mardi 13 septembre 2011

Célébration



Les commémorations du 911 ont versé avec une grandiloquence répugnante (presque un chantage affectif au nom des victimes, alors que tant de familles contestent justement la VO) dans la propagande atlantiste, mais le constat n'est plus une surprise avec les récents et énormes mensonges qui ont accompagné la campagne néo-coloniale de Libye - campagne qui ne fait d'ailleurs que commencer (un peuple de résistants demeure dans cet état d'esprit jusqu'à sa mort, et je tiens à préciser ici que je ne suis nullement un supporter du système Kadhafi ou de la Jamahiryia, mais un défenseur du peuple libyen contre l'agression impérialiste des atlantistes). Le 911 est désormais devenu un événement planétaire proche de la mentalité de la machine à sous de Las Vegas, événement dont l'interprétation est tellement contestée que la majorité des populations de par le monde nourrit au moins de sérieux doutes à son endroit. Il est temps de considérer, contre la mythification de cet événement légendaire, qui tend à accroître le refus de la vérité (et de la vérification), que le 911 n'est jamais qu'un événement (historique majeur) dans un processus (plus vaste). Seule compte vraiment la signification du 911 dans ce processus. Le processus désigne l'accélération irresponsable et immaîtrisée de la chute de l'Empire britannique (parfois présenté comme Empire américain ou américano-sioniste) - alors que l'événement considéré séparément, isolément, tend à déformer l'interprétation du processus et se révèle trop morcelé, trop étriqué, trop réducteur, trop court. L'impérialisme (manifestation politique du processus) est adossé à un immanentisme culturel et religieux qui est passé de l'immanentisme classique et fondateur (celui de Spinoza) à l'immanentisme tardif et dégénéré (promu pour une bonne part par Nietzsche), enfin à notre immanentisme terminal (dont la mentalité des postmodernes pourrait constituer une représentativité bigarrée et affligeante le plus souvent, au moins à la relecture).
L'écart grandissant entre la VO défendue par les élites occidentales et la contestation (souvent confuse, presque toujours négative) réclamée et soutenue par les populations du monde indique l'échec du désir à prendre la place du réel. Échec prévisible puisque la partie ne peut remplacer le tout, mais quand cette prétention surgit, elle finit en disparition violente (selon la loi de la démesure antique). L'image du cadavre dans le placard serait la bonne relation pour évoquer un mensonge énorme qui ne fait que grandir au fur et à mesure qu'on le dénie. Avec les commémorations plus que douteuses des dix ans du 911, on se rend compte que le mensonge a cru comme une illusion dans la caverne et qu'il émane de l'ensemble des cercles politiques occidentaux (ou presque).
Il est plus impressionnant encore qu'affligeant de constater l'unanimité médiatique et oligarchique avec laquelle la classe politicienne française (incarnation nauséabonde et singulière des classes politiciennes occidentales) adoube la VO du 911, comme tout type de VO, alors que l'officiel, émanation de l'institutionnel, se révèle si vérolé, médiocre et décati - que le décalage grandissant entre VO et VP (version populaire) se trouve dénoncé tous azimuts - les doutes autour du 911 et plus largement de l'officiel se trouvent plus que relayés dans l'opinion mondiale. C'est le signe que toute cette mentalité fin de règne n'est pas en mesure de faire face à la signification du 911, signification historique et philosophique davantage qu'historique ou médiatique : loin d'être un attentat terroriste parmi d'autres, simplement plus médiatisé car touchant la première puissance mondiale dans ses symboles vitaux (le World Trade Center ou le Pentagone, mais une aile de la Maison Blanche fut aussi en flammes durant quelques heures), le 911 signifie un profond bouleversement de la stratégie mondiale, que l'on a baptisé "guerre contre le terrorisme" dans l'immédiat, mais dont la lame de fond est bien plus vaste (générale). Il s'agit rien moins que le fameux basculement d'une stratégie impérialiste encore ascendante et dominatrice à l'intérieur d'un mouvement d'impérialisme terminal - à un impérialisme sur le déclin, qui doit admettre que pour continuer à régner tant bien que mal, et de plus en plus difficilement, il devra diviser de plus en plus son territoire de domination. Aujourd'hui, les événements s'accélérant, comme lors de tout changement d'importance, nous en sommes à supporter le recours désespéré à la politique du chaos, qui ne résoudra rien et accélérera le processus d'effondrement impérialiste inévitable.
Le fait que l'ensemble de la classe politique dirigeante, et l'ensemble des médias dominants (alors que les médias devraient au moins relayer les contestations s'ils entendent faire preuve de contre-pouvoir, même partiel), soutiennent la VO pourtant fausse et ridiculisée n'indique pas du tout que la contestation est erronée; mais au contraire :
- qu'il est inexorable que ces élites faisandées disparaissent du fait de leur servilité dégénérée au mensonge le plus criant (le 911) comme à l'ensemble du mensonge (l'impérialisme), qui signe l'éloignement définitif des élites du processus menant au changement;
- et que le changement commence par la disparition et le remplacement de la mentalité d'autant plus dominante sur le moment qu'elle se révèle caduque et obsolète pour continuer à dominer dans le cadre du changement.
Nous assistons à la faillite des élites occidentales qui imprègnent la mentalité dominante mondiale actuelle et qui dominent le monde - au moins indirectement. C'est la fin de ce processus de domination de plus en plus sauvage, dont le 911 a symboliquement marqué l'arrêt criant et sauvage. Non que cet arrêt soit immédiat, mais qu'il soit inexorable sur le terme. Le changement commence par affecter de manière prioritaire et prédominante les élites. Actuellement, nos élites sont totalement déconnectées du réel, ce qui se manifeste par cet écart grandissant, d'ores et déjà marquant, entre ceux qu'ils sont censés représenter et leur propre mentalité oligarchique, dont un DSK à l'agonie pourrait préfigurer la vanité plus encore dérisoire qu'arrogante. Le 911 a signifié historiquement la fin du processus d'impérialisme terminal dans sa phase triomphaliste, quoique déjà vérolée. Certes, l'impérialisme terminal signifie une forme impérialiste déjà en déclin, mais ce déclin était perçu comme pérenne encore (de manière illusoire), parce que le coeur de l'impérialisme, cet Occident si durement frappé par l'oligarchie croissante, parvenait à assurer une certaine domination bancale (tant bien que mal); mais à présent, le sort funeste des périphéries de l'Empire, par exemple dans les régions dévastées d'Afrique, a fini par affecter dans un effet de boomerang le coeur de l'empire, si bien que la politique du chaos est en train de se métastaser et de se généraliser de manière incontrôlable (l'Empire britannique ne maîtrise plus sa domination, déjà affaiblie en tant que domination financière et inavouable, qui s'est définitivement retournée en une machine périmée de destruction et d'autodestruction).
Dans le processus d'effondrement de l'impérialisme terminal, le 911 signifie que désormais le coeur de l'Empire est touché par la crise - plus seulement les marches et les satrapies jadis oubliées. Le 911 signifie que la phase terminale de l'impérialisme est entrée dans sa conclusion de dégénérescence violente et virulente (purulente). Le problème dans ces célébrations des dix ans du 911 pris comme événement seul déconnecté du processus général d'effondrement et de crise de l'impérialisme britannique, c'est que l'on tend à nominaliser et événementialiser un processus, soit à le rétrécir et à le défigurer. On comprend bien que la propagande officielle tende vers cette célébration impudente puisque les élites représentatives de l'impérialisme le plus monstrueux et glauque n'ont pas intérêt à ce que le système pourtant purulent change. Mais que ceux qui entendent dans leur majorité contester la VO fasse le jeu de cette élision du processus rappelle l'arbre qui cache la forêt : tels des manipulés, ils font le jeu du système qu'ils prétendent combattre en se focalisant exclusivement et unilatéralement sur un événement qui aussi répugnant soit-il n'a aucune valeur singulière si on le sort de son contexte dynamique.

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