vendredi 10 octobre 2008

Le complot des falots

La dénonciation du complotisme ne permet pas seulement de masquer l'existence pourtant irréfutable des complots en tant que spécificité humaine ou de viser ceux qui estimeraient que par le complot généralisé et de causalité unique, la volonté humaine peut maîtriser le cours du réel. La dénonciation vertueuse et outrée du complotisme ou du conspirationnisme émane de cercles qui sont comme par hasard toujours du côté du conservatisme exacerbé et du côté du pouvoir.
Cette tendance politique n'est pas un hasard : elle recoupe en gros la tendance ontologique selon laquelle ce sont les meilleurs et les plus forts qui dominent. Bien entendu, cette conception est totalement fausse et fort facile à réfuter par l'histoire ou par l'analyse des religions. Je me bornerai à citer cette magnifique parole biblique : la pierre que le bâtisseur a rejetée sera la pierre d'angle.
En attendant que mon lecteur médite sur cette fulgurance religieuse, il serait temps de comprendre que les analystes du complotisme sont toujours ceux qui distinguent des complotistes ennemis du pouvoir et le pouvoir comme antithétique avec le complotisme. Ce trait est à creuser : il signifie que les complots n'existent que du côté des faibles, jamais du côté des forts.
C'est un idéalisme niais et angélique qui anime la manière de penser de ceux qui se voudraient réalistes et pragmatiques, pour ne pas dire cyniques et sinistres. Dans l'affaire du 911, les complotistes sont ainsi ceux qui perçoivent l'existence d'un complot du côté du pouvoir et des institutions. Quant au pouvoir ressortissant de la version officielle, il ne saurait être un complot.
Pourtant, à y bien réfléchir, l'histoire des sbires d'Oussama et de la nébuleuse al Quaeda est une histoire typique de complot. Le complot est ainsi ce qui caractérise la méchanceté propre au faible pour détruire le fort. Le fort n'a pas besoin de complot. Le complot n'existe que quand il émane du faible. Dès qu'on ose distinguer les traces du complot dans des cercles de forts, c'est le signe d'un esprit dérangé et paranoïaque.
En un mot : d'un esprit complotiste ou conspirationniste. Cette forme d'esprit ne peut émaner que d'un esprit sans cesse du côté du pouvoir et de la loi du plus fort. C'est ainsi qu'il faut comprendre les diatribes hypocrites de tous ces petits marquis de l'action et la pensée, fort policière et peu policée, qui dénoncent d'autant plus le complotisme qu'ils ignorent avec superbe les faits et qu'ils mentent éperdument.
Je ne citerai pour finir que l'exemple lamentable et emblématique d'un site français, fort utilement nommé Conspiracy Watch, pour faire américain ou atlantiste, et qui est un site ouvertement néo-conservateur. Alors que je m'étonnais des théories délirantes qui vous expliquent posément que le trou d'entrée du Boeing dans le Pentagone fait une vingtaine de mètres ou que le WTC 7 n'a pu que s'effondrer des suites de ses incendies en quelques heures, je compris mieux qu'un long raisonnement comment l'on pouvait s'écarter autant du réel pour des motifs idéologiques.
Le dimanche 28 septembre, l'animateur du site, un certain Rudy Reichstadt, signe un article intitulé L'Affaire Al-Dura et la tentation conspirationniste, qu'il fait paraître dans la revue française des néo-conservateurs Le Meilleur des mondes. Il s'agit bien entendu d'une pure coïncidence sans incidence sur un quelconque parti-pris idéologique de notre auteur, qui se contente de traquer en toute objectivité les délires conspirationnistes, une fois précisé que ces délires sont toujours mentionnés quand ils émanent de faibles critiquant les forts.
Cette posture au fond méprisable devient carrément croquignolette quand on comprend que la référence à Leibniz dans le vocable des néo-conservateurs voudrait signifier que le meilleur des mondes est aussi le seul. Rien ne sert de se révolter puisque l'unicité interdit tout dédoublement fantasmatique. C'est avec ce genre de raisonnement faux et fourbe que l'on en vient ainsi à accréditer des théories foireuses et nauséabondes qui façonnent le pire des mondes, celui de la crise monétaire que notre Reichstadt si bien-intentionné et si peu partial aborde largement et avec une bonne foi partielle et parcellaire.

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