La critique de l'académisme n'est valable qu'en tant que critique à propos de l'académisme pur et ultime. Si la fin est l'excellence académique, la critique est dévastatrice. Ce n'est pas contre le savoir qu'il faut s'opposer; c'est contre la notion qui se tapit derrière l'idée de savoir - ultime. De ce point de vue, il convient d'opposer deux types de connaissance : la connaissance créatrice à la connaissance académique. La création contre le savoir.
Les sophistes sont des érudits, des savants, des penseurs qui accordent la primauté au savoir. Cas d'un Aristote, au sens où Aristote est (hautement) considéré comme un philosophe classique, dans la lignée de Platon - alors qu'Aristote est un sophiste masqué, dont le prestige est trop important pour ne pas être intégré dans l'ordre des philosophes classiques.
Que reprochait Platon aux sophistes? Quand le savoir devient-il la fin de la pensée? Qu'est-ce que le savoir comme fin? Qu'est-ce qu'un historien de la philosophie? Quelle différence entre un historien de la philosophie et un philosophe? Le cas de l'historien de la philosophie est éloquent à double titre car il montre ce qu'est un savant, les limites du savant - il indique quelle époque nous vivons. Nous confondons l'historien de la philosophie, qui possède (pour les plus excellents) un savoir imposant et impressionnant (je pense à Ricœur), avec le philosophe, qui crée des idées.
Que l'on amalgame l'historien de la philosophie avec le philosophe indique que l'on confond le créateur avec le savant. On pourrait étendre l'exemple à la différence entre l'historien de littérature et l'écrivain créant de la littérature. Mais l'amalgame est au plus fort avec la philosophie, car il s'agit de s'emparer de la pensée pour en faire un objet de savoir. Il ne s'agit pas d'une confusion anodine, car le savoir est répétition, mimétisme; il n'est pas création, différence. Le savant désigne celui qui détient un objet de connaissance donné et figé. Certes le savoir peut s'agrandir (voire se rapetisser), mais il est toujours fini et de ce fait figé (réduit quelle que soit son extension à cette finitude). Raison pour laquelle Rabelais parle de paroles gelées.
Tout aussi bien l'on pourrait entendre connaissance gelée pour désigner le savoir qui s'en tient au savoir et repousse la création authentique. Cette confusion en dit long sur notre époque, où les experts, spécialistes et autres érudits ont la part belle au point qu'on prend la création pour un exercice d'excellence du savoir. Or le savoir et la création n'ont rien à voir. Il se pourrait que l'excellence académique ne recoupe nullement l'entreprise de création, bonne ou mauvaise. Il se pourrait même que l'excellence créatrice désigne une démarche aux antipodes de l'excellence de savoir. Pour autant cette différence qualitative ne doit pas faire oublier que la création reste supérieure au savoir (scandale pour les érudits et les bien-pensants d'une certaine mentalité).
Quand on examine les parcours des créateurs, on est frappé de constater avec quelle fréquence la création se fait non pas à la suite d'un savoir maximal (étendu), mais à partir d'une distorsion dans l'entreprise de connaissance. Les cas de créateurs peu savants (voire ignares) sont certes frappants; mais le plus frappant est sans doute que la création se fasse à partir d'une rupture avec le savoir, souvent à partir d'un savoir moyen (l'érudition fait souvent mauvais ménage avec la création). On ne peut pas créer dans le giron d'un savoir figé, aussi imposant soit-il. C'est ce que sous-entend Descartes, pourtant pas exempt d'influences scolastiques et nihilistes (sa définition du réel est mécaniste et finie).
Descartes est cet élève qui se prépare à devenir un scoliaste excellent, soit le détenteur d'un savoir aussi impeccable que fallacieux - Descartes stoppe cette course à l'erreur et la transforme par un essai créatif en rupture au moins partielle avec le processus de répétition scolastique. La scolastique était fondée en partie sur la répétition stéréotypée du savoir aristotélicien, qui se révèle de plus en plus faux avec le temps. Tel est le problème avec la conception du savoir final : au bout d'un moment, l'érudit qui est sanctionné des plus impressionnants diplômes (l'équivalent actuel d'un normalien se trouvant être un sorbonnard) désigne quelqu'un qui trompe voire qui ment.
