mardi 30 juin 2009

De l'Occident : quand l'homme se relèvera

Dans l'interview qu'il a eu la gentillesse de nous accorder à l'occasion de la parution boycottée de son dernier ouvrage (Sarkozy, Israël et les juifs), l'historien Blanrue remet en question le sens du terme Occident. En gros, ce serait une appellation périmée, un peu comme pour Orient. Si c'est pour signifier que l'Occident est divisé en multiples sous-parties, parfois opposées, comme l'Orient, nous ne pouvons que tomber d'accord avec cette nuance et cette distinction, fort du principe selon lequel quand on regroupe certaines parties sous une communauté monolithique (et hégémonique) de sens, on ne peut que trouver des différences à l'intérieur de ladite communauté. Tout effort de définition est ainsi appelé à connaître de possibles dérives vers l'amalgame.
Faut-il pour autant cesser de définir au nom de la dérive d'amalgame? Exemple : face au fameux amalgame islamophobe, on a entendu (fort justement) que l'Orient était un fourre-tout qui ne rend guère compte des innombrables différences tapies à l'intérieur de l'Orient. En même temps, la critique contre l'islamophobie n'est pertinente qu'à partir du moment où l'on utilise le générique Orient avec une intention monolithique, voire négative. L'amalgame ne se produit que si l'on refuse les distinctions internes - pas si l'on produit un effort de définition nuancé et raisonnable.
Quand on parle d'oligarchie pour désigner le pouvoir exercé par ceux qui se considèrent les meilleurs, ou la synarchie, (le petite nombre de) ceux qui se mettent ensemble pour exercer le pouvoir, on constate de très grandes différences internes. Tout sauf monolithique ou uniforme, l'oligarchie est un panier de crabes. Les oligarques sont d'accord sur le principe de la/leur domination oligarchique, mais une fois ce principe entériné, ils cherchent à assurer cette domination à l'intérieur de leur propre ligne. Les oligarques sont tout sauf unis pour dominer. Ce sont des requins se dévorant entre eux. Osera-t-on que l'oligarchie n'existe pas parce que les oligarques n'ont pas les mêmes buts - entre eux? L'oligarchie existe en tant que qu'expression politique d'une mentalité. La communauté de mentalité n'empêche en rien les antagonismes politiques ou les conflits d'intérêt.
D'ailleurs, un paradoxe : la guerre du tous contre tous que Marx distingue dans sa critique du capitalisme aboutit à définir le capitalisme comme communauté. En même temps, les capitalistes ainsi définis seront en guerre permanente et irréductibles les uns contre les autres, au nom du tous contre tous, soit au nom du culte de l'individu-roi et dominateur. Le principe d'antagonisme permanent n'en demeure pas moins un principe. D'où le corolaire : à l'intérieur de toute communauté, il existe des différences, des antagonismes, des oppositions.
Dira-t-on dès lors que l'on ne peut jamais rassembler ou fédérer sous un terme commun (ou englobant) sous prétexte que des différences internes perdurent? Certes non. A quelles conditions peut-on proposer un terme générique sans heurter le principe de contradiction? Réponse simple (et je l'espère point trop simpliste) : chaque fois que l'on considère qu'il existe une communauté entre différents objets. L'association n'est nullement incompatible avec la distinction ou la différence. Simplement, l'association est complémentaire et supérieur, comme le Un transcende nécessairement le multiple. Pas de multiple sans Un; pas de différences sans association.
Où l'association devient incompatible, c'est quand elle refuse la différence. L'un des principes essentiels de l'ontologie réside dans le morcèlement.
- Soit l'on estime que le morcèlement est le stade ultime et que les objets morcelés sont sans possibilité d'association. Dans ce cas, on fonde l'ontologie sur l'individu en tant que fondement.
- Soit l'on estime que le morcèlement sensible laisse place à une unité préexistante et absolue. C'est la doctrine de l'Un. Dans ce cas, on fonde l'ontologie sur l'idée que le reél est l'Un et que l'individu n'a du réel qu'une représentation partielle. Son morcèlement s'explique par son statut de partie à l'intérieur de l'Un. L'individu n'est plus fondement et le morcèlement est subordonné à l'unité - la différences à l'association. La définition redevient possible.
Il est drolatique de considérer le mécanisme de la projection à l'oeuvre chez les vrais dualistes. Les vrais dualistes sont ceux qui adhèrent au morcèlement et à l'individu-fondement. Il faut considérer que le morcèlement outrepasse de loin le schéma dualisme et que la constitution dualiste est simpliste en ce qu'elle obéit au mécanisme de la définition qu'elle prétend dénier. Simplification ontologique abusive dans l'emploi du dualisme? Sans doute. Dans le sensible, qui est pour le nihiliste le (seul) reél, le morcèlement est multiple. L'unité est impossible. Le sens s'estompe.
Cependant, le multiple renvoie en définitive au dualisme en ce qu'on peut subsumer une opposition entre le reél et le néant. Le monisme est l'expression de cette opposition qui se présente comme unité fallacieuse. Le nihilisme est l'ontologie de cette opposition. L'unité au nom du multiple, tel est le vrai visage des théoriciens du dualisme, un peu comme les théoriciens du complot sont les alliés des comploteurs (au nom de la critique des complotistes paranoïaques et simplificateurs/mythomanes).
Les dualistes véritables, qui ne sont dualistes que dans la mesure où ils sont aussi multiplistes, reprochent aux unicistes leur propre dualisme. C'est la critique de Nietzsche, pour prendre le plus emblématique des immanentistes tardifs et dégénérés, qui reproche à Platon d'avoir distingué entre le sensible et l'idéal - qui est un arrière-monde illusoire. Platon est dualiste parce qu'il aurait postulé l'idéal alors que seul le sensible est le reél. Il aurait dupliqué l'objet sensible en fantôme idéal.
Platon est pourtant le grand théoricien de l'Un et l'auteur d'une doctrine certes contestable, en tout cas bien moins dualiste que la doctrine des partisans du nihilisme : l'homme en tant que partie ne considère qu'une partie du reél. La duplication platonicienne ne porte pas sur le reél, mais sur la représentation humaine.
Face au problème du morcèlement, le nihiliste répond en prenant acte du morcèlement et en postulant que la vérité est littéraliste. Le reél est tel que le sensible nous le montre, ce qui revient à dire que le reél est tel que sa représentation sensualiste nous l'indique. Il faudra l'expliquer à Kant pour lui éviter quelques spéculations absconses (et sans doute fastidieuses pour le lecteur). Le transcendantaliste, dont en Occident Platon est le représentant le plus illustre, répondra qu'on peut produire une communauté de définition, ou un système générique, à condition de partir de l'idée et non pas du sensible.
La raison invoquée roulera grosso modo sur la conception du reél : soit un reél cantonné au sensible - et dans ce cas, qu'est-ce qu'il y a autour (même type de question qu'avec le postulat du Big Bang présenté comme scientiste)? Soit un reél réellement unique - et dans ce cas, la représentation partielle ne saurait être complète. On retrouve le dualisme transcendantaliste qui est le plus sûr moyen de soutenir l'Un et de contrecarrer la mode moderne du multiple. Ce problème n'est pas une digression aux antipodes de la définition de l'Occident. La réfutation de l'usage de l'Occident obéit à une mauvaise compréhension de ce que signifie la définition.
La définition ne signifie pas que l'objet unifié et défini n'est pas en proie à des contradictions et des distinctions internes. L'objet unifié opère un rassemblement par-delà le morcèlement. La définition implique que l'unité existe en sus des contradictions multiples. Bien entendu, les intentions de vilaine nature sont condamnables. Dans cet esprit, toute définition haineuse est condamnée parce que l'unité invoquée repose en réalité sur le principe fallacieux du morcèlement. Dans le cas de l'Orient honni au nom de l'islamophobie, c'est moins le générique Orient qui est contestable que l'usage haineux qui en est fait. Le monolithisme simpliste de la définition va de pair avec la connotation haineuse et multipliste.
Bien entendu, s'il s'agit de dénier les différences internes à l'Occident, l'emploi du terme est à éviter. Toutefois, on peut utiliser l'Occident comme un terme qui n'est ni une insulte ni un objet de haine. Dans cette acception (saine), que signifie l'Occident? Selon le Trésor de la Langue Française, accessible par Internet, le sens est clair (éclaire?) : il est toujours d'actualité. Que l'on juge.
1) C'est l'ouest, là où étymologiquement le soleil tombe. L'Occident tombe, surtout en ce moment.
Dans cette acception, l'occident (avec une minuscule) désigne un lieu relatif par rapport au point où l'on se trouve. Rappelons que l'orient est l'antonyme de l'occident et qu'il désigne l'est : l'endroit où le soleil se lève. Faut-il s'étonner de l'opposition actuelle de l'Occident et de l'Orient?
2) Puis il s'agit de l'ouest du monde.
3) Ensuite, l'Occident (avec une majuscule) désigne l'Europe de l'ouest par rapport au continent eurasiatique.
4) Enfin, l'Occident signifie (aussi) de manière contemporaine l'Europe de l'ouest plus l'Amérique du Nord (en particulier les États-Unis).
Cette définition se précise encore avec la mention supplémentaire et complémentaire de l'OTAN : les pays membres de l'OTAN (ou affiliés) seraient l'Occident. Selon cette acception, il est patent que la France gaullienne qui quitte l'OTAN ne quitte pas pour autant le giron de l'Occident, car elle demeure étroitement affiliée au régime de l'OTAN et n'exige une relative indépendance qu'à l'intérieur des lois atlantistes communes. D'ailleurs, la France de Sarkozy a quitté ce régime particulier et revendique son appartenance à l'OTAN. Selon la dernière étymologie surtout, le synonyme d'Occident pourrait tourner autour de l'atlantisme et de l'idéologie occidentaliste.
Un rapide parcours de l'étymologie nous apprend que le sens de l'Occident contemporain apparaît vers 1690, soit peu de temps avant le siècle des Lumières et en pleine effervescence immanentiste. Symboliquement, la modernité remonte à 1492, soit deux siècles auparavant. Qu'est-ce que l'Occident? Avant tout un lieu dont la communauté ne saurait être contesté au nom de différences par ailleurs évidentes, voire importantes.
C'est dire que l'Un prévaut toujours sur le multiple comme l'unicité importe plus que le morcèlement. C'est en inférer surtout que le multiple n'est pas contradictoire de l'Un mais qu'il lui est subordonné, comme la partie est sous la tutelle du tout. Si l'on essaye de préciser la communauté culturelle et religieuse qui fonde l'Occident, rien n'est plus facile, par-delà les différences. La culture occidentale provient de l'héritage conjoint du christianisme et de l'hellénisme, avec de multiples ramifications, dont l'Empire romain. L'Occident est le lieu du christianisme.
En ce sens, les États-Unis d'Amérique se forment dans le cadre de la politique impérialiste et hégémonique de l'Occident, même si cet impérialisme est divisé et que les Empires internes à l'Occident s'affrontent et s'opposent. Nous ne citerons sur ce point que l'antagonisme virulent entre l'Empire français et l'Empire britannique au sujet des États-Unis. Les États-Unis illustrent le projet de recréer le reél selon le désir humain. C'est exactement ce qui s'est produit en Afrique du sud et en Israël de ce point de vue, avec l'annexion de territoires étrangers et leur colonisation par des populations issues de l'Europe.
Raison pour laquelle je me demandais dans quelle mesure la complicité entre Israël et les États-Unis, le projet israélien finalement proche du projet américain, ne permettent pas de faire d'Israël une excroissance du colonialisme occidental, à une époque où le colonialisme a muté et s'est dégradé, passant d'un projet politique à un projet économique (le remplacement du politique par l'économique indique l'effondrement occidental).
Dans cette hypothèse, Israël serait une excroissance néo-coloniale qui expliquerait pourquoi l'Europe soutient des exactions forcenées (épisode de Gaza notamment) et qui tient qui. Même si Israël se montre assez hégémonique, il se pourrait qu'au final, Israël ne soit que la caricature de vilaine facture de l'Occident, en particulier de l'Europe. Israël serait plus occidental qu'il n'y paraît? Le sionisme serait-il occidentaliste? Le soutien, incompréhensible de prime abord du Vieux Monde, celui de plus en plus prudent et mitigé du Nouveau, ne deviennent rationnels que dans cette logique.
Sinon, il faudrait admettre la logique paranoïaque du Complot juif, selon laquelle les Juifs/israéliens/sionistes dirigent le monde, la banque et le commerce sans explication vraiment pertinente. Quand on rejette ces inepties haineuses, parce qu'elles diffèrent des faits, on en arrive à relier Israël et l'Occident et à comprendre que la thèse des politologues Mearsheimer et Walt n'est que partiellement vraie. Il est certain que leur travail est remarquable et que leur courage est impressionnant à une époque où en Occident, singulièrement aux États-Unis, il est plus que malaisé de critiquer Israël, le sionisme ou le judaïsme sans se faire traiter hystériquement d'antisémite (terme impropre) ou de néo-nazi. Dans cette veine, le travail de Blanrue est tout aussi impressionnant.
Mearsheimer et Walt expliquent que les intérêts américains sont contraires aux intérêts israéliens. Suivant cette logique, Paul-Eric Blanrue prolonge le raisonnement et montre que la politique de Sarkozy et de son gouvernement est contraire aux intérêts français, codifiés notamment par les vues gaulliennes sur ce point (jamais démenties par la suite), qui consistent non pas à se montrer pro-palestinien ou arabe (comme le serine les zélateurs du parti pro-israélien), mais à manifester un certain équilibre, que d'aucuns non sans raison taxeront d'hypocrisie.
Peut-on remarquer qu'implicitement, cette remarque rejoint la vision commune selon laquelle ce sont les États-Unis qui dominent le monde, le Vieux Monde, en particulier l'ancien grand frère britannique? La réalité est toute autre : ce sont les factions issues de l'Empire britannique qui dominent le monde, et ces factions mobiles, disparates et hétéroclites ont incrusté à la manière de pirates et de coucous les institutions des États-nations modernes, issus de la paix de Westphalie, en particulier l'administration américaine.
Pour Israël, la domination israélienne sur le grand frère américain ou sur le Vieux Monde serait surréaliste. Comment expliquer que l'AIPAC ou d'autres lobbys pro-israéliens puissent à ce point dicter leurs vues sur des alliés plus puissants qu'eux et qui n'ont jamais suivi des considérations humanistes ou philanthropiques? La Shoah a bon dos et permet de masquer la réalité des stratégies occidentales. Les factions occidentales se servent du paravent sioniste et/ou pro-israélien : les factions occidentalistes, dont les factions sionistes, ont investi les institutions occidentales.
