lundi 27 octobre 2008

Le vrai visage de l'Hyperréel

Le simple fait d'estimer que le réel est remplacé par l'Hyperréel est un acte terroriste et destructeur. Le remplacement crée une disjonction et une diversion. Ce que l'on nomme Hyperréel est l'expression du désir. Expression de changement du réel par le désir humain. Le pouvoir de transformation du désir est évident et c'est la raison pour laquelle les penseurs immanentistes portent autant l'accent sur la prédominance, voire la centralité du désir : ils estiment que la prééminence du désir est irréfutable en ce que le désir peut changer le monde.
C'est la question cardinale de Spinoza et de toute la clique des suiveurs de plus en plus dégénérés, dont Deleuze est devenue le héraut depuis qu'il s'est mis martel en tête de philosopher et que les dégénérés ont reconnu en lui une figure charismatique de maître à pisser - à leur mesure. Effectivement, la bonne question à leur renvoyer est : "que peut un corps?", dans le sens où : "que peut le désir?"
Si l'on accepte vraiment de se poser cette question, on prend conscience du délire de la réponse immanentiste. L'immanentisme postule autant qu'il croit, vraiment et vainement, que le désir peut changer la vie et que le désir possède les moyens de créer le réel. La question fondamentale n'est pas de se demander si le désir peut changer le réel - donnée irréfutable; mais : à quelle proportion le réel peut vraiment être changé par le désir?
Selon cette acception, le désir peut changer une infime part du réel, certainement pas le réel en tant que tel. Autant dire que le pouvoir de création démiurgique que l'immanentisme prête au désir est totalement exagéré et démesuré. C'est une très grave faute réelle que d'imputer au désir humain des moyens totalement disproportionnés avec les moyens effectifs dont il dispose.
Dans ce cadre, le désir est le fondement d'un système de pensée et de valeurs qui est faux et désaxé. Si l'on mesure la faute originelle de l'immanentisme, on ne s'étonne plus de tomber sur le fondement ampoulé qu'est le désir, car l'ensemble du raisonnement est corrompu et grotesque.
Le désir humain comme fondement du réel est un fantasme aussi risible qu'anthropomorphique. Il est cocasse de constater que chez Spinoza, le saint de l'immanentisme, l'anthropomorphisme est la cause de toutes les erreurs du raisonnement humain, alors que le principe de l'immanentisme, notamment défendu par Spinoza, repose sur l'anthropomorphisme le plus vulgaire et ampoulé : le désir humain.
Apologie inconsciente de la paille et de la poutre, soit de l'apologue biblique? En tout cas, il faut comprendre que les mécanismes de la projection ne permettent pas de comprendre l'immanentisme si on ne leur associe pas aussi l'explicitation d'un autre mécanisme qui est celui de la destruction : l'immanentisme détruit en ce que l'instauration du primat du désir est un rite profondément destructeur, que le transcendantalisme de toute forme religieuse dénonçait comme diabolique.
Peut-être un jour comprendra-t-on que notre époque contemporaine repose sur l'occultation de la figure du diable et que, comme le révèle le diable dans l'Associé du diable, la meilleure ruse du diable consiste à avoir laissé croire qu'il n'existait pas. C'est d'ailleurs ce qu'avancent les immanentistes, qui depuis Spinoza font de la créature du diable une fiction ou une illusion anthropomorphiques.
Bien entendu! Évidemment, la croyance physique dans une créature fourchue et maléfique repose sans doute sur une naïveté emplie de maléfice, mais il est certain que le diable existe en tant que processus et pouvoir inscrits dans le champ du réel, comme il est certain que mieux vaut une vision candide et naïve de la réalité qu'une perception faussement désillusionnée et en fait vraiment désaxée et perverse.
Tandis que l'Hyperreél est créé à partir du désir et en totale disjonction avec le réel, que se passe-t-il dans le réel? Il est évident que le réel se détruit quand il n'est pas transformé, autre manière de dire que l'homme a le besoin de transformer le réel à sa main pour ne pas le voir se produire en forme chaotique et destructrice, du moins pour ses besoins. Si l'homme ne transforme pas le réel, le réel se transforme en chaos.
Mais l'homme ne transforme pas le réel dans la mentalité immanentiste parce qu'il lui substitue le cours fictif de l'Hyperréel. C'est dire que non seulement l'absence de transformation ontologique détruit, mais que la substitution hyperreélle comme prétexte et diversion de changement détruit doublement en ne faisant qu'accélérer le cours du changement.
L'Hyperréel provoque un cataclysme généralisé. Une destruction accélérée si l'on comprend les mécanismes qui président à l'élaboration d'un réel harmonieux au gré des attentes de l'homme. L'homme n'a guère le choix.
1) Soit il travaille d'arrache-pied pour transformer le réel selon ses attentes. Il n'est jamais satisfait mais au moins il produit un système viable et pérenne. C'est le modèle atavique du transcendantalisme et c'est dans ce modèle que s'intègre l'éloge du travail comme production transformatrice essentielle et de ce fait comme facteur d'intégration de l'individu à la société.
2) Soit il ne fait rien et refuse le travail. Son mode d'être se détruit inéluctablement par ce refus du travail et par le rejet de son statut, notamment codifié dans la Bible et dans tous les textes religieux du transcendantalisme.
3) Soit il souscrit à l'hypothèse immanentiste et il se donne un prétexte viable pour ne pas travailler sur le modèle classique et pour se laisser croire qu'il travaille : c'est le prétexte de l'Hyperreél, qui consiste à annoncer triomphalement qu'une méthode rationnelle a été trouvée, la Raison, et que l'homme est en mesure de façonner le réel selon ses attentes. Cette mutation prend l'allure d'un bouleversement cataclysmique, car il laisse entendre que l'homme est en mesure de changer les méthodes classiques auxquelles il recourt depuis des millénaires pour utiliser des méthodes révolutionnaires qui seraient plus efficaces et qui lui permettraient en gros de contrôler le réel selon ses attentes. Bien entendu, c'est une supercherie, magistrale qui sent la déconfiture plus que la confiture : la méthode s'apparente à une fuite en avant et à une diversion destructrice. Tandis que l'homme façonne un monde illusoire idyllique et en constant progrès, le réel présente la face sombre de ce projet, qui est aussi sa vraie face : la destruction et l'anéantissement.

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