vendredi 26 février 2010

Torture, mensonges et vidéo

Quand un immeuble fait trente étages, est-il réducteur d'en décrire vingt?



Je lis l'article du sociologue Petras consacré à l'assassinat d'un chef militaire du Hamas à Dubaï, le vaillant martyr Mahmoud. Maintenant, dans la presse officielle française, on parle carrément de Dubaïgate et on incrimine carrément Israël. C'est sûr, c'est juste. Israël s'est fait piéger. L'arroseur arrosé? Ne nous montre-t-on pas l'envers d'un décor pour nous en cacher la partie ultime?
http://www.voltairenet.org/article164208.html

Petras s'alarme des dangers (réels) que pose l'usage frauduleux de passeports occidentaux, en particulier britannique, par les services secrets israéliens qui sont allés assassiner Mahmoud à Dubaï. Pensez : les populations orientales ont de quoi être révoltées par la faiblesse étatique occidentale. Les États-nations occidentaux se contentent de protester sans agir contre les crimes d'Israël. Dernier en date : l'Australie, membre du Commonwealth et monarchie constitutionnelle sous la coupe de la reine du Royaume-Uni, a mis en garde Israël contre l'utilisation illégale de ses passeports trafiqués. Comment expliquer cette attitude de lâcheté des États occidentaux?
Petras met en garde. C'est la preuve de la compromission occidentale qui se couche devant Israël! Les Britanniques se couchent! Les Français se couchent! Les Allemands se couchent! Les Australiens se mouchent? C'est louche? Seule explication plausible : l'Occident est prisonnier de la domination sioniste. Pour accepter qu'un État vous pique vos passeports et s'en servent aux fins d'assassiner en toute impunité un citoyen en guerre dans un pays souverain, il faut que les États-nations d'Occident soient tenus par leur col cool (pour rester poli). Sauf qu'on ne comprend pas pourquoi les Israéliens se sont montrés aussi maladroits dans leur forfait. Serait-ce que leurs tueurs sont aussi touchés par la crisité morose?
On ne comprend pas non plus comment des tueurs israéliens agiraient à Dubaï sans que les services britanniques sur place (dont l'importante base du MI-6) soient au moins au courant, voire aient été complices du coup. Certains articles relayent cette hypothèse. Pas Petras. Les Israéliens sont-ils les exécutants ou les commanditaires? Les autorités de Dubaï peuvent s'agiter tant qu'elles veulent, leur souveraineté n'est pas crédible. Dubaï est surnommée la nouvelle Hong-Kong et se trouve en faillite depuis que sa bulle immobilière a explosé (fin 2009). Serait-ce la raison de la déconfiture des escadrons de la mort israéliens sur son territoire violée? On ne comprend pas davantage par quel miracle irrationnel la puissance israélienne bafouerait toutes les lois de l'histoire, de la politique, de l'économie...
Comment expliquer cette domination inexplicable, dont deux politologues chevronnés comme Walt et Mearsheimer ont montré qu'elle exerçait aux États-Unis une influence aussi impressionnante que défavorable? Problème de la domination israélienne : elle serait irrationnelle, puisqu'elle ne s'appuierait sur aucun élément explicatif tangible pour assurer sa mainmise tandis qu'elle défavoriserait ses auxiliaires esclavagisés. On veut bien, sous la menace d'intérêts supérieurs (à énoncer), que les contrôlés États-Unis se taisent et s'inclinent, comme les autres démocraties d'Occident; mais il est aberrant que l'Occident accepte l'impérialisme sionisto-israélien sans raison valable.
Moi, je ne cherche pas à excuser d'une manière ou d'une autre les crimes d'Israël. Je soumets la question que le prestigieux Petras et les autres analystes chevronnés ne posent jamais : comment expliquer l'impunité d'Israël face à l'Occident? Face aux Palestiniens, on comprend : les Israéliens sont plus forts. Ils ont tort, mais ils sont plus forts. Mais face aux États-Unis? Face à l'Union européenne? Dans le cas de l'assassinat de Mahmoud à Dubaï, il ne s'agit pas d'expliquer que d'autres services secrets ont agi en piégeant les Israéliens - coutumiers du coup.
Il s'agit de se demander si les Israéliens sont les exécuteurs ou les commanditaires. Cette question spécifique (l'assassinat de Mahmoud) recoupe les autres interrogations sur l'influence exorbitante d'Israël. Israël a le pouvoir de commander les États-Unis? Si vous voyez un nain donner ses ordres à un géant, il y a une raison! S'il n'y a pas de raison, c'est pire. Nous sommes dans cette situation. Aucune raison ne vient étayer l'impérialisme israélien et la domination qu'il exercerait par miracle sur l'Occident. Dans cette affaire hideuse d'assassinat, le scandale est d'autant plus retentissant qu'il laisse désemparés les États occidentaux qui se contentent de récriminations diplomatiques et informelles là où des sanctions officielles et fermes devraient être prises sans tarder.
Osons des hypothèses : si la puissance étatique de l'État-nation plus qu'hybride d'Israël n'explique en rien la puissance inégalée dont il bénéficierait de la part de la communauté internationale, il est impossible que les raisons découlent du précédent moralo-victimaire de la Shoah. Faut-il en déduire que la suprématie confinant à la toute-puissance d'Israël découlerait du soutien dont il bénéficie dans les cercles financiers ainsi qu'une rumeur le laisse entendre, certains échos dérivant vers la judéophobie (terme plus approprié que l'antisémitisme galvaudé) et autres vilaines manies?
L'examen des cercles financiers mondialistes donne la réponse - pas celle qu'on attend. Les sionistes ne sont pas les maîtres des factions financières. Ceux parmi les sionistes qui en font partie (nuance d'importance) en sont les valets, les instruments, les exécutants. Bien entendu, leur statut leur confère une nuisibilité ambiguë, à l'instar du privilège paradoxal dont bénéficie l'esclave par rapport au maître dans la fameuse dialectique de Hegel. Mais l'essentiel n'est pas là. L'essentiel nous est fourni par la question de l'identité des cercles financiers.
Jamais les analystes qui prétendent contester les méthodes inacceptables d'Israël ne mettent en avant ce lien - pourtant cerné. Un Petras ne fait pas exception à l'interprétation qui s'en tient à l'impérialisme sioniste (voire USraélien) par souci de préserver le fondement politique des États-nations. Pourtant, la reconnaissance de l'existence d'un impérialisme, quelle que soit son identité, est contradictoire avec la constitution (c'est le cas de le dire) de l'État-nation moderne, tel qu'il découle des accords de Westphalie (1648).
L'impérialisme pirate l'État-nation en instaurant la prédominance des factions. Factions oligarchiques. C'est le cas dans cette affaire d'assassinat politique où il est clair que les États-nations occidentaux ont été manipulés par d'autres formes que les structures étatiques. On peut avancer que les États-nations sont piratés par l'impérialisme israélien comme Petras. La forme hybride de l'État israélien, qui ne repose pas sur une forme rationnelle comme l'État-nation, sans être tout à fait non plus une forme tribaliste telle qu'il le revendique en partie, plaide en faveur d'un État qui découle d'une influence impérialiste.
Mais si cette influence ne relève pas du sionisme? Rappelons qui a créé Israël : l'Empire britannique. Rappelons que cet Empire a muté en une myriade de factions financières et apatrides, dont le Commonwealth est une forme institutionnelle. Israël n'agit pas pour son compte propre. Il s'agite pour son malpropre chef. Il exécute pour cet Empire qui est le commanditaire direct ou indirect de ses actes. Israël est un exécutant plus ou moins consentant, plus ou moins en accord, plus ou moins Frankenstein - mais c'est un exécutant.
Il ne travaille pas pour des alliés idéologiques, mais pour des supérieurs impérialistes. Supérieurs en ce que ce sont des factions financières qui se jouent des fictions étatiques. Avez-vous jamais entendu parler de - story tellings? Dans cette affaire comme dans les autres qui sortent avec d'autant plus de facilité que l'Empire britannique décline et s'érode, Israël est au mieux une sorte de Frankenstein ou, sans vilain jeu de mots, de Golem : une créature plus ou moins monstrueuse, qui se montre incontrôlable, mais qui agit selon son créateur. Une forme hybride qui agit en passerelle médiatique entre les nations (dont elle n'est pas vraiment) et les factions (dont elle n'est pas non plus). La patte impérialiste ne profite pas à Israël. La structure israélienne indique que c'est un État de type impérialiste, un État qui dépend étroitement de l'impérialisme qui le régit. Quand cet impérialisme s'effondrera, Israël suivra.
Dans l'affaire de Dubaï, on voit le masque créateur/créature se lézarder. D'ordinaire, dans les assassinats ou les attentats perpétrés par le Mossad, on apprenait quelques dizaines d'années après l'existence de soupçons ayant valeur de quasi certitudes; l'excuse commode de l'antisémitisme (terme impropre) permettait de retarder le cours inéluctable des révélations. Cette fois, Israël n'a pas été trop loin. Israël a été piégé dans son coup tordu. Israël a-t-il cru agir avec la même couverture que d'habitude? Avait-il l'aval des services secrets britanniques à propos de la plaque-tournante de Dubaï? Se montrer à côté de la plaque, c'est un comble pour une place financière!
Les services secrets britanniques ne sont pas le peuple britannique - les peuples qui occupent l'espace de l'État-nation britannique. S'il est certain qu'Israël agit contre les peuples en manipulant grossièrement les passeports occidentaux de ressortissants possédant la double nationalité (souvent britannique/israélienne), il est encore plus certain qu'il n'est supérieur aux peuples que parce qu'il est la créature golémique de l'impérialisme britannique. En agissant à Dubaï, Israël a-t-il estimé être protégé par ses protecteurs? Les services secrets qui travaillent pour les factions financières secrètes de l'Empire? Pas les peuples. Les peuples, Israël s'en fiche. Les peuples, il les fiche.
C'est ringard pour les impérialistes, les peuples. Quand on est mondialiste, on méprise les peuples. On mélange le progrès et l'amalgame avec le nationalisme le plus nauséabond. Aucune nuance, aucune culture. On est là pour faire du fric, pas de freak. A Dubaï, le couac dans cette histoire gore impliquant torture et sévices, c'est que les manipulateurs ont été manipulés. Les sévices israéliens ont fait confiance aux sévices britanniques. Depuis le temps qu'ils travaillent ensemble, main dans la main, quel est le problème? Résultat : le Dubaïgate, soit le piège!
La mémoire de Mahmoud est vengée? Peut-être est-ce son fantôme qui a orchestré la mise en scène foireuse et minable? Foire digne de néophytes! D'ordinaire, le Mossad élimine avec une science consumée, souvent explosive. Cette fois, les amateurs professionnels se baladaient avec une nonchalance criminelle dans les couloirs de l'hôtel, filmés à l'insu de leur plein gré par des caméras opportunes. La police de Dubaï a mené son enquête avec une célérité remarquable et a lancé des avis de recherche assortis de photos dans la presse internationale. Les gazettes s'en donnent à cœur joie.
Comme dans les scandales de dopage autour du Tour de France, les journalistes feignent de découvrir ce que tout le monde savait dans les alcôves des potins : en l'occurrence, Israël tue. Pour ses intérêts de nation hybride, toujours avec la complicité des factions financières qui composent l'Empire britannique. Du coup, la question que pose Petras est caduque, au mions réducteur : l'oukase diplomatique qu'Israël a posé en usurpant l'identité des ressortissants occidentaux avec l'histoire à dormir debout des passeports biaisés; plus l'insécurité qui entourent désormais les citoyens occidentaux en insécurité (sur ce point, c'est un juste retour de flammes, au vu de la passivité complice de ces citoyens à l'égard des crimes d'Israël et de leur pays respectif).
J'irais même jusqu'à dire que Petras commet un contresens terrible pour un sociologue soi-disant analyste chevronné et émérite des sociétés : il réduit le problème israélien, singulièrement l'assassinat du résistant Mahmoud, à un problème entre États-nations. Comme si Israël était un État-nation de type impérialiste qui aurait manqué aux lois élémentaires du droit international. La réalité est pire : si les États-nations occidentaux tardent à régir, s'ils se montrent si embarrassés, ce n'est pas parce qu'ils seraient dominés par l'État-nation israélien. C'est parce qu'ils sont dominés par les factions financières de l'Empire - britannique.
C'est qu'Israël, qui n'est pas un État-nation et qui ressemble de plus en plus à un Golem rebelle, agit pour le compte de ces factions. L'analyse que produit Petras est emblématique de la mentalité occidentaliste : faire comme si. Comme si les factions relevaient de la fiction. Comme si les frictions concernaient les nations. Les nations sont dépassées. Il suffit de lire les brillantes envolées d'un ancien conseiller de Blair l'Homme de Paille - pardon, de Paix au Proche-Orient pour le compte de J.P. Morgan : Robert Cooper, partisan de l'impérialisme du doux nom de globalisation, soit d'un impérialisme qui associerait l'Union européenne à l'image de la Rome antique : "Ceci suggère que l’histoire du monde est une histoire d’empires. (…) La non existence d’empire (…) est sans précédent dans l’histoire. La question est de savoir si cela peut continuer. Il existe des raisons théoriques et pratiques pour penser que non".
Petras et tous les anti-impérialistes qui se trompent d'identité impérialiste : le problème que pose l'assassinat de Mahmoud, la conduite d'Israël depuis sa création (avec une gradation suicidaire et incontrôlable à mesure que l'Empire s'effondre, depuis le symbolique 911), c'est le conflit des factions contre les nations. Écoutez Petras se tromper en représentant le contre-point de vue institutionnel (le sociologue réputé présenté comme le Rebelle de service, l'intellectuel contestataire à la Chomsky, l'emblème mondiale) : "Alors que les critiques se lamentent à propos du travail bâclé du Mossad, qui complique la tâche des puissances occidentales désireuses au cas où elles souhaiteraient proposer une couverture diplomatique à Israël pour ses opérations à l’étranger, on n’a jamais abordé la question fondamentale : l’acquisition par le Mossad, puis la falsification des passeports officiels britanniques, français, allemands et irlandais de citoyens israéliens à double nationalité soulignent la nature cynique et sinistre de l’exploitation par Israël de ses citoyens à double nationalité dans la poursuite des sanglants objectifs de sa politique étrangère. L’usage par le Mossad de vrais passeports fournis par quatre nations européennes souveraines à leurs citoyens dans le but d’assassiner un Palestinien dans un hôtel de Dubaï soulève la question de savoir à qui les citoyens israéliens à « double » nationalité doivent vraiment allégeance et jusqu’où ils veulent aller en défendant ou en prônant les assassinats israéliens à l’étranger."
Maintenant, écoutez ce Cooper emblématique de la mentalité impérialiste britannique reconvertie en impérialisme européen : "Le rêve d’un état Européen est une relique d’un autre âge. Il est fondé sur l’idée que les États-nations sont fondamentalement dangereux et que la seule façon de mater l’anarchie des nations c’est d’imposer une hégémonie sur l’ensemble." Si ce n'est pas assez clair, vous avez en prime un condensé de pensée impérialiste britannique : [l’Union européenne s’avère] "l’exemple le plus développé d’un État post-moderne, (...) un système d’association sur une base volontaire, plutôt qu’une subordination d’États à un pouvoir central." Cette conception orwellienne implique "la sécurité fondée sur la transparence, l’ouverture mutuelle, l’interdépendance et la vulnérabilité mutuelle."
Problème : L'Europe postmoderne selon le gourou Cooper, porte-parole des intérêts impérialistes européens promus par les financiers de l'Empire britannique, se trouvera rapidement en confrontation avec les intérêts seulement modernes (les désuets États-nations), voire pré-modernes (les sauvages États décolonisés et dominés). C'est typiquement ce qui se produit avec la Palestine. Ce pourrait être le cas des pays recomposés et décomposés d'Afrique. Que propose notre libéral-impérialiste sauce Commonwealth ou parfum Buckingham? "S’habituer à l’idée du double standard. Entre nous, nous fonctionnons sur la base de lois et de sécurité coopérative. Mais quand nous traitons avec des États plus archaïques à l’extérieur du continent postmoderne de l’Europe, nous devons revenir aux méthodes plus dures de l’ère de jadis : la force, l’attaque préventive, la ruse, bref, tout ce qui est requis pour s’occuper de ceux qui vivent encore dans la guerre de ‘tous contre tous’ du XIXe siècle."
Mais encore? "[Entre nous] nous respectons la loi. Mais quand nous agissons dans la jungle, nous devons utiliser la loi de la jungle." Cette conception irrationnelle et inconséquente entraîne une conséquence que l'on pourra nommer néo-conservatrice : "On ne peut pas traiter Saddam Hussein comme on traite son voisin. Si on a un problème avec la France ou l’Allemagne, on négocie. Mais il y a des dirigeants avec lesquels on ne peut pas négocier. »
Tiens? Mais c'est typiquement le comportement que manifestent jusqu'à la bêtise les Israéliens à l'encontre des Palestiniens? Ne serait-ce pas le dégât collatéral qui est arrivé à Mahmoud, sombrement liquidé dans une chambre de palace à Dubaï? Les Israéliens sont l'émanation extra-occidentale de la conception impérialiste coopérative développée par l'impérialiste Cooper. On ne cesse de nous rabâcher jusqu'à la nausée qu'Israël pourrait rejoindre l'Union européenne. L'honnête Premier ministre italien Berlusconi a pu entonner son refrain favori sur ce point : non pas d'offrir des femmes fatales aux officiels israéliens, mais d'accueillir Israël au sein de l'Union européenne. Les choses sont claires?
L'État bizarre d'Israël s'explique : il correspond à la forme impérialiste telle que la développe Cooper, coincée entre les deux références fétiches de Cooper, le droit procédurier d'un Grotius et l'autoritarisme étatique d'un Hobbes. Un mélange entre l'approche de la Compagnie des Indes hollandaise et la différence de la Compagnie des Indes britannique? L'impérialisme d'Israël s'explique : il correspond à la nouvelle forme que recherche l'Empire britannique comme resucée de son aventure postcolonisatrice à bout de soufre. Après la décolonisation politique et la postcolonisation économique, il est temps de (re)lancer la poursuite échevelée de l'impérialisme financier sur de nouvelles bases, un impérialisme affublé du qualificatif de coopératif et fondé sur le droit du plus fort.
Derrière la sophistication postmoderniste, juridique et sécuritaire, rien de nouveau sous le soleil : Cooper repompe les fondements de l'Empire romain (et de ses ancêtres). Que dit Cooper quand il s'adresse à la Trilatérale en 2000? Il propose un partage entre les élites européennes et américaines. Par ailleurs, Cooper désigne la forme fédérale de l'État-nation américain comme l'ennemi véritable de l'impérialisme coopératif de l'Union européenne. Il est où l'impérialisme américain? La domination américaine serait-elle une domination d'État-nation incompatible avec l'impérialisme? Le soutien aveugle et scandaleux des États-Unis à l'égard d'Israël révélerait-il que l'impérialisme américain est d'obédience britannique (confédérée) et parasite les institutions américaines? Israël est la structure satrapique correspondant à la forme politique qu'attend et conçoit l'Empire britannique, qui se cherchait un antre et qui a trouvé un refuge doré dans lequel s'abriter : les États-nations d'Occident. Dans cette sphère, Israël est la satrapie qui joue le rôle de l'émissaire du Proche-Orient.
Israël est une satrapie de l'Union européenne, qui empeste la mentalité de l'Empire britannique. Cooper théorise longuement sur les zones d'ordre opposées aux zones de chaos. Non seulement l'affrontement sans fin (et sans frein) entre la Palestine et Israël incarne cette opposition, mais l'adage diviser pour régner est l'adage qui gouverne les empires. Israël est utilisé par les factions financières comme l'éternelle pompe de discorde chargée de semer la zizanie dans cette région hautement stratégique depuis les accords de Sykes-Picot.
Quand Israël le délégué satrapique commet un incident diplomatique majeur contre plusieurs États souverains d'Europe (et du Commonwealth!) et qu'il demeure impuni, il importe de noter que c'est le signe, non de la domination classique de l'État d'Israël, mais de la forme mutante et satrapique d'Israël au service des factions et en lutte contre les nations. Israël est le fer de lance régional (dans une région stratégique) de l'impérialisme européen de férule britannique. Israël est intouchable parce qu'il suit l'agenda du chaos des factions : détruire les États-nations pour retirer les marrons du feu. Incriminer l'État-nation fédéral des États-Unis est une diversion contre-productive. Au mieux, il convient d'incriminer les factions confédéréss des États-Unis, dont le centre se situe entre Chicago et Wall Street. Confédérés à l'appellation explicite, qui sont le prolongement allié des factions de l'Empire britannique. Dans ce jeu en réseau, qui est détruit en premier lieu? La marionnettes Israël.
C'est ce que le sociologue Petras fait mine de ne pas voir et c'est en quoi nous pouvons lui reprocher de ne pas diffuser un message contestataire, mais un script brouillé et mal décodé, en trahissant les idéaux de ceux qui prétendent lutter contre les injustices d'Israël. Remonte à la cause au lieu de t'en tenir à la clause! Il est légitime de dénoncer les crimes d'Israël. Si l'on veut vraiment empêcher Israël de poursuivre son action dévastatrice et sanguinaire, à Gaza et ailleurs, il convient d'identifier son mode de fonctionnement, en particulier sa mentalité. Il convient de désamorcer le jeu des factions et de ne pas réduire la problématique à des querelles de nations.

jeudi 25 février 2010

La perversion du progrès

Qu'est-ce que le progressisme? C'est aller vers la croissance. Le progrès d'un système politique, c'est aller vers la croissance du modèle politique. Cas des idéologies, qui sont des réductions des idées aux modèles politiques et qui aboutissent à la réduction des systèmes politiques classiques à des approches économiques. Nous en sommes actuellement à une réduction de la réduction - à une réduction de l'économique au financier. Nous sommes dans une phase de réduction accrue, croissante, et c'est à l'intérieur de ce phénomène de décroissance assumée plus ou moins lucidement (plutôt moins que plus d'ailleurs, tant le déni est omniprésent) que se manifeste avec paradoxe et acuité le phénomène du progressisme.
De nos jours de système déclinant (système politique libéral occidental en particulier, système qui renvoie au déni religieux de l'immanentisme), le progressisme caractérise une conception du progrès qui est aux antipodes de ce qu'on entend classiquement par progrès. Usuellement, le progrès définit l'accroissement. Cette fois, le progrès désigne la décroissance. On peut parler de progrès pervers au sens étymologique, puisque la perversion caractérise le retournement du sens. Le sens classique tend vers l'accroissement. La perversion du sens tend vers la décroissance.
Le propre du déni est de déclarer que le visible est invisible, que le mal est bien ou que l'illusoire est réel. L'approche contemporaine du progrès est typiquement perverse en ce qu'elle promeut la décroissance comme progrès. C'est le signe que le système occidental s'est littéralement retourné, soit qu'il est passé d'un stade d'expansion croissante à un stade de régression décroissante. Tant que l'impérialisme occidental croît, il promeut un progrès classique. A partir du moment où intervient la décroissance de l'impérialisme occidental, c'est-à-dire à partir de l'effondrement du modèle progressiste immanentiste de type collectiviste, le progrès classique se retourne et décroît.
Le retournement du progrès se manifeste au moment où s'écroule l'incarnation du progrès idéologique, soit le progrès collectiviste. Nous sommes passés à la phase de l'unicité du système, à une ère de déclin qui promeut la bonté absolue du système unique. Un système unique est un système condamné à la destruction programmée et qui sous-tend une mentalité stupide et dévoyée. C'est la théorie de la nécessité, qui justifie l'unicité d'un système politique par le dogme de l'unicité du réel. Unicité du réel : fort bien, mais qu'entend-on par réel et par unicité?
Cette définition ne concorde pas avec un effort s'attachant à définir une partie de réel. Il faut se montrer particulièrement outrecuidant pour estimer que la partie est le tout. C'est pourtant à cette extrémité qu'en sont réduits les médiocres thuriféraires de nos régimes actuels, libéraux, démocratiques, laïques et - vermoulus, eux qui clament et piaillent à n'en pas finir que le système est si unique, si nécessaire qu'il serait parvenu à la fin de l'histoire. Ils ne croient pas si bien dire : le terme de fin étant à prendre non en son sens allégorique d'éternité débarrassé des oripeaux de l'histoire, mais en son terme premier et littéral de fin.
C'est dans cette conception dévoyée qui accompagne avec flonflons et célébration le déclin - pensée déclinante - que se manifeste l'idée de progrès pervers par opposition au progrès classique. La plupart des gens, quand ils sont confrontés à l'idéal de progrès, le représentent selon l'acception classique. Préjugé aisément compréhensible. Ils ne se rendent compte ni de la possible mutation perverse, ni de la perversion du sens, ni du déclin du système. Ils tombent sur un progressiste pervers, un adepte du système en déclin travesti en nouveauté et originalité - ils le prennent pour un progressiste classique, un adepte du progrès du système en croissance. C'est la blague du niveau scolaire qui s'effondre et du théoricien en pédagogie qui loin d'admettre son erreur et sa responsabilité vous explique avec une arrogance irresponsable qu'il faut considérer l'effondrement en termes d'innovation et de progrès.
C'est l'histoire d'un idéaliste pervers. Son idéal tient dans la catégorie de l'impossible, catégorie typiquement nihiliste. C'est dans ce cadre qu'il convient d'entendre les progressistes pervers. Bien entendu, ils ne comprennent pas le phénomène de décroissance. Bien entendu, ils vous expliquent avec une jovialité satirique que de tout temps les Cassandre ont annoncé la fin du système. Comme si les systèmes politiques étaient éternels! Comme si le temps était aboli! La fin du temps - la fin de l'histoire? En réalité, à côté des millénaristes et des pessimistes, coexistent les lucides et les visionnaires.
Les système ne sont pas éternels, et quand un système s'effondre, le progrès déclinant consiste à légitimer le déclin. D'un point de vue de croissance ou de vitalité, c'est une position aussi morbide que pervers, mais du point de vue de l'acteur qui défend le corps auquel il appartient, c'est une position de défense. Illégitime défense? Légitime défonce? Sans doute. En tout cas, les ultra-libéraux de gauche ou les socialistes libéraux sont les incarnations de ce progressisme pervers et dévoyé qui consiste à accroître le progrès du déclin. Accroître le progrès de la croissance est un acte systémique positif conjugué à un acte moral louable.
Accroître le progrès de la décroissance conduit à un renversement de l'idée de progrès : on ne fait plus progresser, on fait régresser. On ne fait plus accroître le progrès, on fait accroître le déclin. D'où la perversion qui subvertit insidieusement et diaboliquement (habilement) le sens. Le sens se glisse dans les mots. La perversion se joue dans les mots - en particulier. Les progressistes qui défendent un système en déclin sont des pervers qui militent pour l'accroissement du déclin et pour le travestissement du déclin en nouveauté, innovation, voire simple changement.
Bien entendu, cette vérité devient éclatante une fois le système effondré. Tant qu'il est vacillant, debout, les membres sont réticents à admettre sa disparition programmée, prévisible, parfois imminente. C'est le cas actuellement. Les résurgences de progressismes systémiques sont risibles et conduisent de manière inexplicable à accroître le système purulent. Accroître le système imparfait n'est pas la même chose! La solution face à un système condamné n'est pas de choisir la solution du progrès damné, mais de damer - changer de système.

mercredi 24 février 2010

L'emprise des vamps

"Aujourd’hui, Internet a augmenté les possibilités de ce processus de résonance créative en éliminant le problème de la distance physique entre les acteurs, qui même en se trouvant aux antipodes les uns des autres, peuvent partager de la même façon une sorte d’espace mental, rendant ainsi possible l’apparition de véritables groupes disséminés qui s’échangent régulièrement des informations et développent des modèles de réalité communs."
Roberto Quaglia, Le monde d’aujourd’hui se divise en deux catégories : les Confiants et les Désenchantés.




Je tombe sur une citation de Nabe extraite de son dernier roman, L'homme qui arrêta d'écrire. Nabe pour faire la nique au système Gutenberg de l'édition a promu son innovation de l'anti-édition, qui constitue une révolution de l'entre-deux, soit un faux changement. C'est une contestation qui conteste le système tout en demeurant dans le système. Tout à fait la position d'un Nabe, qui n'a pas compris que quand on critique un système vermoulu, le seul moyen de poursuivre sa route consiste à changer de système. Hein, Nabe? FOG t'invite sur les plateaux, toi t'accours? Tu ne remarques pas soudain que tu es devenu culte, sulfureux - mais à la mode? Pourquoi ces égards qui égarent et qui autrefois te valaient le silence, voire quelques fielleuses reconnaissances?
Réponse : tu es un faux révolutionnaire. Ta révolution repose sur une fausse révélation. Le système qui s'effondre, la crise financière qui est plus que financière, qui est systémique, et qui ne s'arrêtera qu'avec le changement de système, politique mais surtout religieux, ce maudit système, ce damned babylon system, ce shitstem a recours à tes serviles services pour laisser entendre qu'il pratique la démocratie en donnant la parole à ses vrais opposants. Tu parles d'un opposant! Un opposant déposé? Un contestataire qui se prétend ultra-anarchiste, qui se montre ultra-individualiste, qui réfute les fils de alors qu'il en est un d'irréfutable, qui critique les complotistes en pleine époque décadente de complots effectifs, et qui, mine de rien, l'air vindicatif et supérieur, vous assène que le 11 Septembre a bel et bien été effectué par un commando d'islamistes hurluberlus au nom d'Allah. Vengeance! C'est se montrer raciste que d'estimer les Arabes incapables de cet acte héroïque! Eurêkaka! La VO est juste, mais à condition de la retourner : le 911 n'est pas un acte terroriste, c'est un acte juste.
Euh, comment dire? Sans rentrer dans les détails, on dit comment - passer à côté de l'histoire? Le 911, c'est un test. Un peu comme l'Éternel Retour chez Nietzsche (folie avariée sans doute), le 911 indique avec une certitude translucide l'identité des acteurs-participants de notre époque apocalyptique (ce n'est pas la fin du monde, non, non, juste la fin d'un monde). La plupart des citoyens n'en ont rien à cirer, pris dans les rets de leur individualisme nombriliste et minable. On s'en fout si le système croule parce que ce qui nous intéresse, c'est notre nombril, voire le nombril de nos amis. Pas au-delà. Pour l'individualiste, l'important tourne autour de l'individu. Le reste n'a pas de sens. Les sens au lieu du sens. Pas d'importance. Les moutons se réveilleront la laine gorgée d'eau, si incapables qu'ils sont déjà incapables de comprendre qu'ils vont être tondus, puis qu'ils vont crever noyés comme des rats.
Variante de l'individualisme : quand on veut donner un peu de Sens à son existence individualiste et qu'on suit les critères du système en le détestant, on sombre dans le pessimisme : selon cette conception hypertrophiée, le fonctionnement social est sombre, mais inéluctable. Il est nécessaire de suivre le système même s'il est shitstem. Souvent les pessimistes-fatalistes recoupent les individualistes forcenés et impuissants qui composent la meute des peuples d'Occident. Le pessimisme est incarné par ceux qui prétendent à une certaine originalité intellectuelle, à un certain niveau de brillant académique. Dans le fond, rien n'est pire qu'un rebelle systémique, car il vous fait bouffer la merde du système quand ledit système s'effondre.
Paradoxe : un rebelle qui soutient le système est un conservateur mauvais teint- teinté de réactionnaire. Il faut être réactionnaire pour suivre les inclinations et la mentalité d'un système putride - c'est se plonger dans le passé nostalgique que de reprendre les modes condamnées. Serait-ce le cas d'un Nabe? Sa position concernant Internet recoupe son incompréhension viscérale du 911. Quand on ne comprend pas qu'on est un rebelle systémique, quand on ne comprend pas le système, on est incapable de comprendre la véritable révolution qui chamboule le monde de la littérature - Internet.
Nabe ne comprend pas le 911? Nabe ne comprend pas l'Occident? Nabe ne comprend pas le christianisme? Nabe ne comprend pas qu'on ne peut pas se déclarer chrétien et aller se taper des putes (sans comprendre qu'une pute qui n'est déjà plus une personne ne sera jamais une personne)? Nabe ne comprend pas le phénomène majeur de son temps en matière d'écriture? Pour lui, qui appartient au chœur du système, il est nécessaire de faire évoluer le système tout en restant dans le système. Plus d'anarchie, plus d'individualisme, plus - d'ultra-libéralisme? En termes littéraires, cela donne : il est impératif de faire évoluer Gutenberg tout en demeurant dans les limites de Gutenberg. Résultat des courses : Nabe l'Écrivain Majeur de son temps est emprisonné dans son temps.
Nabe empoisonné dans son tempo : dansons, c'est son châtiment. Nabe n'est pas capable de comprendre l'évolution d'Internet car ses postures l'enferment (l'enfer me ment) dans une logique surannée et révolue. Nabe est plus révolu que révolutionnaire. Plus vermoulu que révolutionnaire? Nabe : un écrivain mineur pour la littérature, tant il n'a pas su prendre la mesure de la révolution Internet. Il a pris la révolution pour une rave. Il a pris la mesure pour une mesurette. Il a manipulé Internet en l'intégrant dans le cadre Gutenberg. Il a confondu le géant et le nain. Il joue à l'écrivain incompris (parce que génial) avec des critères postromantiques qui indiquent son égarement. Comprendre son temps, c'est ne pas en rester à son temps. C'est être de tous les temps. C'est définir le temps. Tant pis!
Nabe n'est pas antisémite (terme impropre). Nabe écrit trop bien. Nabe a des trouvailles trolatiques. Cet écrivain aura au moins la dimension de Bloy. C'est un compliment - vachard : Bloy, c'est la casse. La case mineure. Mieux vaut être un Bloy qui ploie qu'un ringard hagard à cigares (exemple Beigbeder de nos jours). Nabe est de ces écrivains d'avant-guerre qui n'ont guère saisi le bouleversement de la crise de 1929, la montée des fascismes, les rumeurs de guerre, et qui se réfugient dans des valeurs dépassées, réactionnaires, voire franchement haineuses. Ainsi de la haine religieuse des juifs pour Bloy? Nabe ne hait pas les juifs. Il hait Internet. C'est sa croix et sa passion. Le juif de Nabe, c'est Internet? Nabe n'est pas antisémite (terme impropre)? Nabe est antiinternet.
Un blogueur peu suspect de détestation cite Nabe sur le site de Nabe : Nabe déclarant que les blogueurs "croient que parce qu’ils écrivent, et qu’ils sont lus, ils sont publiés alors que non… L’illusion est parfaite, mais le papier manque, c’est-à-dire la matière, la chair. Et ce n’est pas la publication en soi qui fait cruellement défaut, c’est l’impression."
http://www.alainzannini.com/index.php?option=com_content&view=article&id=1759:la-lecture-du-nabien-anonyme-1000-livres-21-fevrier-2010&catid=47:blogs-internet&Itemid=66
Ça, c'est une preuve de contresens. C'est comme quand Nabe s'en prend aux complotistes du 911 au lieu de s'en prendre aux complots du 911. Malaise dans l'écriture! Contresens, contre-sang, contre-seing... C'est les Arabes qui ont fait le coup - c'est bien fait! C'est le châtiment contre les atrocités impérialistes et coloniales de l'Occident. Ce serait pas un peu raciste comme assertion?
Le contresens, c'est la mauvaise impression. Nabe qui parle d'impression! Tu parles d'une impression! Une impression - psychologique? Une impression Gutenberg? Nabe, le vrai problème, c'est pas de se servir d'Internet comme d'une plate-forme court-circuitant les parasites de l'édition officielle style Gutenberg. L'impression Gutenberg, c'est l'impression ancienne. Dépassée. Déphasée. Tu fais comme ceux que tu critiques, tu prends l'oseille pour ton profit, même justifié, même mérité, même engagé. Tu passes à côté de la richesse. Tu le sais, pourtant, que la richesse n'est pas pécuniaire et qu'elle n'est pas davantage quantifiable. Le fric, c'est bon quand tu fais dans ton froc.
Les révolutions ne sont pas monétaires, financières ou mercenaires. Internet est une révolution dans la conception de l'échange. L'impression Internet, c'est l'impression virtuelle. C'est le rituel du virtuel. Avant Internet, l'échange se manifestait par la médiation du papier. Compromis entre la matière et le virtuel. Le génie d'Internet est d'avoir supprimé la médiation séculaire. Plus de papier. La vertu d'Internet, c'est son virtuel. On imprime. On lira sur des écrans, mais finies les médiations Gutenberg. Fini le cher, finie la chair. Gutenberg, c'est fini. La chair chère à Nabe n'est-elle pas - trop chère?
Internet a fondé un nouveau monde. Un nouvel échange. Une nouvelle expression. Internet a sa vertu : la vertu du virtuel. Internet a fondé le virtuel comme le moyen d'expression qui confère à l'homme une nouvelle dimension. On vit une époque où l'homme se rabougrit, se sclérose, se blottit sur lui-même. C'est triste, un petit vieux qui attend la mort sans rien faire, fataliste et épuisé. Démuni et contrit. L'avenir de l'homme est dans l'espace. L'avenir de l'espèce est dans la décroissance? Croire que croître, c'est la vie. Le cloître, c'est décroître?
Le vice de Nabe, c'est se la jouer rebelle alors qu'il est conservateur de classe Gutenberg. Conservateur du musée Gutenberg. Fini. Dépassé. Encore plus réac que les réacs à la FOG qui l'invitent sur leur plateau en compagnie du libéral mondain Tesson? Néologisme pour Nabe : conservatueur. C'est vrai que Nabe est craint sur les plateaux pour sa verve satirique. Mais les mille plateaux sont des postes piteux du postmodernisme capiteux. Le roman de Nabe constate que Paris mondain sent la fin. Paris mondain ment, Paris mondain est... C'est la fin d'une mode. La fin d'un mondain. La fin d'un Empire. La faim d'une époque.
C'est l'époque Internet qui se libère. Internet libère un espace. Quel espèce d'espace. L'espace de l'espèce. Le monde de l'homme s'ouvre, s'agrandit, change, se contorsionne. De grands bouleversements voient le jour. Tu crois que tu t'adapteras avec tes ratiocinations et tes jérémiades? Tu crois que tu peux adapter le géant Internet au format nain Gutenberg? Format people : c'est Nabe qui le dit! Internet donne un bon coup d'époussetage dans un sacré nid de poussière. Sacré nid de vipères! Sacré lit de vils pairs. Impairs et passe. Rentre dans la nasse. Rentre dans ta rente.
Nabe n'a pas compris parce qu'il est le rebelle de son temps. C'est l'époque qui n'a pas compris. Le changement est incompris. L'incompris n'est pas compris. Nabe l'incompris est compris. Tu piges l'incompréhension? Internet mérite d'être compris : c'est une invention géniale, dont le génie ne dépend pas d'un individu. C'est une invention dont s'empareront les créatifs, les féconds, les géniaux et les avant-gardistes pour trouver de nouveaux langages. De nouveaux styles. De nouvelles phrases. De nouvelles expressions. La fin de Gutenberg, ce n'est pas le début de l'anti-édition. L'auto-édition new wave. C'est le début d'une fin d'édition, une reddition en quelques clics et quelque coût.
Les vraies inventions sont collectives. Elles dépassent les potentialités d'un individu solitaire et supérieur. Elles concernent l'homme. Elles ouvrent de nouveaux pans de réel. Cas d'Internet, qui annonce la conquête spatiale. Internet exprime l'expression spatiale. Internet imprime l'impression spatiale. L'échange spatial contre le libre-échange. Le style spatial contre le stylet vénitien. C'est sûr qu'à côté, Gutenberg fait ringard. Nabe finit regard : quand on commence célébré par les moribonds de son temps, il y aurait de quoi se poser des questions.
Écoutez ce qu'en dit un auteur de science-fiction du nom de Roberto Quaglia :
http://www.reopen911.info/News/2010/02/22/12-roberto-quaglia-le-monde-d%E2%80%99aujourd%E2%80%99hui-se-divise-en-deux-parties-les-confiants-et-les-desenchantes/
"Même si le bruit de fond sur Internet a grandi au point de rendre problématique la recherche de ce qui peut effectivement nous intéresser, la Toile a malgré tout permis à tous les individus qui dénichent dans le Village Global une information méconnue, mais importante, ou qui parviennent à élaborer des raisonnements brillants sur des thèmes critiques, de les partager avec tous ceux que cela intéresse de par le monde. Historiquement, les époques “magiques” de la culture humaine durant lesquelles l’intellect humain a donné naissance à d’inoubliables foisonnements de génies – la culture grecque, la culture latine, la Renaissance, le Siècle des Lumières, etc.… – ne furent pas le fruit de l’action de quelques individus brillants, mais bien le résultat d’un phénomène de résonance créative au cours duquel le génie et la créativité de l’un catalysent le génie et la créativité de l’autre, et ainsi de suite, dans un enchaînement admirable d’interactions positives qui élèvent l’intellect de tous. Mais il était nécessaire que les sujets concernés par ce processus partagent un même espace physique peu étendu, sinon comment auraient-ils pu se rencontrer et interagir de façon profitable ?"
Pigé? Piégé? Y a-t-il quelque chose de génial à ajouter?

mardi 23 février 2010

L'Empire des sangs

A l'heure où les rumeurs de possible attaque unilatérale israélienne contre l'Iran bruissent, en particulier rapportées par les sources toujours fiables de l'Executive Intelligence Review, notamment reconnues par le conseiller Bailey du NSC sous Reagan, il est étonnant qu'on mette seulement en avant la stratégie évidemment suicidaire, démente et désaxée des Israéliens, sous la férule modérée du gouvernement Netanyahu. Pourquoi ne relie-t-on jamais les liens entre Netanyahu et ses protecteurs de la City de Londres? Pourquoi se contente-t-on de dénoncer le réducteur soutien américain - en déclin? Pourquoi ne mentionne-t-on jamais les conseils pacifiques d'un catholique prodige à la Blair, qui, employé notamment par des intérêts comme JP Morgan ou Zurich Financial Services, indique les factions poussant Israël vers le chaos et la division : les cercles financiers de la City de Londres, dont nous tenons rien qu'en citant Blair deux spécimens remarquables : les intérêts Morgan (dont la Deutsche Bank par le truchement de Morgan, Grenfell&Co.) et les intérêts UBS, dont Zurich Financial Services sont proches (citons dans ce réseau les intérêts Warburg, M.M. Warburg&Co. pour la section allemande, Warburg Pincus pour les États-Unis et UBS/S.G. Warburg&Co. pour la City spécifiquement).

Stylesheet for the head of Fantomas

On nous répète qu'il n'existe pas de solution au conflit israélo-palestinien. Ah bon? L'impossible est une catégorie nihiliste? La paix serait-elle impossible? Elle l'est dans le cadre d'une perspective nihiliste. C'est l'aveuglement de l'immanentisme, qui interdit de considérer l'évidence : non seulement des solutions de paix existent, mais le cadre de la division est historique. En remontant aux accords de Sykes-Picot de 1916, on tombe sur les germes de la guerre civile actuelle, qui semble insoluble et inextricable. Ces accords secrets et pervers émanent de la logique impérialiste occidentale, en particulier britannique, selon laquelle le meilleur moyen de dominer est encore de diviser. Suivant ces désaccords, le partage colonial des terres est effectué de telle manière que des conflits sont inévitables et irrémédiables.
Quand est créé l'État d'Israël en 1947, on prétexte que c'est suite à l'épisode de la Shoah. La vérité historique est que c'est suite à l'engagement de l'Empire britannique que les revendications sionistes sont satisfaites (Déclaration Balfour de 1917). La Shoah n'est qu'un prétexte ultérieur et de peu de vraisemblance. L'invocation de la Shoah ajoute à la confusion victimaire la logique décoloniale selon laquelle le colonialisme politique est remplacé par un colonialisme économique qui ne dit pas son non et qui prospère sur la justification de la décolonisation. Décolonisation politique, peut-être; décolonisation - certainement pas. Le stratagème perdure et fonctionne dans les pays colonisés. La création d'Israël viole le principe fondamental et anticolonial de l'autodétermination des peuples. Réparer les souffrances d'un peuple religieux par l'octroi d'une terre habitée est une décision remarquable, qui ne peut germer que dans des esprits frottés de colonialisme et d'impérialisme. La résolution du conflit israélo-palestinien n'est envisageable que dans un monde qui reconnaît les principes du colonialisme et de l'impérialisme occidentaux, en particulier britanniques.
Si l'on commence à dénoncer de plus en plus ouvertement l'existence de l'impérialisme occidental au travers de ses récurrents méfaits, si l'on reconnaît l'existence du néo-colonialisme improprement présenté comme décolonialisme, l'existence de l'Empire britannique n'est guère identifiée de nos jours. On nous rebat les oreilles avec l'Empire américain, voire l'Empire sioniste, voire une combinaison accommodante des deux dominations, mais personne n'a le courage d'affronter le vrai visage de l'impérialisme qui est britannique et dont les formes américaines (confédérées) et israéliennes sont des satrapies aux contours plus financiers que politiques.
Tant que l'impérialisme britannique qui règne sur le monde ne sera pas démantelé et analysé, il ne sera pas possible d'empêcher que des manifestations de sa brutalité croissante (avec son déclin) ne se produisent. Impossible d'empêcher les conséquences sans identifier les causes. L'impérialisme britannique présente une particularité par rapport aux formes classiques d'impérialisme : il n'est pas de nature politique. Il est de spécificité économique. Fidèle à la mutation idéologique réductrice produite par le libéralisme (doctrine issue de la Compagnie des Indes britannique), l'impérialisme britannique a repris le monétarisme inhérent à toute forme impérialiste classique, mais lui a conféré une centralité qui est son originalité et qui explique la raison pour laquelle il est si peu remarqué - et décrié.
Un impérialisme classique serait derechef dénoncé comme une atteinte cardinale à la bonne marche de l'humanité et aux Droits de l'homme. Hum, hum... L'impérialisme économique est invisible parce qu'il n'est pas reconnu, identifié et précisé. Il prospère sur son caractère mutant, qui procède par exactions non identifiées, donc invisibles. La forme moderne la plus performante d'État est la forme de l'État-nation telle qu'elle fut codifiée par les accords de Westphalie de 1648.
Avec les guerres de religions chrétiennes en Europe, la conception proto-tribaliste et géographique de l'État ne fonctionne plus. Elle est dépassée par la forme rationaliste de l'État-nation. Les formes impérialistes financières propagent la doctrine du libre-échange qui est antagoniste aux États-nations et qui milite ouvertement pour le remplacement de ces États-nations par une gouvernance mondiale de type fédérale et antirépublicaine (oligarchique). L'impérialisme est favorable à la destruction des États-nations car son standard économique tient dans la faction. Les factions opèrent avec d'autant plus d'efficacité qu'elles sont des formes non reconnues et non identifiées.
Un peu comme un missile qui obéirait à des lois physiques si révolutionnaires qu'elles ne sont pas encore connues des stratèges de l'armée adverse, la faction non identifiée est libre de ses agissements. L'État d'Israël est souvent décrit et décrié par ses adversaires comme l'entité sioniste. Il est vrai qu'il n'obéit pas vraiment aux critères de l'État-nation. S'il serait assez aisé de montrer que sa revendication de démocratie bafoue les droits élémentaires des Palestiniens et des peuples environnants (pour ne citer qu'eux), si les liquidations sommaires sont le fait de procédés dictatoriaux et arbitraires, le statut bizarre et protéiforme d'Israël s'explique par l'identité de son soutien : les factions financières de l'Empire britannique.
Israël n'est pas la création d'un État-nation, c'est la création d'un État postcolonial, issu de l'impérialisme et d'une vague vulgate qui sert les intérêts de l'impérialisme britannique. Si l'on devait décrire la nature de l'État d'Israël, on serait gêné par sa bigarrure. Il est à la fois un État tribal et un État rationnel. Il repose de facto sur des principes irrationnels et inexistants. La notion de peuple juif est une aberration dès qu'on quitte la définition religieuse et ses prolongements associés (comme les formes artistiques).
Les revendications sionistes pour l'existence d'un peuple juif qui serait géographique et rationnel ne tiennent pas la route. Le fait d'avoir pris la place d'un peuple colonisé indique quelle est la mentalité des sionistes : une mentalité de colons, ainsi qu'on baptise avec une lucidité provocante les extrémistes qui poursuivent envers le droit la colonisation de la Palestine. Plus exactement : une mentalité de colons financiers, soit de décolons. Décollons les collants colons?
Le refus d'envisager la parenté des problèmes israélo-palestinien et sud-africain tient moins aux conséquences scandaleuses que cette reconnaissance induirait (racisme, esclavage, apartheid...) qu'au statut exact de ce colonialisme qui ne fonctionne que sur le déni et le secret. Chut! ne dites surtout pas aux satrapes de l'Empire britannique qu'ils n'ont aucune identité politique, mais une identité financière. D'un point de vue politique, cette identité étrange se manifeste par une forme étatique toujours contestable et toujours contestée.
Les satrapies prospèrent sur le culte perpétuel du conflit et de la division, dans le direct prolongement de la stratégie de l'Empire britannique. Le seul moyen d'arrêter le cycle infernal, au sens où l'on parle de cercle vicieux, est de mettre un terme aux menées impérialistes originaires. Si vous voulez obtenir la paix dans l'interminable conflit entre les Israéliens et les Palestiniens, il ne suffit pas de remarquer l'injustice néocolonialiste faite aux autochtones palestiniens ou la nature baroque de l'État d'Israël : encore est-il urgent de démanteler les factions financières de l'Empire britannique sans lesquelles l'existence des satrapies n'est pas possible.
Il est bien beau de polémiquer avec justesse sur le néocolonialisme hypocrite et d'apartheid qui caractérise Israël. Encore convient-il de relier ces remarques avisées avec la constatation de l'existence non reconnue du protecteur. Dès lors, la solution coule de source. C'est la création d'un État unique, laïque et multiconfessionnel, sur le modèle du Liban voisin, cet État qu'Israël détruit depuis quarante ans justement pour empêcher que son modèle fédérateur et voisin soit réclamé. La solution de l'État unique permettrait aux Israéliens de ne pas connaître le destin funeste des Français d'Algérie; tout en détruisant les intenables traces impérialistes, colonialistes et mensongères de l'État d'Israël. Rappelons que dans sa folle course vers le vide, Israël a commis lors du récent massacre de Gaza (décembre 2008-janvier 2009) des crimes de guerre assortis de crimes contre l'humanité.
Quand on commet ces atrocités abjectes (410 enfants sciemment assassinés), il n'est pas cohérent d'invoquer le statut de démocratie. Le plus aberrant est que cette démocratie serait compatible avec l'exercice exacerbé et croissant de l'impérialisme et du néocolonialisme. La solution de l'État unique est calquée sur le précédent sud-africain. Elle n'est pas idéale mais elle a le mérite de concilier l'existence des Israéliens avec la légitimité des autochtones. Dans le faux débat qui assourdit et aveugle autour de la question du conflit israélo-palestinien, les diversions sont multiples. Mais outre la constatation pessimiste et fataliste selon laquelle aucune paix n'est possible sans bain de sang préalable, rien n'est pire après la solution impossible que la fausse solution.
Je pense à la proposition à laquelle j'ai longtemps adhéré et qui consiste à proposer deux États mitoyens, l'un palestinien, l'autre israélien. Cette hypothèse obéit à la catégorie de l'irrationnel, si tant est que l'on veuille fonder des États-nations. La solution reste envisageable pour l'État palestinien. Pour l'État israélien, c'est impossible. Impossible de fonder rationnellement un État-nation tribaliste, voire fantoche. Les Israéliens n'ont aucun droit historique sur la terre de Palestine (même rebaptisée Grand Israël) et le principe de l'État juif obéit à des critères nauséabonds qui évoquent le racialisme de l'apartheid.
Le seul moyen d'appeler au compromis est la solution d'un seul État. Se désole-t-on de savoir si les Blancs d'Afrique du sud vont disparaître en se noyant dans la majorité noire? Idem avec les juifs sionistes israéliens : c'est déjà beaucoup de permettre à cette minorité issue de l'aberration postcoloniale et idéologique de ne pas disparaître dans les affres de la vengeance sanguinaire. Seule solution possible, à l'encontre de ce que préconisent les diplomates vénérables et chevronnés comme le Français Stéphane Hessel : un État unique qui incorpore Palestiniens autochtones et colons israéliens au sein d'un État-nation laïque.
La solution double rappelle trop la stratégie du dualisme antagoniste et impérialiste. La fausse solution à deux États a reçu le soutien de sionistes qui prônent la paix pour paraître modérés, dans la mesure où la paix qu'ils soutiennent est injuste et utopique. Ils ont beau jeu par la suite de reporter les torts sur la partie palestinienne en expliquant contrits que les désaccords ne sont pas leur faute. Tu parles! Tant que la solution impraticable à deux États prévaudra sur la seule solution viable (un État), aucune paix ne sera possible. La paix repose sur la justice.
Mais le fond du problème ne tient pas tant à l'ignorance intéressée de cette solution si simple qu'à la vraie nature du déni. Pas question d'aborder la racine. Qui parle de la vraie identité satrapique d'Israël? Qui désigne l'Empire britannique fondé en factions financières? Tant que l'on n'incriminera pas ces factions financières prévaricatrices et invisibles, on fera le jeu de l'impérialisme britannique qui divise pour régner et qui utilise Israël comme un jouet monstrueux, pervers et sardonique. Si vous voulez vraiment que le cauchemar des enfants de Gaza prenne fin, démantelez le circuit impérialiste dont Israël n'est qu'une ramification et qui dans la seule région du Proche et du Moyen-Orient ne cesse de créer des divisions et des conflits.
Vous voulez la fin de la guerre civile en Irak? La fin de la monarchie délirante saoudienne? La fin de la dictature égyptienne? La fin du protectorat jordanien? La fin de la destruction du Liban? La fin de la théocratie extrémiste iranienne? Vous voulez que ces pays et ces peuples aient droit à la constitution d'États-nations souverains et modernes, qu'ils aient accès au développement et au progrès véritable? Dans ce cas, tirez- en les conséquences : impossible d'instaurer le développement avant-gardiste avec la coexistence oppressante de impérialisme, a fortiori quand cet impérialisme est dénié ou défiguré.
Regardez la question du nucléaire iranien... Imaginez-vous des essais spatiaux à Gaza ou en Irak avec la tutelle impérialiste britannique figurée notamment par les États-Unis, l'Arabie saoudite, l'Égypte ou Israël? Il n'est pas possible de venir à bout de l'impérialisme britannique si vous vous contentez paresseusement de l'affubler d'une identité réductrice comme l'identité israélienne, l'identité américaine ou l'hybride sioniste. Ce sont des masques trop imparfaits et trop lacunaires pour remédier au véritable problème. Vous voulez soigner le mal? Faites le bon diagnostic! Donnez le bon remède! Identifiez le vérifiable mal! Les Palestiniens ont droit à la paix. Les Palestiniens ont droit à la justice. Les Palestiniens ont droit au développement. Les Palestiniens ont droit à la souveraineté. Les Palestiniens ont droit à la vérité.

L'aventure mondialisée

2001, odyssée du mondialisme?
2100, odyssée de la mondialisation?


La différence entre mondialisation et mondialisme, notamment proposée par le géopoliticien Hillard, éclaire la confusion qui régit le processus d'unification de l'homme. Deux conceptions antagonistes s'opposent :
1) La mondialisation désigne le processus historique qui tend au fil des siècles à l'expansion de l'humanité et à son accroissement. Après des limites tribales, puis nationales, nous en sommes actuellement à un stade de globalisation mondiale qui n'est qu'une étape dans le processus historique de croissance et d'expansion menant vers la conquête inéluctable de l'univers.
2) Le mondialisme désigne une idéologie impérialiste qui estime que le processus historique d'expansion et de croissance baptisée mondialisation doit s'arrêter au stade de l'unification et de l'unité terrestres. Le mondialisme réunit en son sein fédérateur, voire consensuel, les projets libéraux de libre-échange et communistes d'internationalisme. Rien d'étonnant à ce que le mondialisme soit la doctrine prônant un gouvernement mondial sous l'inspiration du Nouvel Ordre Mondial, soit de l'impérialisme britannique promu par les figures de Wells et Russell ou par des sociétés comme la Fabian Society ou la Roundtable.
La mondialisme manipule la mondialisation à des fins dominatrices; afin qu'une élite oligarchique domine l'humanité unifiée, dont on estimerait arbitrairement que le processus d'expansion doit s'arrêter au stade de la mondialisation. La différence principale entre mondialisme et mondialisation tient dans la limite : la mondialisation est le processus dynamique qui implique que l'homme aille dans l'espace - la limite n'est pas le monde; quand le mondialisme est le stade ultime d'une conception figée et finie de l'homme - où la limite est dans tous les sens le monde.
La caractéristique principale de la mondialisation est qu'elle est une étape; quand le mondialisme considère la mondialisation comme la fin indépassable du développement humain. Selon le mondialisme, l'homme ne peut dépasser la limite terrestre; selon la mondialisation, l'homme ne cesse de croître et est conduit à conquérir l'espace s'il veut poursuivre sa croissance et maintenir sa vitalité. La meilleure définition de la mondialisation renvoie à la croissance continue comme définition de l'homme. Le mondialisme tend vers la décroissance, sous des masques toujours harmonieux et subtils.
Si l'on se souvient que l'homme ne peut que croître ou décroître et que sauf dans des utopies pernicieuses, il ne saurait jamais stagner de manière harmonieuse, la conception propagée par le mondialisme est particulièrement inquiétante et sombre. Elle pose le problème de la conception de l'homme, du sens et de l'histoire : se montrer favorable au mondialisme, c'est être typiquement réactionnaire, soit vouloir revenir dans le passé sous prétexte que c'était mieux avant. Qu'est-ce qu'un mondialiste qui considère que le sens est figé, que l'aventure humaine est parvenue à son terme et qu'il ne reste plus qu'à contrôler de manière harmonieuse son monde figé et définitif? Réponse conséquente, inattendue et en inadéquation avec la conception qui veut que le nouveau soit progressiste et avant-gardiste : un pervers.
La limite indépassable et irréfutable fixée par le mondialisme à la croissance humaine indique que selon cette conception le monde est fini et fixe. C'est la définition que fournit un pseudo-philosophe, l'une des icônes des partisans de la décroissance, qui allient la bêtise réactionnaire à l'érudition intellectualiste. Un certain Kenneth Boulding explique sans craindre la contradiction pourtant obvie de sa pensée : «Celui qui croit que la croissance peut être infinie dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste.» Nonobstant le déni de ces décroissants gauchistes qui confondent postulat et démonstration et qui ne se rendent pas compte qu'ils font le jeu des libéraux conservateurs qu'ils professent de contredire, il n'est pas envisageable de se montrer à la fois décroissant et anti-impérialiste.
Un décroissant comme son nom l'indique est du côté de la destruction et du déclin. Qu'il le veuille ou non, il soutient les forces impérialistes sous des motifs nobles de souci écologique et de contrôle des dégâts occasionnés par l'espèce humaine. La dimension faussement charitable et vraiment arrogante de la décroissance est certes insupportable dans sa posture d'avant-gardisme, mais l'identité de la décroissance devient cocasse et limpide dans son identité avec le mondialisme. Tous les types de décroissance sont des expressions plus ou moins idéalistes, plus ou moins utopiques de mondialisme.
L'anticapitalisme professé par les décroissants de gauche ou leur engagement antilibéral ne sont que des masques irrationnels ou inconséquents. En réalité, quelles que soient les différences, il ne peut exister qu'une décroissance de type impérialiste, mondialiste, oligarchique. C'est une contradiction intéressante, quoique parfaitement explicable; comme l'alliance apparemment surprenante, voire contre-nature, des idéaux internationalistes et mondialistes. Pourtant, les théoriciens du NOM impérialiste britannique se sont rendus compte de la communauté de vue des deux idéologies les plus antagonistes et ont produit une synthèse convergente qui indique la parenté pourtant déniée entre capitalisme et communisme.
Dans cette opposition entre mondialisme et mondialisation, c'est la définition du sens qui prévaut. D'un côté, le sens se situe vers la croissance, l'épanouissement, le changement, la nouveauté. Il intègre la dynamique constante et fait de la mondialisation un processus dont l'unité mondialiste ne serait qu'une étape vers la conquête spatiale prévisible. Dans l'autre schéma, l'approche impérialiste, la limite mondialiste indique la décroissance, le dépérissement, la stabilité, l'immuabilité.
Il est vrai qu'envisager la possibilité d'une dynamique décroissante et impérialiste est un trait d'humour ou une apologie de l'irrationalisme. La mondialisation est du côté de l'histoire; le mondialisme fixe une fin toute finie à l'histoire. Qui raconte des histoires? Plus d'aventure spatiale, plus de changement, plus de croissance. Si la conception fixe du mondialisme se trouve en adéquation avec l'approche impérialiste de l'homme, elle constitue un contre-sens majeur et suicidaire pour la pérennité de l'homme. Veut-on poursuivre l'aventure humaine ou la subordonner à des intérêts impérialistes maquillés en écologisme pervers et en domination irrationnelle et injustifiable?

lundi 22 février 2010

L'hyperhymper

La distinction entre mondialisme et mondialisation est une critique formulée par le géopoliticien Pierre Hillard. Au juste, je désapprouve beaucoup des orientations de ce catholique qui promeut un impérialisme nécessaire, un catholicisme proche de l'intégrisme - et sans doute un monarchisme réactionnaire. A mesure que l'Empire britannique s'effondre, un géopoliticien comme Hillard qui formule des recherches précises et documentées sur le sujet du Nouvel Ordre Mondial quitte peu à peu les interprétations réductrices et simplistes comme l'Empire américain ou l'Empire américano-sioniste pour se diriger vers la source de l'impérialisme contemporain, qui est l'Empire britannique financier dont le centre symbolique gît (dans tous les sens du terme) à la City de Londres.
C'est le signe qu'en s'effondrant l'impérialisme perd de sa puissance de fascination et de subordination; et que les analystes qui d'habitude abondent en faux sens ou contre-sens déformateurs commencent à oser pointer du doigt les vrais responsables de l'impérialisme sans craindre que leurs critiques systémiques ne leur causent l'opprobre des dirigeants du système. Que se libère cette parole. Tant que l'on ne désigne pas le vrai coupable, on ne présente aucune chance de guérir le problème. Il ne suffit pas de remarquer (avec raison) que l'impérialisme financier est le grand mal qui secoue notre temps et qui empêche le développement de l'humanité. Il reste à désigner l'identité de cet impérialisme; l'on ne peut le faire qu'avec un sens historique pointu couplé à une analyse lucide des documents. Du coup, Hillard ne se dirige plus vers l'ennemi conjoint américano-sioniste ou vers des forces mystérieuses tapies au sein du non moins mystérieux complexe militaro-industriel.
Il ménage encore la chèvre et le chou en essayant d'expliquer que l'Empire britannique se serait au final développé côté américain - et qu'il aurait évolué d'un impérialisme localement et historiquement britannique vers un impérialisme anglo-saxon diffus, mais surtout américain. Critique, encore un effort! C'est ici qu'il faut non nier l'évidence (la puissance de Wall Street), mais rappeler que contrairement à une propagande insidieuse et aveugle, Wall Street dépend de la City. Non l'inverse. L'exemple emblématique des intérêts Morgan illustre ce lien hiérarchique irréfutable et indéfectible. La puissance américaine de Morgan découle directement de la City de Londres et des paradis fiscaux.
Je voulais aborder le sujet du mondialisme mais je m'aperçois que je me suis embarqué dans une digression à propos de l'impérialisme. L'argument pour cautionner l'impérialisme est proche de l'argument de la crapule : certes, idéalement, il est injustifiable de se comporte en crapule - mais, mais... : il faut bien qu'il y ait des crapules. Donc autant que je sois cette crapule qui a intérêt à sa crapulerie. Sinon, ce sera un autre qui prendra ma place et bénéficiera du confort. Argument des dealers d'héroïne qui justifient leur commerce criminel et illégal par cet argument voisin : si ce n'est moi, ce sera mon voisin (ou mon cousin).
Au fond, c'est l'argument pour légitimer le mal, soit le destructeur : si le mal est au départ carrément indéfendable et injustifiable, en réalité, de manière pragmatique (le grand mot des tentateurs), il convient de faire le mal pour exister. Fondement de la doctrine impérialiste libérale que d'expliquer que le bien général ne peut naître que de la somme des maux individuels. Argument d'un Nietzsche qui explique sans rougir que selon le renversement de toutes les valeurs, il convient de considérer que l'ordre moral a pris les maux pour les biens et vice versa (le vice versa); qu'en conséquence ce que la morale prend pour les maux faussés constitue des biens supérieurs au Bien classique. J'ai souvent entendu défendre cet argument dit pragmatique - et qui en fait repose sur le sophisme pour légitimer l'impérialisme : de toute façon, l'impérialisme est inévitable. Donc : autant que ce soit le nôtre que d'autres.
Au fond, c'est l'argument d'autorité du diable dont on remarque qu'il use de la logique pour persuader de sa folie criminelle. On comprend la folie terminale de Nietzsche et la médiocrité des pères-fondateurs du libéralisme comme Smith, Ricardo ou Bentham. Dans un film aussi didactique que fascinant, l'Associé du diable, le brillant fayot en faillite découvre que son père naturel et ignoré est le diable. Celui-ci pour le séduire utilise les moyens les plus rationnels et les plus procéduriers. Il est à la tête d'un puissant cabinet d'affaires, sis à New York je crois. Cette fable serait-elle moins allégorique que littéraliste?
Toujours est-il que l'apologie de l'impérialisme se fait au nom de sa nécessité. C'est ainsi que l'on légitime la morale du droit des plus forts, sur laquelle repose l'impérialisme classique - et qui mène au fascisme contemporain : c'est inévitable, c'est historiquement attesté, on serait soit dans l'irréel - soit dans l'impérialisme. L'argutie possède quelque pouvoir déculpabilisant. La crapule qui a refourgué des kilos d'héro et enterré dans un coin de sa tête souvent vide une dizaine de macchabées par overdose peut à loisir se consoler en se répétant que de toute façon si ce n'était lui, c'eût été son frère.
Si l'on examine l'histoire, rien n'est plus faux. C'est l'argument du diable que de légitimer l'irréel au nom du réel. La culture occidentale dément la folle justification de l'impérialisme comme passage obligé de toute culture, de tout comportement. Dominer, domine! Ce rappel est d'autant plus important que nous vivons une époque de fin d'impérialisme qui pour se réconforter magnifie la grandeur de l'Empire romain, voire des prédécesseurs. S'il est évident que l'Empire romain joua un rôle majeur dans le bassin méditerranéen, il n'échappe pas à l'observateur perspicace que les principes du christianisme sont venus à bout de l'impérialisme avec une facilité disproportionnée et presque miraculeuse. Est-ce si inexplicable?
Après avoir crucifié le symbole de l'universalisme monothéiste de l'époque, un certain Jésus Christ, sorte d'illuminé de l'époque, les Romains pensaient être venus à bout de la contestation anti-impérialiste de Judée. Ils y ont crucifié leur domination. Quelle est cette force d'illusion qui vainc à tous les coups la force? Quelle principe gagne toujours contre le droit du plus fort? Pourquoi David l'emporte fatalement sur Goliath? Le principe de domination aurait-il été dominé par un principe religieux d'anti-domination? Le principe religieux est tellement plus fort que le principe impérialiste qu'il suffit d'une goutte de religieux contre une quantité infiniment finie de domination finie (impérialiste) pour l'emporter.
Qu'est-ce que ce principe religieux qui qualitativement l'emporte toujours sur un principe impérialiste dont le propre est de dénier le qualitatif pour seulement concevoir et comprendre le quantitatif? Qu'est-ce que le religieux? C'est le principe qui reconnaît le principe d'infini dans le réel. Qu'est-ce que l'impérialisme? C'est le principe politique qui qui estime que le réel est fini dans le sens où il repose sur un monde stable, immuable, défini. Dans ce monde aberrant et faux, la fin est la domination. Domination individualiste, domination économique, domination nihiliste. Le principe politique de l'impérialisme s'appuie sur le principe religieux du nihilisme. L'erreur de l'impérialisme prolonge l'erreur du nihilisme. Dans l'Antiquité, le maître de ce principe est l'élève Aristote - par opposition au maître Platon.
Aristote estime que le réel se définit de manière finie et stable. Si l'on se souvient qu'une goutte de religieux surpasse l'intégralité quantitativement supérieure d'impérialisme, Aristote est supplanté par Platon à partir du moment où Platon a exprimé ses principes. Dans le monde religieux, la fin est la croissance. Le monothéisme surgit pour exprimer cette croissance du religieux, qui passe au sein du transcendantalisme du polythéisme au monothéisme. Si l'on peut avec nostalgie et réaction déplorer l'instabilité du monothéisme par rapport au polythéisme, on ne peut que se féliciter de cette évolution salutaire qui épouse le processus de croissance spécifique au fonctionnement humain.
Croissance contre domination : si quantitativement, c'est la domination qui l'emporte, qualitativement, c'est la croissance qui prédomine. L'argument en faveur de l'impérialisme s'appuie sur la suprématie incontestable du quantitatif. Rengaine éculée : dans l'histoire, les principes impérialistes l'emportent factuellement, événementiellement, quantitativement sur les principes idéalistes et anti-impérialistes. Ce raisonnement serait juste et terrible si l'histoire se limitait au quantitatif et à la masse des faits bruts. Tel n'est pas le cas. Si tel était le cas, Rome serai toujours Rome - le christianisme serait toujours crucifié. La rage nihiliste de Nietzsche l'impérialiste se focalise sur cette croix qui l'envoûte et l'ensorcèle, au point qu'il réduit le christianisme à la figure obsessionnelle et étouffante de son fondateur. On avance que l'histoire consiste à interpréter. Cette conception de l'histoire revient à reconnaître que l'infini créateur est supérieur au fini défini et stable.
Dans l'effondrement de l'Empire romain et son remplacement par le christianisme, il serait vain de mettre en avant tel ou tel comportement impérialiste à l'intérieur de la chrétienté ou d'estimer que l'impérialisme chrétien aurait remplacé l'impérialisme romain. Il suffit d 'un principe religieux pour insuffler un pouvoir d'amélioration qui condamne toutes les menées quantitativement majoritaires de l'impérialisme. Explication à la rage du diable qui est outré que son plan ait échoué alors qu'il l'avait si méticuleusement ourdi. On prétend que le diable perd toujours. Pourtant le diable est réputé fort puissant... Les principes du christianisme ont vaincu les principes impérialistes romains. Sans doute que l'impérialisme est revenu sous des formes multiples et variées à l'intérieur de l'histoire chrétienne, mais là n'est pas l'important. L'essentiel est que le christianisme est plus fort que l'impérialisme romain, comme le platonisme est plus fort que l'impérialisme perse.
L'important est que le principe religieux soit supérieur au principe impérialiste et que l'illusion de supériorité de l'impérialisme s'appuie sur un principe de domination quantitatif qui est inférieur au principe de croissance. C'est au nom de la supériorité de la domination quantitative sur le religieux que la propagande impérialiste s'échine à démontrer que son principe est meilleur ou plus adéquat. Las! C'est grâce à une illusion de perspective que se propage cette illusion tenace. La supériorité d'un principe réel, même approximatif et croissant, sur un principe faux et délirant, est évidente. La supériorité du religieux sur l'impérialisme est évidente. La supériorité du religieux classique sur le nihilisme est évidente. Quelles que soient les raisons que l'impérialisme et ses formes adjacentes et connexes pourront proposer, les arguties seront vaines. Les impérialistes sont condamnés à perdre devant le principe de croissance parce que dans tous les sens du terme ils sont finis.

samedi 20 février 2010

Misère du complot

La vraie question est le danger oligarchique. Pas le complotisme ou la critique du complotisme.

A l'heure où les médias Gutenberg font montre de leur partialité éhontée et médiocre en discréditant grossièrement leur successeur Internet, dont les prétentions à l'information, la réflexion et l'imagination (les vertus du virtuel) sont taxées de complotisme (et ses synonymes), il ne suffit pas de discréditer cette pseudo-critique du complotisme comme une critique douteuse émanant du pouvoir et une manipulation rhétorique interdisant la critique sous prétexte d'amorcer la critique de la critique.
Nul besoin d'une critique sur la critique qui soit cette fois critique certaine et irréfutable. Toute critique authentique n'exprime jamais qu'une position incertaine et seulement classique. La critique certaine est une supercherie de critique. Critiquer le complotisme ou théoriser le complot pour s'en moquer place la critique du côté du pouvoir, ce qui constitue une impossibilité flagrante et pernicieuse. Comment critiquer quand on est du côté du pouvoir? C'est simple : on critique la critique contre le pouvoir. C'est un conte de critique. D'où : on pseudo-critique la critique classique et authentique. On empêche la critique sous prétexte d'user de critique. On récupère la démarche critique pour mieux la subvertir et la saborder.
Misère de la critique du complotisme! Mais tout aussi bien : misère du complotisme. Si la critique du complotisme amalgame sans honte les complots avérés avec le complotisme rigoureux, le complotisme existe et explique les événements par des complots. L'erreur centrale du complotisme consiste à estimer que ce qui prédomine chez l'homme réside dans la structure du complot : le nuisible, le caché, la toute-puissance. Quand on examine la structure de ces deux manipulations, complotisme comme critique du complotisme, elles sont au fond identiques : les deux se produisent sur fond de détérioration sérieuse de la démocratie et sur son remplacement par la structure oligarchique.
S'il est peu étonnant que la critique du complotisme se trouve au service des intérêts oligarchiques qui interdisent la critique et censurent les complots effectifs qu'ils ourdissent, le développement des théories du complot n'est également possible que sur ce fond d'oligarchisation de la société et de déclin démocratique manifeste. La mentalité oligarchique se développe sur fond de nihilisme, singulièrement immanentiste en période moderne. L'oligarchie domine dans la mesure où certaines élites estiment que la domination est envisageable. Soit : que le réel fini peut être dominé par le désir humain.
Le complotisme rigoureux (pas l'instrumentalisé) ne se déploie que sur fond de fonctionnement oligarchique de la société. Le développement de l'explication complotiste ne sanctionne pas seulement la paresse intellectuelle dans l'interprétation des complots, consistant à réduire le réel au désir humain; elle mésinterprète ou sous-interprète l'accroissement irréfutable des complots en période de crise. Le complotisme ne se développe que parce que les complots sont de plus en plus nombreux et dénoncés.
Leur augmentation signale la crise démocratique et son basculement vers l'oligarchie. Leur dénonciation indique que les forces comploteuses s'affaiblissent, soit que les institutions démocratiques s'étiolent et que les pirates oligarchiques qui utilisent ces institutions comme des repaires se nécrosent - sans s'en rendre compte. Jeu de dupes. Les complots ne sont possibles que dans une société qui s'affaiblit. Pas seulement d'un point de vue démocratique, car l'important est que la société dispose de moyens puissants pour se défendre - pas que cette structure soit spécialement démocratique. Dans un fonctionnement solide, les institutions dissuadent de comploter contre elles. On ne complote contre elles que dans les périodes où elles se révèlent faibles.
L'explication du complotisme ne surgit que pour compenser l'affaiblissement institutionnel par l'affaiblissement interprétatif. Le complotisme est une fausse interprétation, qui signale lui aussi que la société bascule vers l'oligarchisme, soit vers un pouvoir faible et disséminé. La critique du complotisme est cet envers de la fausse critique complotiste qui prétend nier les complots (déni caractéristique et absurde) et amalgamer complotisme et critique des complots effectifs.
Au lieu de s'arrêter au scandale de la critique du complotisme ou à l'imposture des médias Gutenberg, qui prétendent critiquer pour sauver leur peau condamnée, il convient de s'interroger sur le symptôme. Si complotsime et critique du complot reposent sur la structure identique de l'effondrement de la démocratie et de son remplacement par l'oligarchie, la vraie question est le danger oligarchique. Pas le complotisme ou la critique du complotisme. Autrement dit : l'affaiblissement du pouvoir.
Dans un pouvoir affaibli, le complot est encouragé parce que l'identité du pouvoir s'obscurcit au profit d'un éclatement des structures du pouvoir et par leur caractère désormais fragile; voire carrément fantoche. Dans nos sociétés dites libérales, le dogme ultra-libéral de la privatisation des institutions aboutit non à un progrès fonctionnel, mais à l'effondrement dramatique du fonctionnement social. C'est vers cet implacable constat que se dirige l'hystérie autour du complotisme et de la critique du complotisme : non pas tant de parvenir à une critique insatisfaisante, quand bien même elle serait en partie justifiée (dans le cas de nombreux plans des théories du complot), que de taire ce que la médiocrité critique exprime avec éclat : l'effondrement du niveau de la critique implique l'effondrement de l'objet critiqué, soit du pouvoir.
Critiquer du côté du pouvoir est une imposture, mais critiquer le pouvoir en le ramenant à des désirs simplistes est aussi une imposture. L'imposture de la critique signe l'imposture du pouvoir. Pouvoir en berne. Pouvoir en faillite. L'oligarchie est moins la mise en place de castes sociales que la fragilisation de la société. C'est selon une interprétation pessimiste et complotiste que l'oligarchie est perçue comme un système aussi pervers que tout-puissant. Le pouvoir oligarchique serait tout-puissant. Les meneurs de ces élites oligarchiques seraient des êtres cruels, impavides, dénués de tout sentiment - mais qui réussissent toujours dans leurs complots machiavéliques et parfaits. En réalité, il n'en est rien : les élites oligarchiques sont constituées d'être dépravés, méchants, bornés et profondément impuissants.
Au lieu de fantasmer sur la toute-puissance de la dynastie Rockefeller ou de sa jumelle la dynastie Rothschild, visez l'évidence : ces élites sont affaiblies en ce qu'elles perdent dans le principe d'oligarchie le fondement de leur pouvoir, qui repose sur la responsabilité ou l'identité. Plus l'oligarchie domine, moins la domination qu'elle instaure n'est effective. L'identité de ces élites oligarchies s'éclate, s'éparpille, se réfracte, s'altère. Nos impétrants oligarchiques sont les pantins de leur propre aveuglement. Ils suivent la supercherie oligarchique, qui repose sur la duperie nihiliste.
Dans ce prolongement, le symptôme du complotisme sanctionne le déclin oligarchique. Le mensonge révoltant de la critique fallacieuse du complotisme n'est jamais que le prolongement de ce système généralisé de tromperie, où le religieux est dénié, où le pouvoir est gangrené, où la critqiue est censurée et où la censure cache finalement la terrible et drolatique vérité : le roi est nu. Soit : le système est fou autant que faux. Ne pas se laisser distraire par la fausse critique, c'est se diriger vers la vraie critique : la critique du pouvoir en est l'incarnation politique. Au fondement, il faut interroger l'identité religieuse : quelle est cette identité qui se présente elle-même comme sortie du religieux ou dépassement du religieux? Bizarre dépassement que ce dépassement qui aboutit à l'effondrement, au déclin et au ridicule.

jeudi 18 février 2010

Les pendules à l'ère

A l'heure où les règlements de comptes fantaisistes et partiaux pleuvent dans les médias de format Gutenberg, qui dépassés essayent de sauver leur peau en discréditant leur successeur Internet et en le réduisant à une bouillie de pervers oscillant entre le conspirationnisme et la pornographie, cette réaction mérite d'être lue et méditée. Elle remet les pendules à l'heure et explique pourquoi Internet est le nouvel espace. Espace d'expression. Espace tout court.



http://www.altermonde-sans-frontiere.com/spip.php?article12948


"Prenez un mouvement vaste et divers, composé de personnes crédibles, compétentes, raisonnables, qualifiées, qui utilisent l’internet parce qu’il est libre, accessible, pour développer des analyses percutantes, des remises en question convaincantes, des critiques pertinentes, sur tous les grands sujets de société, mélangez-les avec tout le reste, surtout ce qui est ridicule, sans rigueur et amateur (l’amalgame) et secouez dans le shaker réducteur de la diffamation simpliste, du lynchage médiatique ‘bête et méchant’. Apposez l’étiquette, "théories conspirationnistes", "négationnistes". Et le tour est joué pour éloigner le grand public de témoignages sérieux, rigoureux et documentés, qui pourraient leur ouvrir les yeux, et démasquer les vrais imposteurs.
Nous, vous, tous les chercheurs sérieux, honnêtes, d’Internet et d’ailleurs, qui se démènent pour débusquer les vérités et les contrevérités là où ils peuvent, là où on les laisse aller, devons-nous nous laisser traiter de la sorte, pouvons-nous laisser encore longtemps ces vrais imposteurs nous insulter et nous dénigrer avec autant de mauvaise foi et d’arrogance ? Honte sur eux. Remettons-les à leur vraie place, celle des menteurs, des semeurs de confusion et d’amalgames trompeurs, celle des tricheurs et des moralisateurs, des vrais assassins de la vérité.
Avant que des « agitateurs » psychologiques, les « émeutiers » des blogs et des sites internet alternatifs ne s’infiltrent comme les rats qu’ils sont dans la toile, comme c’est très sérieusement envisagé par les fameux donneurs de leçons officielles, ceux-là même qui usurpent l’espoir, la paix et le changement (Un membre de l’Administration Obama réclame « l’infiltration cognitive » des Mouvements pour la Vérité), avant cette catastrophe pour l’humanité, il faut que tous les amoureux des vérités et de sa recherche tenace, de la diversité, de la contradiction, de la démocratie, se lèvent, résistent, écrivent et parlent, tant qu’il est temps.
Quant à tous les gens qui parfois doutent bien, un peu, surtout, quand les mensonges sont tellement évidents que même la presse officielle ne peut le cacher, mais qui se rendorment aussitôt, l’esprit capté par toutes les images égarantes, ou séduisantes, dans leurs postes de télévision, et détournés des chercheurs de vérité par les vrais menteurs, les imposteurs qui les traitent de conspirationnistes, oui que tous ces gens brisent le sortilège de Stockholm et voient leurs ravisseurs psychologiques pour ce qu’ils sont : les vrais tricheurs. Dans le syndrome de Lima, sorte de variante de Stockholm à l’envers, les preneurs d’otages se prennent à leur tour d’affection pour leurs victimes. N’ayez aucun espoir que dans le cas de nos tourmenteurs actuels, ce syndrome de Lima se vérifie. Quand à moi, dans ce monde où le mensonge traduit la bonne santé, et la recherche de la vérité, la maladie, je suis content d’être à ce point malade.
Je ne prendrai aucun traitement.
Pascal Sacré."

mercredi 17 février 2010

Duberie

"Les Israéliens sont les assassins et les criminels. Ils ont pris notre terre, tué nos enfants, commis des massacres dans Gaza. Si Dieu le veut, la résistance sera plus forte et ripostera durement."
Mahmoud Abdul Raouf al-Mabhouh, commandant militaire du Hamas, assassiné à Dubaï le 20 janvier 2010, interview donnée en 2009 à Al Jazeera.

(JPG)

L'assassinat d'un commandant militaire du Hamas n'est que l'énième péripétie des exécutions larvées qui endeuillent la région autour de la guerre postcoloniale opposant l'occupant aux territoires occupés de l'ancienne Palestine. Israël peut assassiner tous les résistants qu'il veut, il a perdu le combat. Il a perdu la main. La preuve éperdue? La couverture médiatique est de plus en plus sévère pour le chouchou de l'après-Shoah. Les passeports truqués, les opérations sous fausse bannière, les techniques d'élimination : éventées. Tshoah pantin? Qui est éventré?
Ce nouvel assassinat aurait été perpétré par une dizaine d'hommes et de femmes de main, sous des couvertures de passeports européens, surtout britanniques. Puisque la plupart incriminent avec lucidité et force détails la responsabilité d'Israël, j'aimerais apporter une interprétation discordante, qui ne ménage nullement Israël, mais qui l'intègre dans un processus impérialiste dont il n'est pas le maître. Au pis un exécutueur sardonique et désaxé.
Le lieu de l'assassinat n'est pas anodin : la vénéneuse Dubaï, plaque-tournante des trafics et nouvelle Hong Kong con-damnée. Hong Kong Theory. Dubaï est la vitrine des munificences babyloniennes de l'Empire britannique. Dubaï est l'expression inconséquente et prévisible de l'Empire : la démesure, la démence, la chute. Chut? Dubaï a été victime de l'implacable crise systémique qui touche les extensions territoriales de l'hydre aveugle et furieuse : la partie postconfédérée des États-Unis (dont l'emblématique Wall Street), le Royaume-Uni ruiné (lui-même otage plus ou moins consentant de ce marché de pirates), l'Espagne en banqueroute, le Brésil sous banquise...
Liste non exhaustive. L'assassinat de Mahmoud en dit long sur la nature d'Israël, la fameuse et fumeuse Unique Démocratie d'Orient : c'est un pays aussi réel que la place des palaces de Dubaï. L'Empire susciterait-il des oasis territoriaux comme il prospère à l'ombre luxuriante des paradis fiscaux? Est-ce hasard si Mahmoud du Hamas a été assassiné à Dubaï - à ce qu'on murmure par des Européens - avec la complicité à prouver d'Israéliens? Ne serait-ce pas plutôt - la démonstration des contours satrapiques qui recoupent la dénomination de l'Empire britannique? Israël est l'eldorado postcolonial qui entend prendre la place de - la Palestine. Dubaï est la bulle immobilière qui a poussé comme un champignon vénéneux entre drogue et trafics en tous genres. Le Moyen-Orient, trop de la balle! Que faisait Mahmoud à Dubaï? Cherchait-il des financements pour sa cause si compréhensible? A-t-il été trahi comme certaines sources l'indiquent? Sans doute l'analyse détaillée de son meurtre indiquerait que des proches ont accepté le pacte.
Mais si l'on pose la question simple et lucide : à qui profite le crime?, on arrive à un problème épineux. Si c'est Israël qui est le commanditaire ultime de ce meurtre colonial, il reste à expliquer plus que le trucage des identités occidentales des tueurs présumés, partout placardés dans la presse. Il reste à expliquer pourquoi la presse mondiale propagerait les soupçons et les indices incriminant Israël autour de cet assassinat politique infâme. Si la réalité criminelle d'Israël ne fait aucun doute, en particulier depuis le rapport Goldtsone, qui qualifie le massacre de Gaza de crime de guerre et de crime contre l'humanité, Israël est-il le commanditaire ultime ou est-il à son tour manipulé dans un cercle vicieux (le manipulateur manipulé)?
Les parties qui ont participé à cet assassinat découlent des factions financières de l'Empire britannique. En outre, les stratèges qui auraient avalisé l'opération en Israël, s'ils sont capables de telles exactions, se révéleraient de piètres analystes pour leur cause idéoillogique. Après les campagnes du Liban et de Gaza, on va devenir maussade dans les kibboutzim! Comment expliquer qu'Israël agisse de manière suicidaire - contre ses intérêts les plus évidents? Israël est-il aveugle au point de mécomprendre que la destruction du peuple palestinien est impossible et que la politique incendiaire qu'Israël suit envenime la situation. Israël veut-il disparaître dans les pires vengeances?
Peu importe par où je commence, car je reviendrai ici : comment expliquer que les tueurs aient utilisé des fausses identités occidentales, singulièrement britanniques, pour accomplir leur besogne? Bis repetita placent. Si les services israéliens ont les moyens d'agir avec la complicité des États occidentaux, si la technique de l'identité usurpée rappelle le glauque 911, peut-on accepter l'hypothèse selon laquelle cette action profiterait in fine aux intérêts israéliens? Au risque de décevoir ceux qui aimeraient incriminer de manière définitive les exactions d'Israël, j'oserai une hypothèse plus complexe et plus lucide : s'il n'est pas question de minimiser la participation d'Israël à cette sordide entreprise, tout indique qu'Israël n'est pas le commanditaire ultime de cette opération, et qu'au contraire il en subit les inconvénients. Comme dans le 911?
Comme si l'opprobre des populations musulmanes ne suffisaient pas, Israël commence à être sévèrement discrédité parmi l'opinion européenne, qu'on nomme avec un beau lapsus impérialiste l'opinion internationale. Ceux qui ont fait le coup cherchent à diviser pour régner - et utilisent Israël dans leur stratégie. A qui profite le crime? Ni à Israël, ni à Dubaï, ni aux Palestiniens, ni à aucun État. Attention : je répète, il n'est pas question de dénier l'existence des responsabilités israéliennes, qui apparaissent écrasantes. Il s'agit de se diriger vers les commanditaires ultimes, pas de s'arrêter à des exécutants, fussent-ils influents et pervers.
Pourquoi ne parvient-on pas à poser une identité cohérente sur les commanditaires de ces tueurs dont le visage est partout répandu dans la presse? Parce que les responsabilités étatiques ne suffisent pas à fournir une explication globale et qu'elles ne permettent que des interprétations fragmentaires et partielles? Si l'on passe des nations aux factions, notre lanterne s'éclaire. L'Empire britannique n'est pas une puissance coloniale politique; c'est le prolongement de cette puissance classique par une mutation financière et apatride. Ce sont des factions financières qui ont commandité cet attentat et qui ont intérêt à diviser dans la région pour régner.
N'est-ce pas la stratégie coloniale poursuivie par les Empires depuis les accords de Sykes-Picot? Israel n'est-il pas le pantin monstrueux de ces factions financières depuis au moins sa création, sans dote depuis la Déclaration Balfour de 1917? Israël est complice du meurtre et il ne sert à rien de minimiser sa responsabilité morale et juridique. Mais le crime profite aux factions financières qui divisent dans la région, qui attisent les marrons, qui détruisent les États en place au point que désormais les populations sont opposées à leurs dirigeants corrompus et vils.
Ces factions sont au-dessus des États-nations comme les démocraties occidentales et ont suscité les satrapies d'Orient comme les dictatures improprement dénommées musulmanes. Israël n'est pas autre chose qu'une satrapie dotée d'une justification idéologique bancale et irrationnelle. La légitimité juridique d'Israël ne tient pas la route, ce que Balfour savait déjà très bien mais qu'il refusait de prendre en compte, mû par des considérations colonialistes. Israël est manipulé par les factions financières, qui agissent en Israël comme dans leur pré carré. Les gens qui essayent de comprendre quel monstre agit de la sorte, par des assassinat et des massacres aveugles, peuvent subir la désorientation médiatique savamment orchestrée par ceux qui ne veulent pas que l'on identifie les responsables. Pour parodier un propagandiste atlantiste creux et prétentieux, qui a tué Mahmoud?
Face à l'incompérhensible, on est tenté de se rabattre sur le coupable le plus immédiat et le plus évident : Israël. Israël a tout d'un monstre, n'en déplaisent aux campagnes propagandistes qui l'affublent de mérites démocratiques et de vertus morales. La culpabilité israélienne n'est pas possible sans l'aval occidental. Le crime profite aux factions financières qui constituent l'Empire britannique de nature apatride et d'ordre financier. S'il serait urgent de procéder à quelques arrestations parmi les terroristes qui peuplent les couloirs institutionnels de l'État postcolonial d'Israël, il serait encore plus pressant d'interroger les actionnaires de la place de Dubaï en pleine déconfiture.
Voyons, voyons... Pourquoi pas notamment le conglomérat immobilier Dubaï World? Il comprend en son sein des intérêts financiers comme HSBC, Lloyds ou Royal Bank of Scotland. RBS, vous savez, le partenaire privilégié de la grande banque espagnole en faillite - Banco Santander? Voyons, voyons... Qui compose le conseil d’administration de la Dubaï Financial Services Authority? Qui siège au Dubaï International Financial Center?
Des financiers de la place de la City de Londres - ou des représentants de l'oasis postcolonial Israël? Qu'est-ce qu'Israël? Un dominateur politique somme toute classique - ou une courroie de transmission de la domination mutante? Quelle est la structure impérialiste qui prédomine à l'heure actuelle? L'impérialisme politique ou financier? Et si ce meurtre signifiait qu'il est grand temps d'arrêter les fictions des factions? Les frictions des fractions?
Pour finir en rendant hommage à Mahmoud, j'aimerais pasticher comme une prière funéraire le discours que prononça le ministre Malraux pour célébrer le transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon. On m'excusera pour les approximations. Elles sont de bonne foi. Le discours de Malraux est prononcé après la libération de la France (en 1964). Dans le cas de la Palestine, il prend des allures visionnaires, je l'espère prophétiques. C'est à la Palestine de l'avenir, la Palestine libérée du postcolonialisme de plus en plus délétère et putride que le pastiche s'adresse, pas forcément dans quatorze ans. Mahmoud n'est pas mort en vain. Dans sa chambre de martyr, il a rendu son honneur à tous les hommes, à la Palestine, la justice et la liberté.

Comme Jean Moulin entra au Panthéon, avec son cortège d'exaltation dans le soleil de Provence, entre ici, Mahmoud Al-Mabhouh, avec ton terrible cortège. Avec ceux qui sont morts dans les chambres sans avoir parlé, comme toi ; et même, ce qui est peut-être plus atroce, en ayant parlé ; avec tous les rayés et tous les tondus des camps de réfugiés, avec le dernier corps trébuchant des affreuses files de l'opération Plomb durci (...) ; avec les milliers de Palestiniennes qui ne sont pas revenues des camps, avec la dernière femme morte à Sabra et Chatila pour avoir donné asile à l'un des résistants. Entre, avec le peuple né de l'ombre et disparu avec elle - nos frères dans l'ordre de la Nuit... Commémorant l'anniversaire de la Libération de Gaza, je disais : « Écoute ce soir, jeunesse de mon pays, ces cloches d'anniversaire qui sonneront comme celles d'il y a quatorze ans. Puisses-tu, cette fois, les entendre : elles vont sonner pour toi. »
L'hommage d'aujourd'hui n'appelle que le chant qui va s'élever maintenant, ce Chant des partisans que j'ai entendu murmurer comme un chant de complicité, puis psalmodier dans le brouillard d'Ephraïm et les bois de Josaphat, mêlé au cri perdu des moutons des tabors, quand les bazookas de Gaza avançaient à la rencontre des chars de Tsahal lancés de nouveau contre la ville de Rafah. Écoute aujourd'hui, jeunesse de Palestine, ce qui fut pour nous le Chant du Malheur. C'est la marche funèbre des cendres que voici. À côté de celles de Salah Shehadeh avec les soldats de l'an II, de celles de Mahmoud Darwich avec les Poèmes palestiniens, de celles de cheikh Yassine veillées par la Justice, qu'elles reposent avec leur long cortège d'ombres défigurées. Aujourd'hui, jeunesse, puisses-tu penser à cet homme comme tu aurais approché tes mains de sa pauvre face informe du dernier jour, de ses lèvres qui n'avaient pas parlé ; ce jour-là, elle était le visage de la Palestine...