S'il est un bon, un commode moyen de se cacher la réalité, en s'enterrant vaillamment la tête dans le sable, ce qui correspond à la dépolitisation et au ludisme consumériste actuels, mélange d'inculture et de désir délirant (complet), il serait temps de rappeler l'essentiel : comme de plus en plus de voix autorisées commencent à le proclamer, nous vivons une période de crise - et cette crise n'est pas une crise d'apparence, ni d'apparat.
Ce n'est pas davantage une crise financière, monétaire, économique. C'est plus qu'une crise politique, même si le politique englobe l'économique. C'est une crise du sens. Une crise religieuse. Bientôt, on n'osera plus proclamer que la crise est finie alors que les mesures prises sont au mieux aberrantes (incompétentes), sans doute plus justement désaxées (instaurées à l'aune d'une mentalité qui étant fausse ne risque d'engendrer que la vérité).
C'est justement contre cette limite que le bât blesse : la reconnaissance s'accompagne de l'incompréhension. Soit : après avoir réfuté la crise, les mêmes voix autorisées proposeront des mesures qui reconnaîtront la crise tout en se révélant dès leur formulation incapables de la résoudre. On sait de nos jours qu'une maladie ne se guérit pas au sens où l'on reviendrait en arrière, à un état sain, mais qu'elle se résorbe par la création d'un nouvel état sain qui surmonte l'ancien état pathologique. Le corps suscite une adaptation à la pathologie qui passe par l'innovation et le dépassement. Que le changement soit croissance en dit long sur l'erreur de ceux qui s'inspirant de la thermodynamique ontologise une loi physique (qui même en tant que physique sera peut-être plus vite qu'on ne pense tenue pour fausse).
En tout cas, en tant qu'ontologique, toute considération entropique repose sur l'erreur. Encore un signe par rapport à un symptôme mal interprété ou interprété par rapport au prisme réducteur et déformant du nihilisme. La mauvaise compréhension de la crise se trouve toute entière contenue dans la solution écologique. Cette résolution aboutit peu ou prou à défendre des alternatives de type décroissantes. La décroissance écologique réduit la question de la crise (et de sa résolution) à un problème infra-économique. Comme si on pouvait résoudre le plus par le moins!
Dans cette logique qui gagne du terrain, qui sera majoritaire d'ici peu, on reconnaît la crise dans la mesure où l'on diagnostique mal la crise. Crise de reconnaissance sans aucun doute, qui consiste à circonscrire la crise reconnue au seul problème économique. Et encore : en parlant de crise financière, on réduit la crise de caractère économique à une sous-crise. Alors qu'il s'agit pourtant d'une crise qui excède de loin les limites de l'économique et qui est une crise d'ensemble.
N'oublions pas que la mondialisation sanctionne le stade où l'homme se réunit (se globalise). Le mondialisme prétend bloquer le processus à ce stade et faire de la mondialisation/globalisation la fin de l'histoire (au sens posthégélien où un Fukuyama définit ce terme). Au lieu de verser dans cette supercherie qui est pire qu'une méconnaissance, une trahison, rétablissons l'ordre des ordres, au sens théologique et scolastique du terme, et rappelons que la crise systémique, c'est-à-dire religieuse, ne sera jamais comprise si on la réduit à une crise économique.
C'est que la vraie tache pour résoudre le problème le plus voyant, le noeud économique, consiste rien moins qu'à bâtir de nouvelles formes religieuses. Sans doute la modernité, qui est immanentiste, escompte s'en tirer avec une petite remise en question d'ordre économique, quitte à sacrifier le libéralisme, et le dogme du laissez-faire, alors que nous sommes arrivés en bout de course et que le règne de l'immanentisme sanctionne la destruction caduque et la fin d'une certaine mentalité.