La conception d'un savoir fini débouche fatalement sur l'erreur au sens où le rappel de la hiérarchisation des valeurs aboutit à la subordination du savoir, aussi important soit-il, au service de la création. Ce n'est pas contre le savoir qu'il faut s'élever; c'est contre le savoir final ou ultime. La connaissance comme savoir qui nie la connaissance véritable, d'ordre créateur. Le savoir est au service de la création, au sens où la création présente quelque chose de supérieur au savoir.
Cette supériorité est à la fois invisible et disproportionnée : c'est la supériorité du qualitatif sur le quantitatif. On peut ne pas la remarquer, car elle implique un changement paradigmatique, dans lequel l'ordre (le donné) change et s'agrandit. Elle est disproportionnée, voire scandaleuse, car elle semble contraire à la logique, voire à une certaine justice (bornée) : comment accepter en effet que l'érudit se voie doublé de manière définitive par quelqu'un qui lui est souvent inférieur d'un point de vue académique? Par ailleurs, l'on peut sanctionner le savoir par des diplômes et des titres, alors que l'exercice de création se révèle plus difficilement évaluable et délivre des erreurs de jugement manifestes, seulement rattrapées par la longe du temps (souvent de manière posthume à l'existence du créateur incompris).
On comprend l'erreur d'appréciation entre la dépréciation de la création et le savoir surfait. Car le savoir surfait ne comprend pas la hiérarchie à partir de sa propre interprétation. Dans son système fini et figé, il se montre supérieur à la création en ce qu'il délivre des certitudes (les diplômes prestigieux de l'excellence académique). D'une certaine manière, le système du savoir réussit, quand l'imprécision de la création s'apparente à un échec. La supériorité de la certitude sur l'incertitude semble des moins contestables.
Il convient d'interroger les fondements, en particulier les postulats, pour mesurer la solidité d'une pensée ou d'une conception. C'est quand on ne définit pas que l'on se montre le plus fragile, le plus faux. Justement, le système du savoir se garde de définir son degré de certitude, qui s'appuie sur l'erreur, à savoir la finitude du réel. Le savoir est supérieur dans un système fini et figé. L'aristotélicien sorbonnard et scoliaste est le roi du savoir dans le système figé du réel. Problème à ce dogmatisme : le réel n'est pas fini.
Du coup, le savoir fini finit en décongelé détrempé, ou encore sclérosé, parce que le savoir fini se dépérit dans un réel qui infini change et détruit ce qui ne tient pas compte de l'infini et du changement. C'est exactement ce qui se produit avec le savoir et c'est pourquoi le savoir est inférieur à la création. A ce titre, il pourrait être curieux de considérer la démarche d'un Descartes qui commence par congédier le savoir pour lui préférer l'exercice provisoire du doute et qui par la suite reprend et entend poursuivre la démarche aristotélicienne du savoir avec la même négation de l'infini.
La création cartésienne nie le propre de la création. Ce contre quoi il convient de lutter, c'est le préjugé académiste selon lequel la création serait l'acmé du savoir. Il conviendrait dans un premier temps d'exceller dans le savoir pour prétendre dans un second temps à l'exercice de la création. Cette approche de la création est fausse et ne peut se produire que dans le champ de la conception finie.
Si les nihilistes de tout poil défendent cette conception, ils sont de bonne foi. Raison pour laquelle les sophistes, les atomistes ou les aristotéliciens sont gens de (grand) savoir. L'érudition joue le rôle de propédeutique nécessaire et prestigieuse. Pour départager le créateur égaré du créateur excellent, encore convient-il de commencer par savoir avec excellence. Dans cette conception, la spécificité de la création n'est pas comprise. Rien d'étonnant dès lors à ce qu'on passe à côté de la supériorité de la création par rapport à la répétition du savoir.
