samedi 9 février 2008

Boucs et faussaires

Que dit Sloterdijk du rôle du sacrifice, cité par Wikipédia? Déjà, pour commencer, précisons que Sloterdijk ne fait que reprendre les travaux de René Girard, mais peu importe. C'est un tic chez les intellectuels peu originaux que de reprendre les travaux valeureux de leurs collègues en sous-entendant qu'ils en sont les instigateurs. René Girard est René Girard, et le 911 l'événement fondateur du vrai visage de la mondialisation.
Justement, le 911 est un sacrifice. Sloterdijk donc note, dans le sillage explicite (ou implicite) de René Girard, que les groupes humains "ne peuvent exister sans ennemis ni victimes sacrificielles et dépendent donc de la répétition constante du mensonge sur l'ennemi s'ils veulent parvenir à un degré de stress autogène nécessaire à la stabilisation interne.[…] Il n'est nul besoin de croire aux dieux; il suffit de se rappeler la fête meurtrière constitutive pour savoir en quoi ils nous concerne. Le souvenir angoissé d'un crime caché est ce qui constitue la religiosité profonde des cultures anciennes; dans cette ambiance religieuse, les peuples sont proches des mensonges et des spectres qui les fondent. Dieu est l'instance qui peut rappeler à ses adeptes le mystère occulté de la faute (Peter Sloterdijk Finitude et ouverture - vers une éthique de l'espace - 330e conférence de l'université de tous les savoirs, donnée le 25 novembre 2000).
Ce n'est pas tout. Notons en passant que la croyance aux dieux ou à Dieu n'est pas indispensable au sacrifice et à son rôle. Pis, l'absence de Dieu joue un rôle majeur dans les sacrifices humains, en tout cas chez les Aztèques. Poursuivons cependant sur la route de la vérité : l'expulsion du bouc ou son sacrifice produisent une élimination de la tension auto-stressante endogène pendant la période précédant le sacrifice. Un verset biblique décrit ce phénomène : « Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants ». Si, dans le contexte de la pensée de l'Ancien Testament, le sang appartient à Dieu comme siège du principe de vie, dans ce type de sacrifice, le point d'application devient tout à fait immanent. Il purifie les instigateurs du meurtre rituel.
Tiens, bizarre, c'est exactement ce qui s'est produit avec le 911. Le sacrifice de milliers d'innocents est censé bénéficier à la civilisation occidentale et atlantiste en désignant de surcroît les impurs : les musulmans radicaux et terroristes qui auraient eu le pouvoir de susciter de pareilles atrocités et qui du coup seraient au ban de la civilisation, en tant que barbares indignes de la liberté et de la démocratie.
Ce n'est pas tout. Pour ceux qui penseraient que je délire, malheureusement, ce n'est pas le cas. Je le redis avec force : le 911 émane de groupes judéo-chrétiens profondément imprégnés par la lecture de la Bible et qui en tirent des interprétations diaboliques (dans tous les sens du terme) et fanatiques. Ces tristes sires, qui s'estiment mystiques et religieux, croient que le sacrifice et l'holocauste du 911 va sauver l'Occident de sa faillite et que le sang innocent retombera sur leur tête de stratèges et de grands prêtres illuminés. Malheureusement, ce n'est pas dans le sens qu'ils estiment, car ils payeront très cher pour cet acte abominables, alors qu'ils sont persuadés d'avoir purifié leur personne misérable et l'humanité en péril (surtout l'Occident, qui est tel un colosse aux pieds d'argile).
La suite! OK, Boss... Sloterdijk constate "la permanence de ce phénomène dans des sociétés supposées modernes où le meurtre, à défaut l'expulsion, ressoude une société quand elle ne parvient pas à résoudre ses propres contradictions et se croit alors menacée par un ennemi de l'intérieur (exemple : l'immigration clandestine, stigmatisée comme une invasion, mais qui, parce que clandestine, ne peut être réellement dénombrée ; faute de recensement exact d'un point de vue scientifique, son importance est mesurée à l'aide d'un instrument de mesure non-fiable : le fantasme de la perte d'identité)."