La fin du monothéisme qui géographiquement se traduit par la maîtrise de la Terre. D'où la crise du sens. Sens géographique : que faire après que l'on ait enfin connu l'intégralité de la Terre? Sens religieux : quelle forme inventer alors que le problème religieux n'est pas circonscrit à un simple effondrement monothéiste (qui serait déjà d'importance)? Non, le problème désigne l'ensemble du religieux connu, le transcendantalisme, et l'avènement de l'immanentisme vient combler une carence, au lieu de signifier que le nihilisme et enfin parvenir à ses fins en résolvant ses carences.
Le nihilisme immanentiste ne s'est propagé comme les métastases d'un cancer vicieux et fatal que parce qu'il a prospéré sur les ruines du transcendantalisme. Mais si la crise est systémique, c'est qu'il convient de changer de système. Changer de système pour aller dans l'espace et poursuivre la croissance inexorable (le processus dont l'instant actuel concorde avec la mondialisation). Changer de système : créer des idées nouvelles. Dans cette configuration, ceux qui espèrent encore changer le système de l'intérieur se trompent lourdement.
On ne peut plus changer le système de l'intérieur car le système existant est moribond. Catastrophe : le système moribond est aussi le seul système puisque la mondialisation a unifié l'ensemble des multiples systèmes passés. Mais créer de nouveaux modèles implique que ces différences se trouvent calomniées par ceux-là mêmes qui soit détournent le regard avec cynisme, soit accréditent le système tel qu'il est, soit prétendent réformer le système de l'intérieur (et se présentent comme progressistes du coup).
Dans ce contexte, il est légitime, quoique parfaitement délirant, que les idées nouvelles se trouvent ignorées et surtout calomniées. Tous ceux qui accréditent ces calomnies ne sont pas forcément des esprits lucides et malhonnêtes, mais des embrouillés qui préfèrent soutenir ce qui existe, fût-il con-damné, à ce qui est nouveau, fût-il porteur de vie. C'est ainsi que des petits partis politiques de l'heure, porteurs d'idées nouvelles, seront taxés de divers noms d'oiseaux tournant autour de l'accusation rémanente et infondée d'extrême-droite, alors qu'ils ne sont pas nationalistes (et la cohorte de positions débiles).
Pourquoi calomnie-t-on autant ces mouvements alors qu'ils sont si minoritaires dans la situation actuelle? Parce qu'ils représentent une alternative au libéralisme et que le libéralisme n'est puissant qu'à partir du moment où la majorité moutonnière croit que les différences ne peuvent survenir qu'à l'intérieur du libéralisme. Peu importe que ces différences éventuelles soient de plus en plus ténues, voire impalpables; l'important est de contrôler les deux contraires de la chaîne contestataire.
Sortons du système libéral, qui est le paravent de l'idéologie promue par les financiers de l'Empire britannique. Les seules idées valables sont celles qui ne sont pas libérales. Soit ces idées n'existent pas encore, soit elles s'ébauchent à l'état embryonnaire, soit elles se trouvent calomniées. C'est un appel envers les lecteurs et plus largement envers les citoyens : si vous voulez amortir au mieux le choix de la crise, non seulement identifiez la nature systémique de la crise, mais encore ne marchez plus dans le piège de la dépolitisation et du désengagement (qui rime tant avec desengano). Engagez-vous, malgré les inconvénients.
Pendant que vous vous dépolitisez, d'autres agissent en votre nom - contre votre nom. L'engagement politique implique l'erreur, mais c'est choisir une erreur plus importante encore de se dépolitiser. Et si vous vous engagez, choisissez des idées nouvelles, tournées vers l'avenir. Pas des idées qui promeuvent l'attentisme et l'immobilisme (le conservatisme trop souvent déguisé en progressisme interne). Ce n'est qu'à ce prix que la crise sera surmontée. Sinon, il faudra supporter les conséquences de l'écroulement systémique, de la misère, des cris et du sang : tous symptômes à côté desquels un peu de courage politique est un péché des plus véniels.
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