vendredi 28 novembre 2008

Virtu

On entend souvent condamner le virtuel au nom des dérives virtualistes de notre époque : jeux vidéos, télévision, films, Internet... Comme si les progrès de la technique et de la science menaient inexorablement vers de plus en plus de virtuel, soit de moins en moins d'existence réelle. Est-il bon de condamner le virtuel en l'opposant au réel?
Pour ma part, je proposerais plutôt de faire du virtuel une dimension du réel différente du sensible. Qu'est-ce que le réel? Grave question, comme répondrait le pédant en attente d'une banalité; mais il n'existe pas de réponse, ajouterait le facétieux, qui peut-être se leurre - par pédantisme? Quoi qu'il en soit, le réel se présente comme l'ensemble des productions du sens. Le sens désigne plus le sens de direction que son sens dérivé de sens abstrait et intellectuel.
Il est capital de cerner le virtuel comme ce qui est nécessairement couplé au sensible. Sans ce couplage, le virtuel est un vice et non plus une vertu. Le virtuel est en effet étymologiquement ce qui constitue une vertu. Qu'est-ce que cette vertu? Le virtuel renvoie au possible, c'est-à-dire que le virtuel est ce qui actualise le sensible. La supériorité de l'homme sur les autres espèces animales les plus évoluées dans le règne du vivant provient de cette faculté de l'homme à envisager l'action avant de la réaliser, soit de la prévoir telle qu'elle sera susceptible de se réaliser.
Effectivement, on pourra toujours avancer que l'animal qui prévoit de chasser se meut dans le virtuel et qu'il est impossible sans virtuel de se tenir dans le réel. On aura alors parfaitement raison. Pas de réel sans virtuel. Mais avant de revenir à cette constatation impavide, j'aimerais distinguer le virtuel humain des virtuels autres, notamment ceux des grands mammifères. Le virtuel humain consiste à prévoir plus longtemps à l'avance et de manière plus précise, ce qui fait que l'homme est la seule espèce à vraiment progresser, quand les autres animaux demeurent rivés à leur territoire et à leurs habitudes.
On pourra se demander quelle est la différence qualitative entre l'animal et l'homme, sur la question du virtuel comme sur les autres. Il est plus intéressant sur ce point, non de ravaler l'homme à la bête, mais de constater que l'on n'établit pas de différences entre la vache et le chat. Sans doute postulera-t-on à bon droit que si des différences qualitatives existent entre l'homme et les autres animaux, des différences tout aussi qualitatives existent entre des races plus ou moins évoluées d'animaux.
J'incline à penser que le qualitatif concerne tout le monde - ou ne concerne personne. Quant aux différences quantitatives, il ne s'agit pas de les nier, comme il ne s'agit pas de ravaler l'homme à la bête. Qui fait l'ange fait la bête. La spécificité humaine est indéniable. Pas question de légitimer le réflexe oligarchique ou tyrannique, mais de comprendre que l'on n'a pas besoin de postuler une différence qualitative au demeurant introuvable entre les hommes et les autres animaux pour distinguer strictement l'homme des animaux.
Au surplus, le refus de la différence qualitative tendrait plus à accroître le respect envers les animaux, qui ne diffèrent pas absolument de nous, mais qui nous sont parents, cousins éloignés ou autres. J'en reviens à mes moutons, qui non seulement sont apparentés à l'homme, mais qui ont aussi accès au virtuel, de manière plus limitée que nous il est grandement vrai.
De ce point de vue l'accès au virtuel est quantitativement chez l'homme supérieur à celui du mouton et de toutes les autres espèces connues, sans tendre non plus à l'omniscience. Cette supériorité peut se mesurer ainsi : chez l'homme, le virtuel occupe une place si importante que l'homme est capable de se réfugier dans le virtuel, ce qui signifie que l'homme est capable de fabriquer un mode virtuel à l'image du monde sensible.
Les cas les plus flagrants ne tendent sans doute pas vers le cinéma, qui est en fait beaucoup plus mimétique que l'on ne le pense, tout en indiquant précieusement que les inventions techniques de l'homme exhibent cet attrait du virtuel. Je songeais plutôt à la littérature, en particulier à un romancier français capable sur son lit de mort d'appeler, en tout cas selon la légende, le médecin de son imaginaire de comédie, un certain Horace Bianchon - je fais référence à mon romancier français préféré, Balzac, et au romancier que je préfère tout court - avec le prodigieux Dostoïevski.
Le fait que l'homme soit le seul animal à changer, je veux dire à ne pas répéter à l'identique les mêmes activités, indique que le virtuel est la faculté qui permet à l'homme d'ordonner ce changement. Changer signifie que l'on change quelque chose, opération qui indique que pour changer il faut transformer. C'est au moyen d'un reél extérieur au sensible que s'opère le changement.
C'est par l'adjonction de l'absolu dans le sensible que se réalise le changement, ce qui implique que pour changer, il faille injecter de l'absolu dans le sensible. De l'absolu ou de l'infini dans le sensible ou le fini : le virtuel exprime cette faculté d'injecter de l'absolu dans le sensible, parce que la vertu du virtuel revient à embrasser l'ensemble du champ du sensible.
N'exagérons pas : le virtuel ne rime pas avec l'omniscience; mais si l'imaginaire est capable de concevoir avec une anticipation saisissante des réalisations humaines encore inimaginables, alors on prend conscience de ce pouvoir absolu contenu dans le virtuel (cas d'un Verne ou d'un Orwell); et du même coup, on saisit que le virtuel est une vertu - et une vertu fort grande - en ce qu'il exprime la capacité à embrasser l'ensemble du champ réel (je reviendrai sur la définition de cet ensemble virtualisé).
Bien entendu, cette première définition est trop optimiste ou trop enthousiasmante, c'est-à-dire qu'elle tend par trop à faire du virtuel un monde magique, dont la seule convocation suffirait à illuminer et à transformer radicalement et qualitativement le sensible. Au contraire, il faut reconnaître que cette faculté d'absolu est imparfaite et qu'elle s'avère mieux comprise en termes quantitatifs que qualitatifs : le fait d'envisager l'ensemble du sensible ne signifie pas que le sensible soit connu intégralement, mais que l'homme soit le seul vivant (connu) à avoir la faculté d'embrasser théoriquement le champ du sensible.
Pour le dire autrement, le propre de l'homme est de se situer dans la connaissance à mi chemin entre les espèces précédentes du règne animal, qui sont étrangères à la pensée de l'infini et n'intègre l'infini qu'en des termes finis; et Dieu qui serait le maître de l'infini. L'homme sait que l'infini existe, mais il ne sait pas ce qu'est cet infini. Pour le dire autrement, l'homme est incapable de concevoir ce qu'est l'univers infini, et en même temps il est incapable de concevoir un champ fini et clos sans se demander ce qu'il y a par ailleurs.
C'est la question philosophique qui vient quand on apprend la théorie du Big Bang : que l'univers se soit développé à partir d'un point 0 dans le temps, fort bien - mais que trouvait-on avant? Rien? C'est impossible! L'homme est cet être curieux qui conçoit l'infini négativement, au sens de la théologie négative; et d'ailleurs, l'on pourrait à bon droit reporter sur l'idée de Dieu le problème posé par l'idée d'infini : l'homme sait intuitivement que Dieu existe, sans être le moins du monde en mesure d'expliquer ce que serait le commencement de l'existence de Dieu...
Dans ces conditions, le virtuel est l'amorce indicative que le sensible seul n'est pas le réel dans sa totalité (le fondement gnostique et diabolique de l'immanentisme repose sur l'erreur la plus grave, celle bien connue des Anciens, contre laquelle s'élève toute la tradition religieuse et que défendaient déjà les avatars antiques connus du nihilisme). Le virtuel en tant que faculté n'est pas seulement présent chez l'homme et permet au vivant de se mouvoir dans le sensible en dépassant la simple immédiateté.
On mesure à l'aune de cette constatation/définition à quel point la mentalité immanentiste est régressive et profondément désaxée quand elle réclame comme une amélioration de la représentation ce qui n'est que son expression dégénérée et régressive : l'immédiateté ou le culte de l'apparence. Le virtuel améliore au contraire les modes de vie et de représentation en envisageant le sensible dans son ensemble.
La différence d'absolutisation (pour désigner la capacité à embrasser de manière absolue un ensemble par la virtualité) entre l'homme et les autres espèces n'est pas bien définie et pas seulement binaire (d'un côté, l'homme; de l'autre les espèces inférieures). Il faudrait à chaque fois établir des différences le plus souvent ténues. Mais la clarté distinctive permet de cerner la différence entre l'homme et les autres espèces (différence quantitative plus que qualitative) : les animaux que l'on observe font preuve à chaque fois d'une virtuosité aiguë pour utiliser le virtuel aux fins d'embrasser un champ clos et fini. C'est ainsi que les performances d'un animal sont aussi impressionnantes que prévisibles (stéréotypées dans leur variété).
Quant à l'homme, non seulement il est capable d'embrasser un champ clos plus important; mais il est capable en plus de concevoir (négativement) l'existence possible/virtuelle de l'infini. De ce fait, l'homme est supérieur aux autres espèces, parce qu'il approche d'une réalité que les autres espèces ne possèdent pas. C'est notamment ce qui permet à l'homme de présenter une conscience qui produit le langage le plus élaboré du vivant, les découvertes scientifiques, la pensée, la création, le changement (j'en passe). En passant et en premier lieu : l'homme sera la première espèce à fouler l'espace.
Cette supériorité du virtuel explique l'exclusivité un brin autiste dans laquelle sombre l'homme en montrant un attrait quasi pathologique pour le virtuel pur, séparé du sensible. Aujourd'hui que la technologie a accru cette inclination de toujours, qu'auparavant les conditions de vie encourageaient moins, on constate que l'homme a tendance à se perdre dans le monde du virtuel et à découpler le virtuel du sensible.
C'est oublier, grave erreur, que l'attrait pour le virtuel vient de la supériorité du virtuel accolé au sensible. Sans le sensible, le virtuel n'est rien. Perdre de vue le lien consubstantiel entre le sensible et le virtuel, c'est accepter que le virtuel seul conduit à l'Hyperréel famélique et éthéré, soit à un monde qui n'existe pas et qui ne produit rien.
Où l'on voit que le reél connu par l'homme produit des mondes de possibles qui sont d'autres mondes, mais qui ont besoin du sensible pour posséder une quelconque existence. Dans cette connexion complexe, il serait temps de saisir que l'homme est attiré par le virtuel pur et pathologique dans la mesure où il estime ce reél supérieur. Il est vrai que le virtuel pur lui donne l'impression d'un accomplissement et d'une puissance que le sensible lui dénie ostensiblement et férocement. Dans le virtuel s'accomplit toutes les attentes du désir. C'est ce que j'ai appelé l'Hyperréel - ou la dérive de l'immanentisme.
Maintenant, qu'est-ce que le virtuel pur dans le sensible si l'on s'entend à définir que l'existence du virtuel n'est pas déconnectée ou indépendante du sensible, mais qu'au contraire, les deux mondes interagissent, interfèrent et interpolent? Le virtuel complète le sensible, ce qui fait qu'il est aussi impossible que le sensible existe sans le virtuel que le virtuel existe sans le sensible. Le déni du virtuel dans le sensible produirait une destruction conjointe dans le virtuel et le sensible.
Il en va de même pour le déni du sensible dans le virtuel : il produit l'hypertrophie du virtuel, qui signe dans le même temps la destruction conjointe du virtuel et du sensible. C'est ainsi que l'on entend souvent condamner (avec raison) les dérives du virtuel, au motif que les limites du virtuel aboutiraient à l'absence d'action, et, au pis, que le virtuel déstructurerait profondément ses usagers pathologiques et accrocs.
Nul besoin de revenir sur les raisons de cet engouement destructeur. L'exemple de cette destruction résultant du déni, en particulier du déni du sensible, c'est l'explosion de la pornographie, qui accompagne l'explosion du virtuel dans un immanentisme de plus en plus en déclin. Si l'on suit la gradation de la violence dans les films pornographiques, il serait hasardeux d'expliquer cette dégradation, ou cette explosion de violence, par des raisons inexplicables (la grande mode actuelle étant, on l'expérimente avec la crise monétaire contemporaine, d'expliquer par l'inexplicable, quand l'explication est trop scandaleuse).
La dégénérescence du pornographique s'explique parce que le pornographique consiste à représenter l'omnipotence de l'Hyperreél en matière sexuelle, et, en fait, de l'Hyperreél dans sa seule représentation - car l'Hyperréel finit toujours en pornographie, soit en totalitarisme maximaliste. Le totalitarisme sexuel est la dernière limite du totalitarisme ontologique et politique. L'illustration de la pornographie explicite la destruction conjointe du virtuel et du sensible :
- la représentation devient totalement atrophiée et proche du néant, ce qu'illustre la qualité artistique consternante des films pornographiques, oscillant entre comique, ennui, voire horreur;
- il faut bien des acteurs en chair et en os pour réaliser des films X. La destruction de ces personnes physiques, dont on tend à oublier l'existence sensible, sous prétexte qu'ils seraient des acteurs virtuels, cette destruction est patente et pourrait être comparée au sort de ces hardeuses sujettes (ou victimes?) à des séances extrêmement violentes de gang bang ou de gonzo : au final, ces actrices se retrouvent détruites aussi virtuellement que physiquement. Le fait que les acteurs X soient si souvent victimes d'attouchements ou de viols suffit à indiquer le degré de violence et de totalitarisme de ce type de représentation, qui est la négation de l'art, en particulier cinématographique, et l'expression paradigmatique de l'Hyperréel.
Le cas de la pornographie est éloquent pour mesurer le processus à l'oeuvre dans le déni de sensible et l'hypertrophie conjointe du virtuel : tandis que le sensible se détruit sous l'effet de l'hypertrophie virtuelle, le virtuel est tout aussi détruit, du fait même de cette hypertrophie. La focalisation pathologique sur le virtuel empêche de construire de l'ordre dans le sensible. Mais la focalisation hypervirtuelle détruit logiquement le virtuel de surcroît, puisqu'elle coupe le virtuel du sensible.
La destruction du sensible engendre également celle du virtuel. Dans ces conditions, la condamnation du virtuel a valeur de damnation du reél en général - du réel tout court. Il est aberrant de rejeter le virtuel au profit du sensible, car l'homme n'a pas le choix. Sa conformation le contraint à tout prendre en bloc : soit le virtuel et le sensible - soit rien. S'il ne retient que le virtuel, il ne produira que du chaos. Mais s'il dénie le virtuel, le chaos sera, encore, sa seule et tragique issue. La condamnation du virtuel au nom du sensible n'a pas de portée : elle est aussi désastreuse que la condamnation du sensible au nom du virtuel.
Trop souvent, dans un réflexe réactif, si ce n'est réactionnaire, l'on condamne le virtuel au nom de la réhabilitation du sensible, au motif que le virtuel ne produirait rien. Le virtuel seul et découplé du sensible : oui. Mais le virtuel en tant qu'acte de création, certainement pas. Oserait-on insinuer que les théories de Platon sont des absurdités proches du néant? Certainement pas! Platon a produit des idées (et une théorie des Idées) qui tendent à rendre le sensible plus créatif et plus dynamique.
A cet égard, la production d'idées vaut plus que le simple engagement sensible. Il est évident que cette production est au service du sensible et qu'elle a le privilège rare de régénérer le sensible en le pensant d'un point de vue virtuel. De ce point de vue, la critique contre le virtuel n'a pas grand sens s'il s'agit de lancer une critique contre les idées, la pensée ou la création dans un sens plus général. Au contraire, cette critique est profondément dangereuse en ce que la production du virtuel engendre la richesse conjointe du sensible. Platon ne s'y était pas trompé en se lançant dans al philosophie avec bonheur, autant qu'il se montra un piètre politique.
Ce n'est pas la technique qui est condamnable, mais l'usage que l'on en fait. Ceux qui dénoncent Internet avec un rage suspecte ne se rendent pas compte que seule l'utilisation d'Internet comme virtualité pure serait une menace (par exemple, toujours dans la veine des dérives hyperréelles, l'utilisation exclusive d'Internet aux fins de télécharger et/ou de visionner des contenus pornographiques). Mais l'utilisation d'Internet aux fins de créer, en particulier de produire et d'échanger des idées, cette utilisation n'est pas seulement positive : elle est éminemment révolutionnaire et créatrice.
C'est précisément la raison pour laquelle les tenants du parti oligarchique, élitiste et obscurantiste critiquent tant l'avènement d'Internet, au premier rang les représentants cooptés des médias traditionnels et officiels, évidement au nom du progressisme et de la Défense de la Création Outragée (on songe à fonder une ligue de vertu spécialement dédiée à cette cause pressante). Il s'agit, comme toujours en matière d'hypocrisie et de mauvaise foi, précisément au nom de la création et du changement, de bâillonner la création et d'empêcher le changement, en les conservant jalousement, exclusivement, pour son seul et mesquin profit, et en les étouffant, à partir de l'académisme - et jusqu'à l'anéantissement.

