mardi 17 juin 2008

Néococos

Qui sont les néoconservateurs représentés par Podhoretz, mais aussi par le père Kristol et bien d'autres, dont de nombreux fils? On a remarqué qu'ils étaient pour certains des élèves de Strauss et de Bloom. C'est certain, comme il est certain que la lecture de Strauss n'est certainement pas une bluette se limitant à des considérations esthétiques sur Platon et sur Jérusalem.
Les néoconservateurs sont également et pour la plupart des anciens trotskistes (ou autres internationalistes de gauche) passés avec armes et bagages dans le camp de l'ultralibéralisme et de l'atlantisme. On pourrait gloser sur cette soi-disant trahison qui en fait n'en est pas une. Après tout, en France, nous possédons l'exemple ahurissant de Jean-François Revel, comme symptôme du faux penseur en fait utilisé avec son accord partiel par les circuits de l'atlantisme.
Revel était lui aussi un ancien de la gauche, qui finit, selon le propre mot du conservateur d'Ormesson, plus à droite que les conservateurs classiques. Et pour cause : Revel à la fin de sa vie était converti à l'ultralibéralisme/néoconservatisme (la distinction n'est pas claire) et au mondialisme. On pourrait aussi citer les circuits qu'emprutent Bruckner, Glucksmann ou Kouchner, le mari d'Ockrent : tous des membres de clans, factions et cercles de réflexion dont les constantes sont de mal penser (pensée très médiocre et moutonnière) et de penser du côté de la puissance atlantiste.
Si les exemples abondent en France, le parcours des néoconservateurs historiques et d'obédience américaine n'a rien d'étonnant et la première explication qui vient à l'esprit est de constater, avec raison, que les communistes étaient des internationalistes et que de ce point de vue ils rejoignent les ultralibéraux mondialistes et tous les mouvements atlantistes partisans du Nouvel Ordre Mondial. Je sais bien que les néoconservateurs se déclarent eux-mêmes opposés aux ultralibéraux, mais toutes ces distinctions sont des querelles de clocher car tous se rejoignent sur l'essentiel qui tient à leur atlantisme viscéral.
Si j'observe une certaine différence entre les libéraux classiques et les néoconservateurs, je pense que la dérive ultralibérale et le libertarisme extrême tendent en fait à se rapprocher paradoxalement et justement du néoconservatisme. La question de l'étatisme ou de la place de l'État est secondaire, pour ne pas dire qu'elle constitue un leurre. Dans les querelles de clocher ente les atlantistes, il faut se méfier des fausses différences, mais aussi des différences si mineures que les différences ne valent rien en comparaison des points de convergence et de résonance, eux majeurs.
Mais pourquoi les internationalismes atlantiste et communiste sont-il finalement si proches alors que les communistes et les atlantistes furent les grands ennemis de l'après-guerre? Cette énigme devient très compréhensible si l'on pense en termes d'immanentisme le problème soi-disant insoluble. La différence entre les internationalistes et les mondialistes, entre les communistes et les atlantistes, tient non à la finalité, mais aux moyens d'y parvenir.
Il faut distinguer dans l'hyperrationalisme qui accompagne et caractérise le règne immanentiste de la Raison entre l'hyperrationalisme de type idéaliste et progressiste et l'hyperrationalisme de type pragmatique. Le premier considère que la Raison est un idéal à atteindre et que l'exercice hyperrationaliste permet de perfectionner le donné, quand le second considère que le donné hyperrationnel l'est une bonne fois pour toutes et qu'il faut s'en accommoder.
Les hyperrationalismes progressiste et pragmatique divergent sur les moyens de parvenir à la Raison, mais ils sont d'accord sur la finalité hyperrationnelle. Du coup, il n'est pas surprenant que des hyperrationalistes de type trotskyste (par exemple) finissent par rejoindre les rangs les plus pragmatiques de l'hyperrationalisme, car il est prévisible que ce soit la Raison progressiste et idéaliste qui s'effondre en premier. Les progressistes orphelins ont soit le choix de poursuivre leur combat sous des formes de plus en plus utopiques, soit de se réfugier dans le seul giron désormais de la Raison, l'hyperrationalisme pragmatique.
Les pragmatiques qui triomphent ne se rendent pas compte qu'ils n'ont pas raison, mais qu'ils appartiennent au camp de la Raison la plus pérenne, camp fallacieux et destructeur en tant qu'immanentiste, mais qui donne l'illusion d'être le bon camp, seulement parce qu'il dure (un peu) plus longtemps.

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