeusement, on les retrouve associés ou acteurs de terribles attentats.
Quand l'Empire britannique sévissait en tant qu'Empire politique, une de ses marques de fabrique tenait dans l'opération sous fausse bannière, notamment théorisée par le major Kitson dans sa lutte contre le mouvement indépendantistes kenyan Mau Mau. En gros, cette théorie est aussi simple à expliquer que diabolique : on se fait passer pour les ennemis et l'on perpètre des atrocités qui discréditent - l'ennemi dédoublé. Tactique vieille comme le monde de calomnie, puis de propagande.
L'art pervers et dévoyé de la calomnie repose sur la ruse du Prince : l'homme étant incapable de définir le réel, il est loisible à merci de tromper en créant de l'illusion sous les atours du réel. Prendre la place du réel est la ruse essentielle du nihilisme, au même titre que la tromperie du diable consiste à prendre la place de Dieu.
Dans le cas d'al Quaeda, nous découvrons une organisation terroriste sous fausse bannière qui instrumentalise le terrorisme islamiste pour créer de toutes pièces un ennemi aussi illusoire qu'invisible : le terroriste islamiste permettant de déclencher en représailles la guerre contre le terrorisme et les vagues plus ou moins subtiles d'islamophobie. Ces opérations sont théorisées depuis les bureaux de la propagande de l'Empire britannique, notamment sous la férule de l'agent Bernard Lewis, du Bureau arabe du Foreign Office (désigné pour contrôler les agents britanniques formés à Harvard que sont Henry Kissinger, Zbigniew Brzezinski et Samuel P. Huntington, avec son « choc des civilisations »).
On se meut dans le renseignement privé de type anglo-hollandais. Oussama et les combattants d'al Quaeda sont les acteurs grotesques du drame écrit et mis en scène par des concepteurs de story tellings comme Bernard Lewis, pour tenter d’amener l’Islam et ses peuples à se détruire de l’intérieur. Bernard Lewis mérite l'attention.
Tout d'abord, l'origine de l'expression choc des civilisations : selon le Réseau Voltaire,
http://www.voltairenet.org/article14101.html
"l’expression est apparue pour la première fois dans un article de l’orientaliste Bernard Lewis, en 1990 aimablement intitulé Les racines de la rage musulmane. Le propos est lancé : l’islam ne donne rien de bon et les musulmans en conçoivent une amertume qui se transforme en fureur contre l’Occident. Mais la victoire des États-Unis est certaine, ainsi que la libanisation du Proche-Orient et le renforcement d’Israël.
Âgé aujourd’hui de 88 ans [en 2004], Bernard Lewis est né au Royaume-Uni. Il a suivi une formation de juriste et d’islamologue. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il a servi dans les services militaires de renseignement et au Bureau arabe du Foreign Office. Dans les années soixante, il est devenu un expert écouté du Royal Institute of International Affairs où il est apparu comme le spécialiste de l’ingérence humanitaire britannique dans l’Empire ottoman et l’un des derniers défenseurs du British Empire. Sous les auspices de la CIA, il a participé au Congrès pour la liberté et la culture qui lui a commandé un ouvrage, Le Moyen-Orient et l’Occident. En 1974, il a émigré aux États-Unis. Il est devenu professeur à Princeton et a été naturalisé. Il est bientôt devenu un collaborateur de Zbigniew Brzezinski, le conseiller national de sécurité du président Carter. Ils ont ensemble théorisé le concept d’« arc d’instabilité » et mis au point la déstabilisation du gouvernement communiste en Afghanistan. En France, Bernard Lewis a été membre de la très atlantiste Fondation Saint Simon pour laquelle il a rédigé, en 1993, un opuscule Islam et démocratie. À cette occasion, il a été interviewé par le quotidien Le Monde. Au cours de l’entretien, il s’est appliqué à nier le génocide arménien, ce qui lui a valu d’être condamné par la justice."
Bernard Lewis est l'inspirateur et le collaborateur de Huntington, qui a lancé la doctrine du choc des civilisations, qui est appointé par la CIA pour cautionner par des articles les missions de déstabilisation les plus meurtrières et qui est un intellectuel proche de Kissinger (depuis l'ère Nixon environ). Lewis est appointé par l'Empire britannique pour écrire la doctrine du choc des civilisations, en particulier pour promouvoir l'islamophobie sous couvert d'orientalisme.
C'est l'une des vieilles tactiques des Empires que d'installer des spécialistes des cultures colonisées pour cautionner et légitimer le racisme colonialiste. Une autre tactique des Empires est d'attiser les guerres de religion, fort de l'adage selon lequel plus on divise, plus on règne (tactique aussi efficace qu'éphémère). Les religions sont les socles des cultures. Lancer des conflits de culture (du terme plus neutre de civilisation), c'est travailler sur les antagonismes entre religions.
