Libre-échangisme

Quand l'ordre décline, il secrète la dépolitisation, il la revendique et la vit comme une amélioration capitale. Pourquoi milite-t-on au niveau du système pour la dépolitisation et son replacement par l'éloge de l'échange? Car la politisation de l'ordre va de pair avec la reconnaissance de l'État et de toutes les institutions, c'est-à-dire que l'institution suppose que le néant soit reconnu et que les autres ordres soient affrontés (pour être intégrés). Il serait temps que l'on s'attache à la naissance de tout ordre au travers de toute institution. Toute naissance institutionnelle a besoin de la reconnaissance du néant par le truchement de la reconnaissance du divin, qu'il soit d'essence polythéiste ou monothéiste. L'institutionnel sait trop bien que sa pérennité suppose qu'il soit reconnu et adoubé par l'absolu. Sans l'intégration de l'absolu (qu'il soit néant ou Etre), non seulement la pérennité de l'institution est caduque, mais le symptôme passe par la négation de l'institution, au nom du fait qu'elle est liée de manière péjorative à l'absolu, et son remplacement par l'échange. Quand l'économique remplace le politique, ce n'est certainement pas un progrès, car la disparition du politique signifie la disparition macabre de l'ordre. Mais la promotion de l'échange comme amélioration un brin niaise de l'ancienne forme politique s'explique aisément par le fait que l'apologie de l'échange et de l'économique permet de biffer habilement l'absolu et le problème de la constitution de l'État (en fait de toute institution). Quand l'ordre n'est plus capable d'affronter la question épineuse et décisive de l'absolu, il se réfugie alors dans une doctrine commode et médiocre qui consiste à décréter qu'il est impérieux de ne pas s'embarrasser avec des problèmes oiseux. Lesdits problèmes oiseux sont en fait les vrais problèmes et leur occultation mène à la ruine du système. La doctrine de l'échange mène à la ruine parce que l'échange évacue et n'affronte pas la question du néant (ou de l'absolu) et des autres ordres. La doctrine de l'échange se manifeste en période de déclin. Pour une raison compréhensible : pour que l'échange n'apparaisse pas comme une bluette absurde, il faut que l'on se trouve dans un ordre en décomposition qui se croit seul et universel.