Tu m'as répondu par mail mais je ne te citerai pas, ça ne se fait pas. Par contre, je garde en souvenir deux objections que tu me fais. Non que tu te montres opposé à ce que je te dis ou que tu aies des arguments à opposer concernant le 911. Je trouve de manière générale que tu dégages en touche, comme au football, et que tu préfères penser à des sujets plus positifs. Il se trouve que ces sujets sont d'ordre privé ou d'ordre sportif.
Dégager en touche, c'est un expédient qui a ses avantages dans l'urgence, mais qui ne résout rien. Ainsi en football, le défenseur, en cas d'attaques forcenées, n'a parfois d'autres moyens que de dégager en touche. C'est cependant la garantie à très court terme que les attaques vont recommencer de plus belle. Pour ce que je te dis, c'est pareil : on peut botter en touche, se boucher les yeux et parler du formidable match de foot de la veille, ça ne changera rien : le 911 a bel et bien existé et contre de pareilles évidences, on ne peut rien que prendre acte et ne pas se laisser mener par le bout du nez.
Souvent, les gens sont très déprimés quand on leur expose patiemment et posément les évidences sur le 911, mais dans ta lettre, je relève deux points qui me semblent capitaux pour la critique (je n'ai pas changé, comme dirait Iglesias, je suis toujours aussi binaire) :
1) l'idée que l'on ne peut rien y faire et, idée connexe, qu'il vaut mieux se concentrer sur d'autres sujets, toujours d'ordre privé (considérations stoïciennes, passions sportives, impératifs professionnels, ...).
2) L'idée que le système existe indépendamment de nous et même qu'il existera quoi que l'on fasse.
1) Sur le premier point, je ne suis bien évidemment pas d'accord. Parce que si on ne pouvait rien y faire, nous serions dans des systèmes oligarchiques, synarchiques, aristocratiques, en tout cas antidémocratiques et d'un totalitarisme particulier : totalitarisme qui prétend combattre le totalitarisme et qui se pare des vertus de la liberté démocratique. En plus, l'idée qu'on ne peut rien y faire est pessimiste et démentie historiquement : car ce sont toujours des volontés singulières et individuelles qui agissent, jamais des entités qui transcenderaient la volonté et la singularité.
Peut-être estimes-tu que je délire ou déraisonne, mais dans ce cas, les arguments sont les bienvenus. Ce n'est malheureusement pas le fait. Si je dis la vérité, en tout cas quand j'affirme que la version officielle est un abominable et grotesque tissu de mensonges et d'aberrations, alors ce que tu me dis prend son sens : mieux vaut détourner les yeux et penser à des sujets réjouissants.
C'est ici que je répète ce que j'ai toujours dit depuis que j'ai compris que le 911 n'était pas un évènement anodin.
a) Il est des événements d'ordre privé qui sont de grandes injustices : par exemple, une femme est retrouvée violée et suppliciée dans sa chambre et la police ne retrouve pas de coupables (présumés). C'est révoltant, cela arrive, mais le fait est tellement divers qu'il n'affectera pas la marche du système (la société, l'État en question, etc.). Dans ce cas, il vaut mieux cependant chercher la vérité et se renseigner pour empêcher que l'affaire soit enterrée.
b) Il est des tragédies qui affecte le cours d'un État ou d'un peuple sans affecter le système : je pense à un coup d'État qui ne respecte pas la volonté du peuple et provoque toujours des atrocités. Au final, après le coup d'État au Chili, le système se poursuit et se rétablit. Dans ce cas, il vaut mieux cependant militer politiquement et ne pas accepter l'injustice politique.
c) Il est des guerres qui ont une ampleur importante et qui se terminent souvent par de nombreux morts, des soldats comme des civils. Si l'on jette un coup d'œil à l'histoire, les guerres sont les principaux vecteurs de la mondialisation et c'est sans surprise qu'elles sont devenues mondiales depuis 1914. Le Seconde guerre mondiale contint son lot d'horreurs et c'est sans surprise que les historiens prennent parti pour les Résistants au nazisme et autres fascisme. Tu noteras cependant que certaines horreurs sont passées sous silence ou justifiées et que ce sont les vainqueurs qui écrivent l'histoire, du moins à court terme. A plus long terme, la roue tourne et les mains se passent. En tout cas, les bombes atomiques sur le Japon n'ont pas rencontré l'écho que ce geste odieux méritait, alors que les terribles actes de la Shoah ont trouvé des jugements que l'on ne saurait condamner, du moins dans leurs principes et leur déroulement général. Je rappelle à ce sujet que c'est au nom de la démocratie que le nazisme est indéfendable, plus tous les principes politiques et moraux qui sont valides dans la démocratie et dans de nombreux autres types de régimes.