Le mythe de la domination financière des sionistes est plus étayable, mais n'explique en aucun cas que les Occidentaux (bloc véritable constitué d'innombrables différences) se soumettent aux dictats d'un petit pays fragile et artificiel. Le mythe des sionistes ayant infesté tous les réseaux occidentaux, de la banque, des médias ou de la politique, n'est pas possible et ne s'est jamais vu historiquement.
Par contre, il est évident que de nombreux sionistes ne sont pas des adeptes de la cause pro-israélienne et ne sont pas non plus juifs. Dès lors, leur sionisme n'obéit pas au communautarisme ou à l'endoctrinement idéologique, mais à une communauté de vue, voire à une opportunité. C'est ainsi que Blanrue présente l'engagement visiblement sioniste de Sarkozy. On soutient les Américains, parce qu'on soutient l'Occident. On soutient Israël parce qu'on pense qu'Israël personnalise l'Occident néocolonialiste et promeut la politique néocoloniale occidentale.
Les États-Unis ont symbolisé la réussite éclatante du dessein occidental de remodeler le monde en fonction du désir humain. Immanentisme démesuré consistant à estimer que la puissance de l'homme est désormais en mesure de transformer le reél suivant ses attentes. L'homme dominant étant l'homme colonialiste et impérialiste occidental, ce sont les vues (parfois antagonistes) des Occidentaux qui ont prévalu.
Dans le cas d'Israël, le projet israélien aboutit à remodeler l'Orient. Comme par hasard, les attentes israéliennes prolongent et prorogent en tous points le projet américain au nom de sa réussite putative. Pourtant, la pseudo-réussite américaine ne découle pas de la main humaine, mais de l'adjuvant épidémiologique. Par ailleurs, c'est le colonialisme européen qui crée le rêve américain. Dans le cas d'Israël, il est improbable que le rêve occidental connaisse la même réussite. D'une part, l'Occident s'est affaibli depuis l'époque coloniale politique. D'autre part, la chance sourit rarement deux fois de suite.
Les Indiens ont quasiment disparu, les Arabes sont coriaces. Ne jamais oublier que les Orientaux sont des cousins proches des Occidentaux. Bien plus proches que les Indiens d'Amérique, notamment d'un point de vue épidémiologique. Des cartes ont circulé depuis la récente guerre contre le terrorisme pour promouvoir le redécoupage et le remodelage du Caucase et de l'Orient. Les attentes israéliennes correspondent aux attentes américaines parce que les deux poursuivent la stratégie occidentale d'hyperréalisation du monde. Rendre le reél Hyperreél implique le remodelage, au nom de la mutation ontologique chère à Nietzsche.
Si l'on examine le destin de l'Afrique colonisée et esclavagisée, que constate-t-on? Stupeurs et tremblements, l'Afrique officiellement décolonisée, en réalité néocolonisée, a été remodelée géographiquement, avec des frontières dont la rectitude physique n'a d'égale que l'aberration morale. La carte africaine actuelle montre que l'Occident colonialiste (les multiples Empires occidentaux) a toujours nourri le projet immanentiste de redessiner le monde selon l'Hyperreél.
Le prolongement américain du colonialisme africain est (presque) contemporain à ce rêve surhumain (au sens nietzschéen surtout). Voir notamment l'esclavage de la Traite négrière européenne. Le cas israélien relève d'une forme tardive et dégénérée de néocolonialisme, dont l'aberration est compliquée par les persécutions que les juifs ont subi... en Occident! Il est factuel que la religion juive naît de syncrétismes orientaux (si l'on peut oser ce générique non négatif), comme il est certain que le sionisme découle d'un destin quasi occidental! Enfanté sur le sol occidental, activement promu par des chrétiens hérétiques, le sionisme n'est pas une idéologie qui diffère des idéologies immanentistes. Il en est le sous-produit, au sens où il est un hybride qui s'active au moment où il croit dominer les idéologies tutélaires en décomposition.
N'est-il pas une sous-idéologie idiosyncrasique qui oscille entre communisme et libéralisme? Maintenant, si l'on devait produire une définition de l'Occident qui dépasse le cadre géographique primordial et irréfutable, l'on osera sans peine que l'Occident, c'est le christianisme. Les autres influences religieuses sont largement subordonnées à l'éclosion du christianisme qui est un monothéisme bien plus conséquent que le judaïsme et qui, s'il est né de la rupture progressive entre les disciples du Christ et le judaïsme, s'est surtout développé entre la langue grec et l'Empire romain.
L'Église historique chrétienne est appelée au départ l'Eglise romaine et la capitale actuelle des catholiques n'est autre que le Vatican, soit l'ancienne capitale romaine. Par ailleurs, je signale l'hypothèse intéressante, quoique incertaine, d'un LaRouche concernant la crucifixion du Christ. LaRouche rappelle que Ponce Pilate était le parent de l'empereur Tibère et que ce dernier vivait souvent sur l'île de Capri, sous la domination des prêtres du culte de Mithra. De là à penser que Jésus l'agitateur de Judée aurait été crucifié par des prêtres de Mithra (indirectement)...
L'Occident chrétien est un projet monothéiste qui commence par le christianisme et qui se poursuit avec l'immanentisme. Le christianisme est explicitement un monothéisme qui contient en son sein des éléments assurant le passage vers une nouvelle ère religieuse, de type post-monothéiste. C'est ainsi que des penseurs ont baptisé le christianisme la religion de la sortie de la religion. L'Islam est de ce point de vue un monothéisme bien plus monothéiste que le christianisme, puisqu'il refuse la Trinité et qu'il réfute la résurrection du Christ. Jésus est un grand prophète chez les musulmans, mais pas le Fils de l'Homme. Si c'est un homme, l'Islam est le monothéisme le plus achevé d'un point de vue monothéiste.
Le christianisme est probablement disparu avec l'avènement des idéologies. Il est en tout cas enseveli dans l'immanentisme, qui est l'expression du nihilisme moderne. L'éclosion du monothéisme provient de bouleversements dans la mentalité des Anciens. Bouleversements dans la conception de l'homme, du monde et du réel. Auparavant, l'étranger est une frontière, le monde est morcelé et la question de l'unité du reél est secondaire. Avec le monothéisme, l'homme unifié pose la question primordiale de l'Un. Le platonisme indique que le monothéisme n'est pas seulement une évolution surgie miraculeusement à l'intérieur du judaïsme, mais que le monothéisme provient de multiples idiosyncrasies issues de tout le bassin méditerranéen.
Le polythéisme était en fin d'expression. Le monothéisme ne pouvait que le remplacer pour finaliser la fin du transcendantalisme. Le bouddhisme intervient dans le cursus plus précoce de type hindouiste et asiatique pour proposer une solution au polythéisme caduc. Le bouddhisme est une expression complexe de l'homme sans transcendance : une pratique qui tue le désir pour assurer l'avènement de l'individu. L'équilibre de l'individu passe par la mort du désir, en tout cas son contrôle. Le monothéisme en Occident vient prolonger le transcendantalisme dans l'épopée humaine. Du coup, l'immanentisme succède au monothéisme alors que le bouddhisme empêche la domination nihiliste.
Le bouddhisme est la tentative la plus marquante de concilier le nihilisme avec le transcendantalisme polythéiste qui s'exprime notamment dans l'hindouisme polythéiste et dont les expressions sont plus anciennes que les expressions européennes. L'Inde est considérée par un Dumézil comme le berceau des Indo-Européens, qui donneront naissance à l'Occident. A l'époque des Grecs, qui sont tenus pour le berceau de l'Occident chrétien, et dont les racines ne sont pas seulement indo-européennes, le platonisme naît dans un univers à la fois exacerbé et de très haute tenue : la Grèce antique des cités.
Nieztsche, qui était un philologue et un helléniste de formation, avait rapproché Platon des chrétiens. Il détestait les deux et il avait compris que le platonisme était l'expression ontologique la plus proche du christianisme, au point que les néoplatoniciens étaient des penseurs inspirateurs de la théologie chrétienne, à l'exemple de l'érudit Philon d'Alexandrie. Que constate-t-on à l'époque de Platon? Platon était un grand penseur, très supérieur aux penseurs immanentistes (parce que plus proche de la source religieuse), aussi bien qu'un polémiste dont on s'étonne de la virulence à notre époque de consensus, où il est de bon ton d'inspirer l'apaisement et la concorde, sans qu'on se rende compte que ces termes hyperpositifs cachent en fait le nihilisme et le dernier homme nivelés dans l'absence de sens et l'égalité des valeurs.
Le rapprochement philologique de Nietzsche est intéressant car il émane de la mentalité immanentiste qui est sur le point de verser dans la dégénérescence, que Nietzsche a baptisée dernier homme, sans se rendre compte qu'il prophétisait sur ce qu'il annonçait et que les alternatives qu'il proposait ne faisait qu'accélérer le processus de nihilisme immanentiste. L'immanentisme ne peut succéder de manière pérenne et viable au monothéisme. L'immanentisme n'est que l'expression de la crise.
Sans doute l'immanentisme prépare-t-il de nouvelles expressions religieuses, mais il n'est pas du tout pérenne et mène au néant, ainsi que son nom l'indique, dans un programme tout tracé et effrayant. Il est certain que l'immanentisme a apporté des aspects positifs, ne serait-ce que parce qu'il se focalise sur le fini. Si l'on se rappelle que le réel n'est pas le fini, on constate que l'immanentisme coïncide avec l'émergence d'un progrès fini stupéfiant. C'est le progrès que l'on a baptisé technique (label Heidegger!) et scientifique. Souvent les Occidentaux, qui tous sont gens rebelles et contestataires, contestent d'autant plus le conservatisme occidentaliste qu'il n'est pas question pour eux de critiquer la science ou la technique.
En définitive, qu'est-ce que l'Occident? Il est certain que le rapprochement entre impérialisme et Occident convient mieux encore que la détermination géographique. L'impérialisme est une domination - et l'Occident exerce une domination sur l'homme depuis cinq siècles. Cet impérialisme est technique pour reprendre le terme de Heidegger. Rien à redire contre les bénéfices du progrès technique, notamment dans des domaines comme la médecine; mais tout à revoir quant au statut religieux (ou ontologique) de ce progrès qui sous prétexte qu'il est effectif matériellement prétend réduire le reél au matériel.
Catastrophe annoncée et prévisible dans cette réduction techniciste qui est une réduction nihiliste. En demeurer à la définition de l'Occident impérialiste obère la dimension religieuse. L'Occident est immanentiste, terme ontologique, mais outre que le nihilisme est la religion du déni de la religion, l'ontologie n'est jamais qu'une branche du religieux, comme Platon l'accorde, quoique avec l'idée que son ontologie rationaliste viendrait parfaire le religieux. Quel est le démon de l'Occident?
L'Occident est l'expression du nihilisme. Ce n'est pas que tout soit négatif dans cette constatation, tant s'en faut. Le nihilisme énonce un dualisme travesti en monisme, dont le propre est d'opposer le sensible au néant. Le reél est le néant. Au départ, les progrès sensibles sont spectaculaires. La supériorité du modèle qui se présente comme scientifique, technique, démocratique, laïc est irréfutable. Et puis, on s'aperçoit que ce dont on n'a pas parlé était l'essentiel.
L'essentiel, en l'occurrence, c'est que le nihilisme détruit le réel sous prétexte de réduire le reél au sensible. L'essentiel, c'est que le destin de l'Occident est inscrit dans cette opération de déni ontologique qui commence par magnifier le plus évident et le plus immédiat pour au final détruire l'essentiel qu'elle ignore. C'est la raison pour laquelle on nomme nihilisme la réduction du reél au sensible : en déniant le reél non sensible, on mène l'homme à la ruine.
Au néant. Pas le néant positif, ainsi que le nihilisme l'enseigne, comme aujourd'hui explicitement un Rosset, ou comme les autres postmodernes plus fuyants sur ce sujet (la différance, l'immanence). Le néant relatif à l'homme n'est pas du néant. L'illusion est toujours existence de quelque chose; mais toujours de quelque chose d'autre - que la positivité de l'illusion. A est B en somme. Il n'existe pas en tant que A, mais il existe bien en tant que B. Ainsi donc l'Occident est l'expression de cet immanentisme.
Il est curieux que le destin de l'Occident soit inscrit dans son étymologie puisque l'Occident est ce qui tombe et que plus que jamais après le 911, l'Occident est condamné à tomber. Cette condamnation est celle qui s'attache aux basques de la démesure : être condamné à tomber pour avoir voulu échapper aux lois de la pesanteur. Comme l'enseigne la chanson : en apesanteur, pourvu que les secondes soient des heures. Le destin d'Icare attend l'Occident. C'est le destin de ce funambule casse-cou qui s'écrasa aux pieds des spectateurs fort distingués de la Tour Eiffel au début du vingtième siècle pour avoir cru qu'Icare au pied de la lettre valait mieux qu'un mythe utopique.
Il y eut plusieurs expériences de ce (quatrième?) type, à une époque où la confiance dans le progrès prenait des allures parfois irrationnelles et/ou scientistes. Je me réfère en particulier à la vidéo d'un certain Franz Reichelt, artisan tailleur d'origine autrichienne, qui le 4 février 1912 à 8h30, estima que les progrès techniques de l'Occident l'autorisaient assurément à réaliser avec succès le rêve d'Icare. Malheureusement, le rêve d'Icare n'est pas réalisable. Reichelt après quelques hésitations compréhensibles s'écrase aux pieds de ses admirateurs horrifiés. Le diable susurre à l'oreille de ses confidents maudits qu'ils ont le pouvoir. Le pouvoir - mais de quoi?
Le reél demeure le reél. Cette phrase est celle d'un nihiliste assumé comme Rosset. La définition que Rosset propose de la tautologie rejoint celle que je viens d'énoncer. Mais Rosset en vient à postuler incidemment et implicitement que le reél est seulement ce qui se voit et ce qui est immédiat; quand l'évidence rappelle que le réel est majoritairement du non-sensible et du non-immédiat.
La preuve : non seulement les nihilistes sont incapables de définir le reél tautologique, mais surtout leur définition de l'illusion repose sur la croyance du néant positif. Double erreur, qui est pire qu'un zéro pointé. De l'excellence biaisée. C'est à ce prix que l'homme parvient à pérenniser sa présence et c'est au nom de ce principe que l'on peut définir l'Occident et ses manifestations dérivées et souvent dérisoires - quelle que soit leur nocivité.

dimanche 28 juin 2009

Couac : il arrive...

Quoiqu'il avive, le comique le plus drôle de notre époque n'est pas ce Dieudonné maître de liste, mais son pendant pendard, le sionard BHL;
Quoiqu'il avive, ce n'est parce qu'on mouline l'espace de grands gestes erratiques, qu'on tempête et qu'on vitupète que l'on est orateur et penseur;
Quoiqu'il avive, ce n'est pas parce qu'on prend une voix d'outre-enflure que l'on entre dans le giron des stylistes;
Quoiqu'il avive, ce n'est pas parce qu'on mitonne que l'on devient commentateur;
Quoiqu'il avive, ce n'est pas parce qu'on s'invente une amitié avec Massoud qu'on est ami de Massoud;
Quoiqu'il avive, ce n'est pas parce qu'on écrit un romanquête sur Pearl qu'on acquiert l'estime de sa veuve;
Quoiqu'il avive, ce n'est parce qu'on décrit avec grandiloquence le siège de Grozni que l'on assiste de visu au siège;
Quoiqu'il avive, ce n'est pas parce qu'on est du côté de l'atlantisme sous-sioniste que l'on pérore sur les désordres du monde;
Quoiqu'il avive, ce n'est pas parce qu'on est du côté de l'occidentalisme que l'on dicte des idées profondes sur l'Orient;
Quoiqu'il avive, ce n'est pas parce qu'on fait des manières que l'on échappe à son destin de propagandiste;
Quoiqu'il avive, ce n'est pas parce qu'on copie la voie du maître que l'on dépasse sa servilité;
Quoiqu'il avive, ce n'est pas parce qu'on incarne la gauche ultralibérale que l'on possède une âme d'intellectuel engagé;
Quoiqu'il avive, ce n'est pas parce qu'on ment qu'on dit la vérité;
Quoiqu'il avive, ce n'est pas parce qu'on prend ses désirs pour des réalités qu'on échappe à son destin d'immanentiste tardif et dégénéré;
Quoiqu'il avive, ce n'est pas parce qu'on symbolise les dérives de la mentalité grande bourgeoise que l'on imposera l'Hyperreél;
Quoiqu'il avive, ce n'est pas parce qu'on enterre l'intellectuel Debray que Debray cesse d'exister;
Quoiqu'il avive, ce n'est pas parce qu'on est du côté du manche que l'on pense mieux qu'un manche;
Quoiqu'il avive, ce n'est pas parce qu'on verse dans l'hyperbole que l'on transcende son destin d'écri-vain;
Quoiqu'il avive, ce n'est pas parce qu'on tutoie les bords de l'histrion que l'on vaut mieux qu'un historien d'Ulm;
Quoiqu'il avive, ce n'est pas parce qu'on est agrégé qu'on ne se désagrège pas;
Quoiqu'il avive, ce n'est pas parce qu'on joue en France le rôle du propagandiste atlantiste que l'on sort du franchouillard riadisé;
Quoiqu'il avive, ce n'est pas parce qu'on se dépense en chemises qu'on pense;
Quoiqu'il avive, ce n'est pas parce qu'on se croit au-dessus des tartes qu'on ne fait pas rire au premier mot;
Quoiqu'il avive, le feu sacré de BHL aura au moins l'effet positif du bouffon;
Quoiqu'il avive, la justice immanente frappe de son sceau réconfortant l'immanentiste de stade terminal. Le prix de la consultation est éloquent : la folie, évidente chez BHL, dans la diction, les gestes, le ton, le regard.




samedi 27 juin 2009

Au tour du Kommandant

Internet et l'interneur.

"Propaganda spreading over my name
Say you wanna bring another life to shame"

Bob Marley, Bad Card.

Ami lecteur, lis cette citation édifiante d'un coopté du pouvoir, un ultralibéral de gauche qui se prétend d'autant plus critique et intègre qu'il moralise et amalgame à tout-va. Bien entendu, il ne saurait être question de la qualité des idées de Valtaire. C'est tout simplement nul (et non avenu). Le seul intérêt de cette citation réside dans le jugement de propagandiste que notre médiocre penseur/parolier/troubadour émet concernant Internet. Si Valtaire se sent le besoin d'insulter Internet, c'est tout simplement parce que la possible liberté de ton sur Internet dérange ce manœuvrier grossier. C'est sur Internet qu'on trouve les meilleures informations sur des personnages peu recommandables comme Val. Donc Internet ment (et est allemand). Les insultes dégénérées et grotesques dont il affuble les Internautes sont un air bien connu de rage de faible pris sur le coup en train de piocher dans le pot à confiture. Outre l'absence totale de nuance et le sens remarquable de la projection (qui veut que ce soit Val en premier lieu qui soit ce dont il accuse les Internautes ébaubis), il est tout à fait stupéfiant de remarquer qu'un Val, sans doute rompu à ce genre d'exercice pavlovien ou comportementaliste, utilise à tout bout de champ la réduction ad hitlerum bien connue : antisémitisme, pétainisme, nazisme... Son argumentaire est si stéréotypé qu'il en est risible. Quant à sa projection, il l'exprime soit en insultes dérisoires, soit en reprochant aux Internautes son propre ultralibéralisme - si évident par son parcours et ses positions qu'il est inutile à expliciter (davantage).

" A part ceux qui ne l’utilisent (Internet) que pour bander, gagner en bourse et échanger du courrier électronique, qui est prêt à dépenser de l’argent à fonds perdus pour avoir son petit site personnel ? Des tarés, des maniaques, des fanatiques, des mégalomanes, des paranoïaques, des nazis, des délateurs, qui trouvent là un moyen de diffuser mondialement leurs délires, leurs haines, ou leurs obsessions. Internet, c’est la Kommandantur du monde ultra-libéral. C’est là où, sans preuve, anonymement, sous pseudonyme, on diffame, on fait naître des rumeurs, on dénonce sans aucun contrôle et en toute impunité. Vivre sous l’Occupation devait être un cauchemar. On pouvait se faire arrêter à tout moment sur dénonciation d’un voisin qui avait envoyé une lettre anonyme à la Gestapo. Internet offre à tous les collabos de la planète la jouissance impunie de faire payer aux autres leur impuissance et leur médiocrité. C’est la réalité inespérée d’un rêve pour toutes les dictatures de l’avenir. "
Philippe Val,
« Charlie Hebdo », mercredi 3 octobre 2007.

mercredi 24 juin 2009

Lobby pro-israélien en France : chronique d'une mort annoncée

Entretien avec l'historien Paul-Eric Blanrue.

A l'occasion de la parution de son dernier livre, l'historien Paul-Eric Blanrue a accepté de répondre à nos questions. Internet est un des moyens d'échapper à la censure démocratique et libérale qui consiste à promulguer la liberté sauf quand cette liberté dérange. Le dernier ouvrage de Blanrue, Sarkozy, Israël et les juifs, est ainsi publié par un éditeur belge et non diffusé en France par le diffuseur de cet éditeur, pas davantage que par les traditionnels éditeurs français de Blanrue. Pourtant, il ne s'agit pas d'un livre tombant sous le coup de la loi française, ni d'un livre à caractère raciste. Dès lors, il faut se poser la vraie question de cette curieuse omerta : si Blanrue dérange, pourquoi? Serait-ce parce qu'il raconte n'importe quoi? Dans ce cas, il ne sera pas ainsi censuré. Parce qu'il commet quelques erreurs? Qui ne commet pas d'erreurs? Au demeurant, factuellement, son livre paraît si peu attaquable que ceux qui s'y sont essayés se sont cassés les dents ou ont produit des raisons peu raisonnables. La réponse me paraît résider dans l'entretien qui suit, où Blanrue montre que la qualité de sa réflexion se situe très au-dessus des interventions des experts officiels des médias de France, d'Europe ou d'Occident (au sens étymologique, mais aussi au sens des pays de l'OTAN). On pourra aussi se procurer avec profit son ouvrage par Internet, au site suivant :
http://www.oserdire.com/

1) Vous faites (justement) la distinction entre judaïsme et sionisme, quasiment pas entre sionisme et engagement pro-israélien. Pensez-vous vraiment que l’idéologie sioniste s’est dissoute avec la création d’Israël ou ne faut-il pas estimer que la création de cet Etat a renforcé le sionisme, avec (notamment) un nouveau combat : la défense des valeurs israéliennes ?

Blanrue : On peut gloser à l’infini sur la définition des mots, mais je préfère rester simple et concret. Le sionisme d’antan (disons celui de Herzl, qui consistait à créer un « foyer national pour les juifs ») n’est plus le même que celui d’aujourd’hui, ne serait-ce que parce qu’il y a eu entre-temps, en 1948, la création de l’État d’Israël. C’est un fait. Certains universitaires construisent des théories sur le « post-sionisme ». Pour ma part, je considère que le vocable d’origine est toujours pertinent, puisque les militants pro-israéliens eux-mêmes l’utilisent et s’en revendiquent, comme la Wizo (Women’s international zionist organisation), la Fédération des sionistes de France, des personnalités éminentes comme Patrick Klugman, cofondateur de SOS Racisme et ancien président de l’UEJF (Union des étudiants juifs de France), ou encore, pour l’Amérique, un personnage tel que Joe Biden, l’actuel vice-président des États-Unis. Maintenant, que mettre dans ce mot ? Je définis le sionisme présent comme l’idéologie politique de l’État d’Israël, étant compris comme l’État juif (ou des juifs), quels que soient les gouvernants qui se succèdent à sa tête. C’est une mystique laïque qui double la religion juive traditionnelle - ce qui amène, à juste titre, certains rabbins à se déclarer antisionistes, à l’image des religieux juifs de l’époque de Herzl qui avaient compris d’instinct la dérive qu’allait entraîner cette nouvelle idéologie. Le sionisme d’aujourd’hui réside donc selon moi, essentiellement, dans le fait de lier intimement son identité personnelle au destin de l’État juif. Il n’est ainsi nul besoin d’être d’origine juive pour être sioniste : on le constate avec les évangélistes américains, dont certains sont même de farouches antisémites qui nourrissent des attentes eschatologiques. Il faut ainsi reconnaître que la création d’Israël a considérablement renforcé le sionisme tel que je le définis, en lui conférant une orientation nouvelle, celle de renforcer l’assise d’un État et son expansion par tous les moyens.


2) Que pensez-vous du travail de l’historien Shlomo Sand, qui dissocie la mythologie sioniste s’appuyant sur les récits du Pentateuque de l’histoire factuelle, notablement différente (et plus compréhensible) ? Sand confirme en particulier deux processus capitaux : le judaïsme des premiers siècle chrétiens était prosélyte ; les origines des deux principaux foyers du sionisme émanent de ces conversions, via les Ashkénazes d’Europe centrale et les Sépharades issus pour partie de foyers germains. En gros, le judaïsme serait un monothéisme enraciné dans l’histoire occidentale plus qu’orientale…

Blanrue : Avant d’évoquer les travaux de Sand, il convient de rappeler qu’il est déraisonnable et absurde de réclamer la restitution d’un territoire prétendument perdu il y a 2000 ans : si chaque peuple entretenait de telles chimères, la géographie politique du monde serait bouleversée à chaque instant et une nouvelle guerre éclaterait à chaque seconde. L’intérêt des travaux de Sand est d’en appeler à la raison : il démontre que la revendication sioniste du « retour » est illégitime d’un point de vue factuel. À s’en tenir aux données historiques, les véritables descendants des juifs du Ier siècle sont les actuels Palestiniens. On peut aller plus loin que Sand dans la déconstruction, pour employer le mot fétiche de Jacques Derrida ; je vous engage à lire, à ce propos, les livres de l’archéologue Israël Finkelstein, qui réduit à néant les prétentions historiques de la Thora (La Bible dévoilée, par exemple), ou ceux de l’universitaire Thomas Thompson (The Mythic Past, The Messiah Myth, etc.), qui démontre que le Temple de Salomon ou les aventures du roi David ne sont que de pieuses légendes compilées tardivement.
« Monothéisme occidental », dites-vous : c’est à voir… Il n’y a certes pas de pureté des origines dans la religion juive. Orientale de prime abord, la religion juive antique est un phénomène syncrétique. Ainsi, la prétention de cette religion à être le berceau du monothéisme n’est pas acceptable d’un point de vue historique. La Thora amalgame des mythes sumériens, égyptiens, mésopotamiens, sans oublier l’apport grec et perse pour ce qui est, précisément, de la construction du Dieu unique : dans la Thora, on ne passe que progressivement d’un polythéisme implicite, à tendance monolâtrique, à un monothéisme explicite. La tendance la plus universaliste du judaïsme, celles de Prophètes, a engendré le christianisme ; la tendance antigréciste a donné le judaïsme talmudique, qui s’éloigne du judaïsme mosaïque ancien et a créé une forme nouvelle de religion, celle des rabbins et des synagogues, qui aura tendance à se refermer sur elle-même. Les rabbins de l’époque médiévale ne lisent pas le Nouveau testament et n’ont qu’une faible connaissance de la civilisation chrétienne. « L’occidentalisation » de la culture juive est donc très relative. Le judaïsme des 2000 dernières années est aussi une ablation de « l’Occident ». Sand, lui, parle de la fabrication du concept de « peuple juif ». C’est autre chose. Il démontre qu’il n’existe pas de « peuple juif » d’un point de vue objectif. Cette idée apparaît, comme le sionisme, à une époque récente et se forge dans le cadre « occidental ». Ce qui démontre que le concept de peuple juif n’a rien à voir avec celui de religion juive, plus ancienne et orientale-syncrétique. Cela ne fait pas pour autant du judaïsme un occidentalisme. Pour moi, qui suis rationaliste, le judaïsme doit d’abord et avant tout être considéré comme une religion, contrairement à ce que prétendait Herzl hier ou BHL aujourd’hui, car c’est ce qu’il est objectivement. Herzl lui-même était agnostique et considérait que les croyances ancestrales de ce qu’il définissait comme son peuple, son ethnie ou sa race, ne constituaient qu’un outil de propagande utile destiné à encourager les juifs à quitter leurs pays pour rejoindre un « foyer juif » (qui n’était d’ailleurs pas forcément situé en Palestine à l’origine). Le sionisme a peu à peu effacé la religion juive des pères. L’Israël politique n’a pas sécularisé une religion : il l’a détournée de son sens.


3) On glose souvent sur le sionisme qui dominerait l’Occident, notamment les Etats-Unis et l’Union européenne. Le boycott de votre dernier ouvrage semble confirmer cette tendance. Le silence complice des instances occidentales lors de l’opération honteuse et sanglante de Gaza également. Pourtant, quand on analyse l’histoire du sionisme, on se rend compte que le sionisme a d’abord été créé par des hérésies protestantes comme les restaurationnistes. Vu votre connaissance des réseaux sionistes français, ne pensez-vous pas qu’il conviendrait plutôt de renverser l’analyse et de proposer que le sionisme est l’enfant – ingérable, capricieux et gâté – de l’Occident impérialiste ? Israël serait ainsi l’un des visages du néocolonialisme occidental et l’une des incarnations territoriales de cet impérialisme occidentaliste travesti en libéralisme universaliste. Israël manifesterait sans doute un comportement égocentrique et indépendant, mais les Occidentaux se serviraient au moins autant d’Israël que l’inverse ? La servilité des Occidentaux s’expliquerait moins par la lâcheté ou la subordination que par la complicité, voire la manipulation… À l’appui de cette thèse, mentionnons le refus récent de l’administration Obama de suivre les Israéliens sur le terrain d’une guerre préventive contre l’Iran : on a constaté le résultat…

Blanrue : Il n’y a pas à douter 1° que le sionisme est la création de son époque, celle du « fait national » et du colonialisme du XIXe siècle, 2° que sa naissance a lieu en Europe et 3° enfin que le judaïsme n’en est pas la seule composante. L’esprit colonial européen l’a donc bercé. Le sionisme se résout-il toutefois à n’être qu’une extension de l’esprit colonial européen ? Le sionisme est certes une tentative d’imiter le mouvement colonial européen. Il a été appuyé à cet égard par l’une des principales puissances coloniales, la Grande-Bretagne, à des fins politiques. On remarquera en revanche que c’est une forme originale de colonisation, sans métropole, qui la distingue radicalement des autres formes de colonisations européennes. Par ailleurs, le concept « d’Occident » est depuis longtemps périmé : je ne vois pas quels intérêts ont en commun la France et les États-Unis (que certains voudraient confondre dans la trop vaste et trop vague notion d’Occident) sur la question d’Israël, ni en quoi Israël est un relais de l’Europe au Moyen-Orient ou contribue à y défendre ses intérêts. Cette vue de l’esprit était celle de Herzl, qui cherchait à convaincre les financiers de l’aider dans son projet de conquête en leur promettant que son pays de cocagne serait le « bastion avancé de la civilisation contre la barbarie » : ce n’est pas pour autant que son slogan publicitaire correspond à la réalité ! En fait, on remarquera que les mouvements de capitaux se font plutôt de l’Europe ou de l’Amérique vers Israël que l’inverse. Les États-Unis ont un intérêt géostratégique certain dans la région, inutile de le démontrer à nouveau : Israël leur permet de contrôler le gaz et le pétrole au Moyen et au Proche-Orient. Mais l’Europe ? Songez, par exemple, aux sommes faramineuses que l’Allemagne doit payer comme répération aux rescapés des camps de concentrations réfugiés en Israël : à quoi cela lui sert-il ? N’oublions pas que la servilité des « occidentaux » à l’égard de l’État juif, pour reprendre votre expression, s’explique en majeure partie par la Seconde Guerre mondiale et l’immense sentiment de culpabilité qui s’en est suivi, nourri chaque jour par l’idéologie sioniste, dont les relais, face à toute contestation, procèdent à la reductio ad hitlerum afin d’écraser leurs adversaires comme des mouches. L’Union des patrons juifs de France (UPJF) promeut déjà l’idée d’une loi « Martin Luther King », qui vise à assimiler légalement l’antisionisme à l’antisémitisme. C’est totalement aberrant. Pour en revenir à l’objet de mon livre, je montre que Nicolas Sarkozy a utilisé les réseaux sionistes pour réaliser ses ambitions politiques : de manière démagogique, il a repris les thèmes de Le Pen pour être élu à la présidence en 2007 et s’est assuré une immunité en s’associant avec le lobby pro-israélien américain et ses relais français, qui l’ont préservé de toute attaque d’envergure sur ce plan. Ces réseaux sont devenus son plus ferme soutien. Résultat : aujourd’hui, Sarkozy va encore plus loin qu’Obama dans la critique d’Ahmadinedjad ou dans la vénération d’Israël. Il est devenu, avec une guerre de retard, un « Bush à la française », comme l’a dit récemment l’hebdomadaire Marianne. Mais en quoi la France est-elle gagnante dans cette politique ? Elle subit elle aussi les pressions sionistes de toute sorte. Ses hommes politiques reçoivent des consignes des associations pro-israéliennes, qu’il ne leur serait pas pardonné de ne pas respecter scrupuleusement. Où est passée notre indépendance nationale, notre souveraineté ? La politique de Sarkozy, fracture dans l’histoire de la France contemporaine, conduit notre pays dans le mur en l’associant à la politique irrationnelle de l’État juif qui a besoin de guerres pour assurer sa cohésion interne et qui tente de résister à la décadence en s’auto-illusionnant sur sa force. La politique précédente des gouvernants français, dénoncée comme « arabe » par ses ennemis, mais qui était en réalité neutre, prudente et équilibrée, était plus conforme aux intérêts de notre pays, ainsi qu’à la justice et à la morale.


