jeudi 31 juillet 2008

Le rejet

Je crois que la catégorie qui permet le mieux de comprendre notre monde infesté et métastasé par le 911 est le rejet. En particulier, la catégorie du rejet est pertinente et appropriée parce qu'elle offre la clé qui déchiffre le tabou du monde sans sombrer dans l'anathème et la transgression. On sait que notre monde est fondé sur le tabou de l'antisémitisme. On nous rabâche que cet interdit viendrait de la Shoah, de sa singularité et de son horreur.
Tout à fait d'accord pour commémorer la Shoah et faire en sorte que de pareils évènements ne se reproduisent plus, mais :
1) les Tziganes et autres homosexuels doivent alors subir la même reconnaissance de principe, ce qui est loin d'être le cas;
2) le refus de l'antisémitisme ne signifie en aucun cas l'interdiction de porter une critique sur les Juifs ou les Israéliens.
L'antisémitisme consiste précisément à essentialiser la critique, soit à racialiser la critique en l'universalisant au peuple juif dans son ensemble et à prêter à ce peuple si particulier une caractéristique amalgamante et fortement péjorative.
Maintenant, si les Juifs sont des hommes comme les autres, ce que je crois fermement, alors ils sont critiquables comme les autres. On peut critiquer les Pakistanais ou les Saoudiens - $dans le 911 - ou dans d'autres affaires? Très bien, très juste, très salutaire! Eh bien, on critiquera alors s'il y a lieu aussi les Israéliens, ou les Juifs d'Amérique - ou d'ailleurs. Le seul critère demeure le critère de la vérité : apporter des arguments étayés et non relayer des dogmes indiscutables.
Justement, le fait de refuser la critique au nom de l'antisémitisme ressortit du dogme indiscutable et du refus manifeste de la critique. Toute critique contre des Juifs, quels qu'ils soient, aussi divers soient-ils, reviendrait à prononcer la sentence de l'antisémitisme? Très bien, dans ce cas, au lieu de perdre son temps à relever le fanatisme inscrit dans cette pensée, il suffit d'opposer précisément à l'antisémitisme, à son processus inacceptable d'amalgame, la catégorie du rejet comme explication et clé de voûte de l'histoire de notre monde immanentiste.
Après tout, de nombreux historiens et sociologues se fondent sur des documents précis pour affirmer que les Juifs ont joué un rôle historique qui les a conduits à assumer des charges dans le commerce, la finance et la banque. Ce fait étayé n'est nullement antisémite. Il est capital pour comprendre les dérives de l'immanentisme. Loin de découler d'un caractère racial et raciste, le goût de l'argent ou du pouvoir par exemple, cette particularité irréfutable de notre temps, s'explique facilement par le rejet qui poussa de nombreux Juifs vers les activités réprouvées par les chrétiens et les musulmans comme des pratiques dégradantes de l'usure.
Le rejet. C'est le rejet qui a mené à l'immanentisme. Et loin de cautionner des explications racistes, je demande qu'on examine la teneur du racisme spécifiquement antisémite, même si par ailleurs ce terme est chargé d'un brouillard et d'un brouillage patents. L'image antisémite du Juif usurier et du Complot mondial juif est certes fausse; mais elle s'explique par l'essentialisation qui est faite d'une pratique dont l'explication historique, sociologique et anthropologique suffit très bien.
Le rejet. Et que l'on s'attache à une constante par ailleurs de plus en plus caricaturale et incompréhensible de nos jours à force d'être criante de vérité : l'association des protestants et des Juifs, je veux dire des courants les plus fondamentalistes du protestantisme et du judaïsme pour dominer le monde par l'intermédiaire du pouvoir suprême de la banque et de la finance.
Comment se fait-il que le protestantisme et le judaïsme se retrouvent dans cette association inexplicable? Comment se fait-il que des chrétiens aient consenti à une alliance avec le peuple déicide? A ces questions bizarres, on ne peut répondre décemment : ces questions ne sont pas envisageables ni exprimables parce qu'elles déboucheraient sur l'antisémitisme. A force de mentir et d'user de manière perverse de l'antisémitisme comme d'un bouclier anticritique, on va finir par servir l'antisémitisme réel et il ne faudra pas s'étonner si de nouveaux et effroyables lynchages de type antisémite sont organisés contre des populations innocentes : ces réactions de haine, de colère et de vengeance auront été attisées par une rhétorique du déni et du mensonge caractérisés.
Le rejet est l'explication limpide qui permet de comprendre l'alliance invraisemblable entre des juifs et des protestants : par le rejet, précisément. Les protestants, singulièrement les calvinistes, singulièrement les hérésies chrétiennes sionistes, présentent une démarche frappante. On connaît l'essai du sociologue Weber sur le protestantisme et le capitalisme et son explication de nature éthique et théologique. Mais je crois bien que le rejet explique plus de choses que l'éthique.
Comment se fait-il qu'à chaque fois que l'on étudie les secteurs d'influence véritable de l'immanentisme, on tombe sur le fondamentalisme et sur sa mutation en immanentisme? Parce que l'immanentisme est une religion, un fanatisme et qu'il se marie fort bien avec le fondamentalisme. Mais pourquoi cette mutation se produit-elle?
Comment expliquer que le protestantisme produise dans ces manifestations fondamentalistes l'immanentisme, ainsi que dans le monde anglo-saxon, et que ce christianisme si particulier s'allie avec le monothéisme le plus proche de lui, le judaïsme lui aussi fondamentaliste et lui aussi tourné vers le capitalisme? Comment se fait-il que l'essai que Weber consacre au protestantisme et à l'éthique capitaliste aurait pu tout aussi bien porter sur le judaïsme et l'éthique capitaliste?
On notera que le libéralisme et le capitalisme sont des doctrines et des idées qui sortent du monde anglo-saxon et qu'elles sont immédiatement appliquées par les protestants et les Juifs en priorité. Pas seulement, certes, car Weber s'est montré trop radical sans doute avec les catholiques, qui peuvent tout aussi bien finalement incliner vers le commerce.
Encore que le commerce soit une spécialité historique des Anglo-saxons et des Juifs. Mais c'est le rejet qui précisément définit et caractérise le mieux l'histoire des communautés juives et des communautés protestantes, dont on remarquera que le point commun réside dans le destin religieux de rejetés.
Autrement dit, l'inclination vers le capitalisme s'explique de manière religieuse par le rejet. Qu'est-ce que le rejet? C'est en gros le rejet absolu qui frappe ceux qui n'ont pas de terre ni de patrie. C'est bien entendu le cas pour les communautés juives et c'est même l'explication officielle qui est justement apportée à leur prépondérance pour le commerce et l'usure. Mais c'est aussi le cas pour les protestants, de manière peut-être moins prononcée, car les protestants persécutés par les catholiques ont une patrie dans certains cas, comme en Angleterre, avec l'hérésie anglicane, mais comme aussi dans l'Empire germanique (pour faire large).
C'est oublier que de nombreux protestants deviennent du fait de leur foi hérétique des apatrides et que l'immigration américaine présentera comme caractéristiques premières d'associer dans un premier temps beaucoup de Juifs et beaucoup de protestants. On sait que l'immigration vers l'Amérique présente de nombreuses similitudes avec l'émigration israélienne, sujet à aborder par la suite, mais il importe pour le moment de noter que c'est le rejet qui fonde les États-Unis et que c'est le même rejet qui sera l'explication à la création d'Israël.
Avec une surenchère notable : le rejet vers l'Amérique est un ton en dessous de l'explication officielle (et apportée a posteriori) de la création d'Israël par la Shoah. Il reste à comprendre l'association du rejet et de l'immanentisme. En un mot, ce serait quelque chose comme le rejet du réel et l'alternative de l'Hyperréel apportée par la religion de l'immanentisme. Tout un programme; tout un cauchemar.

lundi 28 juillet 2008

Le Chef de Gestion des situations d’urgence du WTC 7 était spécialiste en effondrement d’immeuble

Importante information concernant le talon d'Achille de la version officielle autour des attentats du WTC, j'ai nommé le Number Seven, effondré comme chacun sait des suites de ses incendies en quelques heures (!).

http://news.reopen911.info/

"par Paul Joseph Watson pour Prison Planet, le 10 juillet 2008

Jerome Hauer, l’ancien Chef de Gestion des situations d’urgence de la ville de New York, dont le bureau se trouvait au 23ème étage du WTC 7, était également spécialiste en effondrement d’immeuble, selon un article du New York Times récemment découvert. Hauer a attiré la suspicion du Mouvement pour la Vérité sur le 11/9 en raison de son zèle à promouvoir l’histoire officielle dans les heures qui ont suivi l’attaque, alors qu’elle était encore entourée de mystère.

Hauer était également directeur général de Kroll Associates - l’entreprise qui avait en charge la sécurité du complexe du World Trade Center le 11/9 - et il a trahi une connaissance anticipée des attaques à l’anthrax une semaine avant qu’elles ne surviennent.

Dans un article du New York Times du 27 juillet 1999 exhumé par 9/11 Blogger et intitulé Qu’est-ce qui pourrait mal tourner ? C’est son boulot de le savoir, le journaliste Randy Kennedy livre une brillante étude sur Hauer.

"Il y a une histoire qu’il raconte où cette fascination est vraiment palpable… mais l’on peut difficilement rater une autre illustration, un peu plus métaphorique, quand on entre dans son bureau au 23ème étage du World Trade Center 7, connu aussi sous le nom de Bunker, le centre d’aide d’urgence de 13 millions de dollars à l’épreuve des balles, des ouragans et des pannes de courant inauguré par la ville le mois dernier."

L’article décrit le bâtiment 7 tel qu’il était, un objet à structure renforcée, inébranlable, construit dans le seul but de rester fermement debout dans une situation de crise, et non pas la boîte en carton-pâte soi-disant devenue le premier immeuble en acier de l’histoire à s’effondrer suite aux seuls dégâts des incendies, selon des démystificateurs (le terme original debunkers est également utilisé, NDT) tels que la BBC, History Channel, Popular Mechanics, et d’autres.

De fait, comme l’indiquait en 1999 Larry Silverstein, cité par le New York Times, les concepteurs du WTC 7 "ont intégré suffisamment de redondance pour permettre d’enlever des portions entières de planchers sans affecter l’intégrité structurelle du bâtiment", une construction solide qui fut de nouveau rénovée cette année "avec plus de 375 tonnes d’acier qui ont nécessité 19 kilomètres de soudures".

L’article décrit ainsi le rôle de Hauer : "En tant que Chef de Gestion des situations d’urgence, Mr Hauer supervise la réponse apportée aux effondrements de bâtiments, dont il n’a pas été privé ces trois dernières années".

Jerome Hauer photographié en 1996 avec Rudy Giuliani.

Pendant la plus grande partie de sa vie professionnelle, la tâche de Jerome Hauer a été d’en connaître un rayon sur le fonctionnement des choses de telle façon que lorsqu’elles ne fonctionnent plus - quand elles s’effondrent, quand on les fait tomber ou exploser, quand elles gèlent, ou éclatent, ou grillent - il sache quoi faire. Comme tous les accros des situations d’urgence, il reste assis à imaginer d’atroces manières qu’ont les choses d’être détruites et les gens de mourir, puis il espère que tous ses projets resteront sur l’étagère.

C’est pourquoi il est intéressant que Hauer ait eu son bureau installé au milieu d’un immeuble de 47 étages qui, le 11/9 en fin d’après-midi, s’effondra sur ses propres fondations en 7 secondes, alors qu’il n’avait été touché que par quelques débris et n’avait souffert que d’incendies mineurs.

L’article met l’accent sur les situations d’urgence qu’il énumèrerait dans son C.V. d’expert en "crash d’hélicoptère, en incendie dans le métro, en rupture de conduite d’eau, en tempête de neige, en canicule, en panne de courant, en effondrement d’immeuble, en effondrement d’immeuble, en effondrement d’immeuble."

Juste après les attentats, Hauer est apparu sur CBS avec Dan Rather, et il s’est mis aussitôt à fabriquer une explication péremptoire des événements et à broder une histoire qui est bientôt devenue l’histoire officielle.

Voir le clip.


La solution du 11 Septembre
envoyé par ReOpen911

Il est suspect que Hauer se soit empressé d’insister sur le fait que les immeubles n’avaient pas été détruits par des explosifs mais par les avions qui les avaient frappés, bien que cela fût en totale contradiction avec ce que les architectes et concepteurs principaux du WTC avaient conclu durant leurs études préalables sur l’impact d’avions dans les tours.

Quand le scenario commença à se développer, Hauer pointa aussi directement le doigt vers ben Laden.

Hauer déclara à Rather : "Mon sentiment, c’est que la seule vitesse de l’avion, et le fait que vous ayez un avion plein de carburant qui heurte le bâtiment qui a ensuite brûlé, c’est que la vitesse de l’avion a certainement eu un effet sur la structure elle-même. Ensuite, le fait qu’il ait brûlé et que vous ayez cette chaleur intense, ça a sans doute aussi affaibli la structure. Et je pense que, tout simplement, les avions ont frappé les immeubles et ont provoqué l’effondrement".

Rather demanda aussi à Hauer si les attentats avaient pu être réalisés sans être commandités par un État. Hauer répondit : "Je ne suis pas sûr d’être de cet avis, que cela a été forcément commandité par un État. Cela… porte incontestablement la marque de quelqu’un comme ben Laden".

Hauer était étonnamment "précis" dans sa connaissance anticipée de la manière avec laquelle l’histoire officielle semblerait plus tard confirmer la totalité de ses présomptions initiales en dépit du chaos environnant dans les heures qui ont suivi les attentats.

Le 11/9, Hauer était directeur général de Kroll Associates, une société de sécurité intimement mêlée au complexe militaro-industriel qui, par coïncidence, avait en charge la sécurité de tout le complexe du World Trade Center en ce jour fatidique.

De plus, ce serait Hauer qui aurait conseillé la Maison Blanche de prendre du Cipro, un antibiotique efficace contre l’anthrax, le jour du 11/9, et ce, une semaine avant que l’on ne reçoive la première lettre (empoisonnée ) à l’anthrax.

Deux mois après le 11/9, Hauer fit partie du jury du CFR (Conseil sur les Relations Etrangères) qui communiqua un document intitulé Groupe de Travail Indépendant sur la Réponse de l’Amérique au Terrorisme, lequel exigeait notamment que les explications alternatives du 11/9 soient neutralisées.

Le fait que Hauer ait fourni une récapitulation presque précise et instantanée des causes de l’effondrement des immeubles, fait sans précédent dans l’histoire, ajouté à son "expertise" dans le domaine des caractéristiques des démolitions contrôlées, sans compter sa connaissance anticipée des attaques à l’anthrax et sa position chez Kroll Associates, continuent à attirer légitimement l’attention parmi les chercheurs du mouvement pour la vérité sur le 11/9.

Traduit par Stéphane Barthe pour ReOpenNews"

RemplaçantE

En passant, il est toujours intéressant de comprendre qui nous gouverne... Si cette information est juste, on en serait presque à regretter le remplacement de l'intègre Olmert par son honnête alternative...

http://www.alterinfo.net/Tzipi-Livni-la-vie-anterieure-secrete-de-chasseresse-de-Resistants-d-une-nana-promise-a-diriger-l-entite-sioniste_a22217.html


"La favorite au poste de Premier ministre entitesque, Tzipi Livni, était une taupe planquée à Paris du Mossad, le service de renseignement international de l'entité, au début des années 1980, c'est-à-dire à l'époque où cette officine mena à mal une série de missions visant à assassiner des Résistants palestiniens [eng. « terrorists »] dans diverses capitales européennes, d'après d'anciens tueurs-collègues

Par Uzi Mahnaimi
Article paru dans The Sunday Times du 1er juin 2008

 Tzipi Livni : la vie antérieure secrète de chasseresse de Résistants d'une nana promise à diriger l'entité sioniste
Ceux-ci révèlent que la Livni, qui est aujourd’hui ministre de l’Administration planétaire de l’entité [eng. Foreign affairs], était en service actif lorsque le Martyr Mamoun Meraish, un haut responsable de l’Organisation de Libération de la Palestine, fut exécuté par un commando de choc du Mossad à Athènes, le 21 août 1983. Elle n’était pas directement impliquée dans la tuerie, laquelle se déroula ainsi : deux jeunes Robo-cops [eng. men] entitesques, à moto, roulèrent à la hauteur de la voiture où se trouvait Meraish et ouvrirent le feu. Mais le rôle joué par la Livni au Mossad demeure un secret [de Polichinelle, ndt].

Peu après, la Livni rendit son tablier de taupe, et elle retourna en entité afin d’y terminer ses études de droit [on ne rit pas… ndt], en invoquant le « stress professionnel ».

Un quart de siècle plus tard, la Livni (49 ans), a de fortes chances de devenir Premier ministre, dans le contexte d’accusations portées contre Ehud Olmert, qui dirige Israël depuis deux ans et demi, d’avoir accepté des pots-de-vin d’un homme d’affaires américain.

Un sondage d’opinion réalisé vendredi dernier a montré que la Livni bénéficiait de deux fois plus de soutien à l’intérieur du parti Kadima au pouvoir que Shaul Mofaz, un ancien ministre de la Défonce, qui est à la fois son chef et son rival. Les commentateurs politiques sont d’avis qu’Olmert ne tardera sans doute pas à rendre son tablier.

La Livni s’est enrôlée au Maussade après la fin de son service militaire, au grade de lieutenante, et après avoir effectué une première année d’études de droit à la faculté. A partir de son terrier parisien, elle a voyagé dans l’ensemble de l’Europe, à la poursuite de Résistants arabes [eng. Arab terrorists].

« Tzipi n’était pas le genre de nana à se morfondre dans un bureau », dit une connaissance. « C’était une femme intelligente, avec un QI à 150. Elle se fondait merveilleusement dans les capitales européennes, travaillant avec des agents mâles, pour la plupart d’ex-membres des commandos, éliminant un à un des terroristes arabes. »

La Livni n’a jamais évoqué ses années au Mossad, mais un aperçu de la nature de ses basses œuvres a été fourni par sa principale associée dans ses missions en Europe. « Les risques étaient palpables », a ainsi raconté Mira Gal, qui devint par la suite chef de cabinet du ministère [entitesque des Affaires mondiales, ndt] dirigé par elle. « Si j’avais commis la moindre erreur, la conséquence aurait pu être une arrestation et des implications politiques catastrophiques pour Israël ».

La Livni, mariée et mère de deux enfants, a bénéficié d’une ascension météoritique dans la vie politique entitesque, depuis son élection en tant que membre de la Knesset [le parlement entitesque, ndt], en 1999.

Sa carrière a été nouée dans le contexte de la création violente de l’entité. Ses deux parents furent arrêtés pour crimes terroristes dans les années 1940. Sa mère, Sarah, disparue récemment à l’âge de 85 ans, était une cheftaine de l’Irgoun, le commando activiste extrémiste sioniste qui sévissait en Palestine à l’époque du mandat britannique, et dont les exploits comportèrent notamment des pillages de trains.

« J’étais déguisée en femme enceinte, et j’ai pillé un train qui transportait 35 000 £ anglaises », a-t-elle dit dans une interview, peu avant sa mort. « Ensuite, nous avons fait sauter un autre train, sur la ligne Jérusalem-Tel el-Rabî’ [eng. Tel Aviv]… »

Le géniteur de la Livni, Eitan, fut condamné à 15 années d’emprisonnement pour avoir attaqué une base militaire britannique. Il avait réussi à s’échapper.

La Livni, qui, à la différence de ses parents, prône un « Etat palestinien » [on ne rit pas…, ndt] ne serait sans doute pas aussi chochotte si elle accédait au poste de Première ministre.

« Alors que Tzipi est résolue à refiler la Cisjordanie aux Palestiniens, c’est une fauconne, dès lors qu’il est question de la Syrie et de l’Iran », a dit un commentateur politique en vue. « Elle est contre tout retrait du Golan, et une fois Première ministre, elle n’aura qu’une hâte : bombarder les installations nucléaires de l’Iran… »

Source : The Sunday Times
Traduction : Marcel Charbonnier [avec de légères modifications]"

samedi 26 juillet 2008

Surajout de confusion

Les concessions que les soi-disant contestataires du système adressent aux partisans du système sont le plus souvent des propos clairement localisables à l’intérieur du système. C’est ainsi que nos grands contestataires faisandés, à moins qu’ils n’expriment de fausses différences parce qu’ils sont de faux adversaires, valident les pires billevesées de leurs adversaires farouches pour mieux s’en prendre aux fariboles superficielles et secondaires. Avec de pareils contestataires, le système dominant n’a aucun souci à se faire !

On commence par entériner le dogme de l’antisémitisme, sans veiller à ce que le refus de l’antisémitisme ne cache pas des intentions nettement moins avouables que la lutte saine contre le racisme. Dans cette perspective, il est ahurissant que personne ne s’émeuve du choix du terme antisémite pour qualifier le racisme spécifique à l’encontre des Juifs.

Nulle intention de dénoncer la spécificité du racisme dont sont victimes les Juifs, surtout après la Shoah, mais de comprendre ce que cache cette volonté exacerbée d’exception quasi intouchable. On en serait presque à se demander si la dénonciation de l’antisémitisme ne servirait pas à entériner une quête moins admissible, celle du refus de la critique.

Touché ! L’examen le plus expéditif du terme antisémite révèle un amalgame stupéfiant entre les Sémites et les Juifs. Selon cette grille de lecture, les Juifs seraient les seuls Sémites. Ce raccourci sémantique exprime la réduction ontologique que l’on entretient autour de ce sujet épineux.

Coulé ! N’oublions pas que les Sémites comprennent notamment la sous-catégorie des Arabes, qui sont les ennemis intimes des Juifs depuis un demi-siècle et qui sont les cibles de la guerre contre le terrorisme. Cette soif d’occulter les autres Sémites pour s’approprier l’ensemble de l’appellation démontre que l’intention souterraine tapie sous l’antisémitisme consiste à détruire le réel qui dérange. Pourquoi cette gêne insistante à faire disparaître le réel sous ses propres attentes fantasmatiques ?

On s’approprie l’ensemble d’un donné quand on veut dépasser le statut de la partie. Est-ce la démesure ? Est-ce le mensonge que recèle cette confusion tapie sous le terme d’antisémitisme ? En tout cas, il faut croire que le coup de force n’est pas seulement suffisant car l’on assiste depuis au moins dix ans à un redoublement de la confusion sémantique originelle.

Sans doute les mentalités se satisfaisaient-elles de l’antisémitisme comme d’un racisme spécifique certes, mais un racisme tout de même. Raison pour laquelle les plus zélés des combattants de l’antisémitisme se sont commués en antiantisémites professionnels, un peu comme l’on trouve des antiracistes bien connus pour tenir des discours du même acabit.

Le nouvel antisémitisme est une appellation brevetée, qui redouble la confusion originelle. Désormais, l’antisémitisme intransigeant est d’autant plus confus qu’il s’attache de surcroît à tenir compte de la création d’Israël, soit à cautionner le sionisme comme direction bien particulière et très orientée à l’intérieur de la religion juive.

L’antisémitisme classique dénotait la confusion déjà exacerbée ? Le nouvel antisémitisme croîtra un cran au-dessus au point de rendre impossible la moindre critique contre le sionisme.

Le coup est admirable ! De l’art de faire sauter les barrières et de rendre inattaquable les éléments pourtant les plus enclins à l’exercice de la critique… Soustraire à la condamnation et au racisme les éléments les plus critiquables, le procédé est éloquent : il s’agit d’établir comme fondamental et normatif le friable et le contestable à l’intérieur d’un donné. Il s’agit de déplacer les lignes et de réduire l’esprit critique aux attentes d’une certaine représentation.

Qu’est-ce que le nouvel antisémitisme, sinon une confusion supplémentaire et parfaitement scandaleuse ajoutée à une confusion initiale ? Qu’est-ce que le fait de développer du sens sur le terreau de la confusion ? Le meilleur moyen d’admettre le mensonge. Le nouvel antisémitisme traduit l’apologie du mensonge dont se pare le système poussif et tardif en déclin.

Se rendre compte que l’on est incapable de définir ce qu’est un Juif à l’aune de l’antisémitisme conduit à s’interroger sur la définition que recoupe en fait le nouvel antisémitisme : c’est le désir de cautionner le sionisme – et Israël. C’est l’évidence même : l’antisémitisme tend à faire du Juif une identité indiscutable ; le nouvel antisémitisme va jusqu’à faire du sioniste et de l’Israélien une identité d’autant plus irréfutable qu’elle se trouve assimilée au Juif en tant que victime. Justifier à partir de l’amalgame et de la confusion…

Reste un dernier point à noter : contrairement à ce que serine une certaine propagande partiale et orientée, dénoncer ces confusions surajoutées ne signifie nullement qu’on soit contre les Juifs, contre les sionistes, contre les Israéliens. Au contraire, il appert que l’effort de vérité sert en premier lieu ceux qui sont asservis et avilis par l’effort de confusion. Où l’on voit que la propagande contre le nouvel antisémitisme, surenchère de la propagande antiantisémite, est l’ennemi premier de ceux qu’elle prétend défendre.

Siné die : de qui BHL est-il le bon ?

Un homme dont "l'ego détruit l’intelligence."
Marianne Pearl.

Il y aurait beaucoup à dire sur les nouveaux antiantisémites. Je ne réclame nullement l’exhaustivité du propos sur un sujet en mutation. Si ce n’est pas parce qu’on est Juif qu’on est mauvais, ce n’est pas parce qu’on est Juif qu’on est bon. Par voie de conséquence, l'on peut être Juif et se montrer extrémiste, partisan, de mauvaise foi, hypocrite, au service d’intérêts contraires à ceux qu’on prétend défendre, destructeur et prédateur des causes et des arguments les plus nobles.

Dans son édition du mardi 2 juillet 2008, Le Monde donne la parole à son intellectuel de référence, j’ai nommé l’ami intime de Massoud, le combattant de la liberté toujours bronzé et en chemise : le millionnaire et feulosophe BHL. À chaque fois que BHL s’engage dans un combat, c’est le signe que ce combat est faussé.

L’hommage à Badiou que rend BHL dans son titre parodique est celui d’un faiseur de slogans qui reprend les vieux tics de la publicité avec un manque d’inventivité flagrant. BHL utilise des grosses ficelles éculées. Dès le titre, on sait qu’il en veut à l’extrême-gauche accusée parfois de collusions antisémites et de radicalisme anti-système coupable. On connaît la rengaine. L’hommage de BHL à Badiou équivaut à celui du vice à la vertu : soit d’un médiocre en direction d’un mineur, qu’il ne peut au fond qu’admirer, car mieux vaut un radical systématique à un propagandiste caricatural.

BHL s’y est toujours entendu pour défendre la veuve et l’orphelin à condition que les règles du combat soient claires : se tenir toujours du côté du plus fort. Avec BHL, les valeurs sont assez simples. Ce n’est pas le kalokagatos antique, c’est plutôt l’équivalence réductrice fort = bon. Du coup, ce sont les valeurs atlantistes et occidentalistes que BHL défend, avec une prestance et un empressement qui ne cessent de stupéfier son monde.

Il serait temps de démasquer les positions très prévisibles de BHL. Chacun sait au fond que ce philosophe autoproclamé nouveau est tout au plus un trublion, qui se contente de surfer sur la vague de ses relations médiatiques. Chacun sait que les ouvrages de BHL sont ampoulés, grandiloquents, et surtout que plus personne ne les lit quelques mois après leur parution. La revanche du réel sur les prétentions à fabriquer l’Hyperréel envers et contre tous ? Les atlantistes disposent peut-être d’argent et de moyens techniques inégalés, mais ils n’ont ni pouvoir ni emprise sur le temps.

On avance souvent que BHL manque de consistance. Je crois surtout que BHL est un propagandiste, qui s’est engagé en faveur des intérêts atlantistes et dont les perspectives deviennent plus claires si on les considère à l’aune de leur vraie direction. Au lieu de voir en BHL l’héritier de Sartre, je propose plutôt comme vraie filiation la figure d’Aron. Sait-on qu’Aron travaillait pour l’atlantisme ? Dans ce cas, d’un point de vue qualitatif, BHL serait l’avatar dégénéré d’Aron.

La tribune que BHL signe contre Siné est l’éclatante démonstration de ses vrais engagements. Non en faveur des opprimés, mais au nom d’une ligne néo-conservatrice. Siné se serait fourvoyé dans l’antisémitisme en chargeant Jean Sarkozy, accusé de judéophilie outrancière, voire de judéomanie foncière. Au juste, j’ignore si les propos de Siné sont outrancièrement antisémites ou seulement satiriques, ou si Jean S. mérite ces sarcasmes virulents, mais là n’est pas le débat.

Reprocher l’outrance à un caricaturiste est comique, surtout venant de Val et BHL confondus (dans tous les sens du terme). BHL et la meute des antiantisémites n’auraient pas levé le petit doigt si les propos avaient été dirigés contre un Arabe. C’est le deux poids deux mesures bien connu. La mauvaise foi en action, dans les termes que dénonçait justement Sartre.

Entendre dans la bouche de BHL qu’il combat contre l’Infâme est profondément désopilant. Il serait plutôt au service de l’Infâme, qui se retourne pour mieux se retrouver. Une fois que l’on a compris que BHL est un propagandiste atlantiste, on cerne les méandres les plus inaccessibles de son parcours.

Le combat de BHL s’éclaire (enfin) quand il s’associe au directeur de Charlie Hebdo, le libertaro-ultralibéral Val, dont le prodige consiste à avoir transformé un organe de presse libertaire et anarchiste en machine de guerre au service des valeurs néo-conservatrices. Finalement, la presse roule pour le système et ce n’est pas une surprise si les titres perdent leurs lecteurs à force de suivre l’odeur de l’argent. Aux yeux de ces altruistes, le principal crime réside dans l’antisémitisme. Avec ces humoristes-moralistes, tout est permis – sauf l’antisémitisme.

Ces sbires de la pensée sont les vrais ennemis d’Israël, tant des institutions que du peuple. Il n’est pire ennemi que celui qui se prétend votre ami pour profiter de vos services. La rhétorique actuelle de la lutte contre l’antisémitisme s’appuie sur une tradition d’amalgame, dans laquelle l’antisémitisme n’est plus seulement la lutte contre une forme de racisme.

On a tendance à oublier que le terme antisémitisme est impropre. S’il est certain que le racisme contre les Juifs ressortit d’une forme particulière de racisme, il est tout aussi obvie que le sémitisme ne désigne pas seulement les Juifs. BHL profite de cette confusion sémantique pour tisser sa toile amalgamante et mieux jouer sur les mots.

Si l’on valide par usage le sens courant et pourtant réducteur d’antisémitisme, adresser des reproches à un Juif parce qu’il est Juif est antisémite. Mais adresser des compliments à un Juif parce qu’il est Juif est tout autant antisémite. Pis, l’antisémitisme a glissé de sens, tant et si bien que des experts néo-conservateurs ont donné ses lettres de noblesse explicites au « nouvel antisémitisme ». Je pense à Daniel Pipes. Ce sympathique trublion néo-humaniste n’organise pas des kermesses caritatives pour les gentils enfants de classes primaires en mal d’affection. Il a théorisé rien de moins que le refus de la critique à l’encontre de tout Israélien et de tout sioniste.

Pipes peut se permettre ce genre de création sémantique puisqu’il s’autorise de la confusion originelle de l’antisémitisme. Avec un fondement sémantique clair, jamais Pipes n’aurait pu fabriquer une machine idéologique aussi tarabiscotée. Le nouvel antisémitisme redouble la confusion initiale contenue dans le terme d’antisémitisme.

Grâce à Pipes et à ses semblables, critiquer un Juif devient un acte périlleux, car le nouvel antisémitisme définit toute critique à l’égard du sionisme ou d’Israël comme marque d’antisémitisme. On le voit, il ne s’agit plus seulement de donner des limites saines à la critique. Il s’agit d’empêcher tout bonnement la critique – quand elle vous dérange. Le terme d’antisémitisme est utilisé à cette fin nauséabonde un peu comme la rhétorique de l’antiracisme permettait de rendre raciste toute critique contre un Arabe ou un Noir, quel que soit le contenu de cette critique.

La bêtise de l’antiracisme est démasquée désormais depuis qu’on a sombré dans les excès inverses de la guerre contre le terrorisme, du péril islamiste et compagnie. Mais la compréhension des mécanismes de la bêtise antiantisémite reste à venir. Disons en un mot qu’il s’agit de définir une ligne d’interdits suffisamment forte pour que la critique devienne malaisée et inoffensive. Si l’on respecte les interdits posés par le nouvel antisémitisme, il est impossible d’émettre une critique pertinente contre des Juifs, puisque les vraies critiques en la matière portent sur les (ex) actions de certains sionistes et d’Israël (en tant qu’Etat et institutions).

On notera que BHL était étroitement impliqué dans l’antiracisme des années 80 et que c’est sans surprise que l’on constate son recyclage dans le nouvel antisémitisme. BHL n’a rien inventé : il se contente de reprendre une rhétorique dûment enregistrée et d’y ajouter les atours de la générosité.

Il serait temps que BHL passe pour ce qu'il est : un manipulateur. L’histoire de ses rapports avec Massoud ou avec la veuve du journaliste Pearl donne la mesure de la personnalité de BHL. Que l’on se souvienne que les mots ont un pouvoir. Les idées de BHL sont associées à la guerre contre le terrorisme.

BHL prétend agir au nom du Progrès. Le Progrès – atlante ? Le Progrès version BHL est un postulat aussi alambiqué que spécieux. La croyance dans le Progrès est choquante, comme si le monde allait linéairement vers plus de Raison, comme si le Progrès se révélait aussi indémontrable qu’irréfutable. Il faut vraiment être un grand bourgeois mondialiste et insouciant de ses millions pour prôner ce progrès – sans se rendre compte du sens du vent et de la réalité que subissent la plupart des gens de par le monde, notamment les Irakiens, notamment les Afghans, notamment les Palestiniens.

Il y a comme une collusion tribaliste à se draper dans les oripeaux du nouvel antisémitisme quand on est impliqué dans les intérêts que l’on défend. Le manque de distance de BHL est flagrant. Malgré ses tenues de mode froufrileuses et sa coupe capitonnée, BHL ne fait jamais dans la dentelle.

Pourquoi les atlantistes défendent-ils aussi mordicus les intérêts pro-israéliens ? Cette vraie question, à laquelle je ne répondrai pas ici, permet de poser la question de l’alliance théologique entre les rejetés, grosso modo les protestants et les Juifs. La Nouvelle Alliance atlantiste réunit Juifs et protestants non en tant que tels, mais ceux parmi eux qui cautionnent au moins tacitement le Nouvel Ordre Mondial et les valeurs immanentistes.

Le nouvel antisémitisme ressortit clairement de ces valeurs. Ainsi bannit-il l’esprit critique au nom de la Shoah, alors que la Shoah encourage l’esprit critique. Les partisans du nouvel antisémitisme sont les vrais ennemis de la Shoah. BHL en fait partie sur un mode faussement tolérant des plus pernicieux.

Le refus de la critique signifie la mort de la pensée et l’avènement du totalitarisme. C’est ce que personnifie BHL. BHL se réclame des Lumières de Voltaire. Rien de surprenant à cette filiation, puisque Voltaire est l’ancêtre tutélaire des immanentistes de l’Age d’Or. Simplement, Voltaire se battait au moins contre le pouvoir, quand BHL est de son côté. Ce changement notable de perspective suffit à discréditer le courage militant et l’engagement intellectuel de BHL.

Ce n’est pas tout : dans la logique de BHL, Voltaire était antisémite ! Finalement, si Siné est un authentique disciple de Voltaire, les insultes publiques dont on le couvre dans les rangs du nouvel antisémitisme sont presque un compliment : car mieux vaut être du côté de Voltaire que de BHL. En toute modestie BHL est supérieur à Voltaire, car s’il n’est pas antisémite, BHL est du côté du Bien.

BHL relève des courants tardifs de l’immanentisme. Ce qui caractérise BHL, c’est la tartufferie. Il faut être redoutablement hypocrite pour se prétendre progressiste alors que l’on roule pour des intérêts ultralibéraux. L’hypocrisie immanentiste se redouble chez BHL d’une surenchère d’hypocrisie à l’intérieur des frontières de l’immanentisme.

De qui se moque-t-on ? Qui est BHL pour donner la leçon ? Un demi-dieu ? Quel demi-dieu qu’un pauvre diable ! Dans une époque qui manque totalement de sérieux et d’humour, BHL est cet entarté qui ne supporte pas la contestation. Ce n’est pas du côté des néoconservateurs qu’il possède la moindre chance de trouver l’honnêteté.

En théorie, la vertu est plus facile à dispenser du côté du plus fort. Le discours moral passe mieux accompagné de la force. On retombe sur ses pieds : la connaissance du parcours de BHL incite à l’étonnement. Quoi ? Ce délivreur de brevets de morale supérieure se révèle un manipulateur de haut vol, qui n’a connu que de très loin Massoud ? Est-ce si étonnant que notre Voltaire new version se permette avec le réel les mêmes largesses que dans sa prose en pose ? Quant à sa pensée, serait-elle – en pause ?

Comme c’était prévisible, le moralisateur à tous crins est un immoraliste de cran, qui moralise d’autant plus que la morale est la plus sûre arme pour légitimer des intérêts particuliers. S’arroger le pouvoir d’énoncer ce qu’il ne faut pas faire, c’est encore le meilleur moyen d’assimiler le Bien à ses intérêts. Où l’on voit que le discours des crapules s’autorise toujours de la morale, ainsi que l’enseignent le visionnage d’un film mafieux, mais aussi la lecture du meilleur Rosset.

D’ailleurs, qu'on vérifie par les faits de la prose (ou l’effet de la prose), puisque BHL assure lui-même que ce qui compte vraiment, ce sont les mots. Le soubassement conceptuel sur lequel s’appuie BHL est une caricature. Dès le départ, BHL s’est distingué par son slogan insidieux : (presque) tous antisémites. C’en serait presque un honneur si l’antisémitisme véritable n’était pas un fait aussi hideux que mesurable et si des innocents n’avaient pas payé en tant que boucs émissaires le prix de la folie et de la haine. On peut n’être pas farouchement antichrétien et ne pas capituler devant les arguties accusant le peuple déicide. Mais on peut aussi ne pas capituler devant les arguties des antiantisémites professionnels.

C’est ainsi que l’on s’étonnera de la faiblesse des idées que propage BHL. Notre fumistosophe en chef n’est pas le disciple de Voltaire. BHL est un philosophe de cour tel que Molière nous en a offert la réplique pour notre plus grand bonheur. BHL condamne au nom de l’antisémitisme et du racisme. Mais ce slogan court cache mal l’amalgame qu’opère BHL entre l'antisémitisme reposant sur la race et l’antisémitisme reposant sur la religion.

Qu’est-ce que l’antisémitisme ? BHL serait incapable de produire une définition claire de ce qu’il appelle antisémitisme. Normal : l’antisémitisme repose sur une confusion sémantique qui autorise la démarche d’un BHL. Cette déficience est fâcheuse quand on sait que l’antisémitisme est le centre névralgique et bancal de l’impensée selon BHL.

Mais la sémantique n’explique pas tout : BHL se montre tout aussi incapable de produire une définition cohérente du racisme. En fait, l’immanentisme dégénéré produit une mutation des concepts et du sens, si bien que le racisme devient un anathème commode, permettant de discréditer et d’exclure n’importe quel contestataire.

Le procédé n’est guère nouveau : celui qui dérange est du côté du Mal. En l’occurrence, apparemment, le Mal suprême serait l’antisémitisme. Voltaire, Le Pen, Dieudonné, Siné… Qui n’est pas antisémite parmi les célébrités dissidentes dans la logique folle et le parcours people d’un BHL ? Un peu de cohérence derrière les anathèmes religieux de l’immanentisme ! L’hypocrisie de BHL repose sur un pseudo-appareillage conceptuel comportant des contradictions flagrantes.

J’en veux pour preuve la distinction hallucinatoire entre religion et peuple. BHL est obligé d’établir cette différence pour légitimer les caricatures sur l’Islam autorisées par Val et mille fois plus provocantes que la prose de Siné. À cette nouvelle preuve de mauvaise foi, BHL en rajoute une couche, parce qu’un immanentiste n’aime pas les religions. La religion est l’ennemi de la Raison : BHL s’en tient à cette ligne de conduite.

On voit mal pourquoi ce qui est positif dans la critique religieuse serait subitement négatif dans la critique contre les peuples. Ce qui se veut clair est surtout extrêmement partial. Si la religion est l’ennemi suprême, la Raison s’appuie sur la notion de peuple pour restaurer la faction comme idéal oligarchique et individualiste. Le peuple est le cheval de Troie grâce auquel l’immanentisme en fin de course impose son idéal factieux.

Refuser la critique d’un peuple est aussi absurde que refuser la critique d’une religion. Il est tout à fait sain de critiquer un peuple. Je dirais même : salutaire. Et j’ajouterai que le seul moyen de sombrer dans le racisme est d’établir une distinction qualitative entre des groupes humains, comme si l’appartenance communautaire relevait d’une déchéance par rapport à l’humanité.

Dès lors, le racisme consiste à conforter l’idée que le peuple est le fondement de l’identité et que les différences entre les peuples sont essentialistes. Ces propositions ne tiennent pas la route : c’est la logique de l’immanentiste qui pousse les factions à promouvoir les peuples pour mieux les pirater subrepticement. C’est la logique de l’immanentisme de promouvoir un substrat hyperrationnel (le peuple) en lieu et place du religieux stipendié.

Ce n’est pas tout : le pire est que la distinction branlante entre religion et peuple est d’autant plus confuse qu’elle s’applique à la notion de judéité. Qu’est-ce qu’un Juif ? Le membre d’une religion ou d’un peuple ? Pas facile de s’y retrouver, d’autant que la confusion n’est pas seulement historique : elle est aussi sémantique. Sans entrer dans les spéculations polémiques, la confusion est à son maximum dès lors que l’on prétend faire des Juifs un peuple indépendamment de la religion.

De toute façon, l’esprit un tant soit peu lucide sait bien que la distinction entre peuple et religion est arbitraire, puisque le fondement de tout peuple est religieux. Distinguer ainsi entre peuple et religion, c’est se condamner à ne pas voir que sans religion, il n’est aucun peuple. La nation moderne est un dérivé immanentiste du peuple atavique, une sorte de peuple hyperrationnel si l’on veut, dont on mesure la dégénérescence postmoderne à l’aune du Nouvel Ordre Mondial, des fédérations synarchiques et du régionalisme rampant.

Il est éclatant que le peuple juif oscille de manière ambiguë entre peuple et religion, parce que tout peuple descend d’une religion, mais aussi parce que les Juifs sont originellement l’expression de cette ambiguïté qui donnera lieu au dessein universaliste du monothéisme. Les Juifs furent longtemps apatrides et leur identité de Juifs, je n’ai pas dit d’Israéliens, tient plus à leur communauté religieuse qu’à leur statut de peuple, a fortiori de peuple au sens de nation. Même l’Etat d’Israël oscille entre la nation rationnelle de type occidental et le tribalisme. Ce fait historique et anthropologique, BHL ne peut l’ignorer.

C’est la raison pour laquelle il joue sur les ambiguïtés pour mieux instiller ses différences. Le lecteur éprouve les pires difficultés à cerner le travers qui cloche, parce que la culpabilité concernant les Juifs règne dans les rangs occidentaux depuis la Shoah ; mais aussi parce que le quidam éprouverait les pires difficultés à définir ce qu’est un Juif – un peuple, une nation, une religion… le religieux ?

Au fond, BHL peut ignorer les maux réels, parce que le sens n’est jamais chose certaine et que les valeurs sont toujours des approximations. Au-delà de certains compromis, il est certain que tout est incertain. L’incertitude croît à mesure que le sens est moins assuré. Le racisme est un comportement assez vague, dont l’interprétation repose le plus souvent sur les intentions. Cette constatation empirique suffit à expliquer qu’on puisse subvertir la définition du racisme et en profiter pour fourbir une arme de guerre idéologique contre la critique.

C’est ce que fait jusqu’à la nausée (non sartrienne) notre bon BHL avec l’antisémitisme.  Quelle est sa meilleure condamnation ? Sans hésitation, sa stature intellectuelle. Plus personne ne lira BHL dans cent ans. Mais la justice immanente voudrait que BHL dans l’immédiat connaisse le même discrédit que des journaux comme Le Monde, dans lequel il intervient avec complaisance et qui ont trahi la mission noble du journalisme pour se commuer en outils de propagande. Raison pour laquelle de moins en moins de lecteurs les lisent, car le peuple en a assez de la vanité et de la vacuité des contenus censurés.

Je n’entendais pas prendre la défense de Siné, dont je connais mal les positions, mais il est limpide comme l’eau d’une source non polluée qu’on peut ne pas être d’accord avec sa prose de satiriste caricatural sans verser dans le refus de la critique, la vraie, celle qui dérange. Se réclamer de Voltaire pour excommunier Siné est un acte profondément comique. BHL se présente comme un Voltaire dénué d’ironie et empreint de solennité vengeresse, soit un moraliste raseur. Les atlantistes voudraient que le monde soit simple et que le réel convienne à leurs attentes de grands bourgeois capitalistes. Ce n’est pas le cas et c’est tant mieux – pour l’homme, en tout cas.

samedi 12 juillet 2008

Au rêvoir

Koffi Cadjehoun vous souhaite d'excellentes vacances et vous dit à très bientôt!

mercredi 9 juillet 2008

Pitroyable

Un désastreux et consternant clown nous fait son show américain. Ecoutez, bonnes gens, car de la bouche du bouffon sort la vérité...

mardi 8 juillet 2008

L'agent du jeu

Une émission en provenance du Canada, qui nous désigne les vrais maîtres du monde, soit les dominateurs de l'immanentisme. A regarder et méditer...

lundi 7 juillet 2008

Hisse slam : lâche dort

Bien que cette lettre soit destinée à tous ceux que le traitement si singulier de l'Islam intéresse, je l'adresse directement au présentateur de France Culture et professeur de philosophie Raphaël Enthoven.



Monsieur,

(Je préfère le distant Monsieur au faussement complice Raphaël, parce que j'ai horreur des familiarités médiatiques dont vous êtes déjà le complice cathodique et que Raphaël désigne pour moi un peintre génial, certainement pas un piètre chanteur ou un penseur imposteur.)

Avant de revenir à l'histoire de l'immanentisme, histoire cachée sous les fards multiples et variés de la démocratie, de la laïcité ou de la liberté, qui toutes sont des avatars à peine dissimulés de ce bon vieil immanentisme, j'aimerais souligner que l'histoire de l'islamisme qui débute officiellement entre la fin du XIXème et le début du XXème siècle chrétien (et non musulman) est une histoire biaisée.
Pour commencer, sa chronologie repose sur une optique non musulmane et pro-chrétienne, ce qui indique clairement le prisme orienté et ethnocentrique. Parler d'islamisme en utilisant un calendrier chrétien est ainsi très drôle - et très significatif.
Ce n'est pas tout. On sait que le terme islamisme provient de longues contorsions étymologiques dans les langues chrétiennes pour évoquer l'Islam. Comme par enchantement, ce serait au siècle des Lumières que Voltaire en personne aurait utilisé islamisme pour le substituer au trop connoté mahométisme.
Au passage, on appréciera la mention de Mahomet pour désigner le prophète ultime des musulmans, Mohamed. On n'est certes pas obligé de révérer un prophète étranger, mais déformer son nom est tout sauf anodin. En l'occurrence, la déformation est intentionnelle et peu respectueuse. Que l'on en juge, suivant un article fort intéressant dont je donne le lien :
http://www.alterinfo.net/Mahomet-je-ne-connais-pas-;-Mohammed-oui-c-est-notre-Prophete_a20267.html
Suivant cet article, Mohamed signifie en gros le béni (comme Benoît en français et Baruch en hébreu), alors que Mahomet aurait le sens peu reluisant de maudit.
Tout un symbole, dont je m'empresse de relever la présence dans la langue française. Les mots ne sont jamais choisis au hasard, en particulier par ceux qui les utilisent sans en connaître la teneur. Demandez à Wittgenstein. Il ne faut pas s'étonner du mépris au moins latent, parfois explicitement islamophobe, que notre civilisation occidentale voue à son bouc émissaire musulman quand on voit quel est le vrai sens du nom que l'on attribue à son prophète.
Effectivement, si le prophète des musulmans est maudit, voire exécré, c'est qu'il est exécrable. L'exécration de la religion musulmane est bien la règle chez les chrétiens, y compris chez les plus géniaux, comme Pascal; et elle a pris une tournure idéologique depuis que la guerre contre le terrorisme s'est orientée vers la guerre des civilisations stipulant à lire l'exécrable Huntington que la civilisation et la religion musulmanes ne sont pas aptes à faire face à la modernité.
J'éprouve les pires peines à établir la différence entre islamique et islamiste. Pour moi, l'islamisme est un courant de l'Islam qui s'est créé en réaction au colonialisme occidental et qui se fonde sur le littéralisme exégétique et sur la prépondérance politique. Cette confusion est d'autant plus significative et remarquable que l'Islam est une religion fort peu connue en terre occidentale et chrétienne et que le principe du terrorisme est explicitement contraire à l'étymologie d'Islam, qui renvoie à la paix.
On mélange les termes et l'on arrive d'autant plus à laisser entendre qu'islamique et islamiste sont identiques que dans le fond on entretient l'idée que l'islamisme est fondamentalement mauvais et qu'il serait la preuve non seulement de la sclérose de l'Islam, mais de son dévoiement postcolonial en idéologie stupide et politique.
J'en viens aux faits : il ne s'agit pas de nier que l'islamisme désigne un mouvement au sein de l'Islam. Il s'agit de constater que trop souvent l'islamisme est présenté aux Occidentaux comme un mouvement extrémiste et pernicieux débouchant sur le terrorisme barbare. L'islamisme est connoté de manière fort négative, alors que c'est un mouvement fort riche et intéressant, dont on ne connaît rien (ou si peu) et qui ne se réduit ni au terrorisme, ni à l'extrémisme. C'est ainsi qu'il existe des islamistes fort modérés, intelligents et ouverts, mais que bien entendu on n'entend jamais parler des ces individus sur les ondes pro-occidentales.
C'est de bonne guerre : l'Islam est devenu l'ennemi de la civilisation dominante occidentale et de la mondialisation occidentaliste. J'ai longtemps cru que les Frères musulmans étaient d'horribles fanatiques et fondamentalistes mus par la haine et la violence, voire la folie furieuse, avant de me rendre compte que c'était peut-être la propagande occidentaliste qui présentait les faits de manière à ce que l'observateur enclin à s'informer soit définitivement rebuté par ces piètres penseurs.
A chaque fois que l'on nous parle de l'Islam, l'on fait appel à des experts dont la caractéristique est d'être occidentaux et non musulmans. Je ne suis certes pas pour le communautarisme, mais je constate que cette orientation est tout aussi extrême et connotée que son inverse et que l'on connaît le miracle de ces africanistes spécialistes des cultures africaines alors qu'ils ne sont ni africains ni linguistes en langues africaines.
Pur hasard bien sûr. A l'article Wikipédia sur islamisme, on ne trouve en références bibliographiques que des spécialistes aux noms fort chrétiens et français. Cela ne signifie pas qu'ils soient ignares ou racistes, mais simplement que l'Islam en terre chrétienne est une affaire réservées exclusivement à des professeurs chrétiens.
Dont acte? Ce fait suffisamment attristant débouche sur des contresens voulus, un peu comme quand on confie l'histoire du terrorisme à des occidentalistes qui font semblant de ne pas discerner les manipulations de réseaux fort occidentaux ou occidentalistes derrière les mouvements autochtones et spontanés de l'extrémisme terroriste.
Pour finir cette histoire sommaire de l'islamisme comme confusion et incompréhension plus ou moins volontaires et plus ou moins inscrites dans le langage et l'inconscient cultu(r)el, je voudrais signifier ma stupéfaction à chaque fois que l'on aborde le thème de la civilisation musulmane. Le stéréotype qui revient en boucle est d'un racisme insidieux consternant : il y aurait l'Age d'Or de l'Islam, qui se situerait aux alentours du Xème siècle chrétien.
C'est ainsi que les Nouveaux chemins de la connaissance, émission de vulgarisation de l'histoire de la philosophie, présentée par le néo-germanopratin Enthoven, Raphaël de son prénom, consacre durant sa semaine du 23 au 27 juin cinq numéros à la grande pensée arabe, de Al Kindi (801 - 873) à Averroès (1126 - 1198), en passant par Al Ghazali (1058 - 1111), Avicenne (980 - 1037) et Al Fârâbi (872 - 950).
On a bien entendu convoqué un spécialiste des cercles universitaires, un certain Benmakhlouf, qui personnifie l'ouverture, entre logique occidentale et orientalisme. Les interventions de ce professeurs sont très fouillées et il ne s'agit pas de les dénigrer. Constatons seulement qu'à chaque fois que l'on nous parle et que l'on nous pare de culture musulmane, on tient un discours hypocrite, dont les Nouveaux chemins sont symptomatiques, parce qu'ils se veulent éclairés et qu'ils expriment la fine pointe intellectualiste du message subliminal que déverse une radio culturelle et élitiste.
On répète en gros que la culture islamique a connu un âge d'or méconnu et qu'elle a servi de tête de pont entre l'Occident ancien et l'Occident moderne. L'Orient fut une brillante courroie de transmission, mais l'histoire et la culture attestent que cet état est révolu, que désormais la civilisation musulmane s'est sclérosée et qu'elle ne donne plus que des fruits secs ou pourris (c'est au choix).
Raison pour laquelle on invoque toujours des auteurs du passé, appartenant à cet Age d'Or de l'Islam. La moralité de cette propagande occidentaliste est cousue de fils d'or (et de soie) : l'Islam est une civilisation révolue parce que la religion islamique/islamiste est une hérésie judéo-chrétienne et qu'elle ne pouvait durer. Au contraire, la civilisation occidentale domine parce qu'elle est authentique (laissons le soin aux Juifs et aux chrétiens de se départager sur la question de savoir qui est vraiment authentique).
Un tel message recèle une prose et une pensée typiquement néo-conservatrice, soit en germes aussi islamophobe et occidentaliste. Je citerai pour preuve de ce conformisme faussement éclairé la présentation qu'Enthoven consacre à sa semaine d'ouverture arabe, un modèle du genre en matière d'hypocrisie occidentaliste faussement tolérante et bienveillante :
"Contre le jugement hâtif de Renan qui moquait “l’absence d’originalité de la philosophie arabe”, la semaine que les NCC consacrent aux philosophes arabes médiévaux (du IX au XII siècle, d’Al Kindi jusqu’à Averroès) veut manifester l’irréductibilité de la pensée arabe au simple commentaire de Platon et Aristote, auquel on l’a trop longtemps réduite. Car en mêlant le Coran à l’exégèse des premiers hérauts de la métaphysique, la philosophie arabe ouvre des perspectives inattendues : Descartes est en germe (à la lettre près) dans les textes d’Avicenne, Averroès propose une lecture des textes sacrés qui n’est pas sans rappeler l’herméneutique de Spinoza, Al Ghazali préfigure la différence pascalienne entre le cœur et la raison... Autant d’exemples, parmi d’autres, de la fécondité d’une pensée protéiforme, subtile, dont Ali Benmakhlouf nous livre les détails..."
On notera qu'entre autres preuves de l'occidentalisme forcené et insidieux de ce texte aussi ténébreux qu'éclairant, on trouve le rapprochement constant entre les auteurs arabes cités et les auteurs canoniques occidentaux, comme si la seule originalité musulmane et orientale passait forcément par la référence ultérieure à l'Occident... Pas n'importe quel Occident : l'Occident chrétien qui préfigure à l'immanentisme supérieur et à la grandiose sortie de la religion... Descartes et Pascal figurent au menu, mais ce qu'il faut retenir comme perle, c'est la mention de Spinoza.
Qu'Averroès dans son appellation occidentale (Abū l-Walīd Muhammad ibn Ahmad ibn Muhammad ibn Ahmad ibn Ahmad ibn Rušd pour les intimes) soit rapproché de Spinoza est sous la plume médiocre de l'immanentiste et spinoziste Enthoven un grand compliment, mais quand on sait le sort que Spinoza réserve aux Ecritures, on comprend que dans cette lecture, la seule lecture positive du Coran passe forcément par le modèle occidentaliste de la laïcité et l'interprétation hyperrationnelle des textes, une exégèse bien commode pour faire d'un texte transcendantal et monothéiste une pâle copie de pensée immanentiste...
La supercherie étant démasquée, qui consiste à louer des auteurs arabes dans la mesure :
- où on les relègue à une place lointaine, passée et mineure;
- où on les décrète arabes alors que ce terme faux et faussement tolérant recèle l'interprétation orientée et hâtive;
- où on les loue seulement à la lumière de leur postérité occidentale et occidentaliste;
il serait temps de réclamer de ces faux tolérants et faux esprits critiques et ouverts qu'ils cessent de présenter l'image d'un Islam stéréotypé et sclérosé après quelques siècles de flamboyance et qu'ils nous entretiennent plutôt de l'Islam contemporain.
Oui, il serait éclairant et significatif que des émissions vraiment ouvertes prennent le parti intellectuel et peut-être aussi le risque cultuel d'aborder la question de l'Islam contemporain et de son intérêt pour la pensée. J'ai à ce sujet une question dont la stupidité m'est seulement imputable : qui est Qutb? Un penseur terroriste?
Dans ce cas, s'il est aussi intéressant à lire que Rosset, je ne demande qu'à écouter des émissions pointues sur le sujet... Question subsidiaire et non suicidaire : Qutb est-il aussi nihiliste que Rosset? Si on loue le terrorisme de Rosset, peut-on parler de terrorisme pour Qutb? Si on évoque le nihilisme de Qutb, est-ce le nihilisme d'un Rosset ou ce terme est-il dans les deux cas inappropriés?
Ce n'est pas tout. Je suis vivement intéressé par la pensée de Ali Abderraziq et par les différents courants du réformisme musulman issu de la révolution wahhabite. J'ai toujours entendu que Qutb était un horrible fanatique et que le wahhabisme était une vision dégradante de la religion. Est-ce vraiment le cas?
Je n'en suis pas certain, à mesure que je découvre à quel point l'Occident falsifie la culture musulmane comme il a falsifié le nom véritable de son prophète... C'est un appel au secours généralisé : je ne suis pas davantage certain que les Frères musulmans soient seulement des intégristes mâtinés de terroristes réactionnaires. J'aimerais en savoir plus sur cette confrérie comme sur d'autres, apprendre enfin des idées intéressantes sur les mouvements de l'Islam moderne, les interventions de Mawdudi ou d'autres...
Comme les intellectuels occidentaux se gardent bien d'aborder ces sujets sensibles, je parie que les penseurs musulmans modernes sont aussi intéressants que les classiques et qu'ils gardent au moins le mérite de présenter du monothéisme un visage différent de ce que l'immanentisme sournois et occidentaliste offre en toute objectivité.
Pour finir, une petite insolence, dont je suis coutumier, moi l'héritier de Voltaire (je ne connais pas son ancêtre et correspondant arabe) : quand je lis la prose des nouveaux philosophes, BHL en tête, je me dis que ce genre de sujet que je propose est quand même plus intéressant et plus cultu(r)el (moins propagandiste aussi...).
Et quand je lis les descendants de BHL, dont vous êtes à n'en pas douter, Enthoven Jr., je me dis que la nullité de vos écrits témoignant du déclin de la pensée française mérite bien en guise de messe que l'on aborde des sujets proscrits ou ignorés. Après tout, si l'on balançait entre une émission sur Quotb et Bergson, je comprendrais. Mais entre Quotb et Averroès, je ne comprends plus - ou je comprends trop bien, et je fredonne, en guise de formule de politesse, ce petit quatrain dont toute intention parodique ressortirait à n'en pas douter du fâcheux et hâtif rapprochement :

"Quatre consonnes et trois voyelles,
Nom de la franchise Enthoven
Editeur label BHL
Et synonyme d'idée vaine..."

dimanche 6 juillet 2008

L'immanentisme à visage découvert

Encore? Toujours. Donc, je disais :
Après son apogée fulgurante, suivant son succès et sa domination rapides, l'immanentisme montre son vrai visage, qui est le visage de l'extrémisme. Je crois que l'association irréfutable du fondamentalisme et de la laïcité/sortie de la religion n'est pas du tout contradictoire si l'on englobe ces deux catégories considérées comme antithétiques sous le chapeau unitaire de l'extrémisme.
Si le fondamentalisme est extrémiste, alors la laïcité entendue comme sortie de la religion est tout aussi extrémiste. Je sais bien de nos jours que les suspicions d'extrémisme se portent vers tout ce qui est d'ordre religieux et que de ce fait ce qui semble étranger au religieux est connoté positivement. Mais si le fondamentalisme est reconnu comme extrémisme et fanatisme religieux, la sortie de la religion est elle connotée comme relevant de la supériorité rationnelle et de ce fait est perçue comme supérieure parce qu'elle aurait rompu les amarres avec le religieux.
La sortie de la religion aurait dépassé la religion et montrerait à son égard une indépendance de bon aloi, en mesure de s'opposer précisément au fanatisme et au fondamentalisme. Pourtant, qu'est-ce qui est extrémiste sinon l'idée de quitter le religieux - une fois qu'on s'avise que le culturel découle étroitement du culte et que sans religion il n'est tout simplement pas de culture?
Maintenant que l'on possède la clé de l'association en apparence antithétique à l'intérieur de l'immanentisme, le vrai visage de l'immanentisme qui se décille à compter du dix-neuvième, tendance deuxième partie, renvoie à plusieurs mouvements qui comme par hasard présentent leurs lettres de noblesse à cette période et son tous étroitement liés et imbriqués.
Avant de les relever, je tiens à préciser que ces mouvements viennent tous du dix-septième en général, mais que leur évolution devient prépondérante et marquante à partir du dix-neuvième. C'est-à-dire qu'ils éclosent avec l'immanentisme et qu'ils deviennent incontournables à partir du moment où l'immanentisme se découvre et amorce son déclin.
1) Le sionisme.
2) Le fondamentalisme protestant.
3) La laïcité en tant que mouvement politique de revendication de sortie de la religion.
4) Le féminisme en tant qu'exigence égalitaire et égalitariste débouchant sur la concurrence exacerbée des hommes par les femmes.
5) L'islamisme en tant que réaction au colonialisme.
6) La lutte nationaliste contre le colonialisme.
7) La lutte connexe contre l'esclavagisme.
J'ai sans doute oublié quelques autres mouvements frères ou proches, mais comme dirait la baleine, c'est assez pour aujourd'hui.

Digression néo-immanentiste

Enfin, je reviens à mes moutons et j'espère ne plus m'égarer dans des digressions détonantes et imprévues comme dans les précédents billets. Que ceux qui me reprochent de ne pas suivre un plan m'excuse de penser un tan soit peu : cela les changera des élucubrations stéréotypées et dépensées sans pensée dont les gratifient tous les académistes, soit tous ceux qui suivent des codes de pensée, alors que le principe de la pensée est de surgir sans prévenir. Quant aux esprits lucides, ils savent déjà et je me contenterai sur ce point comme sur d'autres de les renvoyer à la pertinence de Montaigne.
L'immanentisme montre son vrai visage entre le milieu du dix-neuvième et le début du vingtième. Je m'aperçois que sur ce point comme sur d'autres il serait temps d'analyser le rôle mondialisateur que jouèrent les deux terribles guerres mondiales, qui sont d'ailleurs bien plus globalisantes que la mondialisation actuelle. La mondialisation indique le processus de destruction intestine une fois l'unification achevée, alors que les guerres dites justement mondiales sont les évènements qui parachèvent le processus babellien de réunification, qui, suivant le mythe, annonce bien plus une catastrophe qu'un heureux évènement.
J'entends quelques brebis bêler d'impatience et je constate que l'immanentisme, qui existe bien, n'en déplaise aux béotiens, montre son vrai visage au moment où il ne peut plus exhaler sa force de propagande. Au reste, l'immanentisme a mis quelques siècles à dominer et n'a surgi que parce que le monothéisme était en situation de déclin prononcé. Mais l'immanentisme ne surgit pas que par rapport au déclin du monothéisme. C'est à un déclin plus vaste que l'homme a affaire, au déclin du système religieux qui l'a toujours mû, le transcendantalisme.
L'immanentisme se veut une réponse au transcendantalisme et s'est conçu fort rapidement, en quelques siècles du quinzième au dix-huitième approximativement, le temps que la Raison prenne confiance en ses facultés et ait l'outrecuidance de lutter allègrement. Ce premier aspect de la rapidité d'éclosion et de domination de la Raison a sans doute joué un rôle exacerbé dans la démesure caractéristique qui permet à la Raison d'estimer que son apogée rapide signifie aussi son règne éternel.
Pendant qu'elle se pâme et se pavane, la Raison ne s'aperçoit pas qu'elle est déjà sur la pente savonneuse du déclin et qu'elle est sur le point de s'effondrer. Déjà au dix-huitième l'immanentisme est en déclin, si bien que l'on peut aussi interpréter les deux siècles suivants comme des tentatives désespérées de trouver des leurres et des diversions pour continuer la supercherie et propager la bonne nouvelle : la Raison domine le monde.
D'une certaine manière la propagande qui sous-tend la Raison est assez infantile et repose sur le mécanisme du rêve : continuer à délirer pour faire perdurer le rêve. Pourtant, les nuages lourds et noirs s'amoncèlent et ne laissent que peu de doutes sur la réalité. Et par un beau jour ensoleillé, le 911 surgit comme un cauchemar pour ceux qui n'avaient pas voulu voir les mauvaises nouvelles précédentes, qui n'étaient que des mises en garde, alors que le 911 annonce clairement à tous les esprits un brin lucides que le système immanentiste est en train de s'effondrer et qu'aucune tentative ne pourra enrayer ce phénomène après tout classique.
Sauf que le système est désormais global ou unique, c'est-à-dire qu'il est immanentiste, d'inspiration et de structuration. Tous les éléments qui aujourd'hui apparaissent comme des éléments pourris ou en voie de décomposition sont issus du dix-neuvième siècle environ, de cette période qui suit l'apogée de l'immanentisme et qui précède le déclin explicite de l'immanentisme. Durant cette ère de transition, le vrai visage de l'immanentisme apparaît, c'est-à-dire que le système est nu et que la propagande idyllique ne fonctionne plus.
Le vrai visage de l'immanentisme, c'est le symptôme somme tout classique que je nommerais celui de la perversion caractérisée et que les Anciens désignaient sous le terme bien connu de démesure. Autrement dit, la démesure immanentiste revient typiquement à substituer la Raison à Dieu, avec des conséquences évidentes : la Raison renvoie à l'homme - pas à Dieu. Dès lors, l'homme s'institue arbitrairement en tant que maître de l'univers et ce geste peut un temps paraître pour un gage de réussite et non un ignoble et effrayant subterfuge.
Cependant, par la suite et rapidement, il apparaît que la Raison n'est pas maître du monde, pas plus en tout cas que la partie ne saurait devenir le tout - ou la grenouille le boeuf. La Raison est une usurpatrice et comme tous les usurpateurs elle finit par se détruire après avoir détruit. Demandez à Jean-Claude Romand ce qu'il en pense.
Précisons que l'immanentisme brille par son extrémisme viscéral : le principe de la propagande immanentiste consiste à affirmer que l'immanentisme est meilleur que le transcendantalisme parce qu'il se fonde sur les facultés humaines, en premier lieu la Raison, et que l'immanentisme a mis fin au transcendantalisme. Autrement dit, la modération serait supposée venir de l'acte le plus meurtrier de l'histoire humaine : avoir assassiné Dieu, ainsi que le résumait justement et terriblement Nieztsche!
L'extrémisme immanentiste se résume par son affirmation outrancière et outrageante de modération. L'exigence immanentiste de modération signifie en fait que c'est l'extrémisme le plus viscéral qui gouverne le principe immanentiste, extrémisme seul en mesure de décapiter ainsi le transcendantalisme et de lui succéder; extrémisme travesti en modération de bon aloi sous le prétexte fallacieux que seule la modération et les valeurs positives peuvent venir à bout d'un principe mauvais et dévalorisé comme le transcendantalisme.
On se rend compte qu'on nage en pleine propagande et que c'est l'immanentisme qui nous ressasse jusqu'à la nausée, jusqu'à ce que nos cerveaux impriment mécaniquement, que ses principes sont les bons, comme par hasard, et que les principes de ses adversaires sont les mauvais. Comme par hasard également.

samedi 5 juillet 2008

Pragmatisme et progressisme contemporains

Lorsque la Raison s'imagine que son programme a triomphé, on sent poindre une certaine incrédulité en germes, celle des Lumières. Il est vrai que le programme le plus idéaliste de l'immanentisme n'est autre que la philosophie de Spinoza, dont on peut mesurer les réticences, voire le rejet qu'elle engendra de la part des adversaires pourtant déclarés du transcendantalisme.
Maintenant, les Lumières sont l'expression de l'immanentisme triomphant. Elles sont elles-mêmes une appellation extrêmement positive et extrêmement connotée. Evidemment, les Lumières ne risquaient guère de se dénommer par exemple les Ténèbres ou que sais-je de péjorativement connoté.
Maintenant, si l'on regarde l'évolution de la propagande immanentiste, après l'idéalisme spinoziste et le triomphalisme superficiel d'un Voltaire, grand styliste mais piètre penseur, à ma connaissance, que l'on regarde l'évolution de l'immanentisme. Dès le dix-neuvième, les preuves historiques s'accumulent qui indiquent que les desseins flamboyants et grandioses de la Raison sont d'ores et déjà battus en brèche par le retour au réel.
Le dix-huitième pouvait encore se targuer de croire dans la Raison et dans l'accomplissement de ses projets ambitieux et radicalement novateurs. Le dix-neuvième prend acte par une multitude d'incarnations de l'échec de la Raison. C'est ainsi qu'il faut comprendre que le vrai visage de la Raison prend forme au dix-neuvième avec une netteté des contours que le dix-huitième adolescent ne présente pas. Non pas l'idéalisme du dix-septième ou la propagande optimisme à tout crin du dix-huitième. Mais le réalisme du dix-neuvième.
Si l'on se concentre sur le programme immanentiste, on constate qu'il a pris un sérieux virage vers la fausse modestie à la Nieztsche, voire le pessimisme tout aussi faux à la Schopenhauer. Schopenhauer ne peut que relever le caractère aveugle de la volonté, quand Spinoza triomphait avec son Désir immanent et si fort. Nietzsche est le meilleur indicateur de la défaite cuisante de l'immanentisme, lui qui ne propose rien de mieux qu'une transformation radicale de l'homme ou de son désir par l'action de la Raison. Transformation fort élitiste qui ne peut intervenir qu'en élisant une catégorie très restreinte, réputée être la catégorie des Surhommes.
C'est dire que Nieztsche est le meilleur représentant des immanentistes pragmatiques, mais que son pragmatisme est en même temps mâtiné d'idéalisme, puisqu'il se réfugie dans l'élitisme le plus impossible : le Surhomme est irréalisable. C'est donc dire que le pragmatisme est l'expression de l'idéalisme en fin de course (remarque importante). L'alternative que propose Nieztsche est l'annonce de l'échec immanentiste : soit le Surhomme, soit le nihilisme. C'est donc bien le nihilisme qui est appelé à triompher dans le déroulement de l'immanentisme, selon le propre aveu de Nieztsche.
On comprend le désespoir de Nieztsche, qui se matérialise par sa folie et son effondrement mental. Le véritable programme de Nieztsche au sommet de Sils-Maria réside dans la compréhension du visage explicite de la Raison : c'est le programme de l'impossible. La catégorie de l'impossible est capitale pour comprendre l'immanentisme tel qu'il s'amorce au dix-neuvième. Je dirais même que l'impossible est la meilleure définition elliptique de l'immanentisme. Effectivement, l'immanentisme est un projet tout à fait impossible, qui repose sur de graves erreurs et de non moins graves dysfonctionnements.
Le vrai visage de l'immanentisme annonce ainsi que les desseins de la Raison sont impossibles et vont déboucher sur le nihilisme. C'est la lucidité effrayante de Nieztsche affrontant la pensée de l'impossible (la pensée de midi signifiant aussi la maturité consommée de l'immanentisme) et c'est la raison pour laquelle cet adversaire farouche et un brin excité du transcendantalisme, singulièrement de sa version chrétienne, finira dans le mutisme version folle de l'Antéchrist terrassé : mieux vaut s'effondrer que de demeurer lucide dans un monde promis à l'effondrement.
De ce point de vue, Nieztsche est un authentique prophète et l'on comprend que d'instinct il se soit opposé par sa prose grandiose et grandiloquente au Christ : il était le prophète de l'immanentisme qui essayait de trouver une alternative supérieure face au symbole du prophétisme chrétien, monothéiste et transcendantaliste.
L'autre grande voix immanentiste du dix-neuvième est le pendant progressiste de l'immanentisme pragmatique qu'incarne Nieztsche. Rappelons-nous que ce pragmatisme est en fin de course parce que la Raison est déjà finie. Mais le progressisme possède un programme plus ambitieux et séduisant qui consiste à affirmer que la Raison peut-être appliquée et développée jusqu'à atteindre un point de perfection, qui consistera dans la fameuse égalité communiste.
Raison pour laquelle Marx engendre un tel enthousiasme et pour laquelle aussi il faudra comprendre que l'immanentisme progressiste se développe pendant que l'immanentisme pragmatique se montre déjà en fin de course. Car le progressisme croit précisément que le donné peut s'améliorer, quand le pragmatique constate que ce donné hyperrationnel est clairement insuffisant et empli de carences.
L'opposition de Marx au capitalisme et au libéralisme sonne comme une opposition interne à la Raison. Il faudra un jour développer les racines de l'immanentisme, qui ne se trouvent pas au dix-neuvième, mais sont en germes deux siècles plus tôt, voire trois. La vraie opposition au dix-neuvième entre le pragmatisme et le progressisme se situe entre Nieztsche et Marx. La différence entre les pragmatiques amènent à des sous-différences entre les pragmatiques idéalistes emmenés par Nietzsche et les pragmatiques utilitaristes, que Nieztsche d'ailleurs a raillé avec sa véhémence réjouissante et souvent déséquilibrée.
Le progressisme se met en branle explicitement au moment où la Raison parvient à un constat d'impasse, où elle se trouve en bout de course. Le progressisme se comporte un peu comme la vitalité paradoxale qui précède la mort dans nombre de cas d'agonies. Il est d'une certaine manière le chant du cygne de la Raison qui constate que son application telle quelle est condamnée et qui du coup se réfugie dans une forme de bulle spéculative avec cette idée folle que la raison peut rendre parfait le monde de l'homme.
Bien entendu, les résultats du communisme aboutiront à une catastrophe, si bien que la Raison en totale décomposition commence par le démantèlement du progressisme et laisse croire au triomphe du pragmatisme. Cela fait pourtant longtemps que le pragmatisme était condamné et il faut voir dans ce pragmatisme excité et extrémiste un signe déjà évident de délabrement, tant la médiocrité a remplacé l'excellence. Nietzsche était un penseur de qualité, quand les pensées postmodernes produites par les petits maîtres sont toutes passables, mauvaises, voire carrément nulles.
Mais je m'aperçois que je n'ai toujours pas examiné le visage explicite de l'immanentisme tel qu'il se matérialise de manière prévisible au dix-neuvième. Je glose, je glose et j'en oublie un dernier codicille : le lien entre communisme et idéalisme. Donc : encore une glose.
L'idéalisme communiste tel qu'il s'exprime dans le marxisme n'est que le prolongement concret de l'idéalisme marxien tel que l'exprimait la pensée de Marx. Évidemment, les liens sont forts entre Marx et le marxisme, mais la pensée de Marx exprime l'idéal du progressisme immanentiste. Parler d'idéal en liant l'idéalisme et l'immanentisme est contradictoire si l'on veut parce que précisément l'idéalisme s'oppose à l'immanentisme.
L'immanentisme typiquement idéaliste est incarné par la figure de Spinoza, parce que Spinoza peut encore proposer l'alternative immanentiste au transcendantalisme en estimant que la solution immanentiste est supérieure aux nombreuses applications transcendantalistes, particulièrement monothéistes. Mais l'idéalisme de Spinoza est paradoxalement immanentiste en ce qu'il croit que l'immanence est un idéal d'application. L'idéalisme immanentiste s'oppose à l'idéalisme transcendantal en ce que l'idéal du transcendant est ailleurs, quand l'idéal de l'immanent se veut ici et maintenant.
Spinoza est tellement puriste et pur (au sens où le purisme est intégrisme et extrémisme) qu'il croit vraiment que la Raison balbutiante en s'appliquant va obtenir des résultats formidables qui permettront l'obtention d'un monde enfin satisfaisant pour les attentes du désir humain - un monde idyllique pour l'homme. Spinoza n'est ni pragmatique comme les libéraux classiques, ni progressiste parce qu'il intervient à une époque où il peut encore croire dans l'hyperrationalisme et où il ne prend certainement pas conscience de la mutation rationnelle contenue dans l'immanence.
C'est vraiment en ce sens que Spinoza est idéaliste parce que ce qui l'intéresse c'est de mettre au point un programme rationnel pour l'homme et que son attente est d'ordre explicitement ontologique, à savoir trouver un équilibre ontologique où la Raison puisse donner le meilleur d'elle-même. Les libéraux classiques se moquent éperdument de la dimension ontologique, alors que Spinoza estime que sans cet idéal d'ensemble aucune application concrète n'est possible.
Les libéraux classiques se focalisent sur les applications concrètes et immédiates et jugent les considérations ontologiques comme une perte de temps relevant des spéculations métaphysiques appelées à être stipendiées (on se souvient que la tradition antispéculative et antimétaphysique de l'immanentisme aboutira aux conclusions extrêmes et décadentes du cercles de Vienne, comme de juste apportées au nom de la logique, puisque Spinoza se voulait géomètre et que la Raison exprime l'idéal de la logique toute-puissante).
C'est en ce sens que la profondeur spinoziste est supérieure à l'utilitarisme de type anglo-saxon, dont la superficialité de pensée est à prendre dans un sens sans doute premier, alors que la superficialité immanentiste a été justement relevée par Nieztsche, qui en bon immanentiste associe la profondeur à la superficie.
Le progressisme immanentiste se distingue au fur et à mesure que l'immanentisme montre des signes de faiblesse. Raison pour laquelle à l'époque de Spinoza, où l'immanentisme n'en est qu'à ses commencements et combat explicitement le transcendantalisme de type monothéiste, la distinction n'a pas de sens. Avec l'âge d'or des Lumières, l'immanentisme admet implicitement au moins qu'il est plutôt progressiste parce que son application brute ne fonctionne pas.
Alors que l'échec immanentiste se manifeste par l'éclosion radicale du scientisme à la Comte, le progressisme devient prépondérant avec Marx et ses rejetons pittoresques, parce que précisément l'échec pragmatique est consommée que le conservatisme stricto sensu est impossible, à moins de verser dans le cynisme le plus désabusé. L'avènement de Marx puis des idéologies marxistes, le socialisme bâtard et le communisme radical, traduisent la mise en orbite et au premier plan du progressisme, soit son effondrement consommé au faîte de son succès doctrinal.
L'effondrement du progressisme marxiste est prévisible parce que la Raison ne peut guère améliorer le réel si son fonctionnement est en lui-même déficient. La Raison étant faible, les transformations qu'elle opèrera seront branlantes et bientôt évanouies. Il est parfaitement normal et cohérent que l'effondrement du progressisme laisse place à l'omnipotence de l'immanentisme pragmatique, mais d'un pragmatisme déjà totalement affaibli et moribond. C'est dire que l'omnipotence affichée de ce pragmatisme qui déclare sans ambages s'être débarrassé de son rival cache en fait la mort prochaine d'un complice qui a perdu en fait son frère jumeau et qui ne se relèvera pas de l'épreuve.
Ce pragmatisme moribond est comme un arbre malade qui ne peut plus donner de fruits ou juste des produits rabougris et malingres. Il suffit de s'aviser que les pensées aujourd'hui systémiques sont d'une médiocrité et d'une nullité remarquables et que toute pensée est en fait absente, pour être remplacée par des produits très limités et axés exclusivement sur le domaine concret et immédiat. Que l'on lise à cet effet les pitoyables intellectuels néoconservateurs et l'on aura un aperçu de la folie stupide - ou de la stupidité folle - de ce pragmatisme qui montre clairement sa dégénérescence, dont le symbole serait ce W. représentant dévoyé (mais parfaitement attendu aussi) d'une dynastie corrompue et décadente comme l'histoire en a tant fabriqué avec une répétition prévisible et irréfutable.

vendredi 4 juillet 2008

Le fondamentalisme transcendantal et l'immanentisme

Il est extraordinaire de constater que les deux grandes formes de l'immanentisme en apparence antithétiques et en profondeur complémentaires sont issues du même mouvement de pensée et que toutes les formes contemporaines de l'immanentisme se manifestent au même moment. Ce n'est pas un hasard. Il faut comprendre l'immanentisme comme un courant de pensée qui a toujours été présent dans la pensée, mais qui se développe de manière prépondérante à partir du moment où l'homme domine outrageusement son environnement et où il croit qu'il doit cette nouvelle place forte aux lumières de la Raison.
C'est bien entendu en partie vrai, puisque la science et la technique sont issues du rationalisme, mais ce n'est pas contre le rationalisme qu'il faut s'opposer, mais contre l'hyperrationalisme, soit contre la mutation de la raison en Raison. La Raison apparaît à partir du moment où l'homme croit que le rationalisme n'est pas seulement en mesure de lui conférer un supplément de maîtrise de connaissance, à défaut d'âme, mais en outre que par l'exercice de la raison, le monde peut être absolument connu et maîtrisé.
La Raison mute quand le mot de Descartes est pris au pied de la lettre : l'homme maître et possesseur de la Nature. Descartes arrive à un moment où l'homme est au début des progrès de la raison moderne et s'il sent quel rôle capital la raison peut jouer, il la subordonne encore au Dieu transcendantal du monothéisme catholique. Descartes est encore un classique qui cherche à ménager la chèvre et le chou et à trouver un équilibre entre le rationalisme à tout crin et la scolastique.
Ce n'est pas un hasard si Revel, le propagandiste atlantiste francophone, qui s'est discrédité en adoptant les points de vue et les méthodes du néolibéralisme avant que le néolibéralisme ne s'effondre, ce Revel d'ores et déjà discrédité, et dont plus personne ne lira une ligne dans un siècle, sauf les historiens spécialisés dans la période actuelle, notre Revel a commis un livre contre le cartésianisme lors de sa meilleure période, avant justement de devenir un agent atlantiste.
Revel est l'expression de la mutation paroxystique et tardive du libéralisme en ultralibéralisme : il reproche dès lors à Descartes, un esprit bien au-dessus de ses mineures facultés de pensée, d'être encore un scoliaste. Revel n'a pas tort, comme il n'a pas tort de noter que Pascal est peut-être un esprit plus moderne que Descartes, tant il est certain que le dix-septième siècle, singulièrement français, respire une modernité par certains égards indépassable.
De ce point de vue, l'opposition de Revel à l'encontre de Descartes n'est jamais que l'opposition de l'immanentisme tardif face à un métaphysicien encore largement transcendantal et classique. Bien entendu, Descartes est bien plus profond que Revel, et je m'excuse auprès des lecteurs de comparer ces deux penseurs, tant la disproportion qualitative est flagrante.
Ce qui est plus pertinent, c'est de constater que l'opposition résolue et cohérente de Revel l'immanentiste atlantiste et occidentaliste fin de règne à Descartes se redouble d'une certaine bienveillance à l'égard des Lumières. C'est tout à fait cohérent. Car si l'on peut à bon droit faire remonter les débuts modernes de la Raison mutante autour de la Renaissance, symboliquement 1492, c'est avec les Lumières que la Raison se fait triomphante et qu'elle affirme avoir triomphé de sa lutte avec le transcendantalisme. Quels sont les deux combats des Lumières?
1) la lutte contre l'Infâme, l'obscurantisme et le fanatisme;
1) la lutte contre le réel indépendant de la représentation et l'affirmation de la primauté presque autistique de la représentation.
Le premier combat est sans doute mené par le grand styliste Voltaire, quand le second découle de l'action du penseur Kant (fort méchant styliste et obsessionnel patenté). Dans les deux cas, la Raison est en combat explicite et déclaré avec le transcendantalisme et, sous prétexte de détruire le fanatisme, son but en fait est d'éradiquer Dieu/le réel. Les Lumières sont une appellation merveilleuse, parce qu'elles montrent à quel point rétrospectif l'hyperrationalisme a triomphé dans son œuvre de propagande en imposant son point de vue.
C'est ainsi que les Lumières désignent comme par enchantement la victoire de la Raison et les ténèbres renvoient à l'obscurantisme transcendantal. Bien entendu, les Lumières prétendent en fait détruire au nom de l'examen rationnel l'ensemble des billevesées religieuses, en particulier celles engendrées par le fanatisme et l'obscurantisme. Mais ce programme en apparence sensé cache en fait la volonté d'éradiquer le transcendantalisme. C'est bel et bien l'immanentisme que porte en son sein le grand projet religieux de la Raison.
Ce que les Lumières nomment lutte contre l'obscurantisme au nom du rationalisme ne vise pas à éradiquer l'extrémisme religieux pour favoriser la modération religieuse; pas davantage que le rationalisme ne vise à remplacer le sentiment religieux par le rationalisme. En premier lieu, il est évident que le rationalisme ne saurait remplacer le lieu du religieux. De nombreux penseurs l'ont analysé de manière perspicace et surtout l'examen du scientisme est éloquent : la religion positiviste à la Comte est un échec cinglant, qui n'est que le prolongement radicalisé du théisme d'un Voltaire, soit d'un dieu épuré d'un point de vue hyperrationnel.
En second lieu, l'échec de la Raison à remplacer Dieu ne saurait par conséquent éradiquer l'extrémisme religieux. Tout au contraire constate-t-on historiquement que l'immanentisme encourage l'extrémisme religieux. C'est parfaitement conséquent puisque l'extrémisme religieux est le plus compatible avec une pratique qui se veut en rupture radicale avec le transcendantalisme. L'extrémisme transcendantal est le plus proche de l'immanentisme, parce que le courant transcendantal est antagoniste par son dessein de l'immanentisme, alors que l'extrémisme transcendantal charrie déjà en son sein le programme de subvertir le transcendantalisme et d'insister sur la pratique fondamentale du rite ancré dans sa dimension et sa primauté sensibles.
Quand les Lumières prétendent combattre l'Infâme, il faut comprendre, non qu'elles s'en prennent aux extrémismes, mais au transcendantal en tant que tel. L'Infâme est le transcendantal du point de vue de la Raison d'obédience immanente. Est obscurantiste ce qui est transcendantal, en tout cas pour la Raison. Dans la mentalité immanentiste, le transcendant est nécessairement et conséquemment l'obscur tout désigné.
L'échec des Lumières se fait déjà sentir dans la pensée de Nieztsche qui tend à transformer l'homme en Surhomme. A vrai dire, Schopenhauer éducateur de Nietzsche était lui aussi enclin au pessimisme, notamment celui de la volonté aveugle. Nous sommes loin de l'optimisme soi-disant mesuré de l'immanentisme en chef, Spinoza, dont les contemporains avaient bien mesuré le caractère dangereux pour le transcendantalisme, mais aussi pour l'avenir de l'homme.
La transformation est le maître-mot de la Raison, mais la transformation des Lumières est encore un projet envisageable, quand par la suite le projet devient mutation malaisée et impossible. Le marxisme propose une amélioration radicale de la Raison jusqu'à l'égalité et même la psychanalyse signifie le moyen pour la Raison d'influencer sur l'inconscient et l'irrationnel.
Toujours est-il que le dix-neuvième siècle prend acte de l'échec patent de la Raison et que c'est à partir de son milieu agité que l'immanentisme montre son vrai visage : non celui d'une réussite, mais celui d'une alliance contre-nature entre le fondamentalisme extrême et la laïcité non moins extrême.
Quand apparaissent les fondamentalisme et le projet conciliateur et tolérant de la laïcité comme achèvement des Lumières? En même temps, les historiens consternés constatent sans l'expliquer (ce serait trop contraignant) que le siècle suivant, le vingtième, est celui de la destruction et de la mort. Pourtant, cette réalité indubitable est très aisée à déchiffrer : il suffit de comprendre que l'immanentisme est obligé de mettre en scène son vrai fonctionnement, qui est dominé par les fondamentalismes et que l'échec conduit aux pires atrocités mues par les monstres patentés, notamment ceux du nazisme.
A cet égard, le nazisme n'est jamais qu'une réponse désespérée à l'immanentisme par la destruction totale, comme si la violence en furie pouvait constituer une réponse et sauver le système en radicale décomposition. Ce n'est pas un hasard si tant d'esprits de valeur se sont réfugiés un temps au moins dans le nazisme comme solution, puis ont compris que le système ne s'en sortirait pas et que les temps obscurs attendaient l'homme. C'est notamment le cas de Heidegger et il faudrait interpréter son silence jusqu'à sa mort comme la compréhension que l'échec du nazisme ne signifiait le succès de la liberté que pour la propagande la plus superficielle et aveugle.
En réalité, l'opposition communisme/libéralisme était complémentaire, partagée entre Raison pragmatique et Raison progressiste, et cette opposition soi-disant antagoniste annonçait la dernière forme de fonctionnement systémique, le dernier avatar de composition avant son effondrement : le système unique que nous expérimentons et dont nous éprouvons l'aridité terrifiante. Que l'on se rassure : dès le départ des aventures de la Raison, à l'époque bénie où elle pouvait encore verser dans la propagande triomphaliste, la rengaine selon laquelle une nouvelle ère de bonheur et de prospérité se profilaient, les carottes étaient cuites. Las! depuis l'homme a vu ce que le Progrès promettait : sa disparition par assèchement et asphyxie.