La dénonciation de l'élitisme souffre de deux réticences majeures :
1) La première, c'est que l'on rechigne à dénoncer l'élitisme parce qu'on aimerait faire partie de l'élite. C'est ainsi que l'élite recouvre bien plus que les vraies élites, que l'on pourrait identifier suite à des critères économiques, sociaux et culturels. L'élite renvoie aussi au fantasme, celui du sentiment d'appartenance. La plupart de ceux qui se révèlent les défenseurs les plus acharnés de l'élitisme ne sont pas tant des membres de l'élite effective. Ce sont le plus souvent des élites secondaires. Un peu comme le défenseur le plus acharné de la version officielle n'est pas tant l'institution que son fervent admirateur, le défenseur le plus acharné de l'élitisme n'est pas tant l'élite que les classes moyennes, c'est-à-dire tous ceux qui ont intérêt à s'aveugler pour se représenter supérieur à ce qu'ils sont. Le défenseur acharné du système défend le système par peur panique de voir le système disparaître; le partisan de l'élitisme défend les élites parce qu'il a intérêt à s'estimer y appartenir. On retrouve alors le fameux snobisme, dont Proust et Saint-Simon (qu'il serait préférable de lire en regard des envolées contemporaines d'un Yann Moix, pardon) sont deux excellents analystes et descripteurs.
2) La seconde, c'est que l'aveu de l'élitisme est moins la reconnaissance de l'échec des principes et préceptes du démocratisme agonisant (surtout en ces temps de mondialisation) que la reconnaissance d'un phénomène bien moins avouable et ô combien plus grave. Passe encore de dénoncer l'irresponsabilité des responsables corrompus, de désigner à la vindicte généralisée quelques têtes qu'il conviendra avec le temps houleux de dégommer et de couper. Mais c'est une chose de considérer que le système est dominé par des incompétents, des incapables et des pervers; c'en est une autre de se demander si cette corruption est imputable à une crise passagère et structurelle ou à la structure même du système. La vérité, c'est que l'élitisme comme fonctionnement qui marque la domination par des élites corrompus d'un système condamné à terme (le plus souvent à court terme) n'est pas possible sans une gangrène généralisée du système. C'est parce que les masses qui composent le système sont corrompues que les élites qui sont censées les représenter le sont aussi. Il serait trop facile de dédouaner le système en reportant la responsabilité sur le bouc émissaire pratique et tout désigné des élites. Les élites étant les représentants du système, le signe que le système défaille se répercute en premier lieu au niveau des élites.
Raison pour laquelle la condamnation de l'élitisme n'est pas tant la désignation à la vindicte et au lynchage de quelques responsables qui permettraient d'oublier al responsabilité générale. La dénonciation de l'élitisme, c'est celle d'une dérive systémique qui rejaillit sur tout le système. Le mythe des élites pourries au pays de Cocagne, des élites qui auraient détourné le pays de Cocagne à leur seul profit, ne tient guère la route et la rampe de l'analyse : car si certains se sont servis dans al soupe (le pus souvent en crachant dedans), c'est qu'on les a laissé faire. J'irai même jusqu'à oser : c'est qu'on les a encouragés. Car les actuelles dérives qui s'observent au coeur du système occidentaliste à présent mondialisé sont avant tout dues au fait que les masses s'aveuglent et préfèrent par paresse et goût de l'oubli déléguer leurs responsabilités essentielles plutôt que d'avoir à affronter les inconvénients de la responsabilité.
Sans doute ne faut-il pas chercher plus loin la défiance virulente que les Anciens manifestaient envers le système démocratique, jugé utopique, démagogique et pernicieux. Pour que le système démocratique soit pérenne, il faudrait des indivis responsables, politiques et conscients de l'intérêt général. Bref, tout l'inverse de ce que l'on observe en ce monde, où les citoyens des démocraties sont veules, dépolitisés, irresponsables (et fiers de l'être) et aveuglés par leurs petits intérêts nombrilistes et mesquins.
Reste à distinguer entre l'élitisme aristocratique et l'élitisme immanentiste et démocratique. L'élitisme a toujours existé, l'idéal démocratique restant une exception tant historique que politique. A ce propos, il est toujours cocasse d'entendre des intervenants spécieux répéter que la démocratie est le moins pire des régimes. Proférera-t-on la même rengaine d'ici cinquante ans? Toujours est-il que cette question rejoint la distinction initiale. L'élitisme aristocratique est canalisé par sa raison d'être : son affrontement avec l'extérieur, souvent avec d'autres systèmes humains (voire naturels). De ce point de vue, l'aristocrate n'a pas le temps ni le loisir de s'en prendre à son système. S'il le fait, c'est indirectement. L'essentiel de son énergie est absorbé par la pérennité du système qu'il représente.
L'élite est ainsi initialement et premièrement le petit nombre valeureux chargé d'assurer la cohésion et la pérennité du système qu'elle représente (d'où l'association de l'aristocratie et de la virtu guerrière). Quant à l'élite démocratique, elle ne peut manquer de se former du fait de l'individualisme démocratique. Dans un horizon où l'individu est el fondement, la domination individualiste devient l'expression de la valeur individuelle. Expression de la médiocrité, du conformisme et du mimétisme roboratif comme refus de la différence. Mais c'est un autre débat : l'élitisme démocratique conduit à l'exploitation des masses par les élites qui ont perdu l'horizon de l'extériorité. L'élite démocratique n'a pour fin que de se retourner contre le reste du système dans un système unique et nécessaire.
De ce fait, l'élitisme est l'expression de la domination destructrice conduisant à l'anéantissement. La démocratie surgirait-elle au moment où le système en déclin n'est plus en mesure de désigner des ennemis extérieurs qui assurent sa cohésion, sa pérennité et sa survivance? En tout cas, la démocratie est el meilleur des systèmes - à l'exclusion de tous les autres. Quand on voit les résultats auxquels elle aboutit, on en viendrait presque à oublier les avantages qu'elle produit, surtout dans l'immédiat. L'élitisme aristocratique protecteur (quels que soient ses défauts) s'est commué en élitisme démocratique destructeur (quels que soient ses avantages). Il resterait à se demander si la remise en question de l'élitisme aristocratique ne manifeste pas déjà le signe de la décadence, un long processus de décomposition qui devient explicite avec l'avènement des élites démocratiques et l'implosion lente et nauséabonde du système.
1) La première, c'est que l'on rechigne à dénoncer l'élitisme parce qu'on aimerait faire partie de l'élite. C'est ainsi que l'élite recouvre bien plus que les vraies élites, que l'on pourrait identifier suite à des critères économiques, sociaux et culturels. L'élite renvoie aussi au fantasme, celui du sentiment d'appartenance. La plupart de ceux qui se révèlent les défenseurs les plus acharnés de l'élitisme ne sont pas tant des membres de l'élite effective. Ce sont le plus souvent des élites secondaires. Un peu comme le défenseur le plus acharné de la version officielle n'est pas tant l'institution que son fervent admirateur, le défenseur le plus acharné de l'élitisme n'est pas tant l'élite que les classes moyennes, c'est-à-dire tous ceux qui ont intérêt à s'aveugler pour se représenter supérieur à ce qu'ils sont. Le défenseur acharné du système défend le système par peur panique de voir le système disparaître; le partisan de l'élitisme défend les élites parce qu'il a intérêt à s'estimer y appartenir. On retrouve alors le fameux snobisme, dont Proust et Saint-Simon (qu'il serait préférable de lire en regard des envolées contemporaines d'un Yann Moix, pardon) sont deux excellents analystes et descripteurs.
2) La seconde, c'est que l'aveu de l'élitisme est moins la reconnaissance de l'échec des principes et préceptes du démocratisme agonisant (surtout en ces temps de mondialisation) que la reconnaissance d'un phénomène bien moins avouable et ô combien plus grave. Passe encore de dénoncer l'irresponsabilité des responsables corrompus, de désigner à la vindicte généralisée quelques têtes qu'il conviendra avec le temps houleux de dégommer et de couper. Mais c'est une chose de considérer que le système est dominé par des incompétents, des incapables et des pervers; c'en est une autre de se demander si cette corruption est imputable à une crise passagère et structurelle ou à la structure même du système. La vérité, c'est que l'élitisme comme fonctionnement qui marque la domination par des élites corrompus d'un système condamné à terme (le plus souvent à court terme) n'est pas possible sans une gangrène généralisée du système. C'est parce que les masses qui composent le système sont corrompues que les élites qui sont censées les représenter le sont aussi. Il serait trop facile de dédouaner le système en reportant la responsabilité sur le bouc émissaire pratique et tout désigné des élites. Les élites étant les représentants du système, le signe que le système défaille se répercute en premier lieu au niveau des élites.
Raison pour laquelle la condamnation de l'élitisme n'est pas tant la désignation à la vindicte et au lynchage de quelques responsables qui permettraient d'oublier al responsabilité générale. La dénonciation de l'élitisme, c'est celle d'une dérive systémique qui rejaillit sur tout le système. Le mythe des élites pourries au pays de Cocagne, des élites qui auraient détourné le pays de Cocagne à leur seul profit, ne tient guère la route et la rampe de l'analyse : car si certains se sont servis dans al soupe (le pus souvent en crachant dedans), c'est qu'on les a laissé faire. J'irai même jusqu'à oser : c'est qu'on les a encouragés. Car les actuelles dérives qui s'observent au coeur du système occidentaliste à présent mondialisé sont avant tout dues au fait que les masses s'aveuglent et préfèrent par paresse et goût de l'oubli déléguer leurs responsabilités essentielles plutôt que d'avoir à affronter les inconvénients de la responsabilité.
Sans doute ne faut-il pas chercher plus loin la défiance virulente que les Anciens manifestaient envers le système démocratique, jugé utopique, démagogique et pernicieux. Pour que le système démocratique soit pérenne, il faudrait des indivis responsables, politiques et conscients de l'intérêt général. Bref, tout l'inverse de ce que l'on observe en ce monde, où les citoyens des démocraties sont veules, dépolitisés, irresponsables (et fiers de l'être) et aveuglés par leurs petits intérêts nombrilistes et mesquins.
Reste à distinguer entre l'élitisme aristocratique et l'élitisme immanentiste et démocratique. L'élitisme a toujours existé, l'idéal démocratique restant une exception tant historique que politique. A ce propos, il est toujours cocasse d'entendre des intervenants spécieux répéter que la démocratie est le moins pire des régimes. Proférera-t-on la même rengaine d'ici cinquante ans? Toujours est-il que cette question rejoint la distinction initiale. L'élitisme aristocratique est canalisé par sa raison d'être : son affrontement avec l'extérieur, souvent avec d'autres systèmes humains (voire naturels). De ce point de vue, l'aristocrate n'a pas le temps ni le loisir de s'en prendre à son système. S'il le fait, c'est indirectement. L'essentiel de son énergie est absorbé par la pérennité du système qu'il représente.
L'élite est ainsi initialement et premièrement le petit nombre valeureux chargé d'assurer la cohésion et la pérennité du système qu'elle représente (d'où l'association de l'aristocratie et de la virtu guerrière). Quant à l'élite démocratique, elle ne peut manquer de se former du fait de l'individualisme démocratique. Dans un horizon où l'individu est el fondement, la domination individualiste devient l'expression de la valeur individuelle. Expression de la médiocrité, du conformisme et du mimétisme roboratif comme refus de la différence. Mais c'est un autre débat : l'élitisme démocratique conduit à l'exploitation des masses par les élites qui ont perdu l'horizon de l'extériorité. L'élite démocratique n'a pour fin que de se retourner contre le reste du système dans un système unique et nécessaire.
De ce fait, l'élitisme est l'expression de la domination destructrice conduisant à l'anéantissement. La démocratie surgirait-elle au moment où le système en déclin n'est plus en mesure de désigner des ennemis extérieurs qui assurent sa cohésion, sa pérennité et sa survivance? En tout cas, la démocratie est el meilleur des systèmes - à l'exclusion de tous les autres. Quand on voit les résultats auxquels elle aboutit, on en viendrait presque à oublier les avantages qu'elle produit, surtout dans l'immédiat. L'élitisme aristocratique protecteur (quels que soient ses défauts) s'est commué en élitisme démocratique destructeur (quels que soient ses avantages). Il resterait à se demander si la remise en question de l'élitisme aristocratique ne manifeste pas déjà le signe de la décadence, un long processus de décomposition qui devient explicite avec l'avènement des élites démocratiques et l'implosion lente et nauséabonde du système.
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