jeudi 27 novembre 2008

Le songe du mensonge

Ainsi peut-on à bon droit relever que l'appellation d'immanentisme consiste à mettre du sens là où l'on prétend que le sens est superflu ou inutile. Le sens ne peut être inutile que s'il est déjà là. La théorie du sens différé ou différant n'est que la variante postmoderne et sophistiquée (au sens péjoratif d'artificiel) du sens déjà là.
Comment se fait-il que le sens immédiat et apparent, au sens où le présent serait transparent, corresponde au consumérisme le plus vulgaire? Comment se fait-il que l'erreur coïncide avec la plus vulgaire et la plus destructrice des manifestations? Déjà, l'on peut affirmer que la différance est compatible absolument et seulement avec l'erreur : seule la différance permet en effet de différer la découverte et la supercherie de l'erreur (si l'on veut un exemple historique contemporain, que l'on se reporte au mythe du Vieux de la Montagne entourant Oussama l'introuvable ou le Différant par excellence).
Mais il faut ajouter aussi que le minimalisme accompagne logiquement toute manifestation d'erreur. C'est le cas avec le consumérisme ou avec la quête éperdue et maximaliste du profit, en ce que cette fin est la plus ténue possible dans l'ordre ontologique. Soit : c'est la manifestation d'un réel aussi minimal que possible. Tout minimalisme ontologique implique en ce sens que l'on énonce comme réel premier, immédiat, apparent, transparent et minimal le réel réduit au sensible.
Dans l'ordre des sens, seul le sensible est accessible aux sens. Le reste dépasse nécessairement les sens et donne libre cours à l'essence, soit à la spéculation de l'entendement humain. L'immanentisme consiste à constater que le minimalisme coïncide (étrangement?) avec le caché ou le masqué. Tout ce qui est profond aime le masque, affirmait Nieztsche. Nous pourrions tout aussi bien corriger, parce que nous ne sommes ni nietzschéen, ni immanentiste, que tout ce qui est superficiel aime le masque. Encore s'agit-il de préciser que l'on parle de deux masques assez dissemblables.
La profondeur classique est cachée en ce qu'elle est ailleurs. C'est ce caché qui autorise l'identification du visible. Le sens classique n'est possible qu'en suivant ce mouvement du caché vers le visible. Le sens va du caché vers le visible. C'est ce sens qui fait sens. Sans cette direction ontologique, point de sens. La révolution moderne consiste à supprimer le caché, soit à décréter que le caché équivaut au néant. Le caché classique existait, quand le caché moderne renvoie à l'inexistant ou à l'illusoire.
Le sens devient superflu, puisque l'action du caché vers le visible n'existe plus. Désormais, l'action irait du visible vers le néant et le sens n'a plus guère de sens. Seul le sens des sens possède encore quelque valeur. La disparition du sens engendre l'omnipotence des sens. Le masque classique cache la vérité, quand le masque moderne cache le mensonge. Il est vrai que le sens stipulait que les sens étaient réducteurs et que seule la connaissance du caché permettait la connaissance ontologique.
Cette connaissance découlait de l'usage de la raison et, plus encore, de l'intuition. La raison donne lieu à l'ontologie et à la science; l'intuition à la mystique. La réunion de l'intuition et de la raison accouche, au sens socratique, du religieux comme seule vision capable d'embrasser le réel avec justesse. Quant à la résolution moderne de la dualité classique, force est de reconnaître que le remède est pire encore que le mal qu'il prétend soigner.
C'est qu'auparavant, les formes classiques qui oscillaient dans le transcendantalisme, en gros toutes les expressions polythéistes et monothéistes, à l'intérieur desquelles se retrouvent certaines pensées rationalistes, encore que le rationalisme soit une excroissance caractéristique du monothéisme, avaient toutes valeurs d'identité, en ce que le premier objectif de l'identité est de séparer les parties du tout et de reconnaître le principe traumatisant et religieux du morcèlement.
Le dualisme avait la vertu d'engendrer l'identité. Le monisme présente le défaut rémanent de brouiller et d'interdire cette identification. C'est pourquoi il ne faut pas s'étonner que l'immanentisme ne se présente pas explicitement dans l'histoire des idées comme tel et qu'il faille recourir à une appellation ex nihilo pour le définir et le caractériser. C'est qu'il apparaît en masqué et en différé. L'immanentisme n'a pas d'identité propre. Un peu comme pour le principe des chaînes télévisées à péage, il faut l'adjonction d'un décodeur pour le lire et le déchiffrer.
La proposition de l'immanentisme vise précisément à interpréter un mouvement qui se présente sous les oripeaux d'une conciliation et d'un dépassement du dualisme métaphysique, en gros du religieux. En termes d'ontologie, le seul moyen qu'ait trouvé la modernité pour dépasser le dualisme consiste à pondre le monisme. Autre manière, moins provocante, de constater que le seul moyen de dépasser le dualisme consiste à avoir proposé une forme inférieure.
Sans doute fallait-il l'inventer... Toutes les formes dualistes ou classiques sont explicites parce qu'elles ont une identité rendue possible par le dualisme. Quant au monisme, parce qu'il rend impossible cette identification légitime, il se présente sous la forme soit de la vérité, soit de la différance. Dans les deux cas, il repose sur l'erreur et sur le masque. Dans les deux cas, il ne peut être trouvé.
On notera que l'immanentisme vériste (au sens où le vérisme exprimerait la pathologie du mensonge) est l'immanentisme pragmatique, qui croit qu'il a trouvé tout de suite, ici et maintenant, la vérité. Cet immanentisme est peut-être le moins retors en ce qu'il est persuadé que la vérité a été trouvée ou que, si tel n'est pas le cas, ce n'est qu'une question imminente (et immanente) - de jours, de semaines, de mois. Quant l'immanentisme différant et toujours différé, il penche du côte de l'immanentisme progressiste. Il est plus hypocrite et tartuffe, comme dirait un grand expert en hypocrisie.
Sans doute l'hypocrisie trouve-t-elle son champ d'expression dans le domaine du social. Mais il est bon de constater que cette hypocrisie sociale s'adosse sur une hypocrisie ontologique, dont le propre tient à la différance (revisitée par notre grille interprétative). L'hypocrisie est au fond l'expression psychologique de la différance ontologique, soit le fait de refuser l'identité au nom de la dérobade ou de la dissimulation (la simulation n'est pas loin de la dissimulation).
La démarche de définir l'époque moderne par un mouvement inconnu n'est pas une démarche de surinterprétation ou de mésinterprétation qui accoucherait de contresens ou de faux sens. Au contraire, elle consiste à réintroduire du sens là où le sens a disparu, parce que l'on prétend avoir dépassé le sens (alors qu'on l'a simplement enterré dans le placard aux cadavres putréfiés et dérangeants). Interpréter la mentalité de l'époque en constatant que cette mentalité revient à révoquer le sens suppose que l'on donne sens à ce qui fait défaut de sens.
L'interprétation revient aussi à comprendre que seul le mensonge généralisé et systémique peut accoucher du déni de sens. Ce mensonge s'énonce aisément : il consiste à identifier de manière hallucinatoire et démesurée le tout avec la partie. Dès lors, la problématique de l'immanentisme consiste à ne pas identifier l'erreur qu'il charrie et, partant, à ne pas s'identifier (au sens où l'on refusé un contrôle d'identité, parce qu'on n'a pas ses papiers ou parce qu'ils sont faux).
Cette fuite en avant, qui se voudrait perpétuelle et dont nous sentons déjà qu'elle ne sera que provisoire et vouée à l'échec, s'exprime au mieux dans la différance à mesure que l'immanentisme progresse, c'est-à-dire qu'il se réduit et dégénère : au départ de la modernité, le vérisme sincère pouvait encore s'affirmer. A mesure que le temps passe, ce vérisme ou pragmatisme se montre de plus en plus cynique et vicieux, consistant à légitimer les pires atrocités et les pires destructions politiques au nom du principe de réalité.
Mais le plus sûr moyen de légitimer la dégénérescence nécessaire et inéluctable de l'immanentisme, soit du mensonge ontologique fondamental, consiste bien entendu à différer puisque ce qui est sans cesse différé est invérifiable et insaisissable. C'est bien ce à quoi tend depuis son origine, et de plus en plus à mesure qu'il progresse/dégénère, ce mouvement de réduction du reél et, partant, de dégénérescence. En effet, l'on tend à oublier que le fini seul est par définition fini - dans tous les sens du terme.
Rien d'étonnant dès lors à assister au spectacle de la dégénérescence de l'immanentisme : ce déclin était prévisible et c'est le propre du déni que d'empêcher la prévisibilité d'un mouvement dont la folie consiste à prendre (et à pendre) la partie pour le tout - et la fin pour le réel. Le mensonge est ainsi défini comme d'essence et de trajectoire profondément destructrice, puisque fondamentalement et premièrement, le mensonge ontologique revient à la réduction maximaliste du réel à sa forme la plus minimaliste/réductrice.
Quant à la démarche consistant à donner du sens là où il y a réfutation mensongère et déni de sens, il s'agit de comprendre que l'hypothèse de l'immanentisme est un effort de définition au sens où l'on parle d'effort pédagogique. Comprendre notre époque, c'est comprendre que notre époque est d'essence immanentiste, c'est-à-dire que pour comprendre, il faut mettre du sens. Cette opération conceptuelle implique que moins il y a de sens, plus la nécessité d'en produire se signale.
Reste à noter que selon toute logique il est certain que le fait de proposer du sens en lieu et place d'un déni de sens aboutit à la production d'une hypothèse inconnue, d'apparence fragile et incertaine. C'est la raison pour laquelle personne encore n'a entendu parler de l'immanentisme, qui définit ainsi la mentalité par excellence du masque et du déni. Quant à se demander pourquoi l'immanentisme est resté si longtemps une mentalité du déni ou une mentalité du travestissement à l'oeuvre et non démasquée, nous suggèrerons à ce sujet le culte de la forclusion propre à toute mentalité. Il s'agit d'enterrer ce qui est trop cruel ou trop insupportable à contempler, un peu comme Œdipe se crève les yeux pour ne pas admettre la vérité - qu'il a couché avec sa mère et qu'il a tué son père en essayant d'échapper à son funeste destin.
En l'occurrence il faut que les espoirs placés dans la révolution de la modernité, la révolution immanentiste, qui est une révolution scientifique et technologique, aient été bien vivaces et bien persistants pour que le déni parvienne à maintenir ainsi sa chape de plomb et à laisser croire aussi longtemps (quatre siècles comme le chanterait Tosh) que ses mirages étaient des fruits chatoyants. Et il faut que cette époque vive vraiment ses instants de plomb et de déchéance pour que l'on ose insinuer enfin, encore timidement, à travers le mur en lambeaux, que les progrès n'étaient pas des progrès, mais des mensonges, mais des régressions, mais des erreurs, et que ce que l'on prenait pour le dépassement du modèle classique, le couronnement et la fin, n'étaient jamais que le renversement régressif du classicisme : des vessies pour des lanternes.
En ce sens, la révélation de l'immanentisme, comme proposition d'interprétation et hypothèse ontologico-religieuse, ne résulte pas d'une invention fumiste, mais d'un besoin urgent : retrouver le chemin du sens et démystifier l'imposture de notre époque et de sa mentalité nihiliste. Car il est un lien que l'on ne peut atténuer et qui indique que les variantes ne sont jamais que les changements/différences opérées à partir d'une même structure ontologique : l'immanentisme est le rejeton moderne du nihilisme, courant de pensée qui n'avait jamais été majoritaire et qui pointait le bout de son nez dans les périodes de crise (sophistique ou matérialisme pour l'Antiquité occidentale).
La différence entre la modernité et les périodes précédentes, c'est que pour la première fois dans l'histoire, au moins l'histoire connue, le nihilisme a pris le pouvoir. Il est devenu majoritaire sous les traits modernes de l'immanentisme. C'est bien entendu au nom du Progrès que le nihilisme a pris le pouvoir, soit avec le présupposé que l'immanentisme allait apporter un progrès indéniable : progrès qui ne pouvait être que matérialiste et consumériste, puisque le nihilisme, comme son nom l'indique, remplace l'Etre par le néant. Encore oublia-t-on le diabolisme de cette trouvaille saugrenue : toute fin nihiliste finit dans le néant et c'est la raison pour laquelle le nihilisme mérite d'être défini comme une crise dont il faut sortir. Plus que jamais.