d) Il reste des événements que j'appellerais systémiques, parce qu'ils concernent le système. A la limite, les guerres mondiales sont des évènements importants, mais qui participent au système. Le système occidental ne s'est pas effondré avec les guerres. Par contre, j'ai discerné dans le 911 l'effondrement du système, qui est un système occidentaliste, mondialiste, immanentiste. Cela signifie malheureusement que le 911 n'est pas une simple tragédie qui n'engage en rien l'avenir du système, mais qu'il est constitutif d'un changement radical : ce n'est pas que le système va changer, c'est que le système va s'effondrer et qu'on va changer de système. Pourquoi cette intuition? Parce que l'examen un tant soit peu approfondi du 911 laisse apparaître, derrière les mensonges invraisemblables, la structure et les fondations du système. C'est le signe que le système est au plus mal et que ceux qui font le système en sont à un tel point d'érosion qu'ils sont contraints de se montrer et de tenter le tout pour le tout.
Dans tous les cas, il est capital de s'impliquer collectivement et politiquement : la politique, c'est la polis. Depuis que les systèmes existent, les dirigeants de ces systèmes ont toujours compris que le plus sûr moyen de réaliser leurs désirs étaient de circonvenir les désirs de ceux qu'ils dirigeaient. Panem et circensem, je crois qu'on dit. Laborem et mediarum? En tout cas, jamais les médias n'ont fourni à ce point le miroir aux alouettes qui permet l'évasion et qui permet surtout de ne pas affronter le réel. Tu l'avoueras, l'Hyperréel tombe à pic pour qui veut s'évader du monde réel. Certains songent à se retirer sur une île déserte, d'autres, tous ceux qui n'ont pas les moyens en fait, marchent au pas en adhérant à l'Hyperréel : le sport à la télé (c'est plus hyperréel), la télé tout court et ses spectacles interactifs, les films à la télé, bref la télé est el merveilleux moyen de créer un monde imaginaire et féérique où tout le monde est beau et gentil.
Brel disait : beau et con à la fois. Il avait sans doute bien raison, mais la connerie aujourd'hui est plus hyperréelle et smart que la lucidité et la profondeur. Etre profond, c'est être con? Les maux actuels sont connexes aux valeurs que charrie l'Hyperréel : individualisme et dépolitisation. Ce sont des termes durs et terribles, mais c'est ainsi : on dépolitise et on fait croire que les vraies valeurs sont des valeurs d'amusement individuel. C'est ainsi, vois-tu, qu'on se retrouve à parler de foot.
Le foot, ça peut être sympa, mais pas besoin de jouer les snobs pour comprendre que le sport, le cul et autres sujets, c'est surtout un formidable moyen d'éviter le 911 et le spectre de la possible disparition de l'humanité. J'oubliais : le travail, car comme tu l'as sans doute remarqué, le travail est la valeur qui est la plus indiquée pour occuper les gens au service du système si on ne veut pas qu'ils fassent de politique ou qu'ils se mettent martel en tête de comprendre comment le système fonctionne.
Cependant, ces caractérisations sont très négatives et montrent que l'Hyperréel est très trompeur et manipulateur. Quand on fait croire ainsi que la surface est limpide et paradisiaque, c'est que l'arrière-boutique est glauque et cauchemardesque. L'Hyperréel découvre ainsi la dépolitisation, l'individualisme et le travail comme valeurs qui contraignent l'individu à ne pas trop s'occuper des sujets sérieux et graves, c'est-à-dire à fuir ses intérêts collectifs et politiques pour ne considérer que son horizon privé. L'homme d'aujourd'hui est sain et en forme s'il croit vraiment que le système a inventé pour lui la disparition des corvées politiques. D'ailleurs, des petits bonshommes s'affairent en coulisses pour régler les problèmes. Ils sont parfois un peu corrompus, mais pas de problèmes, ils permettent à l'honnête citoyen de ne plus s'occuper des problèmes politiques et des problèmes collectifs.
Va promener ton chien, tronche les marmots et taffe avec sérieux, tu seras un beauf respectable. Au-delà, passionne-toi pour les sujets mineurs et reste toujours, toujours dans les normes de l'Hyperréel : tu seras un nain, mais on te foutra la paix royale. Tu seras une loque, mais on te fera croire que t'es dans la voie, que t'es dans la norme. Malheureusement, on remarque que c'est aux époques où l'Empire romain se lézardait que les jeux du crique étaient à leur apogée. Aujourd'hui que les jeux du sport, les sportifs dopés et les journalistes ignares et experts nous gratifient de leurs exploits homériquement débiles, pas besoin de faire un dessin : si on sort les clowns, c'est que le système est au plus mal.
Désolé, je tomberai pas dans le panneau : pas de passions tristes et fixes pour le foot, le job (à plein temps) ou les penseurs antiques qui vous disent tout et son contraire (parce que les stoïciens étaient aussi redoutables pour pousser à la contestation et la résistance, non?). Ca ne veut pas dire que je n'aime pas le foot et autres sujets privés, ça veut juste dire que je n'accepte pas qu'on s'en serve pour me faire avaler la pilule de l'individualisme consumériste et de la dépolitisation. Parce qu'après, ça donne le 911 et autres joyeusetés et je préfère assumer mon fardeau collectif et politique que de laisser pisser en cueillant des pâquerettes.
2) Toute cette logorrhée nous emmène au deuxième thème. Je suis comme les bons tchatcheurs : je perds pas la boule. C'est ce qui me permet de tenir le coup et de parer aux coups. Alors, les coups de vice, je connais par coeur et le mythe de fermer les yeux et se voiler la face pour être heureux, je sais où ça mène. Au début, tu fermes ta gueule et tu fais ce qu'on te dit, et après, c'est de pire en pire. T'es l'esclave qui se croit libre de maîtres qui se croient libres, en somme.
Justement, l'idée que le système tourne tout seul, c'est une redoutable illusion. Elle est au fondement des croyances comme le conspirationnisme ou le complotisme employés à tout bout de champ. Dans le fond, ça signifie : fermez-la, soyez du coté du système et de l'ordre établi. Mais la croyance que le système roule tout seul ne va pas de soi. Déjà, il est évident que le système actuel n'est pas un système bienfaisant pour ses membres. A moins d'être bobo hypocrite de Londres, de voir la vie en rose sépéda, on peut quand même penser aux Irakiens et aux Afghans qui se sont fait noyer sous les bombes sans avoir rien fait ni rien demandé (ou alors : quoi?).
Mais le système mauvais est aussi un système qui n'est pas viable : on a déjà vu des systèmes criminels et malfaisants, dominateurs et destructeurs, mais jamais l'homme n'a été confronté au spectre de sa disparition. Ce ne sont pas les grands mots pour faire peur, c'est la réalité. L'homme détruit tellement l'environnement dans lequel il se meut qu'il est comme le bucheron qui scie la branche sur laquelle il est assis. Et là, il faut réagir. Que dirait-on si le bucheron répondait : t'inquiète, bonhomme, je gère et j'ai le droit de scier la branche sur laquelle je suis assis? Et pourquoi pas : ma maison brûle, mais je vais taper un foot avec les copains, parce qu'on ne peut rien y faire et qu'il faut passer du bon temps? La version intello, c'est : je vais lire Chrysippe. La version hypocrite, c'est : je mate le foot à la télé en faisant semblant de lire l'auteur idoine.
Dans tous les cas, c'est une réaction folle et c'est la propagande dispensée par le système que de nous faire croire qu'on ne peut rien y faire et que l'Hyperréel est un système aveugle et incompréhensible. Si l'on croyait en cette idée, il faudrait admettre que le système humain fonctionne grâce au miracle le plus hasardeux et que les volontés humaines sont absolument inaptes à changer quoi que ce soit à une structure et un fonctionnement automatiques et extrahumains.
Dire que le système humain est extrahumain, c'est se condamner à proférer une absurdité. Au contraire, ce sont toujours des volontés qui agissent et si tu démissionnes, ce sont les concernés qui agissent. Crois-tu que la propagande ait intérêt à seriner que l'implication politique et la connaissance générale sont les meilleures armes pour sauver le système? Non, la propagande est celle menée par le système le plus répressif et destructeur que l'humanité ait connu. C'est donc que la propagande sert les intérêts de ceux qui ont des projets non pérennes et non viables.
Répéter ainsi la douce musique des sirènes médiatiques, c'est se condamner à faire le jeu de dominateurs qui :
1) veulent nous dominer, ce qui n'est pas nouveau.
2) veulent nous asservir au nom de la liberté, ce qui est plus original.
3) veulent nous faire croire que leurs méthodes et leurs projets sont totalement bons et pérennes, alors que ce n'est pas le cas.
Et ça, c'est une situation totalement inédite dans l'histoire de l'humanité. Le 911 exprime très bien ce qui attend l'homme s'il continue à écouter les refrains enchanteurs sur l'Hyperréel, la dépolitisation et l'individualisme consumériste : ce ne sont pas seulement des attentats qui traduisent le besoin de mentir pour continuer à poursuivre des buts délirants et grotesques; c'est l'effondrement du système présent, le premier système global et globalisé, et c'est le corolaire logique de la disparition de l'humanité. Autrement dit : si plus de système, plus d'homme. Cette situation peut très bien se produire, parce que c'est l'homme qui fait ses systèmes et qu'aucune nécessité n'est reliée à l'existence du système, qui garantirait que le système, tel un deus ex machina, existe quoi qu'il arrive et quoi qu'il se passe, et garantit à l'homme ses bénéfices et sa cohérence.
Alors je ne chanterai plus à tue-tête après les victoires mondiales de 98 qui nous assurent surtout l'insouciance empoisonnée du 911. Je sais ce qui se passe dans les vestiaires : le foot professionnel est l'extraordinaire condensé de la pourriture du système et la volonté de faire croire que l'Hyperréel, c'est le paradis des champions. L'enfer du dopage, oui. Non merci! En plus, je ne suis pas dans les pures jérémiades. OK, je ressasse que le système va s'effondrer et j'espère ne pas connaître les horreurs de révolutions et de périodes d'instabilité. Mais ça fait trop longtemps qu'on recule, qu'on recule : il va bien falloir sauter. Surtout, je suis optimiste : car je suis persuadé que l'homme possède des trésors de force et de patience pour surmonter les épreuves.
C'est sans doute mes épreuves qui me font dire ça. Comme l'homme a des facultés extraordinaires d'adaptation, il va surmonter le péril qui le menace. Il va changer de système et il va virer toute la clique des manipulateurs qui en disent long, par leur profil, sur la nature et la qualité du système qu'ils dirigent. Ce n'est pas que les systèmes futurs seront idylliques et que les révolutions auront accouché cette fois de résolutions définitives aux problèmes rencontrés. Ne rêvons pas : les problèmes et les difficultés existeront toujours. Mais l'homme ne disparaîtra pas. Le système ne disparaîtra pas. Il va juste falloir bouger dans l'espace pour sauver l'espèce. Ca semble un peu utopique et impossible, mais à l'impossible, l'homme est tenu. On parie?
Dégager en touche, c'est un expédient qui a ses avantages dans l'urgence, mais qui ne résout rien. Ainsi en football, le défenseur, en cas d'attaques forcenées, n'a parfois d'autres moyens que de dégager en touche. C'est cependant la garantie à très court terme que les attaques vont recommencer de plus belle. Pour ce que je te dis, c'est pareil : on peut botter en touche, se boucher les yeux et parler du formidable match de foot de la veille, ça ne changera rien : le 911 a bel et bien existé et contre de pareilles évidences, on ne peut rien que prendre acte et ne pas se laisser mener par le bout du nez.
Souvent, les gens sont très déprimés quand on leur expose patiemment et posément les évidences sur le 911, mais dans ta lettre, je relève deux points qui me semblent capitaux pour la critique (je n'ai pas changé, comme dirait Iglesias, je suis toujours aussi binaire) :
1) l'idée que l'on ne peut rien y faire et, idée connexe, qu'il vaut mieux se concentrer sur d'autres sujets, toujours d'ordre privé (considérations stoïciennes, passions sportives, impératifs professionnels, ...).
2) L'idée que le système existe indépendamment de nous et même qu'il existera quoi que l'on fasse.
1) Sur le premier point, je ne suis bien évidemment pas d'accord. Parce que si on ne pouvait rien y faire, nous serions dans des systèmes oligarchiques, synarchiques, aristocratiques, en tout cas antidémocratiques et d'un totalitarisme particulier : totalitarisme qui prétend combattre le totalitarisme et qui se pare des vertus de la liberté démocratique. En plus, l'idée qu'on ne peut rien y faire est pessimiste et démentie historiquement : car ce sont toujours des volontés singulières et individuelles qui agissent, jamais des entités qui transcenderaient la volonté et la singularité.
Peut-être estimes-tu que je délire ou déraisonne, mais dans ce cas, les arguments sont les bienvenus. Ce n'est malheureusement pas le fait. Si je dis la vérité, en tout cas quand j'affirme que la version officielle est un abominable et grotesque tissu de mensonges et d'aberrations, alors ce que tu me dis prend son sens : mieux vaut détourner les yeux et penser à des sujets réjouissants.
C'est ici que je répète ce que j'ai toujours dit depuis que j'ai compris que le 911 n'était pas un évènement anodin.
a) Il est des événements d'ordre privé qui sont de grandes injustices : par exemple, une femme est retrouvée violée et suppliciée dans sa chambre et la police ne retrouve pas de coupables (présumés). C'est révoltant, cela arrive, mais le fait est tellement divers qu'il n'affectera pas la marche du système (la société, l'État en question, etc.). Dans ce cas, il vaut mieux cependant chercher la vérité et se renseigner pour empêcher que l'affaire soit enterrée.
b) Il est des tragédies qui affecte le cours d'un État ou d'un peuple sans affecter le système : je pense à un coup d'État qui ne respecte pas la volonté du peuple et provoque toujours des atrocités. Au final, après le coup d'État au Chili, le système se poursuit et se rétablit. Dans ce cas, il vaut mieux cependant militer politiquement et ne pas accepter l'injustice politique.
c) Il est des guerres qui ont une ampleur importante et qui se terminent souvent par de nombreux morts, des soldats comme des civils. Si l'on jette un coup d'œil à l'histoire, les guerres sont les principaux vecteurs de la mondialisation et c'est sans surprise qu'elles sont devenues mondiales depuis 1914. Le Seconde guerre mondiale contint son lot d'horreurs et c'est sans surprise que les historiens prennent parti pour les Résistants au nazisme et autres fascisme. Tu noteras cependant que certaines horreurs sont passées sous silence ou justifiées et que ce sont les vainqueurs qui écrivent l'histoire, du moins à court terme. A plus long terme, la roue tourne et les mains se passent. En tout cas, les bombes atomiques sur le Japon n'ont pas rencontré l'écho que ce geste odieux méritait, alors que les terribles actes de la Shoah ont trouvé des jugements que l'on ne saurait condamner, du moins dans leurs principes et leur déroulement général. Je rappelle à ce sujet que c'est au nom de la démocratie que le nazisme est indéfendable, plus tous les principes politiques et moraux qui sont valides dans la démocratie et dans de nombreux autres types de régimes.
d) Il reste des événements que j'appellerais systémiques, parce qu'ils concernent le système. A la limite, les guerres mondiales sont des évènements importants, mais qui participent au système. Le système occidental ne s'est pas effondré avec les guerres. Par contre, j'ai discerné dans le 911 l'effondrement du système, qui est un système occidentaliste, mondialiste, immanentiste. Cela signifie malheureusement que le 911 n'est pas une simple tragédie qui n'engage en rien l'avenir du système, mais qu'il est constitutif d'un changement radical : ce n'est pas que le système va changer, c'est que le système va s'effondrer et qu'on va changer de système. Pourquoi cette intuition? Parce que l'examen un tant soit peu approfondi du 911 laisse apparaître, derrière les mensonges invraisemblables, la structure et les fondations du système. C'est le signe que le système est au plus mal et que ceux qui font le système en sont à un tel point d'érosion qu'ils sont contraints de se montrer et de tenter le tout pour le tout.
Dans tous les cas, il est capital de s'impliquer collectivement et politiquement : la politique, c'est la polis. Depuis que les systèmes existent, les dirigeants de ces systèmes ont toujours compris que le plus sûr moyen de réaliser leurs désirs étaient de circonvenir les désirs de ceux qu'ils dirigeaient. Panem et circensem, je crois qu'on dit. Laborem et mediarum? En tout cas, jamais les médias n'ont fourni à ce point le miroir aux alouettes qui permet l'évasion et qui permet surtout de ne pas affronter le réel. Tu l'avoueras, l'Hyperréel tombe à pic pour qui veut s'évader du monde réel. Certains songent à se retirer sur une île déserte, d'autres, tous ceux qui n'ont pas les moyens en fait, marchent au pas en adhérant à l'Hyperréel : le sport à la télé (c'est plus hyperréel), la télé tout court et ses spectacles interactifs, les films à la télé, bref la télé est el merveilleux moyen de créer un monde imaginaire et féérique où tout le monde est beau et gentil.
Brel disait : beau et con à la fois. Il avait sans doute bien raison, mais la connerie aujourd'hui est plus hyperréelle et smart que la lucidité et la profondeur. Etre profond, c'est être con? Les maux actuels sont connexes aux valeurs que charrie l'Hyperréel : individualisme et dépolitisation. Ce sont des termes durs et terribles, mais c'est ainsi : on dépolitise et on fait croire que les vraies valeurs sont des valeurs d'amusement individuel. C'est ainsi, vois-tu, qu'on se retrouve à parler de foot.
Le foot, ça peut être sympa, mais pas besoin de jouer les snobs pour comprendre que le sport, le cul et autres sujets, c'est surtout un formidable moyen d'éviter le 911 et le spectre de la possible disparition de l'humanité. J'oubliais : le travail, car comme tu l'as sans doute remarqué, le travail est la valeur qui est la plus indiquée pour occuper les gens au service du système si on ne veut pas qu'ils fassent de politique ou qu'ils se mettent martel en tête de comprendre comment le système fonctionne.
