samedi 16 juillet 2011

La régression libérale

Contrairement à ce que serinent les nationalistes européens crypto-fascistes, qui prétendent s'opposer à l'Union européenne tout en accréditant les formes plus profondes d'impérialisme, comme le libéralisme, le protectionnisme de type nationaliste (qui n'est pas le protectionnisme) ou la xénophobie, nous nous trouvons devant deux alternatives face à la mort du monétarisme européen :
- soit le chaos plus ou moins virulent, de toute manière inéluctable;
- soit le retour à une conception politique de l'Europe.
Cette dernière conception est tout à fait envisageable, et elle est à souhaiter, pour que les Etats-nations européens s'unissent en une forme fédérale et accroissent leur puissance politique, économique, sociale et surtout culturelle. Mais cette forme ne peut aboutir à un projet viable et supérieur que si elle est fondée sur l'unité politique de type républicain. L'unité monétaire instaurée par l'euro aboutit à une dictature politique parce que l'unité politique est inexistante, en réalité et surtout absente au profit de la multiplicité, voire de l'antagonisme. L'unité est économique et financière, soit inférieure au projet politique nécessaire.
Au lieu de s'en prendre à des boucs émissaires comme le fait le nationalisme, qui propose le retour contradictoire à l'Etat-nation antérieur et irrattrapable (la France pour Marine Le Pen) et entérine quand même les discussions européennes fondamentales qu'il prétend combattre, il convient d'adapter la forme actuelle de l'Etat-nation à une forme de fédéralisme européen, qui peut déboucher sur un Etat-nation européen à plus longue échéance - à condition : que cette unification ne repose pas sur l'unité économique (plus réducteur encore, financière), mais politique. L'unité économique signale que l'unité politique est incomplète et que la béance se trouvera remplacée par le chaos. C'est ce qui se produit actuellement, époque tragicomique et chaotique, où les dirigeants européens irresponsables (et non élus) ont produit une unité économique non viable, qui aboutit le plus logiquement du monde à l'implosion de la zone euro.
Le nationalisme se présente comme remède à cette situation dans la mesure où il propose l'accroissement du chaos comme remède au chaos, ou encore - plus de violence contre la violence. Outre (souvent) des mesures xénophobes inefficaces et désaxées, qui provoquent la honte et l'embarras, le nationalisme accélérerait le rétrécissement entropique à la faveur duquel il surgit, menant à la disparition de l'Etat-nation qu'il entend protéger du péril mal identifié; alors qu'il faut suivre le cours inéluctable de l'anti-entropie, qui se manifeste en histoire politique par l'agrandissement continu et salutaire des formes d'Etat et par l'ajustement des formes étatiques à la croissance humaine (et géographique).
A court terme, les Etats-Unis d'Europe peuvent exister sur le modèle de développement desEtats-Unis d'Amérique (qui avaient été créés selon la structure de fédération d'Etats-nationsinspirés par Solon et Leibniz). A plus long terme, l'évolution des Etats-nations constitués par le Traité de Westphalie de 1648 est appelé à suivre l'évolution historique du processus d'expansion humaine qui doit le mener vers l'espace. Un jour viendra où les réactionnaires seront les partisans d'un immobilisme terrien contre la conquête spatiale. Ce qui pour l'instant constitue l'avant-garde des préoccupations humaines deviendra d'ici quelque temps une évidence incontournable : soit l'homme conquiert l'espace, soit il se sclérose, se ratiocine, se rabougrit, et périclite, avant que de disparaître.
Dans ce processus, le nationalisme occupe la place du réactionnaire le plus viscéral avant le terme de l'anéantissement, puisqu'il se replie de manière incohérente sur son Etat-nation et qu'il ne propose aucune solution viable à plus long terme. Le nationalisme n'est pas une alternative à la crise actuelle et l'on comprend qu'il soit manipulé par les intérêts libéraux qui s'en servent comme d'une marionnette idéologique pour précipiter le chaos plutôt que leur propre remplacement (salutaire). Mais l'impéritie du libéralisme ne transparaît pas seulement dans le résultat catastrophique de sa faillite actuelle et irrémédiable (quoique largement déniée); dans sa théorie, il se déploie en tant que projet figeant le processus de développement humain au niveau du mondialisme (de la limite terrestre), avec pour particularité de considérer que le projet mondialiste est la fin de l'histoire (en ce que le mondialisme est le parachèvement du libéralisme).
Le libéralisme intègre dans son processus le nationalisme, qui revendique pourtant l'opposition au système libéral en place. Le nationalisme est bien une réaction extrémiste et virulente d'ordre libéral aux désordres du libéralisme, qui entre dans la phase de chaos et de désordre (finale) à partir du moment où son parachèvement mondialiste se révèle caduc et impraticable. Le nationalisme prétend réguler le libéralisme de l'extérieur par la violence et la destruction, mais derrière sa tactique nauséabonde du bouc émissaire, le nationalisme est unnational-monétarisme : autant dire qu'il est le prolongement extrémiste et jusqu'au-boutiste du libéralisme, soit qu'il propose un monétarisme masqué par la revendication nationaliste de domination.
Le nationalisme est le dernier masque du libéralisme avant explosion définitive du libéralisme, comme on l'a vu avant la Seconde guerre mondiale, où les fascismes allaient détruire le libéralisme et ont tous instauré des régimes favorables au libéralisme, comme le fascisme italien ou le franquisme. Pour pallier l'implosion plus qu'explosion du système libéral, lesEtats-nations d'Occident ont retrouvé la main et ont essayé sans succès d'imposer une alternative viable à la dérégulation libérale.
L'exemple du régime de Pinochet aux Etats-Unis serait une illustration éclatante, car il se trouvait soutenu par les idéologues purs et durs de l'école de Chicago, féroces partisans de l'ultralibéralisme monétariste cher à Milton Friedmann. Le nationalisme est forcément monétariste avec cette inflexion qu'il entend conférer au monétarisme une domination circonscrite à un certain nationalisme, comme si la domination demeurait valable à condition qu'elle rétrécisse au format national et qu'elle perdre ses prétentions au marché total.
Le nationalisme vend une solution partielle comme viable globalement, à l'heure actuelle le projet de l'alternationalisme. Comme si le retour à la nation seule de l'Etat-nation pouvait permettre de compléter l'imperfection et l'incomplétude du monétarisme, qui est le fondement du libéralisme se trouvant explicité dans la phase finale de l'ultralibéralisme (avec Hayek en chef de file charismatique, devenu si extrémiste à la fin de son existence qu'il passait pour plus anarchiste encore que libéral). Le nationalisme est l'allié utile de l'ultralibéralisme, tant historiquement (les fascismes de l'entre-deux guerres sont subventionnés par des factions financières et pratiquent une politique monétariste) que théoriquement (l'incomplétude du nationalisme lui interdit de s'opposer à l'ultralibéralisme explicitement monétariste et au contraire le conduit à adouber le monétarisme par défaut). Le monétarisme incomplet et le nationalisme incomplet se complètent d'autant plus que c'est la dégradation de l'ultralibéralisme qui produit par réaction le nationalisme comme forme faussement politique et idéologique, alors qu'il s'agit d'une imposture politique dont le contenu politique se limite à proposer de la violence en remède au chaos.

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