4) Pour poursuivre dans cette veine interprétative, ne croyez-vous pas que le sionisme serait une sous-idéologie, un hybride entre communisme et libéralisme (pour synthétiser) et que le vrai ennemi de la liberté ne serait pas cette sous-idéologie, mais ce que le géopoliticien Hillard a appelé le mondialisme par distinction avec le processus de la mondialisation ? La mondialisation suivrait le cours de l’histoire humaine, qui tend vers la globalisation et l’expansion, quand le mondialisme serait cette idéologie issue des cercles appelant à stopper le processus d’expansion au niveau de la domination du monde.


Blanrue : Le sionisme est le premier mouvement « rouge-brun » de l’histoire. On y trouve en son sein des extrémistes de gauche charriant le mythe des kibboutzim et des ultra-orthodoxes de la droite radicale. C’est la mystique d’Israël comme État juif qui les maintient tous unis. Pour autant, je ne définirai pas le sionisme comme une hybridation, mais plutôt comme un système dégradé et contradictoire qui ne tient en place que dans la glorification d’une entité artificielle « déifiée » qui ne perdure que grâce à la recherche d’un ennemi commun à abattre, qui permet de gommer les antagonismes internes à effet centripète. Dans ce cadre, l’idéologie mondialiste est à la fois le meilleur ami et le pire ennemi du sionisme. L’ami, car Israël reste un État à part, qui se dit prêt à accueillir tous les juifs du monde, quelles que soient leur nationalité d’origine, avec une « loi du retour » beaucoup large que la notion mosaïque, puisque, depuis 1970, elle est étendue « aux enfants et petits-enfants d’un juif, à son conjoint et au conjoint d’un enfant ou d’un petit-enfant d’un juif ». Ennemi, car le métissage des jeunes générations et la démographie galopante de Palestiniens sont des phénomènes qui vont irrémédiablement entraîner l’État juif sur la pente du déclin, comme le note Jacques Attali, qui lui accorde encore un maximum de 50 années d’existence. Je crois qu’il est optimiste.


5) Récemment, les élections européennes françaises ont suscité un certain débat avec la liste antisioniste de Dieudonné et Compagnie cantonnée en Ile-de-France (bel exemple de parisianisme fort peu républicain !). Cette liste a connu un succès certes fort mitigé, mais moins étriqué que ce qu’on avance souvent. Pensez-vous vraiment que l’antisionisme puisse incarner un programme politique cohérent, notamment en France ?

Blanrue : Pour le moment, on n’a pas vu de programme antisioniste réellement cohérent, mais plutôt un mouvement d’humeur catalysant un ras-le-bol face aux prétentions politiques et aux privilèges des représentants de la communauté juive (dîner du CRIF, loi Gayssot et autres), qui entendent parler au nom des juifs, alors qu’ils n’en représentent au mieux qu’un sixième et travaillent essentiellement à la promotion du sionisme sans se soucier des intérêts réels de leurs coreligionaires. Au bilan, les résultats des urnes sont mitigés. Le vote semble plus ethnique que proprement idéologique. J’ignore si aujourd’hui, dans notre société telle qu’elle est, une liste purement antisioniste a quelque chance de succès. Pour susciter l’engouement populaire, un programme positif me paraît nécessaire. Il est certain, par exemple, que des personnalités remarquables comme Roland Dumas ou Dominique de Villepin n’ont pas eu à se revendiquer de l’antisionisme pour réussir à maintenir la souveraineté nationale lorsqu’elle était en péril face aux prétentions d’Israël.


6) Vous donnez quelques conseils aux sionistes pour éviter de possibles violences vengeresses à l’avenir. Pourtant, depuis l’assassinat de Rabin en 1995, la politique israélienne n’a cessé de connaître une surenchère dans la violence et le bellicisme, au point que Sharon a été détrôné dans le paroxysme néo-colonial qu’il incarnait (souvent) par Netanyahou et son improbable ministre des Affaires étrangères. Un LaRouche aux Etats-Unis (énième bouc émissaire accusé d’antisémitisme) explique qu’Israël est pris dans une spirale autodestructrice, contrairement à l’erreur d’optique qui considère la violence israélienne comme toute-puissante, notamment dans la région du Proche-Orient. A l’aune de cette fuite en avant, que pensez-vous de l’alternative à la guerre perpétuelle qui est présentée comme la solution de la sagesse et du progressisme et qui appelle à la création de deux Etats, l’un israélien et l’autre palestinien ? N’est-ce pas une gageure proposant un néo-apartheid moralement inadmissible et concrètement inapplicable ? Soit une fausse solution permettant de différer la résolution d’un vrai problème ?


Blanrue : La proposition des « deux États » comme solution au conflit israélo-palestinien n’est déjà plus tenable. Stéphane Hessel, y a déjà répondu. Dans mon livre, je cite cet ancien déporté à Buchenwald, l’un des « pères » de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme, qui a déclaré à la fin de 2008 : « À la suite de ce qui s'est passé depuis l'évacuation des colonies israéliennes à Gaza, depuis l'enfermement de ce petit territoire qui n'a plus de contacts avec le monde extérieur, depuis qu'il y a le Hamas d'un côté et le Fatah de l'autre, la seule solution qui apparaissait raisonnable et possible des deux États –israélien et palestinien – vivant côte à côte à la suite d'une négociation, n'est plus d'actualité. Tous nos interlocuteurs sur place nous ont dit : “ C'est out ! Ce n'est plus possible !“ Pourquoi ? Essentiellement à cause de la façon dont les Israéliens ont continué à coloniser la Cisjordanie et n'ont rien fait pour faciliter le travail de Mahmoud Abbas. Aucun de ces problèmes n'ayant évolué ces dernières années, la solution de deux États est devenue caduque. » Il n’y a rien à ajouter.


7) Qu’est-ce que l’antisionisme ? Se montrer antisioniste, est-ce souhaiter la disparition d’Israël ? Si l’antisionisme ne correspond pas à cette dernière option mentionnée, ne doit-on pas en conclure que le sionisme et le pro-israélisme ne correspondent pas, en tout cas tout à fait ?

Blanrue : Il y a autant de types d’antisionistes que de sionistes. Je ne connais personne qui souhaite la disparition physique de l’État d’Israël, et sûrement pas le président Ahmadinedjad dont on a détourné les paroles de leur véritable sens (pour lui, le « régime d’occupation en Israël » devra « être effacé des pages du temps », ce qui n’a rien à voir avec l’élimination d’un État). En revanche, l’un des points communs des antisionistes, c’est de ne pas se satisfaire de la situation qui règne en Israël et à laquelle on nous contraint d’assister en France sans qu’on ait le droit de la critiquer sous peine de nous faire qualifier de noms passibles du tribunal correctionnel. L’une des définitions possibles et raisonnables de l’antisionisme tiendrait, pour reprendre le terme utilisé par Jimmy Carter, dans le fait ne pas accepter qu’Israël continue d’être un État juif pratiquant une politique d’apartheid.


8) Ne pensez-vous pas que la toute-puissance unilatérale du sionisme cache l’affaiblissement obvie, quelque chose comme le chant du cygne de cette idéologie et de la politique pro-israélienne ? La crise systémique actuelle, qui est tout sauf terminée, affecterait en premier lieu les intérêts sionistes – le sionisme comme l’arbre qui cache la forêt mondialiste. Le rempart moral de l’antisémitisme n’empêche plus aussi efficacement qu’autrefois les protestations (de plus en plus nombreuses) contre les dérives et les abus, notamment lors des dernières manifestations de la politique israélienne. Les défenseurs du sionisme sont de plus en plus contestés, surtout les inconditionnels, comme BHL et Consorts, qui passent de plus en plus pour des propagandistes, parfois clairement mensongers (voir notamment le drolatique épisode de BHL en Géorgie).


Blanrue : Le sionisme touche à sa fin. Tous les indicateurs montrent que nous sommes à un tournant de l’histoire. C’est pourquoi les sionistes sont si nerveux, commettent tant d’impairs et sont dans une politique de fuite en avant désespérée. Si je prends mon cas personnel, le fait que l’on ne me laisse pas la parole en France, qu’on « black-oute » mon livre (le diffuseur français de mon éditeur belge a refusé de le distribuer dans les librairies françaises, alors qu’il n’est ni interdit ni poursuivi), est révélateur du délabrement du sionisme français, qui est paradoxalement au pouvoir depuis Sarkozy. Aux États-Unis, le lobby pro-israélien est encore fort et sûr de ses prérogatives, même si l’affaire Madoff l’a quelque peu ébranlé : du coup, il laisse un espace de liberté à ses opposants. En France, les réseaux pro-israéliens, certes influents, sont dans un état de décrépitude avancée, s’étripent et doutent d’eux-mêmes, avouant ainsi leur faiblesse latente : voilà pourquoi ils laissent moins de liberté d’expression à leurs adversaires. Ils craignent qu’on montre en plein jour leurs incertitudes, leurs égarements, qui sont autant de signes avant-coureurs de leur défaite annoncée. Je leur demande de reprendre l’initiative, puisqu’ils ont contribué à mettre au pouvoir leur homme-lige, et de nous démontrer qu’ils ont encore capables de supporter la discussion. C’est pourquoi j’appelle, dans mon ouvrage, à une nouvelle « nuit du 4 août » : que les privilégiés, mis en difficulté, renoncent à un certain nombre de leurs privilèges et prouvent qu’ils sont enfin prêts à faire baisser des tensions qui ne peuvent qu’être préjudiciables à terme pour la communauté qu’ils sont censés représenter ainsi qu’à la nation tout entière. « La régénération nationale exigera la destruction de nombreux privilèges », écrivait Che Guevara. Cet enseignement est plus que jamais à méditer !

K rassis

Bien entendu, cette affaire de terrorisme pourrait être envisagée du point de vue de la vérité, notamment par respect pour les victimes. L'attitude d'un Sarkozy n'est pas seulement imp(r)udente. Elle signale sans doute que notre hyperprésident a un sérieux problème avec le reél. Dans cette veine, ajoutons que Balladur est en France le premier représentant explicite de la droite des affaires qui prépare l'avènement de Sarko l'ultralibéral atlantiste. Certes, Pompidou venait de la banque, mais il était trop proche du gaullisme. Certes, VGE était d'un Empire, mais plutôt français. Balladur signale que la France est en train de basculer. Sarko entérine ce revirement, dont le symbole le plus fort est la réintégration dans le giron de l'OTAN.
Tu m'en diras tant. Ce qui nous intéresse dans la compréhension du terrorisme contemporain, c'est comment on monte des opérations terroristes et qui sont les terroristes. On a vu le modèle de l'opération sous fausse bannière. On manipule des agents doubles et dupes, des fantoches qui n'ont ni le niveau ni le profil pour réaliser l'opération (atroce) dont ils sont accusés. Le paroxysme de ce type de manipulation est le 911, avec les 19 pirates islamistes accusés de l'exécution du coup, qui sont des incompétents, des déséquilibrés et souvent d'anciens agents de services secrets occidentalistes.
N'oublions pas un autre ingrédient du terrorisme. Le terrorisme est démasqué quand on commence à comprendre que les exécutants sont des fantoches. Il est mieux compris quand on ajoute que le plus souvent il est l'oeuvre de commanditaires fort structurés et puissants. Dans le cas du 911, de fortes présomptions inclinent à penser que ce sont des factions d'oligarques banquiers qui ont perpétré le coup. Les factions ont remplacé les nations, comme le NOM est prévu pour succéder aux États-nations post-Westphalie. Mais il existe encore le terrorisme d'État. Tel est le cas de l'attentat de Karachi.
On s'explique que l'actuel Président de la République française ne pige pas : il est impliqué (au moins indirectement) et il représente les institutions françaises. Pourtant, il est plausible que le déni de Sarkozy soit aussi le moyen de cacher les magouilles terroristes et les vrais auteurs. Dans ce schéma, le bloc libéral-atlantiste a un lourd passé/passif : réseaux stay-behind de l'OTAN, terrorisme communiste ou d'extrême-gauche, crimes coloniaux, coups d'État... Finalement, le coup de Karachi ressortit de la justice immanente.
Justice cruelle et inacceptable sans aucun doute, en particulier pour les victimes; mais c'est le retour à l'envoyeur. Les services secrets pakistanais et l'appareil d'État d'obédience militaire ont été modelés sur le modèle occidental. L'islamisme est largement une créature occidentale, notamment façonnée par les programmes autour de Carter et Brzezinski, pour contrecarrer le communisme (notamment en Afghanistan ou en Iran). L'Occident est sur le point d'occire et c'est la principale raison qui explique qu'il ait à ce point la dent dure.

mardi 23 juin 2009

S.A. Hic!

