dimanche 26 février 2012

Le bloggeur et le correcteur


Un petit billet, rare en ce moment, car je suis en relecture et j'ai du travail : tous mes blogs à relire, du triage, des découpages, des corrections, des changements... Mais il fallait bien donner au sens philosophique une viabilité plus grande et qui prendra du temps. Justement cette intervention part du constat selon lequel quand on ne fait pas une action, on change, mais on fait quelque chose d'autre, on ne fait jamais rien. En ce moment, je n'écris plus sur mes blogs, ce qui était mon initiative régulière depuis plusieurs années, mais je relis et corrige. A la limite, je pourrais ne plus rien écrire, mais alors ce n'est pas que je ne ferais rien, mais que je ferais autre chose. L'autre est plus ou moins éloigné de l'activité précédente, mais il est toujours quelque chose, jamais rien. Autant dire que l'être ne peut produire de non-être. Le fainéant ne fait pas rien, mais autre chose. 
Au pire, ce qu'il fait ne le passionne guère et il fait peu de ce qu'il entreprend, mais il continue à faire quelque chose. On comprend la définition du rien par l'autre chez Platon : non seulement le non-être se trouve ainsi intégré à l'Etre, mais Platon avait pressenti la critique que l'on peut intenter au non-être : d'être une mauvaise définition de l'autre, soit de ce qui est mal identifié. Le problème de l'autre dans l'Etre, qui justifie la persistance du non-être comme opposé à l'être, notamment dans la métaphysique du faux en lieu et place de l'autre, c'est la non définition de l'Etre, soit du quelque chose.
L'autre se trouve défini clairement comme le changement, mais le même demeure indéfini et de de ce fait mal défini. C'est le problème que pose le nihilisme en émettant son inadéquat non-être. Effectivement, le non-être ne signifie rien que la négation de ce qui est, soit l'absence de positivité. A y bien réfléchir, il faut que quelque chose soit, et quelque chose ne peut pas ne pas être. Si je fais quelque chose d'autre, certes je fais toujours quelque chose, mais comment expliquer que je puisse faire quelque chose qui soit différent de ce que je faisais et qui était - quelque chose?
La mauvaise définition de l'Etre contamine l'autre au sens où l'autre est de l'être. Comment expliquer le quelque chose qui change? Le monisme ontologique de Parménide s'explique parce que Parménide est allé au bout de la configuration de l'Etre, en décidant que seul ce qui est est, ce qui signifie que l'être est ce qui est seulement tel (qui se présente directement et franchement). Parménide est obligé pour définir l'Etre de recourir à l'immédiat, mais dans un sens inverse de l'apparence selon les sophistes : alors que les sophistes l'identifient comme ce qui apparaît et disparaît, les ontologues posent que l'Etre est ce qui apparaît et demeure à jamais.
Mais cette définition est fragile en ce que la critique ne manque pas d'objecter que ce qui est n'est pas seulement ce qui se montre et qui dure, mais aussi ce qui n'est pas remarqué de prime abord et qui pour autant ne s'en révèle pas moins vrai. Le changement en général ne s'en trouve pas expliqué; et plus évocateur pour des savants, la découverte théorique implique que le nouveau soit ce qui n'est pas considéré et qui se révèle supérieur. Le caractère hétérogène du réel apparaît ainsi et recoupe l'intuition du nihilisme selon lequel il y a opposition en antagonisme entre deux principes au sein du réel.
Le non-être résulte d'une mauvaise manière de poser le problème, car sa négativité signe son incompréhension viscérale. L'hétérogénéité ne signifie pas que le réel soit coupé, mais que ce qu'on nomme l'infini ne soit pas composé de la même texture que ce qu'on nomme le fini. Pourtant, il y a lien entre eux. Il y a unité, au sens où le réel est un et que son hétérogénéité va de pair avec son unité. L'inverse de l'hétérogène, c'est l'homogène :  l'unité est compatible avec l'hétérogène. L'hétérogène n'est pas l'antagonisme.
C'est plutôt l'explication au changement (dont la découverte) : l'être a besoin de transformer l'infini pour continuer à être et assurer sa pérennité. L'unité entre l'hétérogène du faire et l'homogène du malléable contredit le nihilisme, qui prend l'être pour le seul quelque chose, homogène, et lui oppose le non-être, déformation de l'hétérogène; mais aussi l'ontologie, qui confond l'homogène de l'être avec l'Etre dans un prolongement abusif et hallucinatoire. L'avantage de l'ontologie, c'est qu'elle réfute le non-être et qu'elle perçoit le réel comme un et seulement constitué de quelque chose.
C'est à partir de cette position qu'il convient d'envisager le changement, pas sous l'angle de l'antagonisme. Quelle est l'unité qui est hétérogénéité? C'est la croissance qui correspond en physique à la force. La compatibilité entre ce qui est et ce qui fait se mesure à la technique utilisée pour perdurer : utiliser la croissance pour rendre compatible ce qui fait, mais n'est pas, et ce qui est, mais s'épuise. L'existence est le subtil accord entre ce qui est et ce qui fait. Le changement prouve l'hétérogénéité et la croissance : si ce qui est se contentait d'être sur le même mode en empruntant de manière linéaire de quoi perdurer, le changement n'existerait que sous la forme régulière, prévisible : un changement délimité et défini.
Le caractère imprévisible et infini du changement indique au contraire que le changement se produit par rapport à l'intervention dans l'être d'un élément de réel hétérogène et différent, qui est infini et qui correspond au malléable. La croissance est l'élément théorique qui définit l'unité, soit le fait que l'être et le faire se complètent l'un par rapport à l'autre et que la croissance est le schéma qui explique la possibilité de perdurer du réel dans l'être. La croissance est le produit qui précède l'unité, car l'unité signifie la résolution de la contradiction originelle.
L'unité est l'association du faire et de son complément l'être, mais l'origine est l'incomplétude du faire. Dieu n'est pas le tout-puissant acteur qui détient la complétude et sait à l'avance ce qu'il va faire pour continuer l'Etre; pas davantage que l'on ne pose la question de la compatibilité entre la liberté et la complétude : si Dieu est complet, alors les créatures suivent la nécessité. Si les créatures sont libres, alors Dieu n'est pas complet. On voit mal comment Dieu aurait besoin de continuer à créer de l'être sensible et imparfait s'il est lui-même parfait.
Le seul moyen de comprendre la complétude de l'Etre compatible avec l'incomplétude de l'être consiste à opter pour l'irrationnel, l'idée selon laquelle la raison humaine ne peut comprendre depuis un entendement fini le problème de l'infini. Dieu peut être complet et incomplet à la fois, le complet englobant l'incomplet et pouvant tout à fait s'additionner à la liberté. L'être est la résolution du faire, tout comme l'ordre est la résolution de la contradiction. L'Etre est la dénomination mal comprise du faire, qui engendre bien des contresens, du fait qu'il décide de prolonger l'être et de créer l'englobant Etre. On comprend certaines erreurs d'interprétation, qui recoupent les erreurs liées au nihilisme et à la mauvaise compréhension contenue dans le non-être. Encore une correspondance fâcheuse qui explique le besoin de nihilisme dans le transcendantalisme, spécifiquement avec l'histoire de la métaphysique moderne.