Pour comprendre la supériorité de la création, et le fait que le savoir ne peut jouer qu'un rôle de soutien et d'éveil, il importe de se mouvoir dans l'infini. Pas de création sans infini. Dans le fini, la création est soit niée, soit réduite à la continuation du savoir avec des moyens de plus en plus limités. De nos jours d'immanentisme terminal, un Rosset joue le rôle du sophiste. Mais il en est arrivé dans son donné conçu comme fini à l'idée que toute création est impossible, qu'elle se borne à assembler des bouts de citations les unes avec les autres, soit à créer en changeant par l'assemblage (collage) d'ancien sens le sens ancien pour en produire un nouveau qui soit contenu dans le donné intangible.
On fait sens non pas avec du nouveau, mais avec de l'ancien. Faire du neuf avec du vieux : moyens pour un immanentiste de s'en tenir à un donné et de réfuter le changement. Le point de vue par rapport au changement sert de révélateur à la conception de la création. Le changement est nié dans une conception finie (variante : le changement est intégré au fini, comme c'est le cas chez Descartes). Le changement n'est concevable que dans une conception infinie.
La raison pour laquelle la supériorité de l'infini sur le fini ne saute pas aux yeux réside dans la certitude immédiate que l'option du fini garantit. Le fini s'enrobe sous les atours plus enjôleurs du savoir. La création procure le goût inquiétant de l'inconnu. Cette certitude immédiate va de pair avec le maximum d'incertitude fondamentale, mais bien entendu, il ne s'agit pas de révéler cette clause pourtant première du contrat. L'incertitude de l'infini est positive en ce qu'elle est ouverte au changement et qu'elle ne cesse de s'améliorer en s'agrandissant.
L'infini contre le fini : tel est l'enjeu de l'opposition au savoir académique en tant que fin ultime de la pensée, ou encore de la création considérée comme savoir (un peu différent, mais savoir ultime en dernière ligne de compte). A l'opposé, l'exercice de création consiste à engendrer le changement dans l'ordre donné en y intégrant une part d'infini. La création ajoute du néant au fini, avec cette idée supplémentaire qu'il ne s'agit pas de néant nihiliste, soit de désordre pur, mais d'une forme de néant qui est quelque chose, quelque chose de non ordonné, mais qui n'est certainement pas rien (le néant n'est pas de l'être; il est quelque chose).
Le rien n'est pas; ce néant-là n'est pas le néant qui s'il n'est pas de l'être est quelque chose. Il s'agit de concevoir la création comme l'ordonnation du néant, soit la finitudisation de l'infini. Cette création-là, entendue comme ordonnation du néant, exprime le vrai exercice de connaissance, auquel le savoir de type académique est subordonné (le savoir ne permet en aucun cas de dépasser un objet d'étude de nature finie dans tous les sens du terme). Tant que l'on promeut la prééminence du savoir académique, on se meut dans l'erreur et l'on démontre à quel point l'on se trouve engoncé dans le nihilisme (actuellement sous la forme spécifique de l'immanentisme). Il reste à promouvoir le savoir pour la création.
Dans cette perspective, le savoir n'est qu'une étape dans la disjonction qualitative, la rupture, qui permet de passer vers l'exercice de création. Le savoir favorise mieux que tout autre non-savoir cette disjonction. Dans l'optique finie, l'académisme menait par paliers progressifs et quantitatifs vers la création entendue comme fin de l'excellence académique. On demeurait dans le même domaine de réel. Tandis que la disjonction qualitative marque une différence, qui se traduit par l'agrandissement paradigmatique (la croissance bouleverse les paradigmes donnés). La raison pour laquelle le savoir encourage la création est qu'il mène au bord de la fin quantitatif, de la fin du fini.
L'étude d'un objet de savoir pousse à dépasser cet objet, ce qui ne se peut faire que par le recours à la démarche créatrice, qui est rupture et bouleversement avec le savoir fini et donné. Paradoxe ontologique : c'est par le recours à la diminution qualitative (vers le néant qui est toujours l'infiniment petit) que l'on engendre la croissance quantitative (l'ordonnation menant vers l'infiniment grand). C'est par la diminution que l'on crée les conditions de l'accroissement (de la néguentropie).