Tiens, tiens, Canal Plus nous sort une petite bombette pour nous détourner de la vérité. Enquête sur la SAIC, mastodonte du renseignement et de la sécurité privés... Pour commencer, on nous gave des abus de la SAIC les moins flagrants, comme en Irak ou avec le Pentagone. Problème : tout le monde reconnaît le carcatère illégitime de la guerre en Irak ou les dérapages du fameux lobby militaro-industriel. Même Eisenhower ou Chirac : c'est dire! Évoque-t-on sérieusement les liens possibles entre la SAIC et le 911? Que nenni, on effleure à peine le sujet pour mieux glisser vers le post-911, comme la guerre d'Irak. Tout doux, mon prince!
Ensuite, il serait temps de relier le mastodonte antidémocratique SAIC avec la France. C'est le Réseau Voltaire qui s'y colle.
http://www.voltairenet.org/article413.html
On apprend les liens entre les réseaux d'Alain Bauer et la SAIC. Egalement la NSA. Rappelons que Bauer est un proche notoire de l'entourage de Sarkozy, régulièrement consulté par le pouvoir en place pour des questions de sécurité et de renseignement. Bauer est aussi un familier de Xavier Raufer, dont j'ai dénoncé la rhétorique inepte de criminologue de pacotille. Cette parenté hallucinante entre le renseignement privé français et son pendant américain, que d'aucuns qualifieraient de collusions antidémocratiques, illustre le glissement de la France vers l'atlantisme le plus dur. Dans cette opération d'entrisme, le sionisme occupe la position du sous-fifre irradiant.
Enfin, le plus éloquent est souvent le silence. Dans ce reportage mouillé comme un pétard trop sec, on ne parle ni des décrets sous Reagan qui ont popularisé les services de renseignements privés, ni de certaines firmes emblématiques de ce milieu, comme Kissinger Associates et ses affidés. Kroll par exemple. La vénérable maison britannique Hakluyt mériterait aussi notre attention. D'autres établissements distraits. Canarde Moins pourrait faire de la vraie investigation en reliant ces boîtes à sordide avec le 911 ou d'autres barbouseries. Allez, Canaille Faible, encore un effort : dessine-moi un mou thon!

mercredi 17 juin 2009

Le délire du déni

L'essentiel : le pire de la crise est à venir, estiment deux experts en économie de l'Union européenne. Ceux qui annoncent avec triomphalisme que la crise est déjà terminée sont des menteurs. Le raisonnement est simple : les sommes accumulées pour renflouer le système monétaire international sont si colossales qu'elles ne peuvent être remboursées. Le système est en faillite, qu'on le veuille ou non.
Maintenant, le discours des deux ex-pairs montre pourquoi les experts ne peuvent sortir la société mondialiste et ultralibéralisée de la crise. Leur formation intellectuelle les rend incapables de s'affranchir de la cause de la crise parce que leur savoir impressionnant repose sur le mimétisme - et l'erreur de raisonnement : en économie, cette erreur se nomme spécifiquement monétarisme.
Le monétarisme est le raisonnement pseudo-scientifique qui consiste à postuler que la création de monnaie engendre la création de biens et de richesses. C'est la logique tentatrice du diable, selon laquelle on fait quelque chose à partir de rien, par la volonté ou le désir. Logique cautionnée par Smith le classique ou Friedman le moderne ultra, mais aussi par le Grand Homme qu'on invoque pour sortir de la crise ultralibérale quand on se présente comme progressiste, le fort pervers et fort impérialiste Keynes, qui est la caution économique et philosophique des sectateurs de la gouvernance mondiale. La caution des ultralibéraux de gauche.
C'est ainsi que nos deux experts :
a) continuent à attribuer la bonne marche du fonctionnement systémique à des sentiments comme la confiance qui ressortissent de l'ordre du désir. C'est le monde de l'Hyperreél qui considère que le désir humain a pouvoir de prendre la place du divin, soit de créer le reél. On en paye les conséquences aujourd'hui. C'est ce qu'on appelle payer les pots cassés ou renflouer les banques.
b) continuent d'affirmer que la méthode américaine serait la bonne. Or c'est la méthode monétariste qui mène tout droit à l'hyperinflation : renflouer les déficits abyssaux par l'émission artificielle ou ex nihilo de monnaie. Oser valider cette méthode est proprement monstrueux d'un point de vue moral et incompétent d'un point de vue logique.
c) reconnaissent l'invraisemblable déni, qui exprime l'inadéquation entre l'Hyperréel et le reél. A partir du moment où l'on postule la complétude du désir, comme Spinoza, Nietzsche ou Rosset aujourd'hui, on engendre une partie qui se prend pour le tout, comme la grenouille de la fable. Confronté à la réalité de son incomplétude, le désir moderne n'a d'autre choix que l'autodestruction ou le déni. Il est plus facile (ou plus lâche) d'opter pour le déni dans un premier temps. Cependant, le déni ne fait qu'aggraver la crise du désir, dans un cercle vicieux qui est aussi spirale infernale.
Conclusion : nos experts se montrent très ambigus, car s'ils reconnaissent l'existence d'un problème, ils s'empressent d'occulter les causes réelles et d'en appeler à ces causes viciées pour guérir le problème - engendré par ces causes! C'est l'empoisonneur appelé à guérir du poison qu'il a inoculé ou le meurtrier diligenté pour mener l'enquête criminelle et retrouver le coupable! Nos deux experts ne se rendent apparemment pas compte qu'ils reproduisent le déni qu'ils dénoncent - ou font mine de dénoncer.


http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5iG8Y6Lh9JDtv4abH7UzJtumtDyww

"Le pire de la récession est à venir, selon le chef économiste de la BERD.

Le pire de la récession est à venir, a estimé lundi le chef économiste de la Banque européenne de reconstruction et de développement (BERD), Erik Berglof, lors d'une conférence en Écosse, appelant à plus de transparence du système bancaire, notamment en Europe.
"Je ne pense pas que le pire soit derrière nous", a indiqué M. Berglof lors d'une conférence à Gleneagles à laquelle participait également la commissaire européenne à la Concurrence Neelie Kroes. "Nous n'avons pas encore tout vu", a-t-il ajouté.

Mme Kroes a estimé "que le monde bancaire n'avait toujours pas confiance", et que les banquiers "réalisent qu'il y a toujours quelque chose de pourri dans le placard".
M. Berglof a renchéri : "Il semble que nous ne sachions toujours pas ce qu'il y a dans notre système bancaire (en Europe, ndlr), et il y a besoin non seulement de le découvrir mais aussi de le rendre public comme on l'a fait aux États-Unis". Il a estimé que la méthode américaine était "la référence et avait certainement aidé à stabiliser le système".

Mme Kroes a noté de son côté que les représentants du secteur bancaire qu'elle avait pu rencontrer récemment se rejetaient la responsabilité des problèmes, et que "beaucoup déniaient ce qui se passait dans leur propre institution".
Elle a appelé les banques à prêter pour permettre aux petites entreprises de fonctionner : "Elles ont besoin de prêts, ni plus ni moins", a-t-elle dit, estimant à son tour "qu'on n'était pas au bout des conséquences de cette récession".

mardi 16 juin 2009

One gore time

Toujours indifférents? Quand l'Occident s'effondrera comme les Tours du WTC, ferez-vous (enfin) peut-être le lien? Pourquoi est-il aussi fort à craindre que vous ne le ferez pas?

http://www.reopen911.info/News/2009/06/15/11-septembre-2001-le-vent-serait-il-en-train-de-tourner/



http://www.voltairenet.org/article160612.html



samedi 13 juin 2009

Politique de l'individu

Alors que les systèmes démocratiques traversent la pire crise de leur (jeune) histoire, alors que le remède (évident) passe par une préoccupation politique, par une politisation, jamais le désintérêt politique n'a été aussi manifeste chez les citoyens démocratiques. C'est une contradiction surprenante, car il est clair que le désintérêt politique mène à la ruine politique et que la démocratie ressortit du domaine de la politique. La ruine de la politique n'exprime rien moins que le pire de ce qui peut tomber sur la tête des citoyens.

http://www.astrosurf.com/toussaint/dossiers/soleil_lestaches/img_soleil_lestaches/abraracourcix.gif