Cependant, ces caractérisations sont très négatives et montrent que l'Hyperréel est très trompeur et manipulateur. Quand on fait croire ainsi que la surface est limpide et paradisiaque, c'est que l'arrière-boutique est glauque et cauchemardesque. L'Hyperréel découvre ainsi la dépolitisation, l'individualisme et le travail comme valeurs qui contraignent l'individu à ne pas trop s'occuper des sujets sérieux et graves, c'est-à-dire à fuir ses intérêts collectifs et politiques pour ne considérer que son horizon privé. L'homme d'aujourd'hui est sain et en forme s'il croit vraiment que le système a inventé pour lui la disparition des corvées politiques. D'ailleurs, des petits bonshommes s'affairent en coulisses pour régler les problèmes. Ils sont parfois un peu corrompus, mais pas de problèmes, ils permettent à l'honnête citoyen de ne plus s'occuper des problèmes politiques et des problèmes collectifs.
Va promener ton chien, tronche les marmots et taffe avec sérieux, tu seras un beauf respectable. Au-delà, passionne-toi pour les sujets mineurs et reste toujours, toujours dans les normes de l'Hyperréel : tu seras un nain, mais on te foutra la paix royale. Tu seras une loque, mais on te fera croire que t'es dans la voie, que t'es dans la norme. Malheureusement, on remarque que c'est aux époques où l'Empire romain se lézardait que les jeux du crique étaient à leur apogée. Aujourd'hui que les jeux du sport, les sportifs dopés et les journalistes ignares et experts nous gratifient de leurs exploits homériquement débiles, pas besoin de faire un dessin : si on sort les clowns, c'est que le système est au plus mal.
Désolé, je tomberai pas dans le panneau : pas de passions tristes et fixes pour le foot, le job (à plein temps) ou les penseurs antiques qui vous disent tout et son contraire (parce que les stoïciens étaient aussi redoutables pour pousser à la contestation et la résistance, non?). Ca ne veut pas dire que je n'aime pas le foot et autres sujets privés, ça veut juste dire que je n'accepte pas qu'on s'en serve pour me faire avaler la pilule de l'individualisme consumériste et de la dépolitisation. Parce qu'après, ça donne le 911 et autres joyeusetés et je préfère assumer mon fardeau collectif et politique que de laisser pisser en cueillant des pâquerettes.
2) Toute cette logorrhée nous emmène au deuxième thème. Je suis comme les bons tchatcheurs : je perds pas la boule. C'est ce qui me permet de tenir le coup et de parer aux coups. Alors, les coups de vice, je connais par coeur et le mythe de fermer les yeux et se voiler la face pour être heureux, je sais où ça mène. Au début, tu fermes ta gueule et tu fais ce qu'on te dit, et après, c'est de pire en pire. T'es l'esclave qui se croit libre de maîtres qui se croient libres, en somme.
Justement, l'idée que le système tourne tout seul, c'est une redoutable illusion. Elle est au fondement des croyances comme le conspirationnisme ou le complotisme employés à tout bout de champ. Dans le fond, ça signifie : fermez-la, soyez du coté du système et de l'ordre établi. Mais la croyance que le système roule tout seul ne va pas de soi. Déjà, il est évident que le système actuel n'est pas un système bienfaisant pour ses membres. A moins d'être bobo hypocrite de Londres, de voir la vie en rose sépéda, on peut quand même penser aux Irakiens et aux Afghans qui se sont fait noyer sous les bombes sans avoir rien fait ni rien demandé (ou alors : quoi?).
Mais le système mauvais est aussi un système qui n'est pas viable : on a déjà vu des systèmes criminels et malfaisants, dominateurs et destructeurs, mais jamais l'homme n'a été confronté au spectre de sa disparition. Ce ne sont pas les grands mots pour faire peur, c'est la réalité. L'homme détruit tellement l'environnement dans lequel il se meut qu'il est comme le bucheron qui scie la branche sur laquelle il est assis. Et là, il faut réagir. Que dirait-on si le bucheron répondait : t'inquiète, bonhomme, je gère et j'ai le droit de scier la branche sur laquelle je suis assis? Et pourquoi pas : ma maison brûle, mais je vais taper un foot avec les copains, parce qu'on ne peut rien y faire et qu'il faut passer du bon temps? La version intello, c'est : je vais lire Chrysippe. La version hypocrite, c'est : je mate le foot à la télé en faisant semblant de lire l'auteur idoine.
Dans tous les cas, c'est une réaction folle et c'est la propagande dispensée par le système que de nous faire croire qu'on ne peut rien y faire et que l'Hyperréel est un système aveugle et incompréhensible. Si l'on croyait en cette idée, il faudrait admettre que le système humain fonctionne grâce au miracle le plus hasardeux et que les volontés humaines sont absolument inaptes à changer quoi que ce soit à une structure et un fonctionnement automatiques et extrahumains.
