mercredi 26 février 2014

L’unicité du visible

Le pouvoir caché n’existe pas. Le propre du caché est d’être inférieur au visible. Le caché est soit ce qui peut être visible et qui n’est pas vu, soit la catégorie de ce qui a besoin de sa cacher pour rester invisible. Le caché désigne alors la réduction du visible à une niche réactionnaire, bientôt appelée à la disparition. Une forme sclérosée. 
L’invisible désigne une forme paradoxale, qui n’aurait pas accès à l’existence ou de manière détournée et inférieure. Le caché est la forme politique de l’invisible, à ceci près qu’il se présente comme un politique paradoxal, qui serait individualisé à la forme la plus minimaliste du politique et qui ne concernerait que quelques individus (la forme de l’élitisme le plus exacerbé, individualiste dans son élitisme).
Le pouvoir est l’antithèse du caché. Du fait que le caché se présente comme élitiste, il ne peut que concerner certains individus enfermés dans certaines chapelles. Mais le mensonge du caché consiste à laisser entendre que chaque chapelle serait l’unique ou la plus haute, alors que le propre du caché est de s’épanouir dans la multiplicité. Il n’est pas de caché unique. Sa singularité est d’être multiple. Il existe des myriades de formes cachées, qui toutes croient être, sinon l’unique, du moins la plus haute.
Mais le pouvoir n’existe pas en tant que caché, parce que le caché signifie le morcelé en myriades, en multiplicités innombrables. Le caché ne peut être le pouvoir, puisque le pouvoir exprime le processus inverse selon lequel il faut réunir les multiplicités en une forme unique, dont la singularité se trouve rehaussée par l’unicité. Au final, la singularité qui se trouve revendiquée comme la caractéristique des choses du réel par les nominalistes (et actuellement par Rosset, qui exprime la phase de l’immanentisme terminal) n’est pas la forme première du réel, puisque l’organisation politique montre que le plus important est l’unicification plus que la singularité.
Ce n’est pas que le politique soit l’expression la plus importante de l’homme, puisque je la tiens plutôt pour l’application dans le domaine de l’action et du sensible des principes abstraits définis (et trouvés) par les idées (ce qui montre que le réel est plus abstrait que donné et que le principe actif du réel n’est pas dans l’action, amis dans la réflexion, voire la réflection). Mais la politique est l’expression visible de l’idée selon laquelle le pouvoir ne peut être que visible, qu’il ne peut être caché.
Le pouvoir est l’émanation dans le domaine de l’organisation sociale du réel d’ordre idéel. Cette politisation de la société humaine signifie que l’homme n’est pas un animal comme les fourmis qui forment aussi une société, mais y ajoute un lien avec ce qui constitue le réel spécifique de l’homme et auquel les animaux n’ont pas accès : ce que Platon nomme l’infini et ce que j’appelle le malléable.
Le politique constitue l’expression de l’infini platonicien dans l’organisation sociale. De ce fait, le politique ne peut être caché, puisque soit ce caché doit apparaître, auquel cas le politique le fera apparaître d’un point de vue politique (il n’existe pas de caché au sens politique), soit il s’agit d’un caché de forme oligarchique qui exprime une infériorisation de la conception politique. Le caché politique peut exister, mais c’est une forme inférieure au pouvoir visible. 
On peut même dire que ce n’est pas un pouvoir digne de ce nom, au sens où il est contre l’unicité et signale l’éclatement de la multiplicité, avec un beau paradoxe : sa multiplicité s’accompagne de la revendication forcenée de son unicité, au motif qu’il serait le meilleur de toute cette multiplicité (et qu’à la limite, les innombrables concurrents relèveraient de l’imposture). Mais le meilleur du caché reste inférieur à la possibilité de pouvoir qui passe par le visible, aussi vrai que l’unicité et l’unité ne peuvent que découler du visible.
Le mythe du pouvoir caché découle d’une conception qui est favorable à l’oligarchie, alors qu’elle se prétend contestataire, du fait qu’elle dénoncerait les complots du pouvoir en place, dont la visibilité se trouve supplantée par le pouvoir caché, dont le propre étant de ne pas apparaître peut tout aussi bien ne jamais se trouver défini. La supercherie complotiste vient de cette béance et de cette latence entre ce qui est et ce qui n’est pas.
Ce qui est étant réputé inférieur à ce qui n’est pas, et qui n’est pas sous la forme platonicienne de l’autre et de la différence, ce qui n’est pas sera toujours plus intéressant que ce qui est, qui est moindre étant d'être, et présentera l’avantage d’être d’autant plus l’objet de fantasmes qu’il n’est rien d’autre que de l’autre. Le caché est supérieur au visible, au sens où le pouvoir est inférieur à la domination. Dès lors, le pouvoir n’est plus du pouvoir, du fait qu’il se trouve inférieur à la domination. 
Pour en arriver à ce genre d’équivalences, où l’infériorité est de la supériorité, il faut être en mesure de tordre le cou au principe de non-contradiction. La non-contradiction revient à chercher à trouver une hiérarchie qualitative dans le domaine de l’être, tandis que la contradiction implique justement que l’on puisse inverser la valeur, de telle sorte que le moins devienne supérieur au plus. Moins et plus en valeur qualitative signifient que l’inégalitarisme est le propre de l’être et que l’égalitarisme ne peut exister dans un monde de valeurs.
Ce qui peut exister est un monde de valeurs qui serait extensible (l’extensibilité joue le rôle de l’égalité mal définie). L’égalitarisme de la contradiction aboutit à détruire la valorisation de l’être pour permettre que l’on se situe dans un état d’indistinction et de destruction du sens qui pourrait fonctionner si ce qui n’est pas existe. Mais ce qui n’est pas existe sous quelque manière, et si ce qui n’est pas correspond à ce qui est malléable, il convient aussi que ce malléable s’imbrique dans l’être, ce qui implique que ce qui se veut indistinct, contradictoire opère sur la possibilité de jouer sur les deux tableaux.
Mais si ce qui n’est pas joue sur les deux tableaux, jouer sur les deux tableaux (être/n'être pas) revient à reconnaître que ce qui n'est pas est, étant entendu que ce qui n'est pas est autrement que s'il avançait en étant explicitement. Qu'est-ce que ce qui n'est pas? Ce qui n'est pas doit forcément intervenir dans le champ de l'être. Sous quelle forme? Sous la forme de l'avoir, ce qui signifie de l'être dégénéré et réduit. L'être-avoir signifie que l'être s'est figé en un domaine qui peut être délimité à un domaine restreint, facile à décompter. Ce qui n'est pas est avoir. C'est de l'être malhonnête en ce qu'il décrète que l'être n'existe pas en tant qu'il peut être deux choses contradictoires à la fois.
La malhonnêteté consiste à dire qu'une chose est ceci et cela, étant entendu que ceci est contradictoire de cela. L'avoir n'est pas contradictoire s'il n'est pas défini comme fin se substituant à l'être, mais l'être finit par avoir le dessus, tout comme l'honnêteté finit par avoir le dessus sur la malhonnêteté. Pourquoi? Parce que le réel est doté de la propriété de totalisation, selon laquelle il recouvre l'ensemble de ce qui est présent à son pouvoir - ce qui fait que rien ne peut se trouver qui ne soit réel. Quel est l'être de l'avoir? C'est l'autre contradictoire. L'autre est ce qui permet le changement. L'autre contradictoire est l'autre qui serait autre sans l'être, l'autre et le même. Comment ce prodige serait-il possible?
Ce serait un autre stabilisé, soit un élément qui serait coupé de son extériorité et qui serait un singulier seul. Un autre seul. Le singulier ici est revendiqué dans une solitude si extrême qu'elle est irréconciliable. Le non-être désigne l'impossibilité d'accéder à la valeur cardinale de l'être : la faculté à lier tous les singuliers entre eux, de telle sorte que l'on puisse glisser de l'un à l'autre et expliquer ainsi le changement. Le non-être ne comprend pas le changement, pas plus qu'il en comprend le lien entre l'un et l'autre. Il ne comprend que l'un et il isole l'un dans sa solitude. L'objet nihiliste n'est pas l'objet singulier, pour reprendre un titre de Rosset, l'immanentiste terminal, mais l'objet isolé.
Le tragique est le sentiment que ressent le nihiliste du non-être, au sens où il est tragique que tant d'objets soient isolés les uns des autres, sans aucune possibilité de réconciliation. La réconciliation passerait par le changement. Quand Platon définit le sophiste comme celui qui nie le changement, dans le Sophiste, à mon avis, il a raison. Quand Nietzsche définit le métaphysicien Parménide comme celui qui refuse le changement, il commet deux impostures : 
1) il définit Parménide comme métaphysicien, alors qu'il est ontologue : c'est juste deux engagements contraires!
2) il définit le changement comme l'essence de la doctrine immanentiste, prolongement du nihilisme, alors même qu'il confond le changement platonicien avec l'incertitude. 
Pour lui, le changement signifie la certitude. La certitude désigne l'immobilité, tandis que l'incertitude désignerait le changement. Mais ce qui change chez Platon est le lien qui définit l'être entre les êtres (Heidegger dirait : les étants). Alors que le lien n'existe plus dans le nihilisme, qui remplace le lien par la domination obligatoire entre des étants qui sont dépourvus de lien entre eux.
Reste à relier la malhonnêteté avec la domination : il est normal de se montrer malhonnête, ainsi qu'y convie Nietzsche avec son apologie radicale et enflammée de l'amoralité et du renversement de toutes les valeurs, puisque le seul moyen d'être ceci et cela consiste à prendre la place de l'autre par la domination. Le coup de force contre l'état des choses revendique, rien moins, que de pouvoir être deux choses antithétiques. 
Mais si ce courant appelle à renverser le pouvoir au nom de l'erreur de la conception classique et majoritaire, elle montre bien vite ses limites à l'analyse : ce qui est caché peut se targuer d'être supérieur à ce qui est visible, il n'en reste pas moins que ce qui est caché ne pourrait tenir que s'il est capable d'être ceci et cela, d'être deux choses à la fois, d'être le même et l'autre, ce qui implique que ce soit l'un et son contraire qui soit ici réconcilié, au nom du fait que la domination ne peut se faire que par la réunion des contraires, non par la réconciliation, mais par la destruction (conséquence de toute domination).
C'est ici que le bât blesse : ce projet n'est pas conséquent. Le pouvoir caché ne peut être supérieur au pouvoir visible. Pour ce faire, il faudrait au moins que le caché pût être un pouvoir. Or il n'est pas un pouvoir, mais une entreprise d'isolement, qui se répercute par la lecture politique d'une dissémination. La dissémination correspond dans le décodeur politique à l'isolement philosophique. Le caché n'est pas un pouvoir, car le pouvoir implique de crée un lien à l'intérieur de la sphère de l'être.
Le caché n'est pouvoir que si on considère que le contradictoire est la norme qui sanctionne le fonctionnement du réel. La cohérence veut que le pouvoir ne soit pas caché et que le caché ne puisse être - pouvoir. Le complotisme est une grille de lecture qui est incohérente en ce qu'elle exprime le plus visible de l'incohérence. Incohérence qui remonte au nihilisme et dont on retrouve la trace la plus prégnante dans la modernité avec l'immanentisme. 
Et l'incohérence se fait au nom de la cohérence, je veux dire du réel : c'est au nom du réalisme le plus immédiat et rigoureux que l'on fait passer l'incohérence du non-être. Le non-être ne dissout pas l'être, mais décrète, au nom de la modération, que ce qui est ne peut que coexister avec ce qui n'est pas.

mardi 18 février 2014

La complétude de la volonté

Le complotisme se distingue du complot en ce que le complot exprime la volonté de laisser entendre que les hommes peuvent changer le cours des choses, en cas de pépin (de crise). Le complotisme serait l’interprétation qui systématiserait la puissance de l’homme jusqu'à la rendre toute-puissante : dans le sens selon lequel l’homme peut prendre le contrôle du réel. Cette puissance de l’homme s’appuie sur la volonté, ainsi que Schopenhauer l’a expliqué.
Schopenhauer réussit à faire de la volonté, non la clé de voûte explicative de l’homme, ce qui constitue déjà une exagération de son influence, mais du réel, ce qui relèverait du fantasme visible, s’il n’avait eu le génie de faussaire de rendre la volonté absurde. Absurde : sans cause (grundlos), ce qui interdit de s’interroger sur sa dimension, sa nature ou son origine. C'est une cause aussi absurde que l'absurde qu'elle revendique.
Le complotisme part de cette idée selon laquelle l’homme, non seulement peut diriger le réel, mais encore doit le diriger. Selon cette optique, si le monde est absurde et que la volonté le régit, l’homme dispose, avec sa volonté et son intelligence, des moyens de régenter le monde. Le complotisme va encore plus loin : il décrète que le monde doit être dirigé par l’homme et que ce qui survient par hasard correspond à de l’imperfection, au sens où la volonté humaine n’a pas eu le temps de le polir.
Pour le complotiste, la volonté est humaine, puisque le monde est inféodé à l’homme. Avec le complotisme, le fonctionnement du monde est explicable; le hasard (synonyme de l’absurdité) se trouvent expliqué par la toute-puissance humaine. Du même coup, le hasard ne l’est plus sur un point décisif : il n’est plus la force aveugle et incompréhensible qui dirige le monde, si l’homme s’y substitue. Par contre, l’homme en se substituant au principe fondamental qui explique le réel n'explique pas pour autant le fonctionnement des choses. Il reste du hasard, puisque l'on ne peut expliquer l'ensemble du réel, mais ce qui importe, c'est que l'homme puisse se substituer au hasard, pour la seule partie qui importe soit le monde de l'homme.
A l'explication, l'on substitue la puissance. Il est superfétatoire de chercher à expliquer le fonctionnement du réel si ce qui prime à al compréhension, c'est la domination. Cette conception contient des éléments d'immanentisme, même si le complotisme est la radicalisation de l'immanentisme, plus précisément de Schopenhauer (étant entendu que Schopenhauer est plus proche de Spinoza que ce qu'on veut bien reconnaître). L'immanentisme se contente d'affirmer que seul importe que l'homme soit maître de sa sphère d'influence, tandis que le complotiste généraliserait ce raisonnement et rendrait l'homme responsable du cours du réel.
Le complotisme s'avance comme l'extension aberrante de l'immanentisme, plus exactement de la doctrine que professait Schopenhauer. Selon le complotisme, non seulement l'homme par sa volonté dispose des moyens de dominer le réel, de le façonner à sa guise, mais encore il se trouve doté de l'autre privilège exorbitant d'être capable d'extirper ce que l'on nomme l'inconscient de l'homme. Si l'homme peut ne pas connaître certains éléments du réel, ce sont des éléments de connaissance qui sont secondaires. Le prioritaire est que les hommes puissants prennent la place de ce qui est inconnaissable (au sens où il est caché de l’homme, mais dénué d'importance).