mercredi 26 novembre 2008

L'indifférance cachée

Tiens, une objection : l'immanentisme est une vue de l'esprit, de mon esprit, de mon seul esprit. L'immanentisme n'existe pas en tant que tel. Pardi, ça, c'est vrai : c'est moi qui ai inventé cette appellation contrôlée! Autrement dit, l'immanentisme ne serait jamais qu'une conception artificielle et intellectualiste, qui consisterait à prêter un sens surdimensionné et illusoire à une mentalité qui ignore totalement les fondements de l'explication immanentiste et qui suit en fait (et de fait) d'autres fondements, autrement plus visibles, rudimentaires et viscéraux (au sens de viscères).
La mentalité ambiante des cercles financiers de l'oligarchie mondialiste pourrait s'énoncer et se résumer comme suit : faire le plus de profit. Mentalité primaire, mentalité rudimentaire, mentalité prédatrice et destructrice. Mais cette mentalité consiste précisément à ne pas faire sens. L'immanentisme est une hypothèse de travail qui consiste à faire sens. c'est-à-dire à rajouter du sens là où le sens fait défaut tragiquement, comme l'on manque parfois d'oxygène au point d'asphyxier. Comme l'a dit explicitement un expert américain, un certain Fukuyama, que l'on pourrait qualifier de postmoderne néo-hégélien, la fin de l'histoire est arrivée depuis la chute du Mur de Berlin, en fait depuis que l'immanentisme a basculé dans son ère tardive et dégénérée.
Il faut comprendre que la modernité qui commence symboliquement en 1492 prétend atteindre la vérité et de ce fait expurge la vérité de toute interrelation avec le sens. La modernité est l'avènement de la vérité, soit que cette vérité soit d'ores et déjà trouvée; soit qu'elle soit à venir. Dans les deux cas, dans tous les cas, le propre de l'immanentisme est de ne pas apparaître ou d'apparaître en différé, soit de manière masquée à jamais. L'immanentisme ne se donne pas pour la simple et bonne raison que l'identité immanentiste réside dans son invisibilité et son anonymat.
Ainsi que l'a résumé sans le savoir, et dans un verbiage apocalyptique, Derrida le déconstructeur, l'immanentisme est dans la différAnce, soit dans le fait de différer toujours - et à jamais. Ce concept manipulé (explicitement) de différance se comprend grâce à l'idée folle que les germes de la modernité repose sur le postulat qu'enfin la vérité est trouvée ou en tout cas trouvable. Cette vérité s'obtient grâce à un concept ontologique simple : le réel est le fini (pur et simple). La méthode d'obtention de la vérité n'est pas la science, mais l'idée que la science permet l'omni-connaissance.
On le voit, l'immanentisme n'est pas très éloigné du positivisme et du scientisme, mais de ce fait il se trouve également proche de toutes les positions qui consistent à évacuer la vérité et le sens au nom du relativisme. C'est le cas de toute pensée systémique prise dans l'immanentisme tardif et que l'on peut résumer sous le générique de postmodernisme. En effet, l'évacuation du sens se réfère au sens classique et métaphysique, selon lequel le sens réside ailleurs (l'Etre ou la forme sont ailleurs).
Évacuer le sens classique ou appeler à la disparition du sens sont des positions identiques quant au fond. Il ne peut y avoir de sens qu'en édictant une forme ou une identité, soit un intérieur et un extérieur. Le propre de la vérité immanentiste est de répudier les concepts classiques de sens et de vérité, précisément parce que la quête de vérité n'a plus guère de sens, dans une conception qui affirme que la vérité est connue ou du moins qu'elle est connaissable.
Dans cette conception statique ou donnée, où chaque chose est à sa place et où le Progrès n'est jamais que la croissance de la quantité quantifiée/quantifiable, l'identité perd son sens. Je veux dire que l'on décline son identité quand on estime qu'elle est inconnue ou qu'elle peut l'être. Mais dans la mentalité de l'immanentisme, l'identité est connue ou connaissable. Elle n'a pas besoin d'être explicitée ou d'être affichée.
S'identifier quand l'identité coule de source est une action superflue. Raison pour laquelle la mentalité immanentiste se contente d'afficher une fin simpliste et prévisible (faire le plus d'argent possible, acquérir le plus de pouvoir, etc.) ou s'inspire, dans les cas où elle se pique de penser, ou de prêt-à-penser, de principes minimalistes comme la démocratie, le libéralisme ou la laïcité. On remarquera qu'à chaque fois, les penseurs de ces principes ne sont pas légions ou sont fort médiocres - comme c'est le cas d'Adam Smith et de tous les disciples/penseurs estampillés libéraux classiques.
On pourrait se demander pourquoi une identité qui est si connue et si irréfragable se prétend dans le même temps si différée et différante. Mais c'est qu'elle est fausse! Autrement dit : cette identité se prétend évidente à la mesure où elle se trouve hautement problématique. Le centre de l'immanentisme (prendre la partie pour le tout au sens où l'on prend des vessies pour des lanternes) repose sur l'erreur centrale de la modernité, le renversement de toutes les valeurs, qui consiste à penser qu'en retournant l'erreur de facture classique (l'erreur métaphysique ou ontologique), on tombe sur la vérité moderne (ainsi de la démarche ontologico-sophiste ouvertement démente de Nietzsche).
Si l'on oublie que l'immanentisme postule l'erreur obvie, on ne comprend pas pourquoi ce qui se prétend connu serait en même temps caché. Mais si l'on garde à l'esprit que l'erreur se conserve mieux cachée, alors on comprend que ce qui se prétend évident s'offre en même temps comme caché : c'est que le caché abrite et encourage l'erreur. La différance ou l'identité toujours différée exprime cette mentalité de l'erreur.
Ce qui est faux devient irréfutable s'il est différé. C'est le processus qui se produit avec l'immanentisme. L'immanentisme se prétend à la fois ouvertement vérité et en même temps vérité toujours différée. Autant dire que l'immanentisme se présente ouvertement comme identité trouvée et en même temps comme identité invérifiable - différée à jamais. Cette double identité est proche de l'identité duplice, qu'une (autre) fable met en scène : la fable de la chauve-souris tantôt oiseau et tantôt rat, en fonction du besoin (et du danger). C'est le discours de la mauvaise foi ou l'identité du caméléon, à ceci près que le caméléon s'adapte à son environnement, quand l'immanentiste suscite cette adaptation en fonction de ses désirs - et non de la réalité extérieur et indépendante.
De même que la chauve-souris n'est ni un oiseau, ni une souris, mais une chauve-souris, de même l'immanentisme n'est ni présence immédiate et apparente, ni différance. C'est tout simplement un raté et un mensonge que de postuler conjointement cette immédiateté et cette différance. Et quand une production quelle qu'elle soit se révèle un fiasco et une supercherie, sa manière de durer (provisoirement) consiste à duper son monde tant qu'elle peut. Tant qu'elle peut, parce que tôt ou tard elle sera confrontée au principe de réalité, qui la démasquera et la détruira.
En attendant que cet effondrement, triste mais inéluctable, et de ce fait aussi joyeux, car synonyme de sortie de crise, ne survienne, ne nous étonnons plus que l'immanentisme soit une mentalité de la différance et du caché. Pour être mensonge, l'immanentisme ne saurait se présenter tel quel, en toute franchise et en habit de communiant. Il est bel et bien cette ontologie du masque, au sens où l'on ne court pas braquer une banque à visage découvert si l'on veut garder l'anonymat - le plus longtemps possible, mais que l'on recouvre son visage d'un collant ou d'un cocasse (autant qu'effrayant) masque d'animal (comme dans les films de Kubrick).
C'est ainsi que l'on peut définir sans risque l'immanentisme comme la religion de la sortie de la religion, ainsi que des célèbres intellectuels nous le répètent pour définir avec grandiloquence le caractère unique et superbe de notre époque contemporaine; mais également comme la religion du déni de religion, au sens où le religieux serait dépassé par la production d'une culture suprareligieuse et/ou acultuelle. Ainsi nous explique-t-on doctement que nous avons su, grâce à la Raison et à la science, trouver un état et un ordre supérieurs, alors qu'en fait nous nageons en plein déni, ce qui constitue une régression patente.
Ce déni régressif ou récessif (par les temps de crise qui courent) se manifeste par le refus de la réalité, au profit du désir (c'est la prééminence de la représentation sur le réel ou état d'Hyperréel). Il n'est pas étonnant que l'époque charrie un discours odieux et atterrant en faveur du matérialisme le plus consumériste et le plus jouisseur, au point que l'on se demande si l'homme n'est pas ravalé par certains penseurs hâbleurs, de plus en plus experts et de moins en moins critiques, au statut de pourceau fort peu épicurien. Reste qu'au final, l'identité trouvée équivaut à l'identité différée et que c'est pour cette raison que nous proposons de définir l'époque par une appellation conceptuelle inconnue et inventée par nos (bons) soins : c'est que notre époque, pour trop prétendre savoir ce qu'elle est, est devenue, par l'entremise de ses bons offices, une ère de perte et d'amnésie.
La meilleure figure que je trouve pour évoquer l'immanentisme tient plus au personnage du mythomane qu'à l'amnésique. L'amnésique ne se rappelle plus de son passé et redécouvre par bribes ce qu'il fut parfois avec brio, parfois avec fracas. Je pense notamment au héros éponyme et anonyme de la BD des XIII, qui découvrira sa véritable identité cachée en même temps qu'un terrible secret institutionnel (est-il l'assassin du président américain Sheridan?). Mais il est probable que ce soit le mythomane qui soit le plus près de l'immanentiste.
Non pas le grotesque et minable affabulateur, qui ment sciemment pour se donner le beau rôle, soit un rôle plus conforme à ses attentes que celui qu'il joue vraiment; mais celui qui ment sans s'en rendre compte, parce qu'il ne fait plus la différence entre le réel et la représentation de son désir. Tôt ou tard, il est cependant démasqué, et c'est soit la mort, soit la folie qui viennent mettre un terme fatidique à ses menées outrageuses.

