jeudi 2 décembre 2010

Au pays de l'ire

"Fight the real enemy."


Si l'on joue sur les mots des maux, l'Irlande est en ire. Et bientôt, au tour du pays de la lire? Le vrai problème de l'Italie n'est pas l'image désastreuse que renvoie son premier ministre adepte de la partouze ultralibérale (un vieux lifté et des nymphettes siliconées), mais la dette abyssale qui risque d'engendrer la faillite de l'Etat-nation italien (des vieux dérivés et des jeunes endettés). Enumérons le carnage : la Grèce, l'Irlande, le Portugal, bientôt l'Espagne et l'Italie (déjà en faillite, mais trop gros pour sombrer de suite)...
Et puis - après? A-t-on oublié que le Royaume-Uni est en faillite, à tel point que son état économique préoccupant a entraîné des mesures d'austérité jamais vues? Que la première puissance politique dans le monde, les Etats-Unis, se trouve dans un tel état de délabrement que l'historienne Huffington parle de tiers-mondisation pour qualifier la chute du niveau de vie des habitants furieux et impuissants? Si les choses continuent sur ce tempo, tous les pays européens y passeront, y compris la France - l'euro sera un souvenir amer, et les financiers les plus âpres, dirigés par la City, auront gagné.
Pour preuve que ce sont les plus durs qui dirigent : guignons les motivations de l'Inter-Alpha Group, le conglomérat bancaire principal dans le monde, piloté depuis la City par Lord Jacob Rothschild, banquier britannique au service de Sa Majesté (l'oligarchie britannique représentée par le Conseil Privé de la Reine, ou en particulier par le Prince Phillip Mountbatten, prince de Grèce puis duc d'Edimbourg). Qui parle de l'Inter-Alpha? Pourtant si l'on s'intéressait à ses dirigeants, on comprendrait mieux ce qui se passe en ce moment - la politique de fascisme ultralibéral appliqué dans le monde pour l'oligarchiser et détruire les Etats-nations. Ce que veulent ces banquiers mondialistes, c'est la destruction de l'Etat-nation né de la paix de Westphalie et son remplacement par des fédérations à leurs bottes.
La plupart des citoyens des pays d'Occident ne comprennent pas ce qui se passe. Se mouvant dans l'individualisme festif et dépolitisé de la contre-culture, ils sont incapables d'appréhender une idée - ou de suivre un raisonnement plus de trente secondes. Ils sont perdus comme les autruches de la fable qui face à un problème ou un danger décident de se terrer la tête dans le sable. En France, on a pourtant le précédent récent des citoyens qui affolés par la défaite face aux nazis choisirent pour relever la tête le maréchal Pétain - et les pleins pouvoirs au fascisme de Vichy.
L'histoire bégayant, les Américains ont décidé de sanctionner l'hypocrite et narcissique Obama en votant pour les libertariens - d'autres avatars de fascisme. Beaucoup estiment que l'on ne peut rien faire, comme s'ils avaient déjà accepté l'état oligarchique inévitable et nécessaire du monde. Répéter qu'on ne peut rien faire, c'est considérer de manière pessimiste que certes c'est injuste, mais que le fonctionnement du réel est injuste. Face aux politiques de renflouement des banques, saloperie inique et stupide, la plupart des citoyens agissent comme les dindons de la farce - les moutons de Panurge. Aussi hallucinant que leur comportement paraisse, ils entérinent l'injustice au nom du pessimisme, soit de l'incompréhension fondamentale des choses.
Dans un réel dominateur, il n'y a rien à faire contre la domination. La loi du plus fort n'est pas seulement portée par les salauds; elle n'est pas évitable. C'est l'une des rengaines préférées pour justifier les lois scélérates et injustes : abominables, elles sont nécessaires. On ne peut faire autrement. La nécessité une est l'explication ontologique des pessimistes, consciences égarées et frustres, ainsi qu'en témoigne le théoricien Schopenhauer, précurseur de Nietzsche et des ultraconservateurs. Il s'agit pourtant d'une escroquerie théorique, car quand on réduit les possibles à la nécessite unique, c'est qu'on a abstraitement détruit les autres possibilités.
Sur Rue 89, un média proche de Libération, qui nous refait le coup du format alternatif, le démographe Todd, un protectionniste libéral, déclare en faux rebelle que la classe dirigeante française "n'est pas au niveau". C'est aussi vrai que Todd n'est pas au niveau du protectionnisme de ses maîtres illustres : il ne serait pas lucide de ne viser que les néoconservateurs franco-atlantistes autour de Sarko. Les dirigeants sont le reflet des citoyens. Désolé pour le constat implacable, mais les citoyens d'Occident ne sont pas au niveau de l'exigence démocratique.
On ne peut pas être démocrate et pessimiste; démocrate et individualiste; démocrate et dépolitisé. Sinon, l'on en paye le prix fort avec l'oligarchisation de la société, la démagogie et la violence sécuritaire. C'est la raison pour laquelle Platon condamnait la démocratie - et Aristote se félicitait de l'échec programmatique de la démocratie. La faillite des banques, qui exprime la réduplication de la faillite des politiciens, qui à son tour n'est que la mise en abîme de la faillite des populations d'Occident, moutons bêlants pour l'abattoir, explique la réticence des gens à trouver des alternatives à la solution ultralibérale - spoliant les peuples pour renflouer les établissements financiers.
Ces solutions existent, pour peu qu'on quitte l'atmosphère de démagogie festive qui est la face défaitiste et majoritaire de la mentalité oligarchique. Côté pile : l'oligarchie contrôle et domine; côté face : les peuples se soumettent en se réfugiant dans la fête. On peut être pessimiste et considérer que les solutions sont utopiques. Rien de telle qu'une bonne guerre; et après tout, vive l'apocalypse. Mais on peut se montrer aussi républicain et considérer que l'homme possède les ressources pour surmonter les crises qu'il provoque. Dans ce cas, il est urgent de prendre conscience de la mentalité folle des citoyens occidentaux.
Les larouchistes sont les premiers avec l'économiste français Allais, lui aussi censuré dans les médias, à avoir proposé le modèle instauré par le président américain F.D. Roosevelt contre la Grande Crise : le Glass-Steagall. Cette technique consiste à séparer les banques d'affaires des banques de dépôt (Allais propose une méthode tripartite qui diffère un tant soit peu de la méthode préconisée par les larouchistes). Quoi qu'il en soit, cette méthode n'est reconnue comme viable à l'heure de la mondialisation que si elle est appliquée au niveau mondial.
Eh oui, la médiocrité des élites françaises est telle que les rares à prôner un Glass-Steagall dans les médias sont des faibles comme Dupont-Aignan, un néo-gaulliste qui propose sans rire et sans avoir compris la mondialisation un Glass-Stegall franco-français (plus le remboursement de la dette française au cas où les usuriers se feraient du souci et déciderait de l'éjecter de la médiatisation!) - ou Rocard qui pratique la politique de la duplicité, tantôt socialiste, tantôt ultralibéral.
Pourtant, avec du coeur et de l'intelligence, mettre les banques en faillite quand elle sont en faillite et encadrer la spéculation financière est une proposition qui a fonctionné et qui fonctionnera. J'entends déjà les Cassandre incultes ou pervers rétorquer sans argument qu'on est obligé de renflouer les banques, sans quoi le système libéral s'effondrera - et nous avec. C'est comme si un soi-disant pompier face au feu qui ravage une maison expliquait aux propriétaires qu'il est impératif d'attiser les flammes avec de l'huile - et surtout pas d'eau? Que dirait-on de ce pompier étrange et déguisé? Qu'il est pyromane, fou ou pervers?
En tout cas, un démenti cinglant est apporté par le président islandais Grimsson au moment où l'Irlande est contrainte par le système économique international de renflouer son système bancaire sous prétexte de renflouer les instituions et le peuple. Les Irlandais se font braquer par leurs banquiers larbins des têtes agonisantes et dépensantes de la City? Les Irlandais sont habitués à lutter contre l'impérialisme britannique. Le Sinn Fein atteste de ce combat politique qui n'est pas seulement passé car l'Empire britannique existe toujours, sous une forme lancinante et dépolitisée - financière.
http://www.bloomberg.com/news/2010-11-26/iceland-faring-much-better-after-permitting-banks-to-fail-grimsson-says.html
La déclaration du président islandais est éloquente (avec la traduction de Solidarité et Progrès) : « La différence [avec l’Irlande] c’est qu’en Islande nous avons permis aux banques de faire faillite. C’étaient des banques privées et on n’y a pas injecté d’argent pour les maintenir; l’Etat n’a pas porté la responsabilité de la faillite des banques privées. (...) L’Islande se porte bien mieux qu’attendu. (...) Peut-on demander aux gens ordinaires – les agriculteurs et les pêcheurs, les enseignants, les docteurs et les infirmières – d’assumer la responsabilité de la faillite des banques privées ? Cette question, qui fut au cœur du débat dans le cas de la banque islandaise Icesave, va être la question brûlante dans de nombreux pays européens. »
Si l'on récapitule les résultats du modèle islandais : soit l'on démantèle le système financier international en faillite, centré autour de l'Inter-Alpha Group; soit l'on meurt avec les banques. Soit le modèle islandais; soit le modèle irlandais. Soit un Glass-Steagll Act mondialisé; soit un Trichet-Bernanke Act mondialiste qui consiste à détruire les Etats-nations, à asservir les peuples et à instaurer la domination des factions oligarchiques. Pour parodier la chanteuse irlandaise O'Connor déchirant une illustration papale qui devrait être plus lucidement le sigle de l'Empire britannique, "fight the real ennemy". Et comme le disaient Marley et Haile Selassie : "We are confident in the victory of good over evil."

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