samedi 4 octobre 2008

Profête

La cote de LaRouche a repris quelques couleurs depuis que ses prévisions économiques et philosophiques sont devenues impressionnantes et incontestables. Je ne suis pas un grand spécialiste de la pensée de cet économiste alternatif et je me bornerai à n'évoquer de lui que ce que je connais : ses textes tels qu'ils sont disponibles sur Internet.
Les critiques qui s'abattent sur le mouvement de LaRouche se heurtent à la qualité très supérieure des analyses de LaRouche et de ses collaborateurs, comme Cheminade en France. J'ai beau lire qu'ils seraient sectaires, racistes, extrémistes, antisémites, homophobes, je constate que de tels traits n'apparaissent jamais dans leurs positions écrites et que par contre il est certain que ces accusations sont rémanentes dès qu'il s'agit dans notre beau système démocratique et libre de calomnier et de discréditer.
Je dirais de LaRouche qu'il s'est montré le meilleurs économiste depuis 1971 et que son vrai tort est d'avoir eu raison contre le système en place. C'est un crime impardonnable qui vaut bien quelques années d'emprisonnement aussi inexplicables qu'inexpliquées. Cependant, j'ai un reproche de fond beaucoup plus important à adresser à LaRouche que toutes les broutilles et billevesées que le système rancunier et de mauvaise foi ne peut manquer d'adresser contre l'esprit courageux et solitaire ayant eu la supériorité de s'élever au-dessus de la médiocrité atterrante de son temps, médiocrité qui plus est présentée comme la marque de la supériorité et du progrès tous azimuts.
C'est justement que LaRouche est demeuré un immanentiste en ce qu'il poursuit dans la lignée de la fragmentation du savoir et de la spécialisation du savoir. LaRouche évoque souvent la figure cardinale de Leibniz? Leibniz était-il seulement économiste - ou avant tout philosophe? Il serait temps de comprendre que toutes les analyses pertinentes et instructives que dispense LaRouche sont soumises à un principe assez illusoire : c'est que LaRouche prétend en revenir explicitement à la conception saine et admirable de Roosevelt.
Autrement dit, il acquiesce à la vision selon laquelle le système a déraille et qu'on peut le remettre dans ses rails. L'immanentisme s'est égaré dans une version dégénérée, mais l'immanentisme est dans ses principes valables et sains. Les principes sont valables, seule l'application présente est condamnable.
De ce point de vue, LaRouche est un immanentiste restaurationniste. Les restaurationnistes sont les protestants qui dans le christianisme escomptèrent restaurer le vrai esprit du christianisme, non seulement aux dépens du catholicisme décadent, mais aussi du protestantisme jugé pas assez orthodoxe, si je suis m'autoriser ce jeu de mots douteux. On sait que le restaurationnisme mena au sionisme, qui est de plus en plus visiblement une plaie de notre époque et le cœur idéologique de l'immanentisme dégénéré.
Restaurer le vrai immanentisme n'est pas possible. Pour une raison assez simple : cela implique que les fondements de l'immanentisme soient différents de ceux qui ont conduit aux résultats actuels. Il n'est pas possible de revenir en arrière. Pas comme les extrémistes qui voudraient figer le temps et en revenir aux nations (les nationalistes). Mais pas davantage comme les modérés pertinents de l'acabit de LaRouche qui voudraient s'inspirer directement d'un modèle passé pour reproduire ce même modèle.
C'est ce trait qui montre que LaRouche fait fausse route. Ce n'est pas un escroc, c'est un immanentiste convaincu qui est incapable de sortir des normes de l'immanentisme. Confronté à l'effondrement du système, qu'il a prévu avec une prescience impressionnante, LaRouche est incapable de produire les clés d'un nouveau système. Il en appelle avec justesse à un nouveau Bretton Woods. Bretton Woods : l'action menée par Roosevelt contre la finance.
Ce n'est pas que cette proposition soit délirante, c'est qu'elle ne peut être que transitoire. A court terme, dans une visée transitoire qui viserait à sortir de l'immanentisme. Ce dont l'homme a besoin, c'est d'un nouveau système, quitter la crise immanentiste et rompre avec le fondement économique, dont la prévalence financière et bancaire est l'incarnation ultime de la dégénérescence programmatique.
En escomptant que des mesures passées puissent fonctionner, LaRouche ne comprend pas que l'on ne peut changer de direction et modifier les coordonnées du temps. Au lieu de l'accuser de maux dont il est étranger, reconnaissons sa valeur et bornons-nous à comprendre que ce vieil homme respectable est un pieux Américain prisonnier du rêve américain et de la tradition américaine la plus admirable.
Au fond, LaRouche est un immanentiste restaurationniste convaincu et intègre, qui refuse d'admettre que l'immanentisme a vécu et qu'après la crise qui se profile et qui ne se règlera certainement pas entre deux portes pendant une semaine pluvieuse, c'est l'immanentisme qu'il faudra abandonner. Pas de gaieté de cœur ou avec une pleine conscience. Le processus sera long, comme une agonie suivi d'une renaissance.
Il mènera à l'oubli de l'immanentisme, une fois que le nouvel horizon de l'homme se dessinera. L'oubli de l'essentiel montrera à quel point cet essentiel immanentiste était au fond accidentel, pour ne pas dire dérisoire. Loin de la mondialisation qui prive l'homme d'extériorité et qui crée les conditions actuelles d'étouffement et de destruction, c'est l'espace qui est l'avenir de l'homme et qui supprimera d'un trait toutes les contradictions et les faiblesses insurpassables de l'immanentisme.
Pour finir, j'aimerais rendre hommage à LaRouche en soulignant qu'il fut sans doute le dernier prophète de la tradition américaine et qu'il eut seulement le tort de défendre avec panache une cause perdue : les États-Unis sont ainsi la création de l'immanentisme et ne sauraient éviter leur destin nécessaire. Si LaRouche avait été au pouvoir, les carnassiers de la finance n'auraient pu agir avec autant de faiblesse et de légèreté.
Ils auraient essayé de l'assassiner, ainsi qu'ils le tentèrent avec de Gaulle (voir à ce sujet le remarquable ouvrage de l'historien Daniele Ganser). Mais LaRouche a été persécuté, calomnié, emprisonné et discrédité. C'est le signe irréfutable que l'immanentisme porte au pouvoir des représentants de sa décadence et de sa dégénérescence. : Kissinger a ainsi participé à la persécution reconnue contre LaRouche. Kissinger et les cercles qu'il représente. Il ne saurait en aucun cas élire un restaurationniste qui lui rappelle ses fautes et le lustre de son passé fort récent et court.

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