Le problème de l'affrontement ontologique (philosophique) entre oligarchie et impérialisme mène à l'affrontement entre le féodalisme et l'Etat-nation. L'assassinat de JFK en 1963 lança le processus de démantèlement de l'Etat-nation au profit de fédérations féodales dépendantes les unes des autres. Le 911, qui cible symboliquement le peuple américain, les institutions corrélées au centre financier du WTC, exprime le début de la fin - du processus de destruction de l'Etat-nation.
Les Etats-Unis incarnent la référence de l'Etat-nation en ce qu'ils furent fondés suivant des principes républicains par des cercles républicains (autour de l'influence de Solon, puis de Leibniz). Toute force impérialiste a pour but de détruire les Etats-nations. A l'époque moderne, l'Empire de référence est britannique (plus la myriade d'Empires européens qui s'y sont peu à peu ralliés). Depuis la décolonisation, l'Empire britannique s'est mué en un empire financier, commercial, postcolonial (néocolonial), pour la première fois de dimension mondiale, avec des extensions satrapiques comme Israël ou le Brésil.
Le label de Nouvel ordre mondial et les références à l'illusoire impérialisme d'identité américaine recoupent la stratégie de l'Empire britannique d'apparaître sous des masques parcellaires, déformés et rassurants. Jamais de manière directe. Le propre d'un empire est d'être toujours (quelle que soit sa forme) un conglomérat composé d'intérêts financiers, sans attachement géographique. L'Etat-nation oppose à cette stratégie inégalitariste et oligarchique la volonté générale et la corrélation entre un principe universel et un lieu géographique.
Les Etats-Unis sont nés de cette histoire emblématique : de l'affrontement moderne entre l'Etat-nation et l'Empire. Plus de deux siècles plus tard, ils sont toujours le théâtre de cet affrontement qui donna lieu à la guerre de Sécession, et qui depuis perdure - il s'est intensifié depuis la mort de F.D. Roosevelt. Les impérialistes britanniques ont compris que s'ils voulaient détruire les Etats-nations, ils devaient en priorité détruire le premier d'entre eux, celui qui de surcroît, comme un affront décolonisé, s'est constitué contre l'Empire britannique, au terme d'une lutte fratricide et terrible.
L'on mesure la portée de l'assassinat de JFK le président américain comme prémisses du processus de destruction de l'Etat-nation. JFK voulait surtout empêcher l'implication américaine dans les guerres impérialistes et néocoloniales en Asie du sud-est. Il fut liquidé pour refuser cet embourbement défavorable à l'image des Etats-Unis et des Etats-nations. De 1963 à 2001, la stratégie occidentale a consisté sous la férule de l'Empire britannique (dont un de ses mentors, le philosophe logicien et irrationaliste Russell) à imposer la désindustrialisation sous des prétextes fallacieux, dont l'invention d'une société de service qui délocaliserait ses productions industrielles dans les pays colonisés - qu'on appelle aujourd'hui pudiquement les pays émergents.
D'où le spectre de la Chine, qui s'est développée de manière oligarchique et inégalitariste sur les ruines du maoïsme - sorte de condensé entre l'appareil d'Etat et le capitalisme le plus sauvage. Le vrai ennemi n'est pas la Chine ou les pays émergents, mais le péril oligarchique - dont découlent les théories de la désindustrialisation. L'industrialisation n'ayant pas été remplacée par une forme supérieure (l'égalité menant à la fixité), nous assistons aujourd'hui à la tiers-mondisation des Etats-Unis, qui étaient la première puissance politique à l'époque de JFK et qui sont en passe de se désagréger un demi siècle plus tard.
Pour le plus grand bonheur des agrariens et des féodalistes de tendance impérialiste. Avec cette précision que suite au programme de désindustrialisation (voir la conférence de Pugwash en 1957, l'entrée en scène funeste d'un certain Kissinger, chargé de détruire les Etats-Unis en appliquant servilement la politique concoctée par le RIIA britannique), cette stratégie impérialiste se trouve poursuivie par les théories du postimpéralisme, qui succéderait de manière plus harmonieuse et naturelle aux Etats-nations.
Selon ces théories oligarchiques, la formation de l'Etat-nation est une exception historique, qui confine au raté sur la durée. L'empire est la forme naturelle des sociétés. L'Empire : britannique - ou d'autres. Le postimpérialisme est l'adaptation de l'impérialisme classique (de type romain) au format mondial. Il s'agit pour les théoriciens de l'Empire britannique, continuation des formes vénitiennes, de pérenniser la forme impériale au niveau mondial.
D'une certaine manière, le mythe biblique de Babel se rejoue sur la scène historique. Les postimpérialistes estiment qu'avec la destruction des Etats-nations, le modèle d'un impérialisme planétaire est possible, avec une réduction drastique et malthusienne (le néo-malthsusianisme est un modèle d'oligarchie mondiale où moins de dix pour cents de la population partagent l'insigne part des richesses et asservissent le restant du troupeau).
Dans cette vision théorisée par un Cooper de nos jours, Babel peut fonctionner, suivant le féodalisme à échelle mondiale - avec cette idée que les frontières mondialistes ne changent pas. La mondialisation n'est plus un processus, mais la fin de l'histoire, selon l'expression d'un Fukuyama, grossièrement reprise de ce déjà crypto-facsiste de Hegel (adorateur de Napoléon Ier et d'un régime totalitaire). Mais ce programme est condamné à rater, du fait que la mondialisation est une étape provisoire dans le processus de croissance continue qui anime l'histoire humaine.
Les desseins impérialistes échouent, parce qu'ils ne sont pas adaptés à la spécificité humaine de la croissance. L'Empire romain s'est effondré, non par suite de défaites militaires contre d'autres puissances politiques, mais parce qu'il a été sapé par le programme religieux du premier monothéisme universel, issu du judaïsme. Qui pouvait s'imaginer quand le Christ fut crucifié comme un vulgaire opposant à Rome, accablé par le Grand Sanhédrin, que le christianisme encore informel allait renverser l'Empire triomphant de la Méditerranée porté par un polythéisme syncrétique et décadent?
L'histoire se répète. Babel n'est pas possible : les premiers deviennent les derniers - les derniers deviendront les premiers. Ceux qui vont inventer de nouvelle formes de religiosité capables de succéder au transcendantalisme renverseront ces projets d'impérialisme universel (ce que des néoconservateurs appellent le projet de fascisme universel). Il convient de démanteler les projets de postimpérialisme et de s'attaquer à ses bases contre-culturelles si l'on veut organiser la pérennité de la culture. Sinon, il restera toujours pour les idéalistes de l'impérialisme le recours aux mirages décroissants.
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