Cette connaissance s'apparente à la puissance. Son objet est de rester caché, en ce que si elle n'était pas visible, c'est qu'elle était inaccessible à la majorité de ceux qui vivent dans le superficiel. Superficiel qu'il conviendrait de distinguer de l'apparence, en ce que le règne de la puissance est caché comme l'apparence véritable de la nature humaine derrière l'autre apparence usuelle, et non l'essence derrière l'apparence. 
Ce qu'on nomme le caché, c'est la connaissance véritable, en ce qu'elle a longtemps été incomprise. Elle s'apparente à la domination. Elle est cachée : elle n'est pas comprise par la majorité - c'est une connaissance aussi élevée qu'élitiste. Le caché signe sa rareté, au contraire de la possibilité d'extension de ce qui est inconnu à la majorité (au plus grand nombre). Le caché sert de catalyseur à l’élitisme.
Au lieu d'estimer que ce qui est caché peut être connu, on estime que ce qui est caché ne peut être connaissable de manière que de façon élitiste, par les initiés qui pourront jouir de la véritable connaissance - à partir du moment où ce que l'on nomme connaissance se trouve mal compris et où elle désigne l’accroissement de la domination.
Outre que le complotisme assume ce que le spinozisme fait mine de manière hypocrite de pouvoir étendre à tous (en tout cas de rendre tous concernés), alors qu'il s'agit d'une doctrine de l'élitisme et de la domination (l'accroissement de la puissance en lieu et place de la liberté), le complotisme subvertit la connaissance qui porte sur l'ensemble du réel (de type philosophique) et dont les applications sont scientifiques, pour en rendre le type politique (dans un sens très particulier et restrictif), avec une inflexion oligarchique qui réduit encore la sphère politique à une réalité seulement individualiste.
Le complotisme revendique d’avoir défini la connaissance comme domination et le principe de domination comme politisation paradoxale, de type individualiste. Le complotiste est individualiste, tout comme la lecture de Schopenhauer conduit à l’individualisme forcené (mais le spinozisme aboutit à des considérations politiques qui sont d'obédience libérale, et il faudrait étudier les parentés de pensée entre Spinoza et Grotius). La négation de la connaissance de type traditionnel s’effectue par le refus de reconnaître que la connaissance est collective (et concerne l’humanité, pas tel individu particulier). La connaissance complotiste est individualiste; et ne concerne dès lors plus que la possibilité de dominer.
Elle résout le problème scientifique, puisque son aspect se trouve relégué au deuxième plan : ce qui compte est bien de dominer. La dimension toujours incomplète et à compléter de la connaissance se trouve résolue par sa mise au second plan : c’est la domination qui compte, ce qui fait que les dominateurs sont les dépositaires d’une connaissance dont le propre est de ne rien connaître du tout et de remplacer l’acte de connaissance à venir par la domination palpable et présente. L’exercice de la domination implique que la connaissance soit obtenue ici et maintenant, que le dominateur détienne la connaissance principale, celle de la domination. 
Cette domination est une connaissance particulière, en ce qu’elle ne vise pas à rendre visible (connu) ce qui est inconnu, ce qui implique que le caché soit visible pour tous, mais à localiser le connaissable dans la sphère du caché, en décrétant que le caché ne peut être visible et doit rester tel. Le caché n'est pas inconciliable avec la connaissance, il constitue au contraire la condition d'existence et de possibilité de la connaissance.
La domination résout aussi le problème du caché. Ce dernier possède une fonction primordiale dans le complotisme : autant dans l'entreprise de connaissance, ce qui est caché est appelé à devenir visible; autant dans le complotisme, il est besoin de créer une niche où le caché doit non seulement rester tel, mais en outre possède la fonction capitale : celle de proposer que la véritable connaissance soit cachée. 
L'immanentisme proposait une nuance : le caché est ce qui n'est pas connu, mais qui se place sur le même mode que ce qui est connu. Il n'y a rien à apprendre de l'inconnu sinon qu'il est du connu possible (de ce fait, il n'existe pas d'inconnaissable, plutôt le refus de voir ce qui est visible et qui ne veut pas être vu du fait qu'il dérange, ce qui est un problème moral, non plus épistémologique).
Rien d'autre à objecter à l'immanentisme, sinon qu'il déforme la structure du réel pour empêcher que la connaissance dépasse la sphère du désir (définie et revendiquée comme complète). Et Schopenhauer propose une inflexion dans l'immanentisme, en ce qu'il considère que le réel étant absurde, la connaissance est absurde. Elle est de deux sortes : 
- soumise à un ordre que l'on peut connaître, qui est absurde; 
- avec la musique, révélant qu'il est une extériorité (au demeurant absurde) à l'absurde, avec cette précision que ce réel est inconnaissable (tout comme la musique ne veut rien dire). 
De telle sorte que la connaissance est selon cette conception quelque chose d'inutile au possible : rien ne sert de connaître, puisque ce qui sera découvert sera tout aussi absurde que ce qui était connu (aussi égal, prévisible et morne).
L'immanentisme apporte une inflexion à Schopenhauer - plus lointainement à l'immanentisme : le monde serait absurde s'il n'existait une connaissance. Cette dernière est individualiste, cachée et élitiste. Ce n’est plus la connaissance classique, au sens où elle ne permet pas de connaître de manière définitive, c’est la connaissance qui permettrait à la fois de connaître l’ensemble du savoir capital et de considérer que ce savoir capital n’existe que dans la mesure où il est cantonné à un domaine restreint, dont la particularité éclatante est d’être caché. Le caché est ici moins ce qui change de la structure du visible que la zone qui séparerait le non-être de l’être.
Le non-être serait le lieu où rien n’est, tandis que l’être désignerait le visible. Le caché serait ainsi le lieu de l’exception, qui n'est ni du non-être, ni de l’être. Il serait ce qui est supérieur à l’être, en ce qu’il permet de le dominer, de le commander, de l’influencer. En ce sens, il est le lieu de l’exception qui confirme la règle, le lieu où l’exercice du pouvoir est possible, le lieu sans lequel on ne peut rien expliquer. Toutes les lois du réel, qui nient le complotisme (et non le complot, comme tentative désespérée de changer le cours du réel visible et de tenir le visible pour la plus haute expression du réel tel qu’il apparaît donné), se trouvent dominées par l’arbitraire supérieur du caché.
Le caché est le lieu de la domination par excellence, au sens où le complotisme fait de l’homme le dominateur du réel. Cet homme qui domine le réel n’est pas l’homme ordinaire, tout comme le caché n’est pas le réel ordinaire. C’est l’homme qui possède les caractéristiques pour vivre dans l’extraordinaire, qui ne peut être que - caché. C’est un superhomme qui possède les qualités exceptionnelles de la domination et de la connaissance (dans ce sens tendancieux).
Cet homme privilégié n’est pas le surhomme nietzschéen, pas davantage que le surhomme fasciste (les nazis essayeront de déformer la philosophie de Nietzsche, non qu’elle leur soit antithétique, mais qu’elle se situait bien au-delà de leurs prétentions idéologiques, dans le lieu de l’oligarchie esthétique). Le surhomme nietzschéen n’est pas l’homme du caché, mais l’homme de l’hypervisible. Quant au surhomme fasciste, il feint de croire que le surhomme serait cantonné à l'expression politique.
Le politique est encore trop vaste (étendu) pour l'optique du caché, qui n'accepte que l’élitisme, le plus viscéral de préférence. La domination de l'homme intervient par la création de catégories qui sont intenables et contradictoires : l'individualisme est perclus de contradictions et sa légitimation s'organise par le caché. 