Lewis est au carrefour de l'idéologie impérialiste contemporaine. Il appartient à trois nationalités : la britannique, l'américaine et l'israélienne. Trois régions privilégies de l'Empire britannique. Oussama vient d'une riche dynastie saoudienne, qui a commencé dans le BTP et s'est diversifiée dans la spéculation. Les grands frères d'Oussama gèrent le patrimoine familial avec des proches du clan Bush. L'Arabie saoudite est l'une des provinces privilégiées de l'Empire. Les liens entre les Britanniques, les Saoudiens, les Israéliens et les Américains ne sont plus à démont(r)er. L'engagement d'Oussama dans l'islamisme radical s'est opéré sous la houlette des services secrets saoudiens et américains.
Le lien entre le promoteur de l'islamophobie et le héraut fantasmatique de l'islamisme radical est patent (même indirect). Il est pour ainsi dire organique et consubstantiel. L'impérialisme utilise le fanatisme religieux et les guerres de religion pour imposer la laïcité. Oussama, agent de la CIA, c'est déjà incroyable; alors de la laïcité, il y a de quoi s'étrangler. D'ailleurs, il est mort! C'est pratique, non?
Lewis déclare sans ambages que « dans le monde chrétien, la laïcisation fut une tentative pour résoudre la longue et dévastatrice confrontation entre l’Église et l’État. La séparation, décidée par la révolution américaine, puis française, et par d’autres ensuite, visait à prévenir deux maux : d’une part, l’utilisation de la religion par l’État pour renforcer et étendre son pouvoir ; d’autre part, l’utilisation du pouvoir de l’État par le clergé pour imposer ses doctrines et ses règles à l’ensemble de la société. C’est un problème qui a longtemps été considéré comme purement chrétien, ne concernant ni les musulmans, ni a fortiori les juifs, qui pourtant y sont désormais confrontés en Israël. Si l’on considère le Moyen-Orient contemporain, musulman et juif, force est de se demander si cela est encore vrai — ou bien si les musulmans et les juifs n’ont pas contracté un mal chrétien, et seraient bien avisés d’envisager un remède de même nature" (Islam).
Derrière les beaux discours des Lumières, la tolérance, la paix et la concorde, la laïcité (plus la démocratie et la liberté...) est le stratagème pour l'impérialisme de détruire les identités religieuses, qui sont les vraies identités des cultures. Du coup, l'entreprise de domination est facilitée. Il sera plus aisé de contrôler des régions d'Islam laïc que des régions où l'Islam joue le rôle de lutte contre le colonialisme et l'impérialisme par le truchement de l'islamisme. La première stratégie impérialiste consiste à pratiquer l'entrisme et le noyautage (par exemple, l'infiltration de certains noyaux des Frères musulmans d'Égypte)
La seconde stratégie consiste à créer des faux groupes ennemis pour mieux discréditer, déstabiliser et diriger. Telle est l'émanation de l'ombre d'al Quaeda et tel est le rôle complexe de faux/fou leader qu'a joué Oussama, un doux rêveur, déconnecté des problèmes matériels et du réel, incapable de tenir un discours cohérent, inapte à se jucher à la hauteur du strapontin idéologique qui lui était fixé (sur mesure) par ses mentors saoudiens. La plupart du temps, Oussama était le pantin des pires pitres. Oussama, ôte ta mitre!
Deux précisions pour finir de cerner l'expert et l'inspirateur de l'islamisme radical sous houlette britannique :
1) chez Lewis, une monographie sur la Secte des Assassins, parue en 1957 (Les Assassins. Terrorisme et politique dans l'Islam médiéval). Dans la réédition de 1982, puis de 2001, figure une préface d'un autre illustre orientaliste, cette fois de l'Empire français, l'antisioniste et anticolonialiste communiste Maxime Rodinson.
http://laniel.free.fr/INDEXES/PapersIndex/ASSASSINS/LES_ASSASSINS.htm
Comme par enchantement, le personnage d'Oussama correspond en maints points au Vieux de la Montagne, tandis qu'al Quaeda recoupe par sa réputation de secte satanique et impitoyable les rumeurs horrifiées entretenues au sujet de la Secte des Assassins.
2) Dès les années cinquante, sur recommandation du RIIA (le comité de réflexion de la diplomatie impérialiste britannique), Lewis étudie l'Islam turc au point d'y séjourner. Il n'aura échappé à personne que la Turquie se revendique comme un pays à la fois laïc et autoritaire, entretenant d'étroites affinités avec les États-Unis et le monde occidental. Le débat hypocrite sur l'éventuelle entrée de la Turquie musulmane dans le giron de l'Union européenne chrétienne entre dans la catégorie des diversions utiles à la tactique de l'impérialisme.
C'est par l'examen circonstancié de la Turquie comme laboratoire de l'Islam moderne que Lewis lance son débat sur l'Islam et la laïcité, avec comme horizon la laïcisation des sociétés musulmanes, sous prétexte de modernité et de civilisation. C'est dans ces faux filets fluets que l'on retrouve le théologien musulman Ramadan, exilé au Royaume-Uni (oui) et petit-fils du fondateur des Frères musulmans, une organisation islamiste anticolonialiste infiltrée par les anciens colons. Lewis exprime la stratégie impérialiste britannique, qui consiste sous prétexte de Pax Britannica ou de Pass Americana, à attiser les conflits de religion. Qu'est-ce qu'un empire? Une domination. Détruire pour dominer.

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