Pourtant, tels d'irréductibles Gaulois qui auraient dépassé les superstitions du chef Abraracourcix dans les aventures d'Astérix (les vraies, celles de l'époque où Goscinny était encore de ce monde), nos citoyens démocratiques, troupeau de veules et d'aveugles, n'ont même plus peur que le ciel leur tombe sur la tête. D'où vient que nos citoyens démocrates conséquents optent pour la solution du pire, qui coïncide avec leur désavantage patent? La pérennité démocratique suppose l'implication politique des citoyens démocratiques. La dépolitisation signe le déclin démocratique. Selon l'étymologie, la politique est la science traitant des affaires de la cité.
Dans un système aristocratique, où quelques individus représentent la constitution, l'implication du peuple est inutile. Dans un système démocratique, cette obligation devient nécessaire. La démocratie est le pouvoir du peuple - sur le pouvoir. Dépolitiser, c'est ne plus prêter attention aux affaires de la cité. La politique signale rien de moins que le sens collectif, la participation collective au sens collectif. La dépolitisation implique l'affaiblissement du collectif, de la représentation collective.
La dépolitisation démocratique est suicidaire, puisque sans sens collectif, la démocratie meurt et la démagogie s'installe. Leçon antique rebattue, qui explique la méfiance des Anciens envers la démocratie. Après la démocratie, la démagogie. Mieux vaut une aristocratie éclairée à une démocratie éphémère, puis une démagogie galopante. La démagogie poursuit la démocratie, avec en trame de fond l'oligarchie.
Sommes-nous en train de connaître la phase trouble qui suit la fin de la démocratie et qui annonce la démagogie de facture oligarchique? Ne nous empressons pas de renvoyer la question aux calendes grecques, sous prétexte que la démocratie libérale serait éternelle. On connaît la rengaine lénifiante : la démocratie est éternelle, le libéralisme est éternel, l'éternité est éternelle, descendue sur Terre depuis la fin de l'histoire, qu'un prestigieux expert a diagnostiquée en la personne de Francis Fukuyama. La fin des histoires?
Pas d'histoires. Si l'on veut comprendre le phénomène autodestructeur de la dépolitisation, il suffit de recourir au concept d'individu-fondement. Quand le fondement d'un système politique repose sur l'individu, on se meut dans le nihilisme. Le système politique exprime dans la culture la conception religieuse, dont l'ontologie est l'expression Il est signifiant de constater la place prépondérante de l'anarchisme dans les manifestations de rébellion occidentales.
Effectivement, on se rebelle en Occident, contre le système politique. La mode est de se rebeller en individu libre et critique contre le collectif, l'Etat, les institutions... L'anarchisme a bon dos. Anarchisme de droite, anarchisme de gauche, anarchisme sioniste, anarchisme queer, anarchisme d'auto-gestion, anarchisme écolo... Les multiples opposés sont unis par l'individu-fondement. L'anarchisme en tant qu'idéologie n'échappe pas à la règle : les constructions idéologiques découlent de l'ontologie de l'individu. Pas seulement l'inconséquent anarchisme et son sous-prolongement pour les rebelles ignares et paresseux, le libertarisme. Le socialisme, le communisme sont des idéologies explicitement fondées sur l'individu.
En parlant d'idéologie, l'idéologie dominante du libéralisme est l'idée de domination (imperium) que l'Empire britannique sort de son chapeau pour légitimer sa domination sous des prétextes de liberté et d'échanges. Aucune innovation idéologique ou conceptuelle : le libéralisme d'Adam Smith et consorts impérialistes repose toujours sur l'individu-fondement. La conception de la liberté moderne repose sur l'individu. Quand on écoute le discours d'un ultralibéral de gauche, Jacques Attali l'Attila des idées platoniciennes, on apprend que l'oligarchie financière, dont Attali est un porte-parole futurologue (le futur d'Attali évoque les projections oligarchiques), promeut l'individu-fondement comme le progrès de la civilisation.
Attali loue l'essor de l'individualisme couplé au capitalisme et l'évoque comme un processus inévitable et indépassable, le meilleur moyen pour favoriser l'oligarchie et réduire la démocratie à la portion congrue. Quelles sont les récriminations des citoyens démocratiques pour expliquer leur dépolitisation incompréhensible et suicidaire? Nos zouaves bâtés conçoivent leur geste comme éminemment subversif et corrosif. Le vrai problème pour un individu-fondement tient à la revendication contenue dans l'anarchisme et le libertarisme : libérer l'individu du carcan collectif, de l'Etat et de toute forme d'oppression culturello-sociale.
Il s'agit en gros de faire la nique au système libéral, qui est corrompu, hypocrite et voleur. Faire la nique, je veux bien, mais en identifiant le libéralisme comme une manifestation collective et étatique, ce qui est un comble et ce qui occulte précisément la communauté idéologique entre anarchisme et libéralisme autour de l'individu-fondement. Justification de la dépolitisation a priori aberrante : il s'agit de sortir du système que l'idéologie promeut! L'anarchisme qui prétend vous sortir du système libéral/capitaliste, c'est le maoïsme qui vous délivre du stalinisme!
Cette mentalité ignorée de ses zélateurs (souvent ignares et déstructurés comme tout bon individu de la norme immanentiste) se fait explicite chez les contestataires qui se présentent comme les vrais radicaux du système démocratique libéral. Parmi les adversaires déclarés du système, le radicalisme oscille entre les indépendantistes qui déclarent sortir du système sans le changer; et les violents qui veulent changer le système par la force et contre l'avis de la majorité silencieuse et moutonnière. Les anarchistes oscillent entre ces deux catégories, contrairement aux nationalistes qui privilégient la force et qui estiment lutter contre le système alors qu'ils en occupent un créneau minoritaire et qu'ils sont des expressions de la fausse différence ou de l'opposition interne, récupérés par le système médian et nécessaire à l'équilibre du système (qui a besoin d'éléments extrémistes pour équilibrer son vente mou).
Il est toujours comique d'écouter les discours déséquilibrés des faux opposants qui croient d'autant plus lutter contre le système abominé et abominable (minable) qu'ils en répercutent les fondements. Les nationalistes sont des individualistes forcenés qui occupent leur terrain comme une part de marché anticapitaliste. Marché de dupes, où l'idéologie se fonde sur la force individuelle et la loi du plus fort, du plus charismatique, du plus rhéteur ou du plus téméraire.
La caricature de cette fausse opposition, ou opposition interne, est occupée par des figures d'intellectuels dissidents (fort médiatiques) comme c'est le cas du nationaliste de gauche Soral : en contribuant à fonder avec des chiites et des humoristes le parti antisioniste d'Ile-de-France, Soral le néo rouge-brun n'a pas seulement exhibé son parisianisme réducteur (quels que soient par ailleurs ses moyens de campagne limités). Il a montré par son antisionisme exacerbé et inconséquent qu'il travaillait pour le système mondialiste qu'il prétend combattre.
Si l'on procède à la salutaire hiérarchisation des problèmes que Soral appelle de ses voeux en héraut et écho, le sionisme n'est qu'un sous-avatar du mondialisme et de l'atlantisme. Pas l'inverse. De surcroît, s'il est mensonger d'affirmer que le sionisme n'est pas du tout un problème français ou occidental, il est tout aussi mensonger d'estimer que le principal problème français ou mondial, dans un bel élan de bouc émissarisation monodéterministe, est le sionisme. Revenons à des préoccupations moins électoralistes et sans doute moins infiltrées par les basses polices du système (que l'on prétend combattre) : la dépolitisation est le processus connexe de l'individu-fondement, que l'on pourrait faire coïncider avec la montée moderne de l'immanentisme.
L'opposition au système individualiste des membres du système s'exprime par l'accroissement de l'individualisme, soit par l'approbation du fonctionnement du système et le fait de le conforter sous prétexte de le combattre! Comment sortir du système politique si ce n'est en décryptant les rouages de la mentalité immanentiste qui nous gouverne et qui nous meut?
Tant que l'on adhère au fondement du système, l'opposition affichée est d'autant plus virulente qu'elle s'accorde avec le fondement. On peut proposer toutes les alternatives politiques que l'on veut, ou que l'on feint de vouloir, si l'on tombe d'accord sur le principe de l'individu-fondement, on est un immanentiste qui fait le jeu de l'immanentisme. Le reste n'est que chimères et fausses oppositions. Immanentiste à l'insu de son gré, comment sortir du système dont on a fait son deuil? On fait son beurre de s'opposer.
Le problème n'est pas seulement un problème de déni, savoir l'impossibilité qu'ont les populations occidentales de considérer le phénomène qui les nourrit, qui les détruit de fait et qui prospère à l'ombre du déni. C'est une faille de la logique humaine que de proposer une réforme défaillante pour sauver le fondement défaillant. C'est ainsi que Castoriadis et d'innombrables penseurs estampillés marxistes dissidents ont proposé de savantes réformes théoriques qui allaient sortir le communisme de l'ornière idéologique dans laquelle il se trouvait.
Qu'on se le dise, grâce à ces intrépides libres penseurs, le communisme allait enfin devenir viable et pérenne! On a vu le résultat. L'échec piteux est pourtant prévisible : à partir du moment où l'on conserve les fondements défaillants, toutes les corrections systémiques interviennent toujours déjà trop tard. Elles sont appelées à rater parce qu'on ne fait pas du sain avec du malsain. Le propre des contestations internes à l'immanentisme consiste à conforter le fondement pour mieux changer les résultats.
Autant conforter la cause pour transformer les conséquences. Raisonnement aberrant qui cerne ce qu'est véritablement la subversion systémique, soit la subversion du système qui conforte le système qu'elle subvertit. Subversion blanche au sens où l'on parle d'opération blanche... L'opposition interne au système conforte le système qu'elle teste plus qu'elle ne le conteste. Je te conteste parce que je te déteste : les tragédiens en particulier savent bien quel sentiment d'amour pervers entre dans cette haine inexpiable et impressionnante. Pourtant, la contestation s'appuie sur une grande revendication : la subversion. Subversion érotico-politique, dont un Bataille a pu donner le sentiment qu'elle tutoyait les cîmes de la profondeur.
On loue Sade, qui n'a que le mérite d'exprimer en une langue admirable des déviances sexuelles aussi risibles que les productions pornographiques ennuyeuses et stéréotypées. Mais la mode de la transgression sexuelle n'est que la réduplication de l'obsession individualiste. L'hédonisme se conçoit tout à fait dans l'optique de l'individu-fondement : il est normal pour un individu persuadé d'occuper la place stratégique du fondement d'en venir à exiger des plaisirs individuels. Le plaisir individuel est la preuve de la puissance individuelle. La transgression de l'individu-fondement ne peut être que d'ordre sexuel - puisque le sexe est l'expression de l'individu et de la manifestation sensible de l'individualité.
Les admirateurs contemporains de la transgression érotique sont surtout des fascistes qui s'ignorent et qui n'ont pas le courage d'admettre que l'exigence du plaisir personnel mène à la domination et au droit du plus fort. La subversion dont toutes les contestations se réclament est ainsi et toujours le rituel de la transgression envisagé comme transgression individuelle contre le collectif. Subversion exclusivement en faveur du renforcement de l'individu contre le collectif. Cette subversion considère que l'individu est le Bien et que le collectif est le Mal. Il n'y a jamais trop d'individualité et toujours trop de collectif.
La subversion désigne le renversement. La perversion, mettre sens dessus dessous - ou détourner. La transgression, franchir au-delà - de quoi? Quel Rubicon transgresse? Détourner : tourner vers où? On ne détourne qu'en renversant le sens. La transgression désigne la possibilité pour l'homme d'opter pour tous les chemins. Tout ordre est ainsi contestable et transgressable. Transgresser est un terme ambivalent qui désigne le pire comme le meilleur. La possibilité de transgression implique autant la possibilité de changer un ordre mauvais que de proposer un mauvais ordre - à un ordre plus ou moins bon.
Probablement que la subversion est un terme beaucoup moins positif que son acception voudrait le faire accroire. On subvertit quand on pervertit, tant le sens des deux termes est proche. Avec une nuance toutefois : le subversif intervient une fois que le renversement a été réalisé. Une fois la perversion réalisée. Le subversif est perversion interne si l'on veut - quand la perversion désignerait le renversement. Le subversif prolonge le processus de retournement pervers.
L'immanentisme signale le retournement de toutes les valeurs dont Nietzsche prend acte de manière tardive et dégénérée. L'immanentisme retourne les valeurs au sens où les valeurs classiques reposent sur le fondement du collectif. L'immanentisme détruit le collectif et promeut l'individuel. C'est au nom des fondements introuvables du collectif (Derrida dirait différant) que l'individu est promu, comme le fondement véritable et enfin vérifiable.
Cette découverte du fondement va de pair avec la méthode de la science moderne ou avec la découverte du Nouveau Monde. La subversion est la légitimation et l'apologie de la perversion. Mieux vaut être subversif que pervers. Mieux vaut être libertarien qu'individualiste. Le libertarien rime avec rien car il est l'individualiste bon à rien. L'individualiste vaurien. Littéralement. L'immanentisme est pervers.
Le message de Nietzsche transpire la perversion : retourner les valeurs, c'est appliquer le programme à la lettre de sens dessus dessous. Tous les sens ne se valent pas, demandez à la transgression. D'excellentes transgressions naissent de bons ordres; de fort mauvaises transgressions éclosent de mauvais ordre. L'inverse également.
L'individualisme est la dépolitisation. La dépolitisation est la subversion, la transgression et la perversion par excellence. L'homme a toujours appris qu'il ne pouvait subsister qu'en groupe. Parole d'Aristote, pourtant bien moins républicain que son maître Platon : l'homme est un animal politique. L'individu est un animal érotique. Au début, il séduit. Rapidement, il faiblit. Quand il crève la bouche en coeur, il raidit.
La politisation d'un système est peut-être la grande gageure de la démocratie. Le conflit interne de la démocratie se noue entre sa promotion de l'individu-fondement et son exigence de souci politique. L'individu ou le collectif, il faut choisir. Le dernier homme de Nieztsche n'est pas le mouton d'un troupeau prêt à sauter dans l'eau pour suivre son berger. Nieztsche le prédisait déjà : "Pas de berger et un seul troupeau ! Tous voudront la même chose pour tous, seront égaux; quiconque sera d'un sentiment différent entrera volontairement à l'asile des fous".
Le dernier homme est ce héros solitaire, cet individu épris de libération qui lutte contre le système, seul contre tous, ennemi du collectif, adversaire de l'Etat, de la politique, des institutions, des groupes. Libéral? Néo? Ultra? Trop admirable pour être un chef. Trop rebelle, trop subversif, corrosif, transgressif, fier, droit et vaillant. Libertarien? Individualiste et destructeur. Pervers et suicidaire. Libère ton rien : définition bien plus pertinente de l'individu-fondement.

jeudi 11 juin 2009

Quand l'Occident s'effondrera

"Je leur parlerai de ce qu'il y a de plus méprisable au monde, je veux dire du "Dernier Homme".

« Nous avons inventé le bonheur », diront les Derniers Hommes en clignant de l'oeil.
Ils auront abandonné les contrées où la vie est dure ; car on a besoin de la chaleur. On aimera encore son prochain et l'on se frottera contre lui, car il faut de la chaleur.
La maladie, la méfiance leur paraîtront autant de péchés ; on n'a qu'à prendre garde où l'on marche ! Insensé qui trébuche encore sur les pierres ou sur les hommes !
Un peu de poison de temps à autre ; cela donne des rêves agréables; beaucoup de poison pour finir, afin d'avoir une mort agréable.
On travaillera encore, car le travail distrait. Mais on aura soin que cette distraction ne devienne jamais fatigante.
On ne deviendra plus ni riche ni pauvre; c'est trop pénible. Qui voudra encore gouverner? Qui donc voudra obéir? L'un et l'autre trop pénibles.
Pas de berger et un seul troupeau ! Tous voudront la même chose pour tous, seront égaux; quiconque sera d'un sentiment différent entrera volontairement à l'asile des fous.
"Jadis tout le monde était fou", diront les plus malins, en clignant de l'oeil.
On sera malin, on saura tout ce qui s'est passé jadis; ainsi l'on aura de quoi se gausser sans fin. On se chamaillera encore, mais on se réconcilie bien vite, de peur de se gâter la digestion.
On aura son petit plaisir pour le jour et son petit plaisir pour la nuit; mais on révèrera la santé.
"Nous avons inventé le bonheur", diront les Derniers Hommes, en clignant de l'oeil".
Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra.

On a longtemps opposé le marxisme au capitalisme comme les frères ennemis, irréductibles et irréconciliables. Est-ce aussi certain? Depuis que les systèmes communistes se sont quasiment tous effondrés avec la chute symbolique du Mur de Berlin, on a tendance à reconnaître que le communisme n'est pas une génération spontanée, mais qu'il a bénéficié entre autres appuis du soutien des grands capitaines d'industrie - du monde capitaliste.
C'est un secret de Polichinelle encore bien gardé, c'est le secret le plus important du vingtième siècle : d'innombrables documents expliquent qui a financé la Révolution russe, puis quels accords existaient entre certains financiers/industriels et les agents communistes à une époque où officiellement il n'était pas concevable de passer des accords économiques entre les deux grands blocs ennemis. Ce que signifie cette liste d'ententes sulfureuses, c'est tout simplement que communisme et capitalisme ne sont pas des ennemis contre-natures, tout au plus des compléments antagonistes.
Le raisonnement vaut pour l'ennemi officiel du capitalisme, le fascisme qui déferla sur l'Europe et le monde dans l'entre-deux guerres. Maintenant qu'on connaît aussi les liens entre le grand capitalisme et le fascisme, il serait temps de se poser les vraies questions. Qu'est-ce que la synarchie? Qui est Mitterrand? Lazare, sors de ce corps! La réalité, c'est que toutes les idéologies sont liées par le même projet, qui est l'immanentisme. La seule correction à apporter à cette affirmation, c'est que le capitalisme n'est que l'expression économique de l'idéologie libérale, qui est la caution des menées impérialistes des Empires coloniaux européens, particulièrement de l'Empire dominant, l'Empire britannique.
Une fois que l'on a compris l'entreprise de réduction épistémologique et ontologique à laquelle se livraient ceux qui présentent le libéralisme sous les traits du capitalisme, Marx et les affidés, la vraie question est de comprendre ce qu'il y a derrière les idéologies. On comprend que des idéologues cachent leur appartenance idéologique. Mais des post-idéologues! Qu'est-ce qu'une idéologie? C'est un discours à partir d'une idée finie, soit d'une conception nihiliste et antiplatonicienne de l'idée. L'idée finie ne peut que présenter un intérêt politique, soit une application sensible, concrète et immédiate. Le reste est comme l'on dit avec dédain spéculation au sens métaphysique.
On méprise tant la spéculation d'ordre philosophique qu'on a recyclé avec bienveillance ce terme pour désigner la spéculation d'ordre économique, soit la plus mauvaise idée que l'homme ait eue en matière d'application pratique, dont l'homme est en train de vérifier la nocivité à l'aune de la crise systémique qu'il traverse - et qui ne cessera que lorsqu'il aura tourné la page du nihilisme moderne : l'immanentisme.
L'idéologie ne survient que comme trame apparente de l'immanentisme, soit du nihilisme moderne. L'immanentisme considère que le reél équivaut au sensible. C'est dans ce monisme fallacieusement uniciste et réellement dualiste (sensible/néant) que l'idéologie intervient. L'idéologie repose sur une conception erronée de l'ontologie, soit du reél. On s'étonne souvent de la faillite des idéologies. Le communisme l'a prouvé, mais le libéralisme est aussi mort. Il est mort à partir du moment où les banquiers ont demandé l'aide des États qu'ils rejetaient précédemment au nom du laissez-faire cher à Turgot et Cie.
La faillite d'une mauvaise méthode est inévitable. La faillite de tout type de nihilisme est inévitable. La faillite de l'idéologie est inévitable. La faillite du nihilisme est inévitable. On admet en bons libéraux libérés que la faillite de l'idéologie communiste était inévitable, en omettant de préciser que les productions idéologiques ne se limitent pas au seul communisme, mais que c'est le champ intégral du politique qui est idéologisé. Et l'idéologie libérale? Il faut vraiment se montrer naïf pour ne pas voir qu'outre le communisme, il existe d'autres idéologies, dont le soi-disant antagoniste - en réalité complémentaire.
Le sionisme est une idéologie de nature hybride et inférieure au duo infernal communisme/libéralisme, puisqu'elle ne concerne qu'un sous-aspect du problème immanentiste. La conclusion qui s'impose, c'est que la faillite du communisme est la première faillite idéologique et que toutes les idéologies doivent suivre selon le modèle de l'effondrement. Le communisme s'est écroulé en premier parce qu'il pariait sur la possibilité de faire progresser le système politique de l'immanentisme.
Face à l'impossibilité de son modèle d'utopie, il s'est essoufflé, puis après des années de déni, s'est estompé. Le libéralisme n'est pas en reste. Il repose sur l'erreur selon laquelle le progressisme immanentiste est une erreur. Selon le libéralisme, le réel est bon. Le système politique est bon. Il suffit de laisser faire. Conception absolument paresseuse et simpliste du reél! Que rétorquerait-on à un paysan qui vous explique que son champ se cultive naturellement et qu'il suffit de laisser faire?
Qu'il est fou? Qu'il est paresseux? Qu'il est libéral? Qu'il détient une méthode révolutionnaire? Au passage, c'est ce genre de raisonnement dont nous gratifie depuis trente ans l'Education nationale française, où derrière le déni et l'égalitarisme doré, l'idéologie pédagogique laisse faire au nom des méthodes nouvelles : faire travailler l'élève avec un minimum d'efforts personnels. Tout un programme. Des théories à renouveler tous les trois ans, des programmes recyclables et dégradables...
Résultats garantis? Cette application de l'idéologie à la pédagogie est tout aussi catastrophique que les résultats du communisme ou du libéralisme. Ceux qui croient que le libéralsime a toujours existé manifestent une ignorance aussi superficielle que leur intelligence. Ceux qui déduisent de l'éternité passée l'éternité future (ce qui est un raisonnement a priori juste à partir de ce postulat faux...) sont des candides qui feraient mieux de cultiver leur jardin, en particulier leurs connaissances historiques manifestement déficientes.
Peut-être pourrait-on sans impertinence avancer que l'ignorance historique des populations occidentales actuelles n'est pas sans lien avec l'effondrement du système scolaire de l'Occident, où l'inégalitarisme s'est d'autant plus accentué qu'il était fonction de l'effondrement abyssal du niveau général (la progression de matières nouvelles/récentes n'entrant bien entendu pas en ligne de compte)?
Si l'on comprend :
1) que le libéralisme s'est effondré depuis le symbole du 911;
2) que les deux principales idéologies libéralisme/communisme se sont effondrées;
on cerne pourquoi on assiste à la réunion bizarre des deux anciens ennemis, le communisme et le libéralisme depuis 2008. On nous explique en effet que pour remédier à la crise actuelle, qui n'est qu'un mauvais passage transitoire n'est-ce pas (lol? mdr? ptdr?), il suffit de proposer une gouvernance mondiale fédératrice et consensuelle. Con et sensuel? Un État mondial qui allierait le libéralisme et le communisme! Youpie! Badaboum? Krach boum hue?
La solution miraculeuse : État fort au sens communiste; mondialisme au sens libéral. La destruction des États-nations est appelée de ses voeux par les ultralibéraux qui se réclament de l'héritage libéral et qui probablement en sont les continuateurs - même si l'ultralibéralisme n'est que la dégradation mutante du libéralisme historique. L'État-nation est la forme moderne de l'Etat, qui incarne le dépasseement des intérêts privés. Définition à ne jamais oublier.
Ce n'est pas l'exigence d'un État fort qui est étrangère au libéralisme. Au contraire, les libéraux réclament un État fort, un État qui ne marcherait pas sur les plates-bandes des entreprises (dans tous les sens du terme) individuelles. C'est le recours en cas de faillites des intérêts privés qui constitue la trahison mortelle de l'idéal libéral. L'État n'est plus le substitut des intérêts privés, mais leur secours et leur régulation. Recourir à l'Etat quand les intérêts privés défaillent, c'est admettre que le principe du libéralisme ne fonctionne pas.
C'est pourquoi l'idée de postlibéralisme commence à germer dans les cervelles des victimes de l'immanentisme (de plus en plus putride et rance à mesure qu'il agonise). Comme les oligarques n'ont pas de théorie(s) de remplacement disponible(s) pour succéder au libéralisme, formes ultra, néo, ou quelque autre forme que ce soit, nos chers experts de mentalité oligarchique, parfois à la solde directe des oligarques, en viennent à faire des combinaisons de ce qui existe déjà. C'est le choix qu'ont tous les faux créateurs face à la création. Quand ils ont atteint le seuil de l'excellence mimétique, qui leur confère la légitimité académique et la reconnaissance sociale, leur vanité les pousse à déclarer qu'ils vont créer à partir de leur savoir titanesque.
Comme ils en sont incapables, ils recourent au subterfuge de la pseudo-création mimétique, qui n'est que du mimétisme - et en aucun cas de la création. Nos experts innovent en ce qu'ils produisent des mélanges bizarres à partir de ce qui existe déjà. Nous avons le cas des historiens de la philosophie qui innovent dans le domaine des idées en mélangeant les idées passées. Malheureusement, le mélange de ce qui est passé ne produit rien de neuf.
Pour une raison logique : quelles que soient les combinaisons du donné, la différence vient d'un ajout par rapport au donné, pas du donné lui-même. C'est ainsi que les historiens de la philosophie ne parviendront jamais à créer de différence conceptuelle en combinant Spinoza et Nieztsche - ou Spinoza et Kant. Il faudra l'expliquer à Deleuze et Confrères (entreprise postmoderne déposée). C'est ainsi que les formes politiques appelées à succéder aux idéologies ne viendront pas du donné et du passé.
Oublions les impostures méthodologiques et décryptons ce que signifie le mélange du libéralisme et du communisme dans l'exigence de gouvernement mondial. Le salut ou les salades des salauds? Bien entendu, c'est la faiblesse insigne des élites qui les pousse à se recroqueviller sur leurs privilèges et à proposer un accroissement du pouvoir pour résoudre l'affaiblissement du pouvoir. Comme si l'accroissement du pouvoir affaibli n'engendrait pas l'accroissement tragique et conséquent du pouvoir déjà affaibli. Le serpent qui se mord la queue, en somme...
Il existe une contradiction dans les termes du mélange libéral/communiste : il n'est pas possible de cumuler l'Etat et l'intérêt privé. Le propre de l'Etat est de remplacer les antagonismes privés.
a) Dans le libéralisme, l'intérêt privé dépasse l'Etat. L'État n'est fort que pour régenter les intérêts privés. L'État n'est plus l'incarnation suprême du politique, mais un service d'harmonisation au service des intérêts privés, avec pour mission de développer les intérêts privés.
b) Dans le communisme, l'Etat présente certes une suprématie d'apparence classique, mais en fait la suppression des intérêts privés préserve l'individu sous prétexte de créer un homme nouveau. C'est l'incohérence du communisme que de faire coexister l'Etat et l'individu. Où l'individualisme retrouve ses lettres de noblesse immanentistes...
C'est une exigence idéologique, puisque l'ontologie immanentiste trouve son fondement fini/sensible dans l'individu - qui est ce qu'on ne divise pas. Le libéralisme dépasse la contradiction État/individu impossible à surmonter avec son passe-passe du laissez-faire, mais ce laissez-faire repose sur l'option grossière de l'équilibre spontané du reél. Qu'il y ait nécessairement quelque chose, certes, mais qu'il y ait nécessairement le monde de l'homme? Argutie qui n'explique rien du tout et qui élude l'essentiel!
L'association des deux idéologies qu'on nous présente comme le remède miraculeux après les avoir opposées laisse apparaître a posteriori leur complémentