vendredi 21 novembre 2008

Prient nos belles

"I don't want no peace,
I need equal rights and justice."
Peter Tosh, Equal Rights.

En découvrant le parcours de Kissinger, j'ai été particulièrement horrifié qu'un tel monstre, reconnu comme tel par la justice française, puisse avoir obtenu le Prix Nobel de la Paix. Que l'on songe à ce que signifie ce Prix dans l'imaginaire mondialisé : c'est une forme de canonisation démocratique et moderne, le fait d'affirmer sans ambages que le détenteur d'un tel Prix est un homme non seulement extraordinaire, mais extraordinairement bienfaisant pour le genre humain.
En fait, voilà qui montre la qualité véritable du Prix Nobel de la Paix. La Paix est ainsi la sacralisation de cette valeur, nullement absolue, comme l'on brûle de nous le faire accroire, mais relative à l'Occident. Le nobellisé de la Paix (avec une majuscule s'il vous plaît) est celui qui a servi les valeurs occidentalistes et immanentistes. La paix exprime une valeur immanentiste par excellence : la paix est ainsi, non l'antithèse de la guerre, mais la paix qui sert les valeurs immanentistes et occidentalistes.
De ce point de vue, la realpolitik de Kissinger a servi les intérêts de l'oligarchie et de l'accidentalisme. C'est d'ailleurs peut-être ce que considère au crépuscule de sa vie ce grand partisan de l'oligarchie financière en tant que succédané succédant à l'Empire britannique pour justifier de ses crimes innombrables. Mais la valeur intrinsèque du Prix Nobel de la Paix n'est peut-être pas si positive et importante que la propagande médiatique nous le fait accroire en terre d'Occident.
Il se pourrait même que le Prix Nobel soit une distinction décernée selon certains critères partiaux et orientés et qu'être Prix Nobel de la Paix ne signifie pas que l'on œuvre pour la paix au sens traditionnel, mais pour la Paix au sens immanentiste et occidentaliste. C'est ainsi que je me suis fabriqué une petite liste (non exhaustive) de nobellisés fort contestables depuis la fin de la Seconde guerre mondiale :
1) Kissinger en 1973 a reçu le prix avec Lê Đức Thọ pour l'accord de paix au Vietnam. On notera que dans un bel effort de dignité et de lucidité, Tho a refusé le prix. Peut-être était-ce pour dénoncer les conditions de distinction de ce prix Nobel? Peut-être était-ce pour protester contre la reconnaissance conjointe de Henry Kissinger, dont le moins que l'on puisse relever est que la fin de la guerre au Vietnam épousait à se yeux les considérations des instances oligarchiques de l'Empire néocolonial britannique?
2) Menahem Begin reçoit en 1978 le Nobel avec Sadate, le dirigeant égyptien, pour les négociations de paix entre l'Égypte et Israël. Toujours cette manie des nominations doubles, peut-être pour rendre plus consensuelle la distinction, alors qu'elle n'en devient que plus trouble. En tout cas, la lecture de l'histoire récente suffit à montrer que Menahem Begin autant que Sadate ne méritaient pas ce Prix, si tant est qu'un tel prix possède une réelle valeur d'exception ou un quelconque sens normatif.
3) En 1986, c'est Élie Wiesel qui reçoit le Prix Nobel de la Paix. Aucune explication n'est ajoutée dans l'article Wikipédia pour expliquer une décision inexplicable. Point n'est besoin d'être la grande Pythie des arts littéraires pour se rendre compte que Wiesel défini comme écrivain est un écrivain fort mineur et qu'on voit mal en quoi le Prix Nobel de la Paix reviendrait à un écrivain, alors que c'est le Nobel de littérature qui devrait couronner dans ce cas notre bon Wiesel. C'est que l'on reconnaît que la valeur de Wiesel n'est pas littéraire? Serait-ce qu'il s'agit de récompenser le témoin de la Shoah plus que le conteur? Mais alors c'est une paix fort partiale et orientée que cette Paix estampillée Nobel! Est-ce le Wiesel favorable à la guerre en Irak en 2003 que l'on voulut toutes affaires cessantes distinguer dès 1986? Est-ce le Wiesel de la Fondation Élie Wiesel pour l'Humanité qui a récompensé Nicolas Sarkozy avec "The Humanitarian Award" le 22 septembre 2008 (il s'agit d'un prix spécial décerné en reconnaissance d'actions humanitaires dans divers domaines, particulièrement dans les conflits internationaux)? La Paix de Wiesel, est-ce la paix de l'Irak?
4) En 1994, le Nobel récompense conjointement (encore cette manie!) Arafat, Peres et Rabin. Pour Arafat, c'est contestable. Pour Rabin, également, d'autant que l'on a vu que son assassinat (par un fantoche à la Oswald) avait couronné ses efforts de paix. En faveur de quelle sorte de paix Israël se montrait-il? Depuis, le 911 a mis l'accent sur la nature du bois dont se chauffait l'appareil sécuritaire israélien, en étroite collaboration avec l'appareil sécuritaire américain. Mais alors pour Peres, dernière étape de la gradation en triptyque, c'est un scandale inouï quand on connaît la carrière de destructeur, de meurtrier et de menteur de cet individu profondément pervers et dissimulateur.
5) De manière moins polémique, la remise en 2002 à l'ancien Président américain Carter du Prix est pour le moins surprenante et exagérée. Carter n'a pas réalisé grand chose, mais enfin, passons. Carter n'est jamais qu'un pion dans la stratégie oligarchique, notamment par l'entremise des cercles américains du CFR et de la Trilatérale, dans lesquels David Rockefeller se montre si influent. Quant à al Gore Nobel en 2007, il ne faudrait pas se moquer du monde : Al Gore est tout sauf un ami du genre humain, à moins de considérer que Malthus soit le type du philanthrope désintéressé. C'est typiquement une créature de l'oligarchie anglo-saxonne! A quand dans ces conditions un Nobel pour Soros et son œuvre civilisatrice? Pour Lewis en raison de ses efforts incessants dans le dialogue des civilisations?
Je me moque, mais il est profondément méprisable de retrouver ce genre d'individus dans la liste soi-disant morale du Nobel. Dans ces conditions, le Nobel perd toute valeur effective et devient plus un instrument partial et orienté qu'un véritable critère de distinction et de valeur. J'irai jusqu'à me poser une question : Kissinger, Wiesel, Begin, Peres, Rabin sont tous des sionistes invétérés et inconditionnels. Serait-ce qu'il existe une connexion entre le sionisme et le Nobel?
Cette question est d'autant plus (im)pertinente qu'il est évident que l'attribution du Nobel à Wiesel est totalement grandiloquente et disproportionnée. Quant au Nobel pour Kissinger, la seule réaction saine serait celle de la nausée. Hein, Jean-Paul? Il me souvient de la remarque du penseur israélien Leibowitz qui notait que les crimes de Kissinger ne pouvaient être imputés à l'État d'Israël, mais à la politique américaine. Rien n'est plus vrai.
Mais le sionisme est une idéologie qui n'a pas de barrières nationales. Il serait temps de comprendre que le sionisme est à relier à l'occidentalisme et à l'immanentisme. La fortune des sionistes dans le Nobel de la Paix est éloquente : la Paix distinguée et honorée par le Nobel, en tant que distinction philanthropique émanant des cercles de la démocratie et des droits de l'homme, signifie la défense des intérêts immanentistes et occidentalistes (également mondialistes).
Quand on comprend ce fait fort peu pacifique, fort peu altruiste, fort peu généreux, on comprend du même coup la nomination, comme pour les Oscars, les Césars ou la palme de Cannes, de ces ladres aux mains de bouchers et aux cœurs de pierres au Nobel de la Paix : c'est que le sionisme se trouve être la place avancée, plus que forte, de l'occidentalisme, du mondialisme et de l'immanentisme. En honorant des sionistes fervents, ce ne sont pas les valeurs traditionnelles comme la paix qui sont reconnues, mais les valeurs immanentistes.
Les sionistes œuvrent pour la domination occidentaliste et pour la mainmise hégémonique et impérialiste de l'immanentisme? Dans ces conditions, peu importent les actions réelles d'un Wiesel, propagandiste du sionisme plus que de la paix ou de la Shoah, ou d'un Peres, qui contribua plus au nucléaire israélien qu'à la paix avec ses voisins. Ce qui compte vraiment, soit en lieu et place, c'est que ces individus aient œuvré à conforter le pouvoir occidentaliste et immanentiste.
Ces individus ont compris qu'à chaque fois qu'ils travaillaient pour le sionisme, ils travaillaient pour la cause de l'impérialisme occidental et en particulier pour le néocolonialisme/postcolonialisme anglo-saxon, né des cendres de l'Empire britannique. Que l'on cesse dès lors de s'étonner de ces remises de prix incompréhensibles : le prisme de l'immanentisme suffit à élucider des décisions qui sinon seraient incompréhensibles et parfaitement scandaleuses.

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