Elite

L'élitisme est peut-être obscur en période d'expansion de l'ordre. Mais l'élitisme s'explique fort bien en période de déclin. L'idée de l'inégalité des hommes sert l'humanité tant que l'on pose que l'élite sert le système et que le rôle de l'élite est plus de se sacrifier pour l'ordre que d'exploiter le reste de l'ordre. En gros, le rôle de l'élite est alors de lutter pour le maintien de l'ordre et pour la domination et l'intégration des autres ordres. Voilà qui explique la conception ancienne selon laquelle l'appartenance à une élite signifie avant tout le sens du sacrifice. L'élitisme signale le déplacement de la conception de l'élite. Désormais, le déclin du système se manifeste par l'apparition d'une élite qui considère que sa supériorité signifie non qu'elle est en mesure d'accomplir au service de l'ordre ce que la majorité ne peut pas, mais qu'elle a pour fin de dominer les composants inférieurs de l'ordre. Dans un ordre exclusiviste, le rôle atavique de l'élite est caduc. Le seul rôle qui saute aux yeux est de dominer, d'autant que cette tâche est rendue aisée par l'individualisme et le formatage professionnel. Tout dépend en fait du formatage qui encourage cet élitisme et qui décourage les tentatives de lutter contre l'égalitarisme. Car le seul argument sensé à opposer aux élitistes, surtout quand ils se déclarent bien-intentionnés, c'est : le système est-il seul au monde?