mardi 25 novembre 2008

Aparté en partie

Le symptôme premier pour caractériser l'immanentisme, c'est de comprendre que toute la culture classique consiste à distinguer le tout de la partie. Si l'individu est indivisible, il n'est jamais que le fondement du sensible. Le transcendantalisme est culture millénaire en ce qu'il est capable de distinguer entre les étants et l'Etre, pour reprendre le vocable de Heidegger, soit entre les parties et le tout. La terminologie monothéiste est d'une simplicité biblique (c'est peu de le dire) : distinguer entre Dieu et les créatures.
LaRouche, entre autres, dirait : entre le Créateur et les créatures. Toujours est-il que la mutation de l'immanentisme correspond à une crise profonde du désir. La modernité exprime une crise du désir. Cette crise qui répudie les religions monothéistes et le transcendantalisme avec dédain, cette crise qui affirme avec force la suprématie de la Raison et l'hyperrationalité, cette crise qui promeut la science, cette crise qui postule la liberté, la démocratie et la laïcité, cette crise est au fond, fondamentalement, une crise du désir.
L'on peut se référer à tous les monismes, à tous les systèmes philosophiques, à toutes les rigueurs géométriques, comme ce Spinoza qui affirme explicitement la centralité du désir. L'important est de comprendre que le désir immanentiste incarne précisément la démesure classique, qui effrayait tant les Grecs (l'ubris étant le pire péché ou la pire faute). Se montrer démesuré, c'est précisément se prendre pour le tout, ainsi que l'enseigne la fable fameuse dans laquelle la grenouille se prend pour le boeuf.
Ce n'est pas un hasard si le mythe de Faust devient l'un des grands mythes populaire de la modernité, à tel point que Goethe et Balzac le reprennent, sous deux formes un peu distinctes. Ne s'agit-il pas pour ces deux écrivains majeurs d'exprimer le paradigme du système dans lequel ils se meuvent et dont ils sentent le souffle rauque et comique? Dans les deux cas, l'histoire conte la mutation d'un homme qui a accepté le pacte avec le diable. Ce pacte est identique : accepter de vendre son âme contre le bonheur matériel et les symboles de ce bonheur (pouvoir, richesse, séduction...). Vendre son âme au diable : soit troquer l'absolu classique contre le fini/sensible.
On ne peut se montrer plus explicite dans le message. Cette rengaine inquiétante consistant à vendre son âme au diable est exactement le résultat auquel aboutit la cris immanentiste : en expulsant l'Etre et en lui substituant le néant, le seul réel devient le sensible. Le fondement devient dès lors l'indivisible au sein du sensible, soit étymologiquement l'individu, mais en ce cas précis, la faculté centrale de l'individu, soit le désir. Nul besoin de s'appesantir sur les distinctions entre le désir spinoziste et la volonté schopenhauerienne.
Je laisse ces subtilités effectives aux commentateurs et aux historiens de la philosophie, qui pour d'aucuns seront trop heureux de se cacher derrière ces distinctions pour ne pas penser et se dépenser en donné impensé et en jargon compensé. Le détail important, en tout cas pour la pensée contemporaine qui veut gagner son temps et comprendre le sens ontologique qui se dégage de son temps, c'est la compréhension de la centralité de l'immanentisme : prendre la partie pour le tout.
Et cette centralité repose logiquement sur le désir de l'individu, le désir indivisible. Tel est le vice de l'immanentisme et telle est la raison pour laquelle l'immanentisme est une crise et non un progrès (encore moins le Progrès) : il est certain qu'en renversant de la sorte les valeurs, en faisant du fondement du fini le nouveau et supérieur fondement, du désir le centre du monde, le monde de l'homme ne peut que s'effondrer, parce qu'il manque au réel l'essentiel et que ce n'est pas en décrétant que l'essentiel est vain et que l'accidentel est primordial que l'on parvient à la pérennité et à la viabilité. Au contraire, on en arrive rapidement à la destruction et à l'anéantissement - et c'est la triste expérience dont nous commençons à distinguer les linéaments en ce moment.

