lundi 4 février 2008

Les élites se délitent

On pourrait penser que le déclin du système est dû à une scission entre la base et les élites, un problème de perversion des élites et de transformation des élites, dans lequel les élites auraient subi une transformation des plus perverses et à partir duquel les élites exploiteraient les composants plus modestes du système et se retourneraient contre le système. Autrement dit : les composants majoritaires du système seraient viables et se retrouveraient exploités de manière éhontée par des élites dévoyées et décervelées.
Malheureusement, je crains fort que le problème soit global - que le problème se situe au niveau du système. C'est-à-dire : le problème ne tient pas à un dysfonctionnement, même majeur, du système et qui incriminerait les élites. On pourrait alors s'en donner à coeur-joie et à lyncher les élites, les notables pervers et dévoyés qui escroquent la masse et manipulent les faibles et les opprimés.
Las! la perversion du système n'est pas la cause du déclin, pas plus que la perversion des élites ne suffit à circonscrire le problème. La réalité, c'est que la perversion possède sa cause et que cette cause tient au déclin du système. La cause au déclin du système est peut-être organique, un peu comme le corps biologique humain vieillit et meurt, quelles que soient les mesures conservatoires et éclairées qui peuvent être prises par le sujet conscient et intelligent (la vraie intelligence résidant dans le sens critique).
Quoi qu'il en soit, le déclin du système n'est pas dû à la perversion des élites ou à un problème interne. Le système ne peut pas se retourner contre certains composants félons et traîtres, qui seraient responsables du déclin et devraient payer pour sauver le système de leur gangrène. Les élites en sont en déclin que dans la mesure où elles ne font que subir le déclin général du système. Dans le fond, les élites payent les premières les pots cassés de leur mutation perverse dans la mesure où leur propre mutation ne fait que suivre et accompagner la mutation générale du système.
Les élites ne pourrissent sur pied que parce qu'elles expriment la décadence générale du système. Ce ne sont pas les élites corrompues qui auraient trahi l'ensemble du système bien-portant et valide. Ce sont les élites qui suivent implacablement le déclin du système. Les élites ne sont pas plus coupables que le restant du système. Elles en font que suivre la marche du système et sont impuissantes à conjurer son effondrement. Imputer aux élites la responsabilité des dysfonctionnement multiples et inquiétants du système, c'est chercher un bouc émissaire pour mieux cacher le vrai responsable.
Les élites en fait agissent de manière perverse et dominatrice que parce qu'elles sont faibles et désorientées. Leur médiocrité saute aux yeux. Elles sont incapables de faire face au déclin. Tout juste parviennent-elles à l'accompagner en édictant des règles insoutenables de domination, comme si l'ordre changeant exigeait des réformes adaptées et incontournables. En réalité, ce qui est présenté comme adaptation logique et éclairée résulte de l'aveuglement moutonnier et de la servilité médiocre. Les élites dans le système de déclin sont chargées d'accélérer ce déclin. Si les élites étaient valeureuses, le système ne serait pas en déclin.
Pour que le système soit en déclin, il faut que les élites manquent cruellement de lucidité et de qualité. C'est ce qui se produit en ce moment et c'est la raison pour laquelle il ne faut pas s'étonner si la promotion se fait par le mimétisme non critique et par l'adhésion aux lois du système. Ce qui implique nécessairement que les élites soient les premiers serviteurs du déclin et qu'elles se félicitent de toutes les preuves manifestes du pourrissement et de la chute. Verdict : sinistre et triste à la fois.

Aucun commentaire: