mardi 8 mars 2011

Chronique du bordel

"Cette onde de choc pourrait arriver par l’est et finir par contaminer les pays développés où un choc pétrolier est déjà redouté et où l’extrême-droite pourrait trouver un terrain fertile pour ses thèses."
Giulio Tremonti, ministre italien de l’Economie, lors d’une conférence à Istanbul le vendredi 4 mars 2011.

On nous endoctrine avec le vent de démocratie qui soufflerait dans le monde, en particulier dans les pays arabes sous dictature militaro-baroque. On voit mal comment la démocratie pourrait s'installer dans un endroit où les conditions économiques, sociales et culturelles s'effondrent et plongent dans le chaos. Les précédents historiques des anciens pays communistes qui ont sombré dans la zizanie ultralibérale suite à l'effondrement du Mur de Berlin offrent un précédent assez intéressant, puisqu'on avait parlé de démocratisation et de libéralisation de ces anciens régimes communistes et qu'on a eu en guise de progrès la violence, la pauvreté - et des révoltes.
Plus récemment, les Anglo-saxons ont envahi l'Irak au nom du droit d'ingérence, soit de l'installation par l'extérieur de la démocratie bienfaisante et pacifique. On a vu le résultat : plus d'un million de morts directs et indirects après l'invasion de 2003, force est de constater que la situation politique irakienne est encore pire qu'avant la chute du dictateur Saddam. Symboliquement, sa pendaison cruelle et injustifiable en a fait un martyr, alors qu'il s'agissait d'un sanglant tyran auparavant.
Ce qui se produit actuellement dans les pays arabes évoque ce genre de manipulation où l'on évoque la démocratie et la liberté alors que c'est le chaos qui prévaut. En particulier, on assiste à l'éclatement des Etats en multiples provinces et régions autonomes, au lieu de l'évolution promise et positive vers des Etats-nations démocratiques. Mais cette situation, qui se trouve directement explicable par l'explosion hyperinflationniste des prix des matières premières alimentaires, découle plus généralement et fondamentalement de l'oligarchisation de la société globale. Cette société fonctionne de la manière suivante : c'est un Empire mondial et global, dans lequel le coeur vit dans un état de prospérité, quand les périphéries sont assujetties à l'exploitation et la pauvreté. Tant que ce système impérialiste fonctionne, avec hypocrisie et propagande, cette situation favorise les plus riches et emprisonne les plus pauvres. Mais tout empire est promis à la chute et l'effondrement, car le fonctionnement d'un empire n'est pas viable (pérenne). Cet Empire britannique, fût-il mondial et global, n'échappe pas à la règle.
Les révoltes qui ont lieu aux périphéries, dans des marches et des satrapies, pas seulement circonscrites aux pays arabes, ne sont pas le signe d'une émancipation bienvenue par rapport à la tutelle néocoloniale - d'ailleurs le plus souvent mal diagnostiquée comme américaine et/ou sioniste. Ces soulèvements populaires se produisent parce que le coeur de l'Empire britannique est en voie de turbulence et de désagrégation. Nous vivons l'époque de la fin de l'Empire britannique. Dans ces périodes, l'inégalitarisme viscéral de toute conception oligarchique ressortit avec une virulence extraordinaire. C'est exactement ce qui se produit en ce moment en France, avec ce chiffre édifiant (parmi tant d'autres) :
http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2011/02/28/97002-20110228FILWWW00584-franceles-plus-riches-totalisent-28-mds.php
L'Occident, malgré les dénégations de ses experts stipendiés par le pouvoir ultralibéral, a depuis la fin des accords de Bretton Woods (1971) entamé son programme d'accélération du processus d'oligarchisation. Comme le confirment les travaux de la Commission parlementaire américaine Angelides, ce résultat était prévisible aussi bien qu'il aurait pu être évité. La nécessité contrainte et forcée est un leurre plus un mensonge. C'est l'Occident qui s'effondre au terme du processus de désintégration financière mondiale et ceux qui analysent les événements comme des parties appartenant à un processus sont les seuls à saisir ce qui se produit. Les autres ne voient que des images figées (des succédanés) là où seule compte la dynamique d'ensemble : une révolution de jasmin en Tunisie, une révolution en Egypte, puis du feu en Libye...
Des manifestations monstres aux quatre coins du monde; des guerres civiles et des partitions de pays. Le problème n'est pas situé dans ces pays lointains d'Afrique par exemple. Le problème provient du fait que c'est le centre de l'Empire qui s'effondre. Dans un bordel, si l'on n'arête pas les tenanciers, maquereaux ou investisseurs, aucune chance de venir à bout du système prostitutionnel. Idem avec un Empire : la domination se poursuivra tant que l'on aura pas identifié adéquatement les dirigeants de l'Empire.
De la même manière que l'Empire français à la suite de sa décolonisation s'est mué en un Empire financier néocolonial baptisé Françafrique (longtemps méconnu de son vivant, largement dénoncé depuis qu'il est disparu); de même l'Empire britannique, empire financier tournant autour de la City de Londres et de ses conglomérats financiers et industriels, régente le monde sans être identifié. Les intérêts financiers de l'Empire français néocolonial se sont trouvé peu à peu aspirés par les intérêts identiques britanniques.
Quant à ceux qui dénoncent avec vigueur l'emprise de l'impérialisme américain mâtiné d'impérialisme sioniste et/ou européen, il serait temps de démasquer leur imposture : de sommaires recherches démontrent que les formes d'impérialisme, loin de remonter vers l'Amérique, convergent autour de la City de Londres. Ces critiques anti-impérialistes sont des propagandistes à l'instar des impérialistes qu'ils dénoncent. L'Empire américain? Des intérêts industriels, financiers, militaires et politiques à la botte de l'Empire britannique. L'affaire est tout aussi historique et vérifiable que le coup pendard de l'impérialisme sioniste.
Il est criminel de mal identifier avec autant d'acharnement l'impérialisme occidental, car c'est le plus sûr moyen par ces temps d'effondrement financier mondial de soutenir l'objet qu'on entend dénoncer avec fracas et courage. L'erreur d'identification revient à rajouter une louche de bordel dans un fatras qui n'en avait pas besoin. Le seul moyen de résoudre le problème qui commence à affecter sérieusement les périphéries de l'Empire consiste à démanteler cet l'Empire. Sinon, comme l'explique Tremonti, ministre de l'Economie italien, le bordel rattrapera tôt ou tard le centre de ses initiateurs, et avec usure, tout comme le boomerang revient à son destinataire, souvent sans crier gare.

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