vendredi 24 juin 2011

Honte

Ce qui se passe en Libye dépasse l'entendement : les puissances occidentales ont provoqué des troubles dans le pays et les médias occidentaux, qui sont des caisses de résonance propagandiste en faveur des régimes atlantistes, présentent ces insurrections animées par les militaires occidentaux et les services secrets à leur solde comme des soulèvements populaires au nom de la démocratie. L'intellectuel propagandiste et atlantiste BHL, l'ami bien connu de Massoud, de la veuve de Richard Pearl, voire de Botul, coordonnerait certaines des actions occidentalistes autour du fief de Benghazi, qui n'est pas un gouvernement démocratique soutenu par le peuple libyen tyrannisé, mais une entité fantoche et illégitime, armée, financée et soutenue par les régimes impérialistes occidentaux.
Il ne s'agit nullement de soutenir le régime de Kadhafi, qui est au pouvoir depuis trop longtemps et qui a déjà versé dans le népotisme, le tribalisme et certaines compromissions avec l'Empire britannique (demandez à Blair, lord Jacob Rothschild ou sir Mark Allen), mais qui est aussi un dictateur éclairé ayant construit son pays, redistribué une grande part de la manne des richesses naturelles et oeuvrant de manière reconnue et sincère pour l'Afrique. Ce que font les Occidentaux en Libye relève de l'entreprise de destruction caractérisée contre le développement du peuple de Libye, comme ce qui s'est produit en Irak à une échelle plus importante et ce qui se produit de manière voisine en Syrie, dans les pays autour de l'Arabie saoudite ou en Afrique noire (Soudan, Tchad, Côte d'Ivoire...).
En tant que Français, j'ai honte de l'action de mon gouvernement, honte de la complicité des autres gouvernements occidentaux, honte de la passivité médiocre des citoyens d'Occident qui soutiennent moins l'impérialisme dénié de leurs régimes politiques qu'ils préfèrent se taire devant l'inacceptable et profiter de plus en plus chichement, à la manière d'un suicide à l'alcool ou de grenouilles lentement cuites et endormies dans une marmite d'eau. La colère m'anime, confronté à un tel spectacle criminel et consternant.
Tout citoyen croyant de manière rationnelle, consciente et réfléchie dans la démocratie et les Droits de l'homme a le devoir de se montrer en colère face à l'ignorance et la médiocrité complices de la plupart de ses concitoyens et de ressentir cette honte intimement mêlée au sentiment de la trahison. Les Occidentaux ont trahi les hommes d'Occident qui ont construit leur pays et les ont élevés vers la liberté, la prospérité et la culture. Ma plus grande honte est infligée par l'humiliation constante que subissent les Palestiniens depuis un demi siècle. Alors que les Israéliens complices de l'Occident les martyrisant sans jamais recevoir de rétorsions de la part de l'Occident, les Palestiniens sont le symbole de ce qu'est la victime de l'impérialisme.
Les Israéliens représentent quant à eux le symbole de l'impérialisme occidental de par le monde. Personne ne peut soutenir le régime sanguinaire et désaxé d'Israël, notamment depuis les massacres de la "guerre" baptisée Opération plomb durci (décembre 2008-janvier 2009), nantie d'un bilan éloquent : 1315 Palestiniens assassinés, dont 410 enfants et plus de 100 femmes. A la lecture d'un tel bilan, il n'est pas possible de se taire. Pas possible de retenir sa colère. L'impérialisme est rentré dans la phase terminale de son existence autodestructrice autant que destructrice. Les citoyens dépolitisés occidentaux sont prévenus : tant qu'ils se tairont devant l'inacceptable, ils seront coupables de laisser faire l'impérialisme.
Tant qu'ils accepteront la mort des innocents de l'impérialisme, ils seront coupables. Coupables de lâcheté. Coupables de trahison. Coupables de médiocrité. L'horreur que l'on accepte pour les Palestiniens, qui sont lâchement massacrés par les Israéliens, est le symbole de l'horreur que l'impérialisme occidental mène dans des "guerres" punitives, prédatrices et coloniales. Quand je dis "guerres", il faudrait employer plutôt le terme de "massacres" pour qualifier des attaques inégales et disproportionnées, qu'aucun droit dans le monde ne peut légitimer, sauf à verser dans la loi du plus fort.
Tel est le résultat de l'impérialisme : le massacre; et tel devrait être au bas mot le sentiment face au massacre : la honte. Honte du manque d'honneur et d'honnêteté des impérialistes qui se réclament de valeurs nobles comme la démocratie pour légitimer leurs entreprises de destruction selon la loi du plus fort. Honte devant la violence perpétrée contre d'autres êtres humains. La honte décrit le sentiment d'impuissance face à la violence commise contre d'autres êtres humains. Il n'est pas possible de cautionner l'impérialisme occidental chaotique et terminal. Tel le boomerang, il s'est déjà retourné contre l'Occident.
Les peuples de Grèce, d'Irlande ou du Portugal en savent quelque chose. Les Islandais ont su pour le moment s'opposer à cet impérialisme financier. Les Espagnols commencent à sentir le vent du boulet. C'est l'ensemble de l'Occident qui se trouve condamné d'ici peu de temps s'il poursuit dans la voie terroriste cet impérialisme suicidaire et jusqu'au-boutiste. C'est l'ensemble du monde globalisé et interconnecté (mondialisé) qui se trouve menacé par le chaos et l'oligarchie la plus virulente si rien n'est fait pour arrêter la politique du pire, de la violence et de la guerre.
Les Palestiniens n'ont pas peur de résister de façons disproportionnée contre la violence technologique et militaire israélienne. Ils n'ont pas peur parce qu'ils n'ont pas le choix. Les Occidentaux sont devenus des individualistes consuméristes et dégénérés qui pour la plupart ne pensent qu'à amuser, à s'abrutir l'esprit et ne se comportent pas comme des citoyens responsables de démocraties. Pourtant, ils n'ont pas le choix : comme durant la Seconde guerre mondiale, ils sont contraints d'entrer en résistance pour ne pas finir en moutons (complices) ou pire encore en porcs (collaborateurs). La grandeur de l'homme provient de sa faculté à vivre pour des principes, y compris jusque dans la mort. C'est l'exemple que nous ont montrés les deux fondateurs symboliques de l'Occident dans ce qu'il comporte de grand et d'admirable : Jésus et Socrate.
Mais à présent, nous nous vautrons dans la fange et, trahissant la philosophie de Socrate ou l'enseignement monothéiste de Jésus, nous adorons l'argent et nous tolérons les pires crimes pour obtenir un peu de répit, quelques plaisirs minuscules, vite périmés. Nous sommes devenus des êtres veules et déconstruits, qui méritons les malédictions des prophètes de la Bible, comme cette sentence amère et sévère de Jérémie : "Je vous couvrirai d’un opprobre éternel, d’une honte éternelle qu’on n’oubliera jamais".
La honte cerne et définit l'homme niant son intelligence et sacrifiant sa liberté et sa conscience pour s'abrutir dans les plaisirs minuscules et vulgaires. Cela commence par la trahison et la lâcheté, cela finit par la destruction, la guerre et la dictature. Tout citoyen libre et honnête a le devoir en cette période tragique de lancer un appel à la résistance du peuple contre l'impérialisme, de soutenir les peuples martyrisés par cet impérialisme et de s'engager dans la résistance morale, politique et culturelle. C'est en particulier pour les citoyens occidentaux le seul moyen d'échapper aux crimes commis par leurs dirigeants, comme de Gaulle sut opposer à la compromission du fasciste Pétain l'image de la France courageuse, grande et forte.
Nous avons le devoir au nom des plus belles actions de nos ancêtres de nous démarquer de l'actuelle infamie de nos dirigeants, de nous réunir dans des collectifs politiques et culturels anti-impérialistes et républicains et de lutter sans relâche pour que la tentation oligarchique ne plonge pas notre humanité mondialisée dans un chaos durable qui sera perçu par les historiens de demain comme une période aiguë de troubles et de ténèbres. Pour finir cet appel urgent face à la situation catastrophique dans laquelle nous nous débattons, voire ébattons - et à l'effondrement imminent vers le chaos de nos systèmes libéraux, je tiens à citer cette remarque d'un des pères de l'histoire et de la démocratie modernes, qui résonne à nos oreilles avec une acuité douloureuse et lucide :
"Voilà la réponse juste qu'il faut faire et qui convient à notre cité. Mais il faut savoir aussi que nous n'échapperons pas à la guerre; plus nous la ferons volontiers, moins nous serons accablés par nos adversaires." (Thucydide, Guerre du Péloponèse).

Aucun commentaire: