Ne laissons pas les sophistes occuper le terrain de la critique du complotisme. On peut ne pas être complotiste tout en se montrant résolument adversaire des sophistes. Les sophistes sont ce label délivré par Platon pour désigner les penseurs de son époque qui profitent de la crise du sens instillé par l'effondrement du polythéisme et qui prétendent développer des théories qui toutes se placent du côté du plus fort. Platon identifie le danger antirépublicain et oligarchique du nihilisme - représenté par un Gorgias.
En particulier, il montre que la pensée sophistique se développe à partir de fondements inconséquents, irrationnels et contradictoires. On ne peut justifier rationnellement de la loi du plus fort. Calliclès en est la caricature, Gorgias l'emblème. Aujourd'hui les sophistes sont revenus avec usure. Ils occupent d'autant plus la place-force de l'impérialisme occidental qu'ils profitent d'une crise du sens bien supérieure à la crise polythéiste. Nous vivons une époque d'effondrement de l'ensemble du transcendantalisme. Les sophistes ressurgissent pour imposer la forme moderne du nihilisme - l'immanentisme.
Dans le cadre du complotisme, il importe pour les experts-sophistes de défendre la démocratie et la liberté. C'est beau de défendre démocratie et liberté, mais il serait opportun de rappeler qu'en l'occurrence, nous affrontons une conception dévoyée de la démocratie et de la liberté, soit de la démocratie et de la liberté libérales. En deux ou trois mots, la démocratie et la liberté sont appréhendées comme un ensemble fini et stable. C'est dans le cadre de la défense conservatrice du pouvoir que la critique complotiste s'épanouit. Épanouissement plus que suspect si l'on s'avise que critique et pouvoir font forcément mauvais ménage.
Là n'est pas le pi(t)re. La critique du complotisme est sophistique en ce qu'elle se place du côté du pouvoir. Elle défend le droit des plus forts. Les arguments qu'elle déploie ne concernent jamais l'examen de la vérité, mais l'analyse des rapports de force. Qu'est-ce que le complotisme? Au départ, il s'agit de dénoncer une propension pathologique à expliquer le surgissement des événements humains par des complots. Il s'agit moins de remarquer que les complots existent que d'énoncer que les complots expliquent.
Selon cette conception, le complotisme est une erreur manifeste, qui débouche sur des interprétations bariolées et pittoresques (le complot des reptiliens pour prendre un exemple drolatique). Le glissement de sens amalgamant et pervers intervient quand on prétend nier l'existence de complots à l'intérieur des institutions. Le complotisme devient prétexte au déni de complots : on amalgame complots et complotisme. Cette démarche rhétorique s'apparente à un sophisme qui réhabilite le droit du plus fort sous couvert de critiquer le complotisme. Sous-entendu : toute insinuation de complot visant le pouvoir est fausse.
Le complotisme présente ainsi deux sens différents, voire ambivalents :
1) La critique des théories explicatives du réel à partir de fondements complotistes;
2) La critique des dénonciations de complots intervenant dans les strates du pouvoir.
Si la critique 1 est de bons sens, il apparaît qu'elle est utilisée de manière perverse et propagandiste pour détruire la critique 2. Est-il fondé de nier l'existence de complots à l'intérieur du pouvoir? Réponse de bon sens : il est œdipien de nier que des complots existent à l'intérieur du pouvoir. Cette prétention mensongère se révèle destructrice. Tout déni détruit. Dans le cas du complot d'État, le refus de considérer son existence détruit les institutions et corrompt à la manière d'un poison mortifère l'exercice du pouvoir.
J'aimerais revenir sur le cœur du déni nommé complotisme : le complot d'État. Les théories complotistes distillées par les chantres professionnels du conservatisme à tendance réactionnaire (comme Taguieff en France) acceptent à la rigueur de considérer les complots marginaux ou mineurs (comme le complot al Quaeda), jamais l'existence pourtant irréfutable des complots institutionnels ou officiels. Il est inadmissible pour les critiques officielles et partisanes du complotisme d'admettre que des complots peuvent advenir dans les cénacles du pouvoir.
C'est un déni qui en dit long sur le degré de discernement et d'indépendance de nos experts en complotisme, qui passent de plus en plus pour des propagandistes caractérisés au service de la défense et de l'apologie du pouvoir. Le deuxième point étroitement relié au déni est amusant : il paraît inconcevable de reconnaître l'existence de complots, a fortiori institutionnels, en régime démocratique. Comme si la possibilité de complots en régime démocratique sapait les instituions démocratiques qui reposent largement sur des principes de responsabilité humaine.
En particulier, il montre que la pensée sophistique se développe à partir de fondements inconséquents, irrationnels et contradictoires. On ne peut justifier rationnellement de la loi du plus fort. Calliclès en est la caricature, Gorgias l'emblème. Aujourd'hui les sophistes sont revenus avec usure. Ils occupent d'autant plus la place-force de l'impérialisme occidental qu'ils profitent d'une crise du sens bien supérieure à la crise polythéiste. Nous vivons une époque d'effondrement de l'ensemble du transcendantalisme. Les sophistes ressurgissent pour imposer la forme moderne du nihilisme - l'immanentisme.
Dans le cadre du complotisme, il importe pour les experts-sophistes de défendre la démocratie et la liberté. C'est beau de défendre démocratie et liberté, mais il serait opportun de rappeler qu'en l'occurrence, nous affrontons une conception dévoyée de la démocratie et de la liberté, soit de la démocratie et de la liberté libérales. En deux ou trois mots, la démocratie et la liberté sont appréhendées comme un ensemble fini et stable. C'est dans le cadre de la défense conservatrice du pouvoir que la critique complotiste s'épanouit. Épanouissement plus que suspect si l'on s'avise que critique et pouvoir font forcément mauvais ménage.
Là n'est pas le pi(t)re. La critique du complotisme est sophistique en ce qu'elle se place du côté du pouvoir. Elle défend le droit des plus forts. Les arguments qu'elle déploie ne concernent jamais l'examen de la vérité, mais l'analyse des rapports de force. Qu'est-ce que le complotisme? Au départ, il s'agit de dénoncer une propension pathologique à expliquer le surgissement des événements humains par des complots. Il s'agit moins de remarquer que les complots existent que d'énoncer que les complots expliquent.
Selon cette conception, le complotisme est une erreur manifeste, qui débouche sur des interprétations bariolées et pittoresques (le complot des reptiliens pour prendre un exemple drolatique). Le glissement de sens amalgamant et pervers intervient quand on prétend nier l'existence de complots à l'intérieur des institutions. Le complotisme devient prétexte au déni de complots : on amalgame complots et complotisme. Cette démarche rhétorique s'apparente à un sophisme qui réhabilite le droit du plus fort sous couvert de critiquer le complotisme. Sous-entendu : toute insinuation de complot visant le pouvoir est fausse.
Le complotisme présente ainsi deux sens différents, voire ambivalents :
1) La critique des théories explicatives du réel à partir de fondements complotistes;
2) La critique des dénonciations de complots intervenant dans les strates du pouvoir.
Si la critique 1 est de bons sens, il apparaît qu'elle est utilisée de manière perverse et propagandiste pour détruire la critique 2. Est-il fondé de nier l'existence de complots à l'intérieur du pouvoir? Réponse de bon sens : il est œdipien de nier que des complots existent à l'intérieur du pouvoir. Cette prétention mensongère se révèle destructrice. Tout déni détruit. Dans le cas du complot d'État, le refus de considérer son existence détruit les institutions et corrompt à la manière d'un poison mortifère l'exercice du pouvoir.
J'aimerais revenir sur le cœur du déni nommé complotisme : le complot d'État. Les théories complotistes distillées par les chantres professionnels du conservatisme à tendance réactionnaire (comme Taguieff en France) acceptent à la rigueur de considérer les complots marginaux ou mineurs (comme le complot al Quaeda), jamais l'existence pourtant irréfutable des complots institutionnels ou officiels. Il est inadmissible pour les critiques officielles et partisanes du complotisme d'admettre que des complots peuvent advenir dans les cénacles du pouvoir.
C'est un déni qui en dit long sur le degré de discernement et d'indépendance de nos experts en complotisme, qui passent de plus en plus pour des propagandistes caractérisés au service de la défense et de l'apologie du pouvoir. Le deuxième point étroitement relié au déni est amusant : il paraît inconcevable de reconnaître l'existence de complots, a fortiori institutionnels, en régime démocratique. Comme si la possibilité de complots en régime démocratique sapait les instituions démocratiques qui reposent largement sur des principes de responsabilité humaine.
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