samedi 4 juin 2011

La loi du plus complotiste

L'affaire DSK est décidément très instructive de la chute du libéralisme dont la dernière mouture était de manière prévisible l'ultralibéralisme le plus destructeur et prévaricateur. On n'a cessé au sujet notamment du 911 de gloser sur le complotisme, à tel point que les béotiens du système libéral s'empressaient avec esprit critique et sens de la nuance de doctement déclarer qu'ils n'étaient pas complotistes (ou conspirationnistes). Avant, on savait que l'accusation de complotisme permettait de réfuter l'existence pourtant historiquement avérée des complots.
Prétendre qu'il n'y a pas de complots signifiait que l'on s'approchait de la doctrine d'un Schopenhauer selon laquelle la volonté est d'autant plus fondamentale et suprême qu'elle est aveugle et absurde. Maintenant que l'on a l'affaire DSK, président du FMI, ancien ministre français et possible candidat socialiste pour la Présidentielle de 2012, son arrestation pour viol sur le sol américain engendre des soupçons plus ou moins légitimes. Mais les mêmes qui réfutaient les complots d'Etat au nom du complotisme infamant et simpliste n'hésitent plus à évoquer un complot ourdi contre un de leurs favoris, un type brillant et si intelligent qu'il ne peut pas ne pas avoir été victime de coups tordus.
Si ce n'est pas du deux poids deux mesures, la mauvaise foi n'existe assurément pas. Nous détenons la preuve que le complotisme sert à légitimer le plus fort. Les complots existent quand ils nuisent à un puissant; la possibilité des complots disparaît quand elle se montre défavorable aux puissants (quand ce seraient des puissants qui auraient fomenté un complot). Dans le cas de DSK, nombre d'officiels et de bien-pensants parmi la société civile n'ont pas hésité à soupçonner qu'un complot avait été tramé contre DSK (oubliant la souffrance de la jeune femme violée, plus le passé pourtant limpide de DSK l'obsédé sexuel violent).
On peut parler de complot sans souffrir l'appellation de complotiste à condition que l'on défende le point de vue du plus puissant et du plus fort. Le complotisme sert la loi du plus fort, non seulement en niant l'existence des complots, mais en défendant les puissants. On complote contre des puissants, pas contre le troupeau (langage nietzschéen). Cette conception rejoint la volonté absurde et fondamentale de Schopenhauer. Cette volonté implique que le vouloir se trouve plus développé chez certains individus que chez la plupart - et c'est alors que l'on légitime le ressentiment comme chez Nietzsche l'élève dissident de maître Arthur.
Schopenhauer note que l'intelligence n'est pas la volonté, mais quant à l'homme politique (plus largement l'homme d'action), il se trouve mû par une volonté supérieure à la volonté des autres individus. Cette défense de l'inégalitarisme par l'explication de la volonté finie rend cohérente la signification oligarchique contenue dans le complotisme; mais encore il la légitime, comme s'il était normal qu'une minorité de dominateurs éclairés dirige la majorité des abrutis et des incapables. Il est vrai que Schopenhauer était un ultraconservateur dans le champ politique et il se pourrait que derrière les références pointues et fouillées aux maîtres à penser ultralibéraux, le vrai inspirateur de notre époque soit ce Schopenhauer qui passe pour un philosophe mystérieux et atrabilaire ayant inspiré largement les milieux artistiques du siècle passé.

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