lundi 24 novembre 2008

What A Sweety Protest

Il serait exagéré, voire trop élogieux, d'attribuer à l'ineffable Kissinger une responsabilité globale et suprême dans les politiques prédatrices et destructrices qu'il a définies, cautionnées et accompagnées. Kissinger n'est jamais que le conseiller de certains cercles de l'oligarchie de Wall Street adossée à l'oligarchie de la City, centre de la finance mondiale. Pour qu'il y ait conseiller, encore faut-il qu'il y ait conseillé.
Kissinger est un conseiller qui comme tel ne possède pas le pouvoir. Il en est proche, il en est l'inspirateur, il en est le représentant, mais il n'est pas et il ne sera pas le pouvoir. Comme l'a dit un homme politique français remarquable, fin connaisseur des cercles financiers américains, Jacques Cheminade, Kissinger est un laquais de l'oligarchie WASP.
Comprendre Kissinger de ce point de vue, c'est aussi comprendre que Kissinger en tant que Juif illustre le paradoxe de ces sionistes fondamentalistes et forcenés qui se targuent d'appartenir à l'establishment, alors qu'ils n'en sont que les exécutants. Leibowitz avait détaillé que Kissinger était peut-être Juif, mais que sa nationalité était américaine et qu'en conséquence ses innombrables crimes en tant que secrétaire d'État ou Conseiller à la Sécurité nationale seraient imputables à l'État américain. C'était pour Leibowitz le moyen de rappeler que les Israéliens n'étaient pas responsables des crimes commis par des Juifs non israéliens.
Aussi bien cette remarque couplée à celle de Cheminade nous permet-elle de comprendre que dans dans l'oligarchie ceux qui sont mis en avant ne sont pas les plus influents. Il en va ainsi de Kissinger grand commis des intérêts bancaires et financiers. Il en va ainsi des sionistes, dont les crimes en Israël et de par le monde sont incontestables, mais qui ne sont jamais que des exécutants (fort exécutueurs il est vrai).
La haine des Juifs, injustement baptisée antisémitisme, comme si la haine des Sémites équivalait à celle des Juifs, cette haine est bien inappropriée, car on ne se rend pas compte que l'on amalgame un bouc émissaire religieux, voire un bouc émissaire de l'ordre du peuple, avec des factions idéologiques et bancaires. Surtout, l'influence prépondérante des Juifs laissent accroire que ce sont les Juifs qui seraient les maîtres du monde.
Outre que les qualificatifs identitaires existants sont imprécis et peu fiables (religieux, populaires ou autres), il convient de noter que la domination attribuée aux Juifs est une constatation aussi irrationnelle/haineuse que dénuée de fondements. Quand bien même on serait arrivé à distinguer les Juifs des factions bancaires, on commettrait un redoutable contresens en affirmant que ces factions bancaires sont aux mains des Juifs. En réalité, les Juifs sont les paravents de ces factions bancaires. L'essentiel du pouvoir appartient en fait à ceux que l'on nomme avec une certaine terreur les WASP.
On comprend al confusion : les Juifs ne sont pas totalement étrangers au monde de la banque, sil y sont présents pour certains groupes, mais c'est en tant qu'ils n'ont pas le premier rôle, soit celui du pouvoir caché de l'immanentisme, pouvoir investi et incarné par les WASP de l'immanentisme.
Historiquement, il est tout à fait certain que l'exclusion sociale, politique, voire physique des Juifs en Occident, exclusion complexe et tourmentée, qu'il ne faudrait ni nier, ni exagérer, a abouti à la relégation de certains groupes juifs vers les métiers du commerce, singulièrement de la finance et de la banque. Mais il est historiquement encore plus intéressant de noter que l'idéologie politique qui aboutit à la création d'Israël, le sionisme, émane de cercles protestants dissidents, soit de cercles doublement dissidents :
- dissidents d'être protestants dans le christianisme;
- dissidents d'être restaurationnistes dans le protestantisme.
Cette dissidence se rapproche naturellement de l'autre dissidence cardinale dans le monothéisme, double elle aussi, du judaïsme sioniste (qui au départ n'attirait pas les foules). Mais elle se sert du sionisme en ce qu'elle le méprise profondément. Il faut comprendre ici que ce n'est pas le protestantisme dissident qui se sert de la dissidence sioniste, mais que les deux dissidences ont accouché d'une mutation, qui est la forme prolongée de la dissidence, et qu'à ce titre, on peut parler de la naissance de l'immanentisme comme crise et comme dissidence.
On sait que le rapprochement est d'ordre économique : tant le protestantisme que le judaïsme présentent le point commun de tendre vers le commerce et la finance au nom de leur rejet. La réaction dissidente au rejet de l'orthodoxie majoritaire ou institutionnelle se traduit par un fondamentalisme qui ne conserve que le fondement de l'économique, soit la forme épurée et extrémiste de la finitude.
L'ontologie de l'immanentisme est une gnose dualiste qui se veut un monisme apparent et qui pose que le réel est le sensible. Elle exclut de ce fait le néant de sa pensée, ce qui est curieux, car l'immanentisme postule à l'existence positive du néant. L'immanentisme est l'expression de la crise, ce qui signifie une mutation des valeurs transcendantalistes aboutissant à la prééminence des rejetés et des exclus du transcendantalisme. Le transcendantalisme encourageait toute forme d'expression dualiste, religieuse, artistique, politique ou militaire, et excluait de son giron large toutes les expressions monistes : bien entendu, l'explicitement système moniste qu'est le spinozisme; mais aussi le monisme implicite auquel aboutit tout fondamentalisme, en particulier les fondamentalismes monothéistes.
C'est du fondamentalisme que sort la mutation immanentiste. Il est tout à fait prévisible que ce type mutant de fondamentalisme place l'économique en situation de prévalence, opérant ainsi un renversement de toutes les valeurs chères à Nietzsche et par rapport à l'ordre traditionnel, en particulier l'ordre indo-européen. En effet, la crise consiste ontologiquement à répudier le dogme transcendantaliste qui s'appuie sur le fondement dualiste de l'Etre, pour ne retenir plus jamais que le fondement du sensible.
Selon ce dogme immanentiste et selon ce fondement exclusivement sensible, la fin humaine réside dans l'accomplissement sensible, qui tend à la domination et à l'enrichissement matériel. Maintenant, la mutation immanentiste sort logiquement du monothéisme qui commençait à postuler par rapport au polythéisme une certaine forme d'exclusivisme divin. Le monothéisme n'est certes pas moniste, mais il encourage la dissidence moniste par son unicité divine proclamée et la rupture qu'il induit avec le transcendantalisme.
Il est tout à fait logique que l'immanentisme sort en premier lieu du monothéisme le plus explicitement prédisposé à muter en monisme et en immanentisme. Le christianisme est ainsi par son dogme complexe et profond de la Trinité un encouragement à la mutation fondamentaliste d'où sortira notamment les hérésies protestantes, notamment les hérésies restaurationnistes au sein du protestantisme anglo-hollandais (on pourrait énoncer d'autres hérésies visibles).
Il est tout à fait logique également que l'ennemi de l'immanentisme soit le monothéisme - et le monothéisme sous sa forme la plus radicale et pure. Je pense à l'Islam, à sa transcendance implacable et à la guerre contre le terrorisme qui cherche comme toute guerre un ennemi et qui n'en trouve pas (puisque l'ennemi est intérieur). La domination dans l'immanentisme était dévolue de manière prévisible aux fondamentalismes protestants, que l'on retrouve dans les cercles WASP.
Mais leur alliance avec le sionisme est tout aussi logique : le sionisme est une idéologie et en tant qu'idéologie indique explicitement sa mutation immanentiste à l'intérieur du judaïsme, d'autant que les formes les plus influentes de sionisme sont aussi les plus radicales (je pense au durcissement inéluctable des positions sionistes, en particulier celles du Likud, mais aussi celles d'un Peres, qui tendent de plus en plus à se rapprocher des conceptions d'un fasciste-sioniste de l'acabit de Jabotinsky).
Le sionisme a muté parce que d'emblée le judaïsme est une forme polémique et partielle de monothéisme, qui n'est pas un monothéisme achevé, mais une forme de monothéisme tribal. Longtemps, le judaïsme a hésité entre le tribalisme et l'universalisme. Pour preuve, les conversions au judaïsme ont existé plusieurs siècles après l'ère chrétienne, ainsi qu'en atteste l'historien israélien Sand. Mais les persécutions en terre chrétienne (moins en terre musulmane) que les Juifs ont endurées s'explique par leur statut ambigu de monothéisme oscillant clairement entre le polythéisme et le monothéisme tribal.
Que l'on se réfère à ce sujet aux deux appellations successives juives pour désigner Dieu dans l'Ancien Testament : Elohim, qui dénote un pluriel polythéiste; et El Shaddaï, qui désigne le Tout-Puissant. L'alliance prévisible des protestants et des sionistes débouche sur l'existence des chrétiens sionistes, que l'on feint de redécouvrir depuis peu, alors qu'ils se trouvaient déjà à la souche du succès politique de Cromwell. Les hérésies protestantes se sont toujours montrées farouchement favorables au projet sioniste, qu'elles ont inspirées et proclamées depuis le début.
Dans ce contexte, le sionisme est le cheval de Troie que les immanentistes utilisent avec un bonheur historique patent. La hiérarchie à l'intérieur de l'immanentisme est pourtant claire : ce sont les mutants de l'obédience fondamentaliste protestante qui dominent et qui assujettissent les autres formes de fondamentalisme et d'immanentisme. Que l'on ne s'étonne donc plus de retrouver tant de sionistes aux portes stratégiques des banques et de la grande finance.
Soit ces sionistes sont les vrais maîtres - et alors ce sont des WASP; soit ce sont des Juifs - et alors ils sont utilisés par leurs maîtres WASP. Il reste un cas à rappeler : les vrais immanentistes ne sont pas de vrais fondamentalistes communiant dans des fois transcendantalistes. Ils manipulent ces fois pour le compte de leur croyance immanentiste, dont le résumé le plus simple consisterait à citer le mondialisme affiché par David Rockefeller dans ses Mémoires.
Au passage, les Rockefeller sont des huguenots français, pas des Juifs. On glose beaucoup, non sans raison, sur la dynastie éparpillée et puissante des Rothschild : eux sont d'origine juive, mais il est très clair qu'ils agissent en tant qu'immanentistes et que leur (haut) patronage de la cause israélienne obéit à des impératifs politiques directement issus de leur cause, la cause immanentiste. Le sionisme n'est qu'un moyen, pas une fin (ce qui n'excuse nullement les crimes actuels des sionistes et/ou des Israéliens).
Dans ce maëlstrom passablement confus, qui suppose une claire vision de l'immanentisme comme la religion de la sortie de la religion, ou la religion du déni de religion (sans quoi l'on ne comprend plus grand chose à la situation actuelle, à moins de croire que les termes de laïcité, de mondialisation, de libéralisme ou de démocratie ont remplacé avec profit et avantage les religions dépassées et trépassées), envisager Kissinger comme le laquais de ces dominateurs puissants, c'est envisager que le sionisme soit au service de l'immanentisme et que l'immanentisme soit dominé par les WASP et que les sionistes soient inféodés aux WASP.

dimanche 23 novembre 2008

True man

"Je crains beaucoup que les Juifs soient comme tous les défavorisés. Quand ils obtiennent le dessus, ils sont tout aussi cruels et intolérants que les gens l’étaient envers eux lorsqu’ils étaient opprimés. Je regrette vraiment beaucoup cette situation parce que ma sympathie a toujours été à leurs côtés."
Harry Truman, en 1948.

Une petite note pour préciser un fait que l'on tend à oublier. René Girard, qui est peut-être moins pertinent que Descartes (encore que), mais certainement plus que Scherrer (certainement), a eu le mérite insigne d'énoncer que le bouc émissaire pouvait être soit totalement innocent, soit en partie coupable, mais que l'important est qu'il soit le coupable désigné du fait de sa faiblesse. C'est en quoi réside toujours l'injustice du bouc émissaire.
C'est le cas du larbin W., qui finit sa présidence sur les chapeaux de roue et qui se trouve accusé de tous les maux. Résumons : pire président de l'histoire américaine; responsable du 911; responsable de la guerre en Irak; responsable de la guerre en Afghanistan; dirigeant des néoconservateurs les plus bornés et extrémistes; stupide, alcoolique, vicieux, menteur, dérangé, pervers. Tous ces faits, et bien d'autres, sont certes vrais.
Néanmoins, il faudrait nous expliquer pourquoi ce déchaînement subit intervient alors que ce dear W. fut élu à deux reprises, après des élections plus que contestables, et sans que les médias ou les citoyens se rebiffent. Maintenant qu'il part, la donne change... Est-ce alors la terrible crise monétaire dont on tient W. responsable? Je ne voudrais pas me mêler de ce qui ne me regarde pas, mais apparemment, W. est l'archétype du pigeon pigeonné. Incapable d'avoir programmé aucune des actions diaboliques dont il est tenu responsable avec un acharnement quasi thérapeutique, son seul crime est d'occuper un poste de responsable alors qu'il n'est qu'un lampiste et une marionnette.
Vieille technique de manipulation : les ventriloques s'arrangent pour qu'au final leur marionnette muette et désarticulée porte le chapeau de leurs actions les moins recommandables. L'hypocrisie du système consiste à s'indigner après avoir couvert et au moment le plus opportun : la sortie ou la chute... Voilà qui en dit long sur la valeur du système. Si W. est un moins que rien, ce qui est sans doute vrai à 99%, c'est que le système qu'il représente est pourri, totalement, en particulier ceux qui l'ont porté au pouvoir et aux nues, soit l'oligarchie financière et mondialisée, mais aussi les moutons démocratiques américains et occidentaux qui se sont tus et l'ont laissé faire semblant de gouverner.
Le ver né pour gouverner? En tout cas, l'acharnement contre W. permet de se focaliser sur un homme, au surplus irresponsable, à la place du système dans son ensemble : système oligarchique, médias aux ordres, peuple moutonnier et servile. Tous les ingrédients sont réunis pour une farce sinistre, dont l'effondrement systémique sera la dernière et prévisible scène. Le système voudrait-il nous faire oublier qu'il est le vrai responsable et que son bouc émissaire est l'arbre qui cache la forêt?
En tout cas, pour comprendre cette hypocrisie duplice et perverse, que l'on se penche sur l'emblème du système, de son fonctionnement tortueux et de ses intrigues abyssales : le 911. La crise monétaire actuelle n'est que le prolongement dont le 911 était le prétexte tout trouvé. Mais quand a-t-on vraiment préparé le 911 - et la crise monétaire? Faut-il se montrer naïf pour estimer que les attentats les plus sophistiqués de l'histoire avaient été conçus en quelques mois sous la présidence du placide W.?
Évidemment, aujourd'hui, on glose sur les néoconservateurs, qui seraient des extrémistes insupportables et dont W. serait le héraut fort peu héroïque. On fait mine de se défausser sur W. chargé de tous les maux comme certains champions sportifs sont chargés de tous les dopants. Mais on oublie une réalité : le système ne se camouflera pas derrière un de ses pions, comme la montage derrière sa souris. Je n'ose la comparaison avec l'âne, convaincu que W. lui aussi présente une âme.
Mais le système ne se résume pas à W. Le système ne se limite pas aux néoconservateurs. Le système ne se borne pas aux conservateurs. Quand le 911 a-t-il pu être élaboré? Qui était président avant W.? Clinton? Un démocrate? Lui aussi deux mandats? Le second sérieusement affecté par une affaire de mœurs qui l'affaiblit durablement. Soyons réaliste : le 911 a commencé à être élaboré sous Clinton, pas par Clinton, mais par des oligarques qui dirigent le système et qui se soucient peu des changements politiques.
Fâcheuse coïncidence : l'ultime démantèlement des lois Roosevelt contre la pure spéculation bancaire, les accords de Bretton Woods décidés pour empêcher la crise de 1929, intervient précisément sous le second mandat de Clinton, entaché (sans vilain jeu de mots) par l'Affaire de mœurs qui compte plus que tout au monde. Écoutons le perspicace Chossudovsky : "La Financial Services Modernization Act (FSMA ou loi de modernisation des services financiers) de 1999 a incité à abroger la Glass-Steagall Act de 1933. La Glass-Steagall Act, ce pilier du «New Deal» du président Roosevelt, fut instaurée en réponse au climat de corruption, de manipulation financière et de «délit d'initié», qui mena à la faillite de plus de 5.000 banques dans les années qui suivirent le krach de Wall Street en 1929. Dans le cadre de la Financial Services Modernization Act de 1999, le contrôle effectif de l'ensemble du secteur des services financiers des États-Unis (incluant les compagnies d'assurance, les fonds de pension, les titres, etc) a été cédé à une poignée de conglomérats financiers et à leurs associés, les fonds de spéculation (hedge funds)."