Sauf qu'en l'occurrence, ce n'est plus d'immigration clandestine dont il s'agit mais de sacrifice. le sacrifice/holocauste a pris un sens religieux s'appliquant dans un sphère culturelle prétendant être sorte du religieux. Hypocrisie de l'Occident qui ne s'en sort que par des artifices et des pirouettes, alors que la vérité de sa situation est terrible. Non seulement, il n'a pas trouvé le moyen de sortir du religieux, mais sous prétexte d'avoir quitté le religieux monothéiste, il est retourné à des états de religiosité larvée plus violents, où il est obligé de recourir au sacrifice humain pour essayer de se sortir de la crise structurelle qu'il traverse (et qui n'est pas prêt de s'achever).
Qui sacrifiait des hommes? De nombreuse sociétés avant la fin de ce type de sacrifices, sanctionnée de manière liturgique par le mythe d'Isaac dans la Bible. Donc : le progrès du dépassement du religieux sanctionne en fait un terrible retour en arrière, où les hommes qui ont assassiné Dieu (selon le mot d'un fameux déséquilibré) sont contraints de sacrifier des victimes innocentes afin de rétablir l'ordre en crise. Le progrès manifeste de fait une terrible et apocalyptique régression du sacrifice symbolique vers le sacrifice le plus violent et virulent.
Toujours selon Wikipédia, qui nous explique sans s'en rendre compte le 911 de manière lumineuse, le sacrifice apparaît comme un moyen assez efficace de supprimer un problème potentiellement source conflit qu'on ne sait pas résoudre. Selon René Girard (Quand les choses commenceront, Entretiens avec Michel Treguer, Paris, Arlea, 1996), toute culture locale est une clique issue du meurtre fondateur dans un système d'envie et de jalousie. Le jeu de langage central d'une telle société est, à chaque fois, l'accusation collective et univoque et la condamnation d'une victime sacrificielle qui doit assumer tout le mal et la négation aussi monotone que conséquente de sa propre responsabilité à l'égard des évolutions en cascade qui ont motivé l'éclosion de la violence. N'appartient à une culture dans ce sens du terme que celui qui participe réellement ou symboliquement au sacrifice du bouc émissaire. La victime devient alors le lien étroit de la culture qui le sacrifie. "C'est en tant que communautés de narration et d'émotion — c'est-à-dire dans le culte — que les cultures, ces groupes de criminels enchantés par leur méfait, sont le plus elles-mêmes. C'est là où les émotions et le récit se recoupent que se constitue le sacré. […] L'objet sacrifié est ainsi placé au cœur de l'espace spirituel d'une société. […] La fusion des groupes fondée sur les émotions et les récits, les peurs et les mensonges, se trouve aussi consolidée politiquement" (Peter Sloterdijk, op. cit.).
On mesure pourquoi il est si difficile d'expliquer rationnellement et calmement que la version officielle du 911 est un mensonge. Remettre en cause le 911, c'est attenter aux attentats, c'est attenter au sacrifice en tant que fondement de l'Occident en péril. La bouc émissarisation des victimes assassinées, puis des musulmans rendus responsables des attentats du 911 de manière aberrante et mensongère (notamment, les Irakiens, les Afghans et par ricochet les malheureux Palestiniens, mais aussi les Libanais) est tout à fait logique. Non seulement les musulmans appartiennent au troisième monothéisme, qui est l'ennemi du judéo-christianisme historique et fanatique, mais les musulmans en tant que monothéistes sont des parents et des cousins des Judéo-chrétiens. Ils ont donc les caractéristiques et le statut de parfaits boucs émissaires censés purifier l'espace vicié et conflictuel de l'Occident.


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