Mais qu'est-ce que le caché, sinon un mythe oscillant entre le mensonge et le surnaturel? Le complotisme fonctionne si bien par temps de crise parce qu'il offre des repères à une époque où les repères vacillent (quand l'époque est sûre de ses repères, le complotisme est la dérive de quelques esprits échauffés).  Mais le complotisme n'est que la partie émergée d'une manière de penser qui est implantée en l'homme et sans laquelle le complotisme ne pourrait fonctionner. 
Cette conception est philosophique, et exprime des pensée aussi subtiles et nuancées que le spinozisme ou Schopenhauer, que je regroupe sous le terme d'immanentisme. Le complotisme est la dégénérescence qui ne pourrait jamais passer auprès des populations d'une société dont les valeurs sont en crise, s'il n'était adossé sur des valeurs plus générales et moins caricaturales, comme l'immanentisme. Il resterait à déconstruire la théorie philosophique qui se trouve derrière l'immanentisme, plus encore que la théorie politique. 
On le mesure avec le débat Nietzsche le philosophe, qui aurait été récupéré par le nazisme, alors qu'il n'est politiquement pas nazi. Mais il faudrait ajouter qu'il existe une correspondance à toute conception oligarchique (de laquelle ressort avec virulence le nazisme) dans le domaine philosophique : c'est le nihilisme, dont l'immanentisme est une expression importante à l'époque moderne.

lundi 10 février 2014

La démagogie du relativisme

L'affaire Dieudonné serait un épiphénomène français illustrant la montée de la haine et de l'extrémisme en France par temps de crise croissante, avec le phénomène inquiétant de la collusion entre les beaufs de la génération black-blanc-beur, de type 2.0, et le nationalisme de tendance branchée (alter), s'il ne signalait le symptôme d'une position qui elle est atavique : le relativisme.
Au départ, le relativisme peut même sembler intéressant en ce qu'il permet de lutter contre une certaine rigidité de fond, certains stéréotypes, le moralisme (au sens rigoureux), en rappelant que le propre du réel n'est pas d'être figé dans des positions strictes et rigoureuses dont on ne change pas (ce qui correspondrait au rêve de Parménide le métaphysicien selon Nietzsche), mais d'admettre au contraire le changement (les philosophes ont donné à cette conception des sens antithétiques, puisque l'on peut autant trouver l'apologie ontologique de l'autre dans l'Etre - que la singularité nominaliste et matérialiste).
Mais il est deux relativismes : 
- l'un, relativisme relatif, qui relativise l'être jusqu'à un certain point (sans doute ne l'a-t-on pas, ainsi entendu, assez relativisé), qui insinue que le réel ne serait pas seulement composé d'être, et que la catégorie du sérieux (l'être figé de l'ordre) n'est pas fondamentale (on comprend que les courants qui se trouvent composés de nihilisme contrecarre cette option, puisqu'ils estiment que le désordre précède l'ordre); 
- l'autre est le relativisme absolu, qui pose que tout se vaut, au sens où tout est relatif. Dans ce cas, si tout est relatif, alors le principe de réalité explose tout autant que le principe d’être. 
Comme il nous est pénible d’imaginer et de concevoir (au sens cartésien) que le réel ait un sens (bien qu’il en ait un), nous pouvons en examinant l’être nous aviser que l’être ne saurait exister sans un certain ordre (comme ce que Heidegger a nommé le Dasein et qui veut dire que l’être ne peut se manifester autrement que selon la règle de l’ici et du maintenant, du singulier également, ce qui implique que l’étendue soit régentée par la nécessité impérieuse que le quelque chose doit divisé en une infinité d’objets, et non ne forme une unité, qui existe sans doute, mais à un autre niveau que le nôtre).
Le fonctionnement de l’être pris en tant que tel établit le principe de non-contradiction (dont Aristote fait un usage orienté, métaphysique). Le relativisme reviendrait à revendiquer la possibilité de la contradiction, au sens physique où l’espace n’existe plus comme l’ici et du maintenant, mais comme la négation de l’espace temps, non au profit d’une totalité unitaire de type moniste, mais d'un possibilité d'être à la fois une chose et son contraire, donc de contrevenir au principe de non-contradiction. Dans ce schéma, l'espace et le temps n'existent pas, puisque la définition d'une chose, sa distinction disparaissent.
On se situe dans le raisonnement le plus confusionnel, chaotique, au sens où le principe de base du réel singulier peut être contrevenu, singulièrement dans l'ordre de l'être : une chose ne saurait être deux en même temps, surtout quand cette confusion ou cet amalgame entend réconcilier les contraires et faire comme si contradiction pouvait être surmontée ou rendue possible par le fait de tout relativiser.
Le relativisme absolu consiste à permettre que soit possible la réunification en une seule chose d'une chose et son contraire. Je peux être honnête et malhonnête devient possible, au sens où le sujet qui réunit ces deux actions contraires est un. Mais comment, dans la distinction née du principe de non-contradiction, ce qui est un peut être deux? Soit l'un est le total, qui définit le relatif absolu comme le fait que tout se vaut (tout et rien deviennent synonymes); soit nous nous situons dans la sphère de l'objet singulier, à l'intérieur de la totalité, et alors l'un est le deux relatifs, au sens où une chose est deux choses, un objet deux objets, en particulier quand ces deux objets ne sont pas des objets voisins, mais quand leur valeur (ou leur sens) sont contraires.
Il serait même plus juste d'affirmer que seul le contraire est ici possible comme négation du principe de non-contradiction, au sens où les nuances voisines (les paronymes) peuvent former une unité 'définition du tout,), quand seuls les contraires peuvent être tenus comme réalisant le prodige du deux en un, soit du relativisme. Pourquoi ici deux et non pas le multiple? Parce que le principe de contradiction se ramène à deux éléments contraires, quand la nuance est le propre de la singularité, qui s'épanouit dans l'être. La paronymie n'est pas le domaine du réel, ni de l'être, mais celui de cette étrange posture du relativisme, qui signale la contradiction et qui dans l'expression politique se nomme démagogie.
Une de ses manifestations est la dépolitisation au sens où le sens politique fait défaut et où la dépolitisation n'est pas une alternative au militantisme politique, mais lui est inférieure (dans le sens de l'excuse beauf de la différence cachant l'infériorité). La dépolitisation est l'expression politique du relativisme : seule la violence permet de sortir de l'engrenage de l'impossible dans lequel enferme la dépolitisation (impossibilité de toute action). C'est le spectre du fascisme au vingtième siècle, plus largement de toute oligarchie, qui lie la violence au corporatisme, puisque la politisation est impossible et que le travail est l'activité qui fédère quand on ne reconnaît pas le politique.
Ce qui peut sembler tentant, de pouvoir dire (dans un sens hypothétique) tout et son contraire (et non pas une chose et ses paronymes), relève en fait de l'illusion : tout dire, c'est ne rien dire; tout comme  : si tout se vaut, rien ne se vaut. Celui qui se trouve tenté par le discours relativiste, en premier lieu, c'est celui qui tient lui-même des discours contradictoires, par manque de formation intellectuelle. C'est donc celui qui n'a pas fait d'études, qui va se trouver attiré par tout discours d'extrême-droite (cas des classes peu favorisées qui sont d'autant plus attirées par l'extrême-droite qu'elles en sont les victimes objectives). Mais c'est aussi le cas de ceux qui pensent que ce relativisme profiterait à leur point de vue différent et incompris (voire marginal), alors qu'ils défendent le principe de contradiction et aucune originalité ou différence véritable.
Si le relativisme semble permettre d'avancer une chose et son contraire, de permettre la transgression de la perversion (par exemple je peux me montrer raciste et non raciste, ou encore, je peux respecter la loi et verser dans l'illégalité, soit enfin : être et ne pas être), cette position défavorise les faibles, tant d'un point de vue intellectuel (les incultes) que social (les défavorisés), et favorise les puissants d'un point de vue oligarchique (ceux qui tiennent les leviers sociaux, politiques et économiques, les rois souvent ensemble). Le relativisme détruit la connaissance et ne la remplace que par le modèle du chaos. Celui qui s'en réclame est celui dont les intérêts n'ont pas intérêt au chaos.
Le relativisme n'induit pas que la connaissance soit impossible, mais qu'elle se trouve réservée à une petite élite (projet que revendiquait le jeune Nietzsche). Si tout est relatif, cette prétention implique qu'il faille conserver malgré tout, de manière ambivalente et paradoxale, un point de rattachement et de valeur, qui permette d'indiquer que tout est relatif à partir de ce point seul. Si tout est relatif, tout l'est - jusqu'au point du constat, qui s'en trouve exclu. Le tout intégrerait l'exception qui confirme la règle, mais, plus pervers, l'exception se situe à l'extérieur du tout (de la règle). 
Le tout ne peut se penser sans extériorité, de même que l'être n'est total chez Descartes que dans la mesure où il induit du néant, de la manière la plus déniée qui soit (recalé au sein du dire). Pouvoir tout dire, c'est ne rien dire. Le fantasme de tout dire n'existe que chez celui qui n'a rien à dire. Et celui qui n'a rien à dire est attiré par celui qui ne dit rien d'autre que des prétentions contradictoires et exorbitantes (l'énorme faisant parade de sensationnel). Le relativisme ne s'adresse qu'à ce segment de public très particulier, qui estime que ne rien dire est possible au motif que ce serait tout dire.
Au final, nous avons un public qui se sent exclu parce qu'il est inculte, qu'il fonctionne sur l'émotif et que cette approche lui interdit de comprendre le fonctionnement de la société. Et ce public ne peut s'identifier, de manière fusionnelle et irrationnelle (ce qui implique que cette croyance ne puisse être délogée par le raisonnement et le dialogue), qu'avec des porte-paroles élitistes et démagogues. C'est la nécessité du paradoxe contenu dans le relativisme : le populisme qui prétend s'adresser au peuple ne fonctionne que dans l'élitisme, avec des représentants qui s'affranchissent des règles qu'ils édictent. La démagogie est une relation paradoxale et injuste, dans laquelle les décérébrés moutonniers sont obligés de se tenir au service de quelques représentants dont le propre est de dominer les règles qu'ils édictent.
Toujours pour la même raison : ils sont arbitraires et injustes parce qu'ils ont, non la possibilité, mais l'obligation, de violer le statut de non-contradiction, qui est la règle cardinale imposée aux majorités - au peuple (visé par le populisme, surtout quand il est démagogique). Dans les états de nature fasciste, le leader, souvent sur nommé le Guide, comme ce fut le cas avec Kadhafi, jouit du privilège exorbitant de pouvoir (presque) tout se permettre, au sens où il est le garant d'un ordre qui sans cette exception ne peut fonctionner. Voilà qui indique que cet ordre repose sur la violence dangereuse de la démagogie (dans le cas de la Libye, le clan Kadhafi n'a pu habiller son national-socialisme de panarabisme puis de panafricanisme qu'à la condition de pouvoir se reposer sur la manne pétrolière et gazière).
Mais il n'y a pas qu'en politique que ce genre d'ordre contradictoire existe. Le propre de la démagogie consiste à vendre un modèle qui n'est pas politique, et qui revendique, non son apolitisme, mais la dépolitisation de ses membres. Dans ce cadre, les membres dépolitisés ne peuvent qu'adorer des représentants aux pouvoirs exceptionnels (l'exception qui repose sur la fameuse contradiction). Et c'est ici qu'interviennent les démagogues types, comme Dieudonné : ce ne sont pas des politiciens, ce sont des dépoliticiens, au sens où il se situe à un niveau qui leur permet à la fois de tout relativiser tout en assumant pleinement le cadre de ce relativisme outrancier et provocateur : c'est le rôle du bouffon.
Rappelons une nouvelle que tout bouffon, Dieudonné comme les autres, se trouve au service du pouvoir effectif. Dans un système de démagogie, qui tient les rênes du pouvoir? Ce ne sont pas les représentants médiatiques et visibles, qui sont les bouffons, les amuseurs, les provocateurs (des agents stipendiés le plus souvent par des cercles du pouvoir). Ce ne sont pas davantage la clique des politiciens, qui sont au service des véritables tenants du pouvoir et qui se signalent le plus souvent par des positions parentes, ce qui explique leur discrédit dans l'opinion. Mais alors, ce sont ce qu'on appelle des oligarques, dont l'identité est d'être aussi cachée que d'ordre économique (ce qui donne un certain poids philosophique à l'analyse marxienne de la société humaine, à ceci près que cette société repose sur le réel).
On pourrait estimer, avec certaines palpitations, qu'en découvrant ces pouvoirs cachés, on a découvert le véritable pouvoir. Va-t-on tomber sur les tireurs de ficelles des bouffons et des politiciens? Va-t-on découvrir un groupe homogène, comme les illuminés croient dans les Illuminatis - ou sa variante (parfois complémentaire) du sionisme qui dirigerait le monde? Pas du tout, car le propre du pouvoir caché est d'être multiple et éclaté; et d'être inférieur au pouvoir visible. En découvrant les nombreux cercles oligarchiques, on ne découvre le véritable pouvoir que dans la mesure où ce pouvoir se révèle faible, labyrinthique et ingérable. C'est d'ailleurs la principale raison du pouvoir visible que de rendre possible l'exercice du pouvoir.
La démagogie consiste à faire croire que le pouvoir n'existe pas. L'exercice du pouvoir est antirelativiste au sens où il hiérarchise de manière politique les valeurs au sein du réel. Quand on dit que toutes les valeurs se valent, on est favorable à l'annulation du pouvoir et à la dépolitisation nécessaire du peuple au profit d'un pouvoir caché, éclaté et aux ramifications antagonistes. L'oligarchie a besoin de légitimer le pouvoir caché en faisant oublier que ce pouvoir est fiable (alors qu'il est faible). C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les complotistes, autant que les bouffons, passent d'autant plus pour des contestataires du système en place qu'ils confortent le pouvoir, pourvu qu'il soit caché et éclaté.
La fonction du bouffon est d'apporter une crédibilité médiatique (de pure apparence) à la possibilité dans un système démagogique où tout est relatif de proposer des représentants au peuple : la possibilité qu'il existe des représentants démagogiques qui représentent le peuple dans ses aspirations les plus populistes (au sens de démagogique). De ce fait, le bouffons devient, dans cet échiquier oligarchique, plus important que le politicien, car le vrai pouvoir étant caché, le politicien n'est que le représentant de certains intérêts oligarchiques, tandis que le bouffon représente les aspirations démagogiques de courants populaires (et populistes). La fonction du politicien est de servir les valeurs oligarchiques (d'où la dépolitisation), tandis que le bouffon sert directement la dépolitisation en proposant son comique professionnel, stéréotypé et, quand on est lucide, roboratif (indigeste).
Le politicien est sérieux. Il sert des oligarques. Il n'a aucune représentativité populaire. Sa seule légitimité est la puissance indirecte dont il est paré. Le bouffon acquiert une importance capitale dans le dispositif relativiste, démagogique et oligarchique en ce qu'il permet de faire croire que le sérieux n'existe pas, en tout cas qu'il se trouve inféodé au relativisme (d'où la légitimité du comique professionnel et quasiment automatique). Le bouffon acquiert plus d'importance que le politicien dans le système politique oligarchique, en ce qu'il possède une représentativité, même restreinte et de facture dépolitisée (représentation démagogique en ce qu'elle est populaire et dépolitisée).
Le politicien est dépourvu de représentativité. Il peut toujours en appeler au sérieux et aux valeurs politiques traditionnelles, le peuple sait qu'il est menteur et corrompu. Il se trouve bientôt contraint de s'opposer au bouffon, dans une perversion des rapports politiciens. A l'échange et au dialogue en vue de la participation populaire aux décisions politiques se substitue le communautarisme, dont la nature est pas d'être religieuses, comme son sens premier l'y incline, mis idéologique, au sens libéral du terme. Cette opposition inévitable du bouffon au politicien pourrait sembler tourner à l'avantage du bouffon.
C'est une vision superficielle et restreinte du problème. Le bouffon n'a qu'un rôle cathartique du plus vilain effet : il soulage la frustration de ses fans (au sens de fanatiques d'autant plus fanatisés qu'ils sont dépolitisés, fanatiques démagogiques et relativistes). Les plus naïfs (et incultes, tant le relativisme découle de l'inculture, voire de la bêtise) peuvent estimer que le bouffon avantage les intérêts du peuple (au moins de ses thuriféraires). Mais le bouffon n'est qu'un pion dans le dispositif qui sert les intérêts oligarchiques et qui oblige, si l'on entend diviser pour régner, à fomenter l'affrontement perpétuel (quoique fantasmatique) entre les politiciens et les bouffons. Entre ceux qui représentent des intérêts oligarchiques et ceux qui représentent des intérêts démagogiques. 
Au final, les deux partis sont d'obédience démagogique et sont opposés l'un à l'autre (et les uns aux autres car au sein de chacun la multiplicité antagoniste pullule), en tant qu'ils sont les deux pendants du système relativiste : l'un représente le sérieux le plus grossier et simpliste, tandis que l'autre exprime le comique le plus décérébré, vulgaire et aberrant. Si l'on ne sort pas de cet affrontement de dupes, l'on ne peut trouver de solution à ce problème. Le problème s'avère d'autant plus difficile à résoudre que son propre est d'empêcher la résolution : laisser croire que le sentiment d'injustice ressenti par les différentes factions (qui tendent à devenir factieuses, vers la guerre civile) est légitime, mais ne peut être résolu. La colère erre, dévastatrice, et trouve un support dans cet humour, dont on mesure à quel point il est haineux et vain. Sa vanité, dans tous les sens du terme, consiste à ne permettre aucune résolution qu'un petit défoulement qui sur le moment soulage, puis sur le terme ne fait qu'accroître le problème initial (et la colère qui le porte).
Le seul moyen de sortir du relativisme consiste à restaurer l'humour comme antidote, presque hygiénique, à l'humour professionnel. Cet humour n'est ni l'humour oligarchique qui se situe dans les références passées, ni dans le comique professionnel, qui a concocté le rire de la vengeance et de la frustration. L'humour consiste à restaurer le lien avec le sérieux. Il ne peut exister de sérieux sans humour (comme c'est le cas du politicien oligarchique), ni d'humour sans sérieux (comme c'est le cas du comique et du bouffon, qui s'arrogent le droit de rire non seulement de tout, mais des choses qui sont contradictoires entre elles). Le sérieux qui ne comporte pas d'humour correspond à un réel qui serait contradictoire. La résolution du contradictoire passe par la levée du relativisme.

lundi 3 février 2014

De l'identité des nationalismes

Nous vivons une époque de manipulation et de complots, si tant est que les complots et les opérations de manipulations croissent sous une ère de crise. Notre époque n’est pas une crise interne dans un système en continuation, mais la crise transitoire la plus importante qu’ait connue l’humanité. Elle signale le passage du transcendantalisme vers le néanthéisme. 
Le nihilisme, qui ne peut fonctionner en régime de pérennité que de manière souterraine, ressort en périodes de crise, comme l’illustre lors du passage du polythéisme vers le monothéisme les expressions comme le matérialisme abdéritain ou les sophistes en Grèce (aussi composite soit ce mouvement). 
Il est actuellement actif d’une manière paradoxale (car son activité est autodestrructrice), mais ne le restera que de manière transitoire, ce qui indique à quel point Nietzsche s’est trompé, lui qui pensait que les valeurs nihilistes qu’il porte allaient succéder au nihilisme passif qu’il annonce pour notre époque. Son nihilisme actif et divin, qu’il promeut sans le distinguer du nihilisme passif, ne lui succédera pas, mais constitue exactement la même opération que la précédente.
La manière de pensée hallucinatoire et confusionnelle de Nieztsche, consistant à distinguer le même et à tenir l’identique pour différent, qui allait le mener vers la folie mutique (effondrement d’un processus maniaco-dépressif?) se retrouve dans la manière de penser, majoritaire et éclatée, des périodes de crise, où la plupart considèrent que le vrai n’existe pas (ou n’est pas compréhensible) et que seul importe le principe de plaisir/douleur. Cette conception donne naissance à une multitude de chapelles antagonistes et contradictoires, dont le principe commun mène à la multiplicité des contre-cultures.
La manipulation associe les ennemis sous la principe de leur opposition commune et de leur communauté inavouable : le présupposé selon lequel, si le non-être existe, alors son déploiement politique et social s’effectue sur le terrain de la domination. La domination favorise le terreau de la multiplication. La domination favorise les conflits. Mais les conflits ne surviennent qu’entre dominateurs, dont l’opposition d’intérêt s’appuie sur la communauté de valeurs (la sempiternelle loi du plus fort). 
Le complot se distingue de la manipulation de manière ténue, en ce qu’il vise à nuire (il est négatif), quand la manipulation est plus un acte positif, intenté en faveur de ceux qui la fomentent. Nous vivons en ce moment une manipulation spécifique, que je voudrais consigner parce qu’elle aura des répercussions dans la décennie à venir en France et en Occident : la montée du communaurarisme ne date pas des années 2010 (ni des dix dernières années). S’il monte, c’est du fait de ses liens avec l’idéologie libérale, qui est une simplification de philosophies anglo-saxonnes comme l’empirisme ou l’utilitarisme, et dont la parenté avec l’immanentisme promu par Spinoza coule de source (au point que Spinoza le marrane des Provinces-Unies se montre libéral dans sa philosophie politique).
Pour éviter le communautarisme, il faudrait démanteler le libéralisme, ce qui pourrait être réalisé, au sens où le libéralisme est symboliquement mort depuis la crise de 2009 (pour faire rond avec la chute du Mur de Berlin, qui signa la mort, symbolique, du communisme). Mais les miasmes de ce décès en rendent les effets plus virulents, au point que l’on se situe dans un néo-libéralisme dénié (et scientiste), où la légitimation de sa poursuite tient à sa nécessité (incontournable, quoique négative). Nous nous trouvons donc dans un ultralibéralisme exacerbé, qui souffle sur les braises du communautarisme. Pourrait-il y avoir un communautarisme harmonieux?