Bill Clinton signe la Gramm-Leach-Bliley Financial Services Modernization Act, 12 novembre 1999

Petite photo-souvenir et simple question touristique : et si la présidence réputée progressiste et paisible de Clinton avait abrité le ver dans le fruit, non pas W. le désormais tocard tricard, mais la fuite en avant de l'oligarchie financière qui s'accommode des changements de présidents et de l'alternance bipartite? Le progressisme lui servirait-il à préparer le conservatisme? Le hard power et le soft power? Kissinger et Brzezinski? Shultz et Rohatyn? W. et Obama?

vendredi 21 novembre 2008

Devoir de Réserve

En se penchant sur le cas AIG, 150 milliards de renflouement suite au plan Paulson s'il vous plaît, on subit en pleine poire les effluves putrides du 911. En effet, Greenberg Sr., également surnommé Hank en toute modestie, et en référence à un célèbre joueur de base-ball, a le profil typique du financier trouble ayant trempé dans le 911 et à présent poursuivi pour ses malversations et ses turpitudes. Avec qui se trouve-t-il poursuivi? Warren Buffett, qui est également impliqué dans le 911 (lui, c'est le golf, sans E et sans majuscule, en compagnie de Scowcroft, complice distingué de Kissinger, et d'éminences fort sombres et financières usuellement hébergées dans le WTC).
Pourquoi les suspects réels du 911 sont-ils poursuivis tôt ou tard, quand le principal et écrasant suspect aux yeux de la version officielle, Oussama, est aussi introuvable que les morts et les vampires? Serait-ce qu'Oussama serait un mort utilisé comme ventriloque par des vampires fort peu islamistes et fort atlantistes? En attendant de comprendre la malédiction qui s'abat sur les épaules des cerveaux du 911, quelques constatations, factuelles, sur l'ami Greenberg : Greenberg est un proche de Kissinger, qui lui n'est pas poursuivi par un procureur lui reprochant des malversations (c'est le cas de Hank et de Jeffrey Greenberg, en compagnie de Warren Buffett); Greenberg est impliqué dans de nombreuses et concordantes rumeurs l'associant aux services secrets américains depuis trente ans, notamment la CIA en Asie et en Amérique latine (en Asie, Greenberg était conseillé par Kissinger en personne et occupe de nombreux postes honorifiques); Greenberg dirigeait Kroll, compagnie de renseignements privés bien connue de Wall Street, accessoirement compagnie de sécurité s'occupant du WTC (1&2). Pour le Number Seven, c'était Blackstone qui s'y collait.
Outre ces faits écrasants et peu reluisants, surtout après effondrement des cours après les tours, Greenberg possède une autre particularité instructive : il fut le directeur de la Réserve fédérale de New York entre 1988 et 1995. Une des particularités de cette banque est qu'elle possède la réputation (récurrente) d'agir en tant que bras influent de la politique anglo-américaine en matière de politique financière.
Autrement dit, il est clair que Greenberg travaille pour les milieux financiers oligarchiques sis entre Wall Street et la City et qu'il est le bras armé d'une politique dont Kissinger est depuis longtemps le diplomate en chef officieux et fantasque. Bien entendu, Kissinger est plus haut placé que Greenberg, car aucune poursuite ne peut être intentée contre lui, malgré ses nombreux crimes pourtant reconnus, qui l'empêchent de voyager de par le monde. Naturel. Il erre dans la galaxie comme un astre qui sera d'ici quelques temps happé par un trou noir, en compagnie de Shultz et d'autres barons issus de l'ère Nixon.
Kissinger est l'un des conseillers/experts/intellectuels qui oeuvrent pour le compte des intérêts anglo-saxons, ainsi que son discours de Chatham House en 1982 l'enseigne. Rappelons que Chatham House (ou RIIA) est le pendant anglais et royal du CFR américain, le think tank dans lequel opère Greenberg, Peterson, Kissinger et Rockefeller David. Rappelons que Kissinger tire son influence, non de ses coups de génie eugéniste, mais de sa position prééminente dans la galaxie Rockefeller. Evidemment, il faudrait définir ce qu'est la compétence selon le label Rockefeller.
Ce n'est pas que Kissinger soit une nullité, c'est qu'il est du côté des experts, à dominante diplomates, encore baptisables du sobriquet d'oligarques interventionnistes de haut vol. Kissinger est conseiller, selon la terminologie des cercles intellectuels de tradition anglo-saxonne. Il est le double de Brzezinski, c'est-à-dire qu'il est à la fois intellectuel et politique, alors que Fukuyama ou Huntington sont uniquement des intellectuels, comme Daniel Pipes ou le fort influent islamologue islamophobe Bernard Lewis.
Sans citer toute la filiation et se perdre dans des distinctions, il importe de comprendre que le poste de directeur, de secrétaire général ou de membre du conseil de la Reserve Federal Bank de New York est un poste clé dans les échanges entre les élites oligarchiques du Royaume-Uni et des États-Unis, soit entre les élites WASP de Wall Street et de la City. Il est certain qu'historiquement la filiation entre les États-Unis et le Royaume-Uni coule de source. Mais il est primordial de comprendre qu'un des leviers primordiaux de la politique monétaire et bancaire entre les États-Unis et le Royaume-Uni réside dans la Réserve fédérale de New York.
Je ne prendrai qu'un exemple qui illustre l'identité véritable d'Obama, soit le représentant progressiste parce que noir de l'oligarchie que l'on retrouve devant Brzezinski, encore un conseiller issu de la mouvance Rockefeller : Timothy Geithner. Ce banquier présente un pédigrée d'enfer (c'est le cas de le dire) : il est "l'actuel directeur général de la Banque de la Réserve fédérale de New York (FRBNY), la plus puissante institution financière privée d’Amérique. Il est aussi ancien fonctionnaire des Finances de l'administration Clinton. Il fut aussi en poste au FMI. La FRBNY joue un rôle en coulisses dans la mise au point de la politique financière. Geithner agit pour le compte de puissants financiers derrière la FRBNY. Il est en plus membre du Council on Foreign Relations (CFR)". Je cite un article de l'excellent analyste produite par Michel Chossudovsky.
Nous pourrions avancer sans risque que le successeur de Greenberg à la Réserve de New York est un proche de Kissinger au vu de son seul parcours professionnel. Mais Geithner fut membre de Kissinger Associates, ce que résume mieux qu'un long discours l'histoire de la CIA, fondée après guerre sur les dépouilles de l'OSS par des banquiers et des financiers. Si l'on résume, la Réserve de New York abrite la mouvance Rockefeller qui orchestre la politique monétaire américaine en concertation avec les oligarques anglais (famille Rothschild en particulier). La City et Wall Street se retrouvent schématiquement au point de convergence de New York, qui n'a pas seulement couvert les pires attentats de l'histoire, mais qui gère l'économie immanentiste. Kissinger conseille Greenberg et le successeur de Greenberg à la Réserve de New York n'est autre que Geithner.
Tous ces cercles manipulent à l'envi les politiciens depuis l'assassinat de JFK au moins, avant avec Trumann. Kissinger opère au CFR depuis la fin des années soixante et se trouve aux avants-postes dans les années soixante-dix, notamment sous l'ineffable Nixon. Depuis, comprendre la mouvance Rockefeller pour le compte de laquelle travaille Kissinger, c'est comprendre des circuits comme AIG/Greenberg (père et fils) ou Blackstone/Peterson. C'est aussi mesurer les mécanismes financiers de contrôle et de pouvoir, comme celui de la Réserve de New York.
J'espère que l'on notera que la présence de Geithner ou de Summers dans les rangs des conseillers financiers d'Obama montre s'il en était besoin que les choses ne risquent pas de changer, sauf révolution de palais, soit fin de la crise immanentiste : au contraire, les mêmes remèdes inefficaces provoqueront le maintien et l'aggravation du mal mal diagnostiqué et mal soigné. C'est-à-dire traité et soigné par des pirates qui ne peuvent que détruire ce qu'ils entreprennent et dont il serait fou d'attendre le changement, l'amélioration ou la guérison.

Prient nos belles

"I don't want no peace,
I need equal rights and justice."
Peter Tosh, Equal Rights.

En découvrant le parcours de Kissinger, j'ai été particulièrement horrifié qu'un tel monstre, reconnu comme tel par la justice française, puisse avoir obtenu le Prix Nobel de la Paix. Que l'on songe à ce que signifie ce Prix dans l'imaginaire mondialisé : c'est une forme de canonisation démocratique et moderne, le fait d'affirmer sans ambages que le détenteur d'un tel Prix est un homme non seulement extraordinaire, mais extraordinairement bienfaisant pour le genre humain.
En fait, voilà qui montre la qualité véritable du Prix Nobel de la Paix. La Paix est ainsi la sacralisation de cette valeur, nullement absolue, comme l'on brûle de nous le faire accroire, mais relative à l'Occident. Le nobellisé de la Paix (avec une majuscule s'il vous plaît) est celui qui a servi les valeurs occidentalistes et immanentistes. La paix exprime une valeur immanentiste par excellence : la paix est ainsi, non l'antithèse de la guerre, mais la paix qui sert les valeurs immanentistes et occidentalistes.
De ce point de vue, la realpolitik de Kissinger a servi les intérêts de l'oligarchie et de l'accidentalisme. C'est d'ailleurs peut-être ce que considère au crépuscule de sa vie ce grand partisan de l'oligarchie financière en tant que succédané succédant à l'Empire britannique pour justifier de ses crimes innombrables. Mais la valeur intrinsèque du Prix Nobel de la Paix n'est peut-être pas si positive et importante que la propagande médiatique nous le fait accroire en terre d'Occident.
Il se pourrait même que le Prix Nobel soit une distinction décernée selon certains critères partiaux et orientés et qu'être Prix Nobel de la Paix ne signifie pas que l'on œuvre pour la paix au sens traditionnel, mais pour la Paix au sens immanentiste et occidentaliste. C'est ainsi que je me suis fabriqué une petite liste (non exhaustive) de nobellisés fort contestables depuis la fin de la Seconde guerre mondiale :
1) Kissinger en 1973 a reçu le prix avec Lê Đức Thọ pour l'accord de paix au Vietnam. On notera que dans un bel effort de dignité et de lucidité, Tho a refusé le prix. Peut-être était-ce pour dénoncer les conditions de distinction de ce prix Nobel? Peut-être était-ce pour protester contre la reconnaissance conjointe de Henry Kissinger, dont le moins que l'on puisse relever est que la fin de la guerre au Vietnam épousait à se yeux les considérations des instances oligarchiques de l'Empire néocolonial britannique?
2) Menahem Begin reçoit en 1978 le Nobel avec Sadate, le dirigeant égyptien, pour les négociations de paix entre l'Égypte et Israël. Toujours cette manie des nominations doubles, peut-être pour rendre plus consensuelle la distinction, alors qu'elle n'en devient que plus trouble. En tout cas, la lecture de l'histoire récente suffit à montrer que Menahem Begin autant que Sadate ne méritaient pas ce Prix, si tant est qu'un tel prix possède une réelle valeur d'exception ou un quelconque sens normatif.
3) En 1986, c'est Élie Wiesel qui reçoit le Prix Nobel de la Paix. Aucune explication n'est ajoutée dans l'article Wikipédia pour expliquer une décision inexplicable. Point n'est besoin d'être la grande Pythie des arts littéraires pour se rendre compte que Wiesel défini comme écrivain est un écrivain fort mineur et qu'on voit mal en quoi le Prix Nobel de la Paix reviendrait à un écrivain, alors que c'est le Nobel de littérature qui devrait couronner dans ce cas notre bon Wiesel. C'est que l'on reconnaît que la valeur de Wiesel n'est pas littéraire? Serait-ce qu'il s'agit de récompenser le témoin de la Shoah plus que le conteur? Mais alors c'est une paix fort partiale et orientée que cette Paix estampillée Nobel! Est-ce le Wiesel favorable à la guerre en Irak en 2003 que l'on voulut toutes affaires cessantes distinguer dès 1986? Est-ce le Wiesel de la Fondation Élie Wiesel pour l'Humanité qui a récompensé Nicolas Sarkozy avec "The Humanitarian Award" le 22 septembre 2008 (il s'agit d'un prix spécial décerné en reconnaissance d'actions humanitaires dans divers domaines, particulièrement dans les conflits internationaux)? La Paix de Wiesel, est-ce la paix de l'Irak?
4) En 1994, le Nobel récompense conjointement (encore cette manie!) Arafat, Peres et Rabin. Pour Arafat, c'est contestable. Pour Rabin, également, d'autant que l'on a vu que son assassinat (par un fantoche à la Oswald) avait couronné ses efforts de paix. En faveur de quelle sorte de paix Israël se montrait-il? Depuis, le 911 a mis l'accent sur la nature du bois dont se chauffait l'appareil sécuritaire israélien, en étroite collaboration avec l'appareil sécuritaire américain. Mais alors pour Peres, dernière étape de la gradation en triptyque, c'est un scandale inouï quand on connaît la carrière de destructeur, de meurtrier et de menteur de cet individu profondément pervers et dissimulateur.
5) De manière moins polémique, la remise en 2002 à l'ancien Président américain Carter du Prix est pour le moins surprenante et exagérée. Carter n'a pas réalisé grand chose, mais enfin, passons. Carter n'est jamais qu'un pion dans la stratégie oligarchique, notamment par l'entremise des cercles américains du CFR et de la Trilatérale, dans lesquels David Rockefeller se montre si influent. Quant à al Gore Nobel en 2007, il ne faudrait pas se moquer du monde : Al Gore est tout sauf un ami du genre humain, à moins de considérer que Malthus soit le type du philanthrope désintéressé. C'est typiquement une créature de l'oligarchie anglo-saxonne! A quand dans ces conditions un Nobel pour Soros et son œuvre civilisatrice? Pour Lewis en raison de ses efforts incessants dans le dialogue des civilisations?
Je me moque, mais il est profondément méprisable de retrouver ce genre d'individus dans la liste soi-disant morale du Nobel. Dans ces conditions, le Nobel perd toute valeur effective et devient plus un instrument partial et orienté qu'un véritable critère de distinction et de valeur. J'irai jusqu'à me poser une question : Kissinger, Wiesel, Begin, Peres, Rabin sont tous des sionistes invétérés et inconditionnels. Serait-ce qu'il existe une connexion entre le sionisme et le Nobel?
Cette question est d'autant plus (im)pertinente qu'il est évident que l'attribution du Nobel à Wiesel est totalement grandiloquente et disproportionnée. Quant au Nobel pour Kissinger, la seule réaction saine serait celle de la nausée. Hein, Jean-Paul? Il me souvient de la remarque du penseur israélien Leibowitz qui notait que les crimes de Kissinger ne pouvaient être imputés à l'État d'Israël, mais à la politique américaine. Rien n'est plus vrai.
Mais le sionisme est une idéologie qui n'a pas de barrières nationales. Il serait temps de comprendre que le sionisme est à relier à l'occidentalisme et à l'immanentisme. La fortune des sionistes dans le Nobel de la Paix est éloquente : la Paix distinguée et honorée par le Nobel, en tant que distinction philanthropique émanant des cercles de la démocratie et des droits de l'homme, signifie la défense des intérêts immanentistes et occidentalistes (également mondialistes).
Quand on comprend ce fait fort peu pacifique, fort peu altruiste, fort peu généreux, on comprend du même coup la nomination, comme pour les Oscars, les Césars ou la palme de Cannes, de ces ladres aux mains de bouchers et aux cœurs de pierres au Nobel de la Paix : c'est que le sionisme se trouve être la place avancée, plus que forte, de l'occidentalisme, du mondialisme et de l'immanentisme. En honorant des sionistes fervents, ce ne sont pas les valeurs traditionnelles comme la paix qui sont reconnues, mais les valeurs immanentistes.
Les sionistes œuvrent pour la domination occidentaliste et pour la mainmise hégémonique et impérialiste de l'immanentisme? Dans ces conditions, peu importent les actions réelles d'un Wiesel, propagandiste du sionisme plus que de la paix ou de la Shoah, ou d'un Peres, qui contribua plus au nucléaire israélien qu'à la paix avec ses voisins. Ce qui compte vraiment, soit en lieu et place, c'est que ces individus aient œuvré à conforter le pouvoir occidentaliste et immanentiste.
Ces individus ont compris qu'à chaque fois qu'ils travaillaient pour le sionisme, ils travaillaient pour la cause de l'impérialisme occidental et en particulier pour le néocolonialisme/postcolonialisme anglo-saxon, né des cendres de l'Empire britannique. Que l'on cesse dès lors de s'étonner de ces remises de prix incompréhensibles : le prisme de l'immanentisme suffit à élucider des décisions qui sinon seraient incompréhensibles et parfaitement scandaleuses.

lundi 17 novembre 2008

Le secret des dieux

Quand on cerne la scène de la démocratie, on comprend pourquoi oligarchie et démocratie sont accolées intimement : elles le sont nécessairement. Il ne s'agit pas de proposer une interprétation pessimiste de la démocratie comme faillite inéluctable, mais de constater le côté tragique de la démocratie, qui, quoi qu'il arrive, est condamnée à n'être jamais qu'un feu fétu de paille.
En tout cas, la nécessité fait qu'après la démocratie grecque, aujourd'hui reconnue comme une démocratie fort peu démocratique au fond, une démocratie élitiste, notre démocratie occidentale ne l'est guère plus, contrairement à la propagande dont elle nous abreuve. Pis, elle reprend le même principe d'élitisme démocratique que la démocratie grecque, avec, en prime, de manière cocasse, l'illustration de ce que ne manque pas d'être ontologiquement la démocratie.
La réduplication de la démocratie occidentale par rapport à son aînée grecque peut se définir ainsi : vivre de manière démocratique en tant qu'un cinquième de la planète accède à ce statut - comme les citoyens athéniens accédaient à leur statut d'hommes libres en dominant les métèques et les esclaves. Quant aux autres, les dominés des domini, ils pourront toujours aller se faire voir, nantis avec soulagement et honneur de la pensée (de propagande) selon laquelle si l'entière humanité n'est pas sous la coupe (réglée) de la démocratie, c'est que la démocratie est un phénomène assez récent et qu'elle est en phase de propagation lente et progressive.
C'est ainsi que l'on a pu, au nom de cet idéalisme niais et puéril, entériner les billevesées de la guerre contre le terrorisme qui était menée au nom de la démocratie fin de partie. On a constaté depuis que l'effort de démocratisation aboutissait au chaos le plus totalitaire. Rien de moins illogique et imprévisible : hélas, les choses n'ont guère changé, puisque les choses demeurent les choses. L'histoire se répète, ainsi que l'enseignait l'historien grec.
La démocratie n'est jamais que l'aboutissement d'un projet qui concerne une minorité. L'on peut oser sans insolence que la démocratie est une conception politique et ontologique élitiste, ce qui pourrait sembler une contradiction dans les termes et n'est jamais qu'un paradoxe riche de sens. Ce premier paradoxe nous amène à un second, aussi connexe que complémentaire : la démocratie est aussi inséparable de l'oligarchie que du totalitarisme.
N'en déplaise à tous les petits penseurs libéraux qui opposent démocratie et totalitarisme dans un bel effort de consensualisme, la démocratie libérale est une production de l'immanentisme, ainsi que le communisme, qui n'est qu'un avatar de l'immanentisme, immanentisme progressiste contre immanentisme pragmatique. Voilà qui nous mène à une définition de la démocratie, définition de la démocratie libérale de type occidental, mais qui ne se limite pas à la démocratie occidentale : elle est en fait une définition de la démocratie en tant que processus politique.
Après tout, si le communisme ne manquant pas de déboucher sur le totalitarisme, et jamais sur l'égalité, est intrinsèquement totalitaire, alors idem pour la démocratie : si l'on se montre de bonne foi, elle débouche toujours sur le phénomène oligarchique parce qu'elle est en tant que pure démocratie d'essence lacunaire. La démocratie en tant que démocratie est lacunaire, ce qui signifie : le simple phénomène démocratique ne suffit pas à la production d'un système politique cohérent.
Raison pour laquelle les Anciens, dont Platon et Aristote représentent la fine pointe tardive, se méfiaient tant de la démocratie. S'ils nous avertissent que la démocratie finit en démagogie, voire en anarchie, c'est parce qu'ils ont compris le fondement lacunaire de la démocratie. Le lien entre manifestation politique et analyse ontologique se révèle incontournable : si la démocratie est lacunaire, c'est parce que toute constitution politique (dans tous les sens du terme) est destinée à se présenter en tant que forme stable et homogène.
La forme politique est primordiale pour la stabilité des sociétés humaines. La condamnation de la démocratie chez les Anciens ne ressortit pas d'une lubie incontrôlable, mais d'un constat implacable : un système qui se prétendrait seulement et exclusivement démocratique est un système seulement et exclusivement lacunaire et imparfait.
La condamnation de la démocratie se fonde sur cette constatation - et sur aucune autre. C'est la raison pour laquelle les Anciens privilégiaient l'aristocratie, en particulier la synthèse privilégiée de la monarchie. C'est que le mal que prétend guérir la démocratie dans le système aristocratique aboutit à des résultats encore pires du fait de son incomplétude. Le propre du système aristocratique n'est pas d'être parfait. Il revient à instaurer un système politique viable.
Qu'est-ce que la viabilité du système politique? C'est le fait d'instaurer un système de complétude. La complétude politique se manifeste par la création d'une volonté générale, ainsi que la nomme avec abondance l'illuminé (dans tous les sens du terme) Rousseau. En termes ontologiques, la volonté politique correspond à la création d'une identité, soit d'une forme constituée d'une extériorité et d'une intériorité.
Le propre d'une volonté générale est de parvenir à constituer une force qui permette d'échapper à la faiblesse constitutive et évidente du seul individu livré à lui-même et au monde. Point n'est besoin de s'étendre sur le fait que l'individu seul est condamné à très court terme. Par contre, en groupe, l'homme est le plus fort des organismes. La volonté générale suit cette courbe. L'homme a vite compris que les meilleurs types de volontés générales se recrutaient au sein des régimes de nature aristocratique.
C'est précisément parce que l'aristocratie évite l'écueil dans lequel verse la démocratie que le régime démocratique a été considéré comme une aberration et un danger ultime, dont nous mesurons sans nous en rendre compte les effets, en moutons décérébrés et serviles. Dans l'aristocratie, la nature dominatrice d'une élite d'aristocrate, quel que soit le type de régime, pourrait laisser à penser que la forme aristocratique est proche de la forme oligarchique.
En fait, la forme aristocratique est la plus adaptée pour laisser éclore la volonté générale. Ce pour une raison précise : les aristocrates, représentants de l'ensemble du groupe, sont les dépositaires de la volonté générale. Ils ne dominent le groupe que dans la mesure où ils acceptent les devoirs qui leur incombent, les devoirs inhérents à la gestion de la volonté générale. Ce qu'il faut retenir de l'aristocratie, c'est qu'elle incarne le précepte selon lequel la plus solide forme de volonté générale passe par une représentation précise s'appuyant sur quelques individus, étymologiquement les meilleurs.
En fait, rien n'exige que le roi soit le meilleur, pourvu que sa représentation l'indique. Dans cette représentation est sous-tendue l'idée que la volonté générale pour demeurer pérenne ne peut s'incarner que dans des volontés individuelles. Il n'existe pas de création de volonté générale ex nihilo. Le mécanisme de passage de la volonté individuelle à la volonté générale revient à ce que l'on pourrait appeler le mécanisme de la contagion : une volonté individuelle incarne la volonté générale et contamine l'ensemble du groupe de cet absolu.
La seule incarnation possible d'une volonté générale se traduit par l'élection d'une volonté individuelle, de la même manière que la révélation divine ne peut se faire que par l'intermédiaire de ce que l'on nomme l'envoyé ou le prophète. Il est possible de parler ensuite d'un mécanisme dérivé de contagion, par lequel la volonté générale se fabrique en élisant une volonté individuelle qui représente l'ensemble des volontés individuelles du groupe et qui fédère le groupe en volonté générale à partir de ces sommes de volontés individuelles et éparses.
C'est le même processus qui se construit quand une révélation divine se produit en religion : elle crée un ensemble culturel (ou civilisationnel, pour reprendre le vocabulaire à la mode) qui profite au groupe, pas au seul révélé. Sans l'élection d'une volonté particulière, aucune volonté générale ne peut se produire. Sans le mécanisme de la dérivation, le passage de l'individuel vers le général n'est pas possible.
La création d'un ensemble/groupe se fait par le truchement de la dérivation. La création de la volonté générale n'est pas un mécanisme magique : il faut que ce soient des volontés individuelles qui représentent la volonté générale. Du coup, la représentation de la volonté générale ouvre autant de droits que de devoirs.
Droits : en échange de la représentation de la volonté générale, le représentant aristocrate obtient la domination sur l'ensemble du groupe.
Devoirs : le dominateur est contraint de transformer l'absolu en fini. Cette opération s'opère par deux moyens : soit assumer des charges religieuses, soit assurer des charges militaires.
La pérennité de cet ordre vient du fait qu'en se soumettant, le groupe gagne en échange la viabilité/force inhérents à la volonté générale (puissance du groupe qui protège tous les membres). Quant à ceux qui sont investis du pouvoir de dérivation/contamination, soit du pouvoir de répandre la volonté générale comme la bonne parole, qui leur viendrait de Dieu, selon la formule consacrée, leur gain immédiat s'opère par le bénéfice de la domination de type sensible.
Bien entendu, l'imperfection du système aristocratique est patente, mais au moins c'est un système viable. En témoigne sa longévité historique remarquable. Le fait que l'aristocratie ait très vite évolué vers des systèmes de monarchies signifie tout simplement qu'en termes de représentation, il est bien plus visible et clair d'avoir un représentant officiel que plusieurs représentants.
Le secret du pouvoir tient à son mystère autant qu'à son absence de fondements. Ce secret est plus facile à conserver et à transmettre quand des conflits n'éclatent pas entre détenteurs du secret. Plus un secret est secret, plus il semble puissant. Plus par conséquent il entraîne des conflits violents et irrémédiables. La monarchie préserve de ces déchirements et assure la meilleure stabilité.
Maintenant, par rapport au tableau rapide et schématique que nous dressons du système politique le plus viable, il est prioritaire de comprendre que le système est fonction de sa pérennité. La démocratie moderne survient en pleine évocation immanentiste de la Raison. Il faut le bouleversement de la Raison pour que soit remis en question l'ordre politique établi, qui fonctionnait assez correctement. Oublierait-on que l'ordre politique même imparfait est largement préférable au chaos?
Avec l'avènement de la Raison, cependant, les choses apparaissent sous un jour différent : la Raison permet de concevoir une vision du groupe nettement moins aristocratique que la vision transcendantaliste. Ce ne sont plus les soi-disant meilleurs, souvent élus de manière fortuite et contraignante, qui dirigent le groupe par la grâce de la dérivation. Si chaque individu du groupe est investi de la Raison, alors cette répartition est injuste, contestable, scandaleuse. Il suffira de relire les revendications des révolutionnaire des Lumières et des Révolutions de la fin du dix-huitième (dont l'emblématique Révolution française) pour mesurer que l'égalité est le maître mot avec la liberté.
La démocratie antique était une utopie. Avec la découverte de la Raison, la démocratie moderne, de facture libérale, redevient envisageable. C'est le Progrès, notion-phare des Lumières. Malheureusement, cette découverte n'en est pas une. C'est une fausse révélation. L'immanentisme accouche d'un pas de souris - et non d'un rat de géant. L'absolu s'incarnait seulement dans quelques volontés, qui à leur tour répercutaient vers l'ensemble du groupe; tandis que la démocratie marque une révolution capitale et un changement décisif en ce qu'elle concerne d'emblée tous les individus et place chacun d'entre eux sur un pied d'égalité.
L'utopisme de la démocratie tient précisément au fait de considérer que le seul réel réside dans l'immédiat ou l'apparent. Si la Raison était un projet viable, la démocratie pourrait prétendre à la complétude. Du fait de l'impéritie de la Raison, la démocratie est un projet clairement incomplet. Pour que la démocratie soit complétude, encore faudrait-il que le réel se résume à l'apparence ou à l'immédiat.
Du fait que tel n'est pas le cas, non seulement la démocratie ne résout nullement le problème posé par l'aristocratie (transformer l'absolu en fini), mais, tout aussi grave, voire plus, l'incomplétude démocratique signifie que la démocratie en tant que régime induit un complément secret et inavouable, en tout cas du point de vue de la propagande systémique instituée par la démocratie.
Ici, l'on en vient à découvrir que ce qui complète la démocratie se nomme oligarchie. La différence essentielle entre oligarchie et aristocratie, c'est que l'aristocrate incarne l'absolu, quand l'oligarque n'est jamais que le complément fini de la meute démocratique. Jamais l'oligarque ne prend en charge la volonté générale. Au contraire, il pirate le groupe pour servir ses intérêts factieux.
L'oligarque est investi d'un rôle profondément ontologique. Ne devrait-on pas plutôt le nommer ontologue en chef - ou révélateur en chef? En effet, il révèle ce qu'il en coûte de nier la profondeur pour laisser entendre que l'immanentisme aurait résolu la question ontologique par excellence : qu'est-ce que le réel? Nietzsche le prophète de l'immanentisme tardif et dégénéré, qui prétendait éviter le nihilisme par la transformation du réel et de l'homme, répondit à cette grave et pesante question : les arrières-mondes devaient être évacués toutes affaires cessantes; l'on pouvait à bon droit supprimer les questions morales de la métaphysique classique par un renversement de toutes les valeurs.
Ce faisant, Nietzsche montra à quel point il tenait du sophiste. Il remplace l'hypothèse viable, quoique mystérieuse, de la métaphysique classique (les Idées, les formes ou l'Etre comme fondement du sensible) par une argutie qui pose plus de problèmes qu'elle n'en résout. Nietzsche montre à quel point l'immanentisme est une imposture en ce que les solutions sont des leurres.
Loin d'abolir la question des arrières-mondes, Nietzsche ne fait en fait que la renforcer et la rendre si aiguë qu'en réalité il repose autrement le problème de l'immanentisme. On sait que Nietzsche propose pour échapper aux pièges de la démocratie de lui substituer une aristocratie esthétique, où ce serait les esprits libres qui règneraient.
Selon cette conception fumystico-délirante, qui aboutira à la folie furieuse de son auteur impétrant, il suffit de changer de réel et de structure humaine pour parvenir à un monde de Surhommes et d'amorale. D'après ces coordonnées révolutionnaires, il est bien entendu que le substrat n'est pas raciste ou racialiste, mais esthético-sophiste. Néanmoins, peu importe que Nietzsche ne soit pas du tout un nazi précurseur ou qu'il soit l'ennemi déclaré des antisémites. Après tout, il serait bien tortueux ou aventureux de chercher une quelconque cohérence chez notre grimpeur moustachu de Sils-Maria.
Le cas Nietzsche illustre mieux qu'il ne l'aurait souhaité sa prédiction de fin de vie : il n'est pas un homme, mais de la dynamite. Touché, coulé, vieux forban frère! En effet, qui mieux que Nietzsche n'a prévu l'effondrement de l'immanentisme en prophétisant avec une rare justesse le nihilisme contemporain? En même temps, Nietzsche est ce penseur rare qui prophétise la chute de ce qu'il admire et dont il ne parvient pas à détruire les mirages envoûtants. C'est un peu le même schéma que pour sa relation si ambiguë avec les Wagner...
L'échec nietzschéen est l'échec de toute une culture, la culture de l'immanentisme, qui prend une tournure prophétique en dégénérant. C'est la fuite en avant de l'Occident. En se montrant si élitiste, si plein de morgue, Nietzsche ne fait jamais que mettre le pied à l'étrier de ce qu'implique vraiment une aristocratie immanentiste. Non pas des fadaises esthétiques, dont les résultats seraient à peu près aussi probants que les amours de Nietzsche avec Salomé, mais des conséquences explicitement oligarchiques.
Nous sommes en train de vivre les désagréments tourmentés de cette situation. Car il est tout à fait conséquent qu'un système politique incomplet trouve sa complétude. Tout système (en tant qu'émanation de la vie) cherche son équilibre, aussi précaire soit-il. L'oligarchie est ce qui complète la démocratie, avec ceci de fâcheux que la volonté générale n'est pas respectée par l'oligarchie (premier aspect) et que la démocratie ne prend pas davantage en charge la volonté générale, contrairement à ce qu'elle annonce pourtant (second aspect).
L'oligarchie est ainsi la destination monstrueuse que prend toute forme démocratique, en ce que l'oligarchie débouche sur la domination strictement finie et sur la destruction par manque de transformation. La démocratie aboutit, en guise de citoyenneté, d'égalité, de liberté et de fraternité, à un troupeau informe et veule, suivant servilement les ordres de ses élites en postulant lâchement et lamentablement que le système ne peut être que bon.
En langage ontologique, l'immédiateté est si lacunaire qu'elle suscite immédiatement une réaction de comblement ou de complément. Une apparence est créée derrière l'apparence officielle, si bien qu'elle devient l'apparence secrète et qu'elle prend de facto la place des anciens arrières-mondes. C'est ainsi qu'on retombe sur nos pieds : la morgue quasi impudente, l'arrogance caractérisée des oligarques, d'un Kissinger par exemple, également de son complice bancaire le mondialiste Rockefeller D., n'est pas fortuite ou hasardeuse.
Ces gens ont toutes les raisons selon leur mentalité de s'estimer en tant qu'oligarques au-dessus du troupeau démocratique (remarquez encore la parenté avec le vocabulaire nietzschéen). C'est qu'ils occupent la place directe et concrète de l'ancienne et abolie catégorie de l'Etre, de la forme, à ceci près que la révolution immanentiste a explicitement remplacé ces catégories par celles de la domination de l'homme et du désir humain (de la volonté humaine). Occuper le place de l'Etre : excusez du peu!
En termes religieux, il est aussi facile qu'effrayant de proposer l'équivalence qu'induit cette place prééminente de l'oligarchie : les oligarques sont ni plus ni moins que des dieux puisqu'ils ont subtilement pris la fonction antiques des dieux. De ce fait, leur morgue n'est pas usurpée si l'on suit les linéaments passablement tortueux de leur mentalité et de leur mode de représentation. Si l'on suit leur mentalité : car cette mentalité est fausse. Dès lors, la susdite morgue mérite d'être prise pour ce qu'elle est vraiment : de la démesure. De la simple démesure. Bon courage.