Les sophistes sont des érudits, des savants, des penseurs qui accordent la primauté au savoir. Cas d'un Aristote, au sens où Aristote est (hautement) considéré comme un philosophe classique, dans la lignée de Platon - alors qu'Aristote est un sophiste masqué, dont le prestige est trop important pour ne pas être intégré dans l'ordre des philosophes classiques.
Que reprochait Platon aux sophistes? Quand le savoir devient-il la fin de la pensée? Qu'est-ce que le savoir comme fin? Qu'est-ce qu'un historien de la philosophie? Quelle différence entre un historien de la philosophie et un philosophe? Le cas de l'historien de la philosophie est éloquent à double titre car il montre ce qu'est un savant, les limites du savant - il indique quelle époque nous vivons. Nous confondons l'historien de la philosophie, qui possède (pour les plus excellents) un savoir imposant et impressionnant (je pense à Ricœur), avec le philosophe, qui crée des idées.
Que l'on amalgame l'historien de la philosophie avec le philosophe indique que l'on confond le créateur avec le savant. On pourrait étendre l'exemple à la différence entre l'historien de littérature et l'écrivain créant de la littérature. Mais l'amalgame est au plus fort avec la philosophie, car il s'agit de s'emparer de la pensée pour en faire un objet de savoir. Il ne s'agit pas d'une confusion anodine, car le savoir est répétition, mimétisme; il n'est pas création, différence. Le savant désigne celui qui détient un objet de connaissance donné et figé. Certes le savoir peut s'agrandir (voire se rapetisser), mais il est toujours fini et de ce fait figé (réduit quelle que soit son extension à cette finitude). Raison pour laquelle Rabelais parle de paroles gelées.
Tout aussi bien l'on pourrait entendre connaissance gelée pour désigner le savoir qui s'en tient au savoir et repousse la création authentique. Cette confusion en dit long sur notre époque, où les experts, spécialistes et autres érudits ont la part belle au point qu'on prend la création pour un exercice d'excellence du savoir. Or le savoir et la création n'ont rien à voir. Il se pourrait que l'excellence académique ne recoupe nullement l'entreprise de création, bonne ou mauvaise. Il se pourrait même que l'excellence créatrice désigne une démarche aux antipodes de l'excellence de savoir. Pour autant cette différence qualitative ne doit pas faire oublier que la création reste supérieure au savoir (scandale pour les érudits et les bien-pensants d'une certaine mentalité).
Quand on examine les parcours des créateurs, on est frappé de constater avec quelle fréquence la création se fait non pas à la suite d'un savoir maximal (étendu), mais à partir d'une distorsion dans l'entreprise de connaissance. Les cas de créateurs peu savants (voire ignares) sont certes frappants; mais le plus frappant est sans doute que la création se fasse à partir d'une rupture avec le savoir, souvent à partir d'un savoir moyen (l'érudition fait souvent mauvais ménage avec la création). On ne peut pas créer dans le giron d'un savoir figé, aussi imposant soit-il. C'est ce que sous-entend Descartes, pourtant pas exempt d'influences scolastiques et nihilistes (sa définition du réel est mécaniste et finie).
Descartes est cet élève qui se prépare à devenir un scoliaste excellent, soit le détenteur d'un savoir aussi impeccable que fallacieux - Descartes stoppe cette course à l'erreur et la transforme par un essai créatif en rupture au moins partielle avec le processus de répétition scolastique. La scolastique était fondée en partie sur la répétition stéréotypée du savoir aristotélicien, qui se révèle de plus en plus faux avec le temps. Tel est le problème avec la conception du savoir final : au bout d'un moment, l'érudit qui est sanctionné des plus impressionnants diplômes (l'équivalent actuel d'un normalien se trouvant être un sorbonnard) désigne quelqu'un qui trompe voire qui ment.
La conception d'un savoir fini débouche fatalement sur l'erreur au sens où le rappel de la hiérarchisation des valeurs aboutit à la subordination du savoir, aussi important soit-il, au service de la création. Ce n'est pas contre le savoir qu'il faut s'élever; c'est contre le savoir final ou ultime. La connaissance comme savoir qui nie la connaissance véritable, d'ordre créateur. Le savoir est au service de la création, au sens où la création présente quelque chose de supérieur au savoir.
Cette supériorité est à la fois invisible et disproportionnée : c'est la supériorité du qualitatif sur le quantitatif. On peut ne pas la remarquer, car elle implique un changement paradigmatique, dans lequel l'ordre (le donné) change et s'agrandit. Elle est disproportionnée, voire scandaleuse, car elle semble contraire à la logique, voire à une certaine justice (bornée) : comment accepter en effet que l'érudit se voie doublé de manière définitive par quelqu'un qui lui est souvent inférieur d'un point de vue académique? Par ailleurs, l'on peut sanctionner le savoir par des diplômes et des titres, alors que l'exercice de création se révèle plus difficilement évaluable et délivre des erreurs de jugement manifestes, seulement rattrapées par la longe du temps (souvent de manière posthume à l'existence du créateur incompris).
On comprend l'erreur d'appréciation entre la dépréciation de la création et le savoir surfait. Car le savoir surfait ne comprend pas la hiérarchie à partir de sa propre interprétation. Dans son système fini et figé, il se montre supérieur à la création en ce qu'il délivre des certitudes (les diplômes prestigieux de l'excellence académique). D'une certaine manière, le système du savoir réussit, quand l'imprécision de la création s'apparente à un échec. La supériorité de la certitude sur l'incertitude semble des moins contestables.
Il convient d'interroger les fondements, en particulier les postulats, pour mesurer la solidité d'une pensée ou d'une conception. C'est quand on ne définit pas que l'on se montre le plus fragile, le plus faux. Justement, le système du savoir se garde de définir son degré de certitude, qui s'appuie sur l'erreur, à savoir la finitude du réel. Le savoir est supérieur dans un système fini et figé. L'aristotélicien sorbonnard et scoliaste est le roi du savoir dans le système figé du réel. Problème à ce dogmatisme : le réel n'est pas fini.
Du coup, le savoir fini finit en décongelé détrempé, ou encore sclérosé, parce que le savoir fini se dépérit dans un réel qui infini change et détruit ce qui ne tient pas compte de l'infini et du changement. C'est exactement ce qui se produit avec le savoir et c'est pourquoi le savoir est inférieur à la création. A ce titre, il pourrait être curieux de considérer la démarche d'un Descartes qui commence par congédier le savoir pour lui préférer l'exercice provisoire du doute et qui par la suite reprend et entend poursuivre la démarche aristotélicienne du savoir avec la même négation de l'infini.
La création cartésienne nie le propre de la création. Ce contre quoi il convient de lutter, c'est le préjugé académiste selon lequel la création serait l'acmé du savoir. Il conviendrait dans un premier temps d'exceller dans le savoir pour prétendre dans un second temps à l'exercice de la création. Cette approche de la création est fausse et ne peut se produire que dans le champ de la conception finie.
Si les nihilistes de tout poil défendent cette conception, ils sont de bonne foi. Raison pour laquelle les sophistes, les atomistes ou les aristotéliciens sont gens de (grand) savoir. L'érudition joue le rôle de propédeutique nécessaire et prestigieuse. Pour départager le créateur égaré du créateur excellent, encore convient-il de commencer par savoir avec excellence. Dans cette conception, la spécificité de la création n'est pas comprise. Rien d'étonnant dès lors à ce qu'on passe à côté de la supériorité de la création par rapport à la répétition du savoir.
Pour comprendre la supériorité de la création, et le fait que le savoir ne peut jouer qu'un rôle de soutien et d'éveil, il importe de se mouvoir dans l'infini. Pas de création sans infini. Dans le fini, la création est soit niée, soit réduite à la continuation du savoir avec des moyens de plus en plus limités. De nos jours d'immanentisme terminal, un Rosset joue le rôle du sophiste. Mais il en est arrivé dans son donné conçu comme fini à l'idée que toute création est impossible, qu'elle se borne à assembler des bouts de citations les unes avec les autres, soit à créer en changeant par l'assemblage (collage) d'ancien sens le sens ancien pour en produire un nouveau qui soit contenu dans le donné intangible.
On fait sens non pas avec du nouveau, mais avec de l'ancien. Faire du neuf avec du vieux : moyens pour un immanentiste de s'en tenir à un donné et de réfuter le changement. Le point de vue par rapport au changement sert de révélateur à la conception de la création. Le changement est nié dans une conception finie (variante : le changement est intégré au fini, comme c'est le cas chez Descartes). Le changement n'est concevable que dans une conception infinie.
La raison pour laquelle la supériorité de l'infini sur le fini ne saute pas aux yeux réside dans la certitude immédiate que l'option du fini garantit. Le fini s'enrobe sous les atours plus enjôleurs du savoir. La création procure le goût inquiétant de l'inconnu. Cette certitude immédiate va de pair avec le maximum d'incertitude fondamentale, mais bien entendu, il ne s'agit pas de révéler cette clause pourtant première du contrat. L'incertitude de l'infini est positive en ce qu'elle est ouverte au changement et qu'elle ne cesse de s'améliorer en s'agrandissant.
L'infini contre le fini : tel est l'enjeu de l'opposition au savoir académique en tant que fin ultime de la pensée, ou encore de la création considérée comme savoir (un peu différent, mais savoir ultime en dernière ligne de compte). A l'opposé, l'exercice de création consiste à engendrer le changement dans l'ordre donné en y intégrant une part d'infini. La création ajoute du néant au fini, avec cette idée supplémentaire qu'il ne s'agit pas de néant nihiliste, soit de désordre pur, mais d'une forme de néant qui est quelque chose, quelque chose de non ordonné, mais qui n'est certainement pas rien (le néant n'est pas de l'être; il est quelque chose).
Le rien n'est pas; ce néant-là n'est pas le néant qui s'il n'est pas de l'être est quelque chose. Il s'agit de concevoir la création comme l'ordonnation du néant, soit la finitudisation de l'infini. Cette création-là, entendue comme ordonnation du néant, exprime le vrai exercice de connaissance, auquel le savoir de type académique est subordonné (le savoir ne permet en aucun cas de dépasser un objet d'étude de nature finie dans tous les sens du terme). Tant que l'on promeut la prééminence du savoir académique, on se meut dans l'erreur et l'on démontre à quel point l'on se trouve engoncé dans le nihilisme (actuellement sous la forme spécifique de l'immanentisme). Il reste à promouvoir le savoir pour la création.
Dans cette perspective, le savoir n'est qu'une étape dans la disjonction qualitative, la rupture, qui permet de passer vers l'exercice de création. Le savoir favorise mieux que tout autre non-savoir cette disjonction. Dans l'optique finie, l'académisme menait par paliers progressifs et quantitatifs vers la création entendue comme fin de l'excellence académique. On demeurait dans le même domaine de réel. Tandis que la disjonction qualitative marque une différence, qui se traduit par l'agrandissement paradigmatique (la croissance bouleverse les paradigmes donnés). La raison pour laquelle le savoir encourage la création est qu'il mène au bord de la fin quantitatif, de la fin du fini.
L'étude d'un objet de savoir pousse à dépasser cet objet, ce qui ne se peut faire que par le recours à la démarche créatrice, qui est rupture et bouleversement avec le savoir fini et donné. Paradoxe ontologique : c'est par le recours à la diminution qualitative (vers le néant qui est toujours l'infiniment petit) que l'on engendre la croissance quantitative (l'ordonnation menant vers l'infiniment grand). C'est par la diminution que l'on crée les conditions de l'accroissement (de la néguentropie).
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