Dire que le système humain est extrahumain, c'est se condamner à proférer une absurdité. Au contraire, ce sont toujours des volontés qui agissent et si tu démissionnes, ce sont les concernés qui agissent. Crois-tu que la propagande ait intérêt à seriner que l'implication politique et la connaissance générale sont les meilleures armes pour sauver le système? Non, la propagande est celle menée par le système le plus répressif et destructeur que l'humanité ait connu. C'est donc que la propagande sert les intérêts de ceux qui ont des projets non pérennes et non viables.
Répéter ainsi la douce musique des sirènes médiatiques, c'est se condamner à faire le jeu de dominateurs qui :
1) veulent nous dominer, ce qui n'est pas nouveau.
2) veulent nous asservir au nom de la liberté, ce qui est plus original.
3) veulent nous faire croire que leurs méthodes et leurs projets sont totalement bons et pérennes, alors que ce n'est pas le cas.
Et ça, c'est une situation totalement inédite dans l'histoire de l'humanité. Le 911 exprime très bien ce qui attend l'homme s'il continue à écouter les refrains enchanteurs sur l'Hyperréel, la dépolitisation et l'individualisme consumériste : ce ne sont pas seulement des attentats qui traduisent le besoin de mentir pour continuer à poursuivre des buts délirants et grotesques; c'est l'effondrement du système présent, le premier système global et globalisé, et c'est le corolaire logique de la disparition de l'humanité. Autrement dit : si plus de système, plus d'homme. Cette situation peut très bien se produire, parce que c'est l'homme qui fait ses systèmes et qu'aucune nécessité n'est reliée à l'existence du système, qui garantirait que le système, tel un deus ex machina, existe quoi qu'il arrive et quoi qu'il se passe, et garantit à l'homme ses bénéfices et sa cohérence.
Alors je ne chanterai plus à tue-tête après les victoires mondiales de 98 qui nous assurent surtout l'insouciance empoisonnée du 911. Je sais ce qui se passe dans les vestiaires : le foot professionnel est l'extraordinaire condensé de la pourriture du système et la volonté de faire croire que l'Hyperréel, c'est le paradis des champions. L'enfer du dopage, oui. Non merci! En plus, je ne suis pas dans les pures jérémiades. OK, je ressasse que le système va s'effondrer et j'espère ne pas connaître les horreurs de révolutions et de périodes d'instabilité. Mais ça fait trop longtemps qu'on recule, qu'on recule : il va bien falloir sauter. Surtout, je suis optimiste : car je suis persuadé que l'homme possède des trésors de force et de patience pour surmonter les épreuves.
C'est sans doute mes épreuves qui me font dire ça. Comme l'homme a des facultés extraordinaires d'adaptation, il va surmonter le péril qui le menace. Il va changer de système et il va virer toute la clique des manipulateurs qui en disent long, par leur profil, sur la nature et la qualité du système qu'ils dirigent. Ce n'est pas que les systèmes futurs seront idylliques et que les révolutions auront accouché cette fois de résolutions définitives aux problèmes rencontrés. Ne rêvons pas : les problèmes et les difficultés existeront toujours. Mais l'homme ne disparaîtra pas. Le système ne disparaîtra pas. Il va juste falloir bouger dans l'espace pour sauver l'espèce. Ca semble un peu utopique et impossible, mais à l'impossible, l'homme est tenu. On parie?
2 commentaires:
Cher Koffi,
Ta logorrhée ne rend pas facile une réponse claire tant tu abordes de sujets ; néanmoins, je vais faire de mon mieux. Il faut changer de système, dis-tu : de quel système parles-tu ? Le système politique démocratique est le meilleur, je pense qu’on s’accordera sur ce point. Le système capitaliste est peut-être le pire, encore d’accord ; de lui quelqu’un disait qu’il s’adressait aux plus bas instincts de l’homme et qu’en vertu de cela il durerait : qui ne veut pas posséder ou s’enrichir? Cependant, c’est à l’intérieur même de ce système qu’est en train de naître une réponse positive à tes questions : le développement durable. Le mot te fera sourire, il est même peut-être galvaudé avant d’avoir réussi à renvoyer à une réalité tangible, mais c’est un magnifique espoir. Concilier les exigences économiques, sociales et environnementales, que peut-on imaginer de plus cohérent ? Prenons un exemple : celui d’Al Gore. Grand perdant de l’évection présidentielle de 2000 (l’ex-futur président des Etats-Unis, comme il se présente lui-même avec beaucoup d’humour), très au fait sûrement de ce que tu dénonces (cabinets secrets et autres), il n’a pas cherché un choc frontal avec les républicains, perdu d’avance, non, il a choisi son autre, et vrai, cheval de bataille : la défense de notre environnement. Voilà une chose qui dépend de nous et qui est aussi historique que ce dont tu parles. C’est la première fois dans l’Histoire que les hommes en viennent « à faire la pluie et le beau temps ». Les cyclones, les pluies acides, les maladies renaissantes, l’épuisement de la biodiversité sont des sujets tout aussi préoccupants que le 911. Je ne vois dans cet événement historique majeur que le prolongement d’un cynisme et d’une violence déjà tant rencontrés au XXème siècle. Tu vois dans cet événement l’avènement d’une ère nouvelle, je n’y vois qu’un spectre du passé qu’il nous faut étudier comme tu le fais, mais qu’il faut replacer dans son contexte, celui de l’argent, du pétrole, du mensonge, de la domination. Bergson dit que l’Histoire retiendra davantage nos progrès techniques que nos révolutions ou nos attentats ; si l’on transpose ce point de vue dans notre débat, cela signifie à mes yeux que la protection de l’environnement couplée à une redistribution plus juste des richesses produites aura un impact historique plus important qu’une focalisation massive sur un événement décevant mais dépassable. Ce qui compte aujourd’hui n’est pas « qui a tué qui ? » mais qui est prêt à ce que les hommes ainsi que les générations futures vivent dignement.
Je suis allé sur « reopen 911 » (j’ai même conseillé à mes élèves d’y aller !) et j’ai appris beaucoup de choses : les délits d’initiés, les terroristes bien vivants, les possibles dynamitages, etc. Mais finalement, rien de nouveau sous le soleil : les Américains mentent depuis des décennies comme les Chinois mentent aujourd’hui sur ce qui se passe au Tibet. Le mensonge semble indissociable du pouvoir. Tu compares le 911 avec la chute du mur de Berlin, c’est un parallèle audacieux et intéressant, mais qui ne tient pas la route ; d’un côté la volonté générale de peuples en quête de liberté, de l’autre des volontés particulières perverses et prédatrices. Si le complot a été tissé entièrement par l’administration Bush, de près ou de loin, alors ce complot fait penser à l’histoire d’un homme se tirant une balle dans le pied pour justifier son agressivité. Mais c’est du déjà vu.
Je ne me replie pas sur moi-même en refusant d’analyser plus en avant le 11 septembre : je mène de petits projets autour de moi, modestes mais bien réels, qui correspondent à l’idée que je me fais d’un citoyen du monde d’aujourd’hui. Je collecte des pièces jaunes pour acheter des couvertures, j’anime le journal de l’école, lieu de sensibilisation et de débats, j’essaie d’offrir à mes élèves des cours où s’expriment la tolérance et la curiosité. C’est pourquoi ton engagement auprès du Nid me parle tout autant que tes analyses politico-philosophiques, qui te réussissent fort bien par ailleurs (à l’occasion, jette un coup d’œil dans Philosophie magazine, c’est pas une blague, ça existe et c’est pas mal : ils inspectent l’actualité à la lumière de la philosophie- comme toi !).
Enfin, voilà Koffi, aujourd’hui, il y a des manifestations de la faim en Afrique ou à Haïti, ces gens se moquent du 911 ; c’est bien une plus grande justice économique et sociale qui répondrait à leurs problèmes et pas l’élucidation d’un mensonge américain de plus. Il faut s’intéresser à la politique (sans quoi elle s’intéressera de très près à nous !), c’est vrai, mais sans attendre idéalement d’elle qu’elle ne nous mente plus. Le 911 apparaît alors comme un fait historique « normal », un attentat terroriste de plus ou un complot supplémentaire. On ne peut alors que prendre acte de cette nouvelle manifestation de l’ancestrale monstruosité de la vie politique, mais c’est l’autre côté qui importe : ne pas réduire le monde à ses manifestations politiques ou commerciales. L’homme vaut mieux et peut mieux : il le montre dans les ONG, les musées, les écoles, les stades (enfin, sur la pelouse, pas dans les tribunes !).
Pour moi qui ne suis pas très bavard, c’est déjà une longue réponse, j’espère encore qu’elle te parlera, et que tu ne la critiqueras pas point par point !
PS : pour Cristiano Ronaldo, je ne suis pas du tout d’accord : c’est un excellent joueur, très frimeur, mais qui peut se le permettre : 40 buts, toutes compétitions confondues, et ce n’est pas fini…
Salut à toi, Nelson le Pirate des Caraïbes!
http://aucoursdureel.blogspot.com/2008/04/hey-mister-d-jay-3.html
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