Pour ce faire, il faudrait qu'il se fonde sur l’universalisme, qui est incompatible avec le libéralisme. Cela impliquerait que les communautés se rejoignent autour d’un projet commun. Si ce projet est politique, il est provisoire, car la seule communauté qui tienne sur la durée est religieuse. Le constat : non que la pluralité des communautés religieuses ne puisse tenir dans un espace politique commun, mais que le communautarisme viable soit religieux, et non idéologique ou ethnico-social. 
Voilà qui implique en incidence mineure que la laïcité telle qu’elle existe à l’heure actuelle en France ne puisse déboucher que sur le risque de guerre civile, puisqu’elle confond différents types de communautarisme (les plans religieux, idéologiques, sociaux...). 
En incidence majeure, le projet politique de laïcité reste à redéfinir par rapport au religieux, ce qui n’implique nullement la théocratie, encore qu’il faudrait réfléchir à ce qu’on appelle théocratie, mais que le politique soit au service du religieux, dont la multiplicité tend vers le même idéal (l’universel), quand l’actuelle laïcité tend à reléguer la croyance religieuse dans un particularisme individuel qui est anti-universaliste en ce qu’il coupe l’individualité de sa foi, elle universelle. 
L’opération d'enfumage actuelle soufflant sur les braises du communautarisme ne m’inquiète pas dans tel ou tel phénomène, dont le dérisoire le dispute à l'inconséquence. Ce phénomène seul ne peut que défavoriser la plupart de ses supporters, en ce qu’elle les enfermera dans l’euphorie d’une bulle d’oubli, alors qu’ils sont prisonniers d’une gangue obscurantiste, démagogique et dégénérante, qui accélérera (de manière mineure) leur descente de la beaufitude vers la ploucitude (fin inéluctable dans le fonctionnement oligarchique). 
Mais ce phénomène comporte un trait particulier, qui peut s’avérer explosif, au vu de la crise que nous endurons (pas tant du point de vue du communautarisme, car les communautés à quelque niveau qu’elles se situent ne se réduisent pas à une opération d’enfumage, dont les linéaments seront mis à jour dans les mois et les années à venir, avec l’accélération de l’information due à Internet) : la création d’un segment très particulier d’extrême-droite, qui se renouvelle ainsi en demeurant la même et en poursuivant ses entreprises de destruction (qui font partie de ce qu’elle est et qui expliquent pourquoi elle ne peut qu’être infiltrée et manipulée elle-même par des affairistes dont les premiers inpsirateurs sont les milieux d’affaires). 
Comment définir l’extrême-droite? Bien que les nuances soient telles qu’il faudrait parler d’extrêmes-droiteS, dont les méandres sont concurrents, ce qu’on nomme extrême-droite tourne autour du nationalisme, dont les déclinaisons sont nombreuses, mais le but identique dans un Etat-nation constitué : la domination politique, qui passe nécessairement par un système d’alliances.
Le nationalisme fonctionne à partir de deux constantes : 
1) la recherche d’un bouc émissaire;
2) l’ennemi comme fin politique (comme chez Carl Schmitt, le juriste du Troisième Reich).
Il faudrait ajouter que nous assistons, y compris pour les besoins de la cause (récupération nationaliste), à la superposition de niveaux hétéroclites de boucs émissaires. Les premiers sont religieux (les monothéismes, juif, chrétien et musulman); les seconds, idéologiques (sionisme ou islamisme); les troisièmes racialistes (la xénophobie), en particulier dirigées contre les Arabes, mais aussi les Noirs au sens large (négrophobie), voire les Blancs aussi dans certains endroits. 
Ces trois niveaux peuvent se superposer de manière assez incohérente, comme lorsque l’on oppose l’Islam au sionisme, dans la mentalité d’une certaine tendance nationaliste, mais dans le nationalisme français, ce sera en fait le sionisme au christianisme, le sionisme désignant avec hypocrisie le judaïsme, quand le christianisme se révèle intégriste ou fondamentaliste.
Je vais m’attacher à décrypter le nationalisme islamophobe ou judéophobe, mais, derrière ces deux courants emblématiques du nationalisme, en particulier occidental (et français), il faudrait ajouter que se superposent de manière hétéroclite l’islamophobie ou la négrophobie, qui désignent une haine religieuse superposée à une haine ethnico-raciale. 
L’amalgame peut être opéré du côté de la majorité (les Blancs confondant Noirs, Arabes et musulmans dans un joyeux mélange), mais aussi de certaines minorités qui se montrent elles aussi attirées par la xénophobie, voire, pour certains courants, par le nationalisme, et l’on confondra alors les Blancs avec les chrétiens, voire avec les juifs et/ou les sionistes (le mythe selon lequel les sionistes dirigeraient l’Occident ayant la vie dure, se superposant au mythe des islamistes musulmans ou des Noirs ayant le même statut que les musulmans).
La majorité des expressions nationalistes privilégient le bouc émissaire islamophobe, non seulement en France, mais en Occident, pour une raison précise : les musulmans y sont des minorités assez nombreuses, dont l'importance est susceptible de cristalliser les haines des frustrés de la majorité. Comme, de surcroît, les musulmans sont en situation d’opprimés politiques le plus souvent, il est facile de s'en prendre à un bouc émissaire dont l’importance relative tend à relativiser la faiblesse. Ce constat indique le moteur du nationalisme : la vengeance.
Nous assistons à la montée d’un segment qui pourrait passer pour concurrent, alors qu’il est plutôt complémentaire et minoritaire, du nationalisme dominant, autour de l'affaire Dieudonné et de certains de ses inspirateurs et soutiens : un nationalisme qui serait cette fois antisioniste, voire judéophobe (le vrai terme à employer pour caractériser rigoureusement la haine des juifs, et non le confus : antisémite, de vocation propagandiste et égarante). Si l'antisionisme est une position politique légitime, le nationalisme qui se revendique de l'antisionisme porte en son sein la judéophobie. 
Cette montée d'un segment de nationalisme antisioniste se fait à destination de la génération black-blanc-beur, en particulier du public de niveau social modeste, voire défavorisé, dont les banlieues ne sont pas le seul terrain. Cette génération black-blanc-beur composite est le terreau idéal, non du métissage, mais de la confusion sociale, avec les amalgames dont j’ai parlé entre religions, idéologies et races (au sens antiraciste). Les amalgames sont d’autant plus aisés à favoriser qu’ils s’opèrent dans des catégories sociales qui ont d’autant plus besoin d'identité qu’elles sont en manque de repères, du fait de l’immigration récente issue de l’Afrique, du racisme et de l’histoire de l’Empire français.
Cette extrême-droite s'appuie sur des cadres qui sont des nationalismes exacerbés sous leur masque progressiste (!), dont la diffusion se révèle minoritaire, quoique en expansion (limitée). Elle s'appuie sur le sentiment d'injustice qui étreint ce public autour de l’islamophobie (ou de la négrophobie), et qui est ressenti d’autant plus vivement qu’il est confus. Non que l’intégralité de ce segment soit musulman, mais que tous au sein de ce public potentiel se sentent offensés par le deux poids deux mesures qui condamne la judéophobie, tout en avalisant l'islamophobie.
Ce sentiment émane de surcroît d'un public qui se sent marginalisé, méprisé, voire insulté. C'est sur ce terreau de l'injustice que travaille l'extrême-droite en général, et celle de tendance antisioniste en particulier. A partir de l'injustice, on fait monter la vengeance, qui est perçue comme une réponse justifiée. Dans le cas de l'antisionisme, on finit par oublier que cet antisionisme découle du nationalisme, donc est judéophobe, hypocrite et haineux. 
Le paradoxe hideux est que les premières victimes de ce nationalisme antisioniste sont le public défavorisé et révulsé par l’islamophobie ou la négrophobie. Ceux qui croient tenir dans l’antisionisme le moyen de combattre l’islamophobie renforcent l’islamophobie en avivant le nationalisme. L’opposition artificielle et montée des musulmans aux sionistes atteint son summum de confusion en créant une opposition bancale entre une religion et une idéologie, tout en faisant oublier que, loin de constituer une solution, elle accroît le problème.
D’un point de vue conséquent, on peut considérer que la seule lutte contre l’islamophobie passe aussi par la lutte contre la judéophobie et que le nationalisme antisioniste est l’ennemi le plus dangereux des musulmans. Ceux qui sont les victimes du nationalisme antisioniste se font manipuler, car ils tiennent leur ennemi principal pour leur porte-parole. En réalité, pratiquer la judéophobie revient à la même opération que pratiquer l’islamophobie. 
Et pratiquer le nationalisme antisioniste relève de la même escroquerie : non seulement il est islamophobe et négrophobe, mais en plus, il n’a rien d’antisioniste - et tout de judéophobe. Cherchez l’erreur. La banalisation du nationalisme se perpètre dans ce cas précis par le confusion entre antisionisme et judéophobie, soit entre l’idéologie et le religieux, mais elle n'aurait qu'un public confidentiel si elle ne s'appuyait pas sur l'injustice islamophobe (qui comporte une dimension justifiée).
A-t-on le droit moral de répondre à l'injustice par la vengeance (donc l'injustice)? La réponse est : en aucun cas. Que faire alors? On ne combat l'injustice que par la redéfinition de la justice, qui ne peut souffrir de compromis avec quelque élément d’injustice que ce soit. Dans le cas de l'affaire Dieudonné, qui prospère sur ce terreau nationaliste et propagandiste, il doit être clair que la légitime lutte contre l'islamophobie ne peut passer par des compromissions avec le nationalisme antisioniste, ni avec aucune forme de judéophobie. 
C'est au nom du respect de l'Islam que tout discours d'obédience nationaliste, même indirect, comme un comique vulgaire et simpliste, doit être condamné, et j'ajouterais : c'est salir la lutte contre l'islamophobie que de la confondre avec le nationalisme antisioniste.
Dans une république où monte le communautarisme au sens libéral, il est urgent que des associations représentatives luttent contre l'islamophobie et déplore le manque de visibilité dont souffrent les musulmans en France. L'islamophobie prospère sur le terreau de l'ignorance et des préjugés qui lui sont liés. Les compromissions entre nationalisme et antisionisme, dont il resterait à caractériser les liens avec l'islamophobie, ne peuvent que rendre la cause de la lutte contre l’islamophobie douteuse, alors qu'elle était juste.
Ce segment de marché nationaliste, qui a été étudié par les spin doctors et autres conseillers politiques qui infiltrent ces mouvances pour des objectifs de manipulation de certaines factions oligarchiques, ne disposera jamais, en tant qu'expression politique, d'un nombre de voix important. Dans la configuration actuelle, en France comme en Occident, le nationalisme ne peut prendre de l’importance politique et électorale que sur le terrain de l'islamophobie (et de son pendant plus vague la négrophobie, qui le recoupe en partie).
Ce segment n'est pas promu pour constituer un réservoir de voix au Front National (et aux partis d'extrême-droite en Occident), mais pour créer une déstabilisation dans les couches populaires, avec l’opposition du courant islamophobe au courant judéophobe. Il est promu pour créer les dissensions communautaristes, selon l'adage du diviser pour régner. Les partis politiques dominants (gauche et droite) font monter ce courant faible, voire inexistant, pour affaiblir le nationalisme islamophobe et créer l’illusion d’oppositions illusoires au système de plus en plus homogène et de moins en moins différent. 
Et tant mieux si le phénomène encourage la montée de valeurs qui contestent d’autant plus qu’elles sont dépolitisées et infrapolitiques, comme c’est le cas avec le comique vulgaire et simpliste de Dieudonné, ou avec le think tank alternationaliste (idéologiquement faible) E&R, mis en place par des cercles proches de ... Marine Le Pen. Le but sera idéalement atteint si la contestation est extrémisée (vers le nationalisme), segmentée (en plusieurs nationalismes) et dépolitisée (vers la pseudo-réflexion antiengagée ou le comique haineux). 
L'autre caractéristique de ce mouvement est d'empêcher par la confusion des valeurs la politisation de ceux qui en auraient le plus besoin : les victimes de la crise, qui sont en premier lieu ces classes pauvres ou modestes. Ce sont bel et bien les Français issus de l’immigration africaine qui ont le plus besoin d’engagement politique; mais aussi tous ceux qui viennent des classes modestes et dont les intérêts objectifs, comme dirait Marx, consistent à s’opposer politiquement aux valeurs oligarchiques que la crise porte (et que les nationalismes accroissent sous couvert de protestation anti-système). 
Si jamais ces victimes se politisaient, leurs revendications iraient aux antipodes du nationalisme, et tourneraient autour de la justice sociale et du niveau de vie. Le nationalisme accroîtra l'injustice et l’inégalitarisme. Surtout, la politisation amène la prise de conscience de l’intérêt général, selon lequel le groupe est plus fort que l’indivdiu. Seule la politisation permet cette efficacité supérieure. La dépolitisation permet de diviser en antagonismes inextricables les indivdius. C’est malheureusement l’arme du nationalisme qui permet le mieux cette guerre de tous contre tous, à l’opposé de la constitution de volontés générales : on le vérifie avec l’antagonisme du nationalisme antisioniste avec le nationalisme islamophobe, et l’illusion plus générale selon laquelle le nationalisme peut par sa seule force de contestation (négative) s’opposer au système politique en place.
Cette opération de confusion est menée contre des public a priori hostile au nationalisme, qui sont manipulés du fait de leur faible esprit critique, de leur absence d’études et de savoirs et de la colère qui les habite suite au sentiment d’injustice légitime qu’ils ressentent (chômage, discriminations...). Cependant, cette opération d’infiltration et d’endoctrinement quasi orwellienne (réussir l’exploit de diffuser le nationalisme auprès de ses victimes!) ne peut être montée par des groupes nationalistes de manière indépendante (comme si les cercles nationalistes disposaient d’indépendance par rapport au pouvoir qu’ils conspuent, comme d’adolescents à l’encontre de leurs parents).
L'intérêt de ces groupes consiste à rassembler les populations victimes de la crise contre un bouc émissaire simple à identifier. Ce genre de déstabilisation ne peut qu'émaner de cercles oligarchiques (au-delà de leurs relais politiques), dont l'intérêt n'est pas de faire monter le nationalisme, qu'ils méprisent, mais de créer les conflits entre victimes potentielles, fort de l’adage atavique selon lequel le meilleur moyen de régner consiste encore à diviser. 
Au final, celui qui croit agir contre l'islamophobie et/ou contre le sionisme en se rapprochant du nationalisme explicite ou diffus, comme dans les cas de dépolitisation aura été manipulé et aura agi contre ses intérêts, si tant est que ces derniers soient de lutter contre l'islamophobie, la négrophobie et le sionisme (et je crois que ces trois causes sont les paravents de sentiments inavouables et confus de haines rances et transgénérationnelles, dont la principale cause me semble être l’humiliation d’avoir été dominé. J’en veux pour signe l’absence de revendications positives pour lutter contre l’islamophobie, la négrophobie ou le sionisme, et le remplacement du positif par le négatif : la moquerie, l’amalgame et le rejet, trois positions propres à fonder le bouc émissaire et typiques du nationalisme contemporain, d'origine synarchique).