lundi 9 juin 2008

Le hasard et la cécité

Si le réel survient de manière définie et finie, alors le réel est vraiment inexplicable. L'immanentisme a besoin de la transparence comme doctrine de l'ontologie évènementielle. En même temps, cette ontologie repose rigoureusement sur l'inexplicable car si tout ce qui survient est transparent, tout ce qui survient est aussi inexplicable. Grand point faible de l'immanentisme : cette pensée de crise et ce symptôme de crise sont incapables d'expliquer le devenir et la différence. La différence est ainsi remplacée par la différance.
On use et on abuse du hasard jusqu'à l'indifférence rance. Rançon de cette explication inexplicable et incohérente : quand survient l'événement qui met en péril le dogme de l'immanentisme, soit la transparence et le hasard comme corolaires, ainsi qu'énoncerait Spinoza, alors on nie la causalité de cet événement et au lieu d'expliquer on le décrète inexplicable.
Dans la pensée de Veyne (pensée vaine et exemplaire à la fois), est-il périlleux d'envisager la décadence en tant que phénomène historique affectant Rome? Eh bien, on roucoulera des propositions nietzschéennes pour mieux nier que décadence il ait pu avoir lieu! Le 911 survient? Le 911 ne saurait être qu'un évènement accidentel, dans tous les sens du terme. Toutes les contestations sont rangées au rang des abominations et des délires hautement et gravement psychiatriques.
Mais le 911 ne fut pas exception isolée. Tous les évènements en fait viennent écorner le mythe purulent et mensonger de la transparence. Sauf que la plupart des événements peuvent être réduits à des proportions finies tandis que le 911 manifeste véritablement des dispositions qui dépassent le cadre de la transparence et du fini.
Le 911 permet de comprendre pourquoi l'immanentisme a besoin du hasard comme du non-principe pour ne pas expliquer le réel défini. Car le réel qui est fini et transparent ne peut se satisfaire de la justification transcendante. Au contraire elle introduit l'extériorité qui détruit la transparence. Le seul moyen que le réel soit transparent est qu'il repose sur le hasard. En même temps, le hasard ne tient pas la route plus de cinq minutes à l'examen en ce qu'il est un principe d'explication bien plus faible que le principe qu'il remplace.
Il reste à se demander ce que le hasard cache, un peu comme la version mensongère des faits masque en fait la vérité criminelle. Ce n'est pas parce qu'on sait que quelque chose est faux qu'on en détient du coup la teneur vraie et positive. Au contraire, le hasard cache simplement le fait que le réel n'est pas transparent et qu'il ne réside pas à la surface. Pour le reste, il est certain que l'explication ontologique à la Nieztsche est biscornue, bancale et peu satisfaisante : derrière l'apparence, il ne se trouve jamais qu'une infinité d'autres apparences.
Certes. Mais je crois surtout qu'il reste à définir ce que l'on trouve derrière l'apparence si l'on s'enquiert que l'ancienne ontologie transcendante permettait au moins d'unir le réel derrière l'apparence avec l'explication du Réel véritable situé ailleurs. L'immanentisme supprime la profondeur et décrète qu'il s'agit d'un progrès dans la compréhension du réel et el fonctionnement de la culture humaine. Il n'en est rien et c'est le contraire qui est vrai : l'homme dégénère sans que cette décadence patente ne soit en rien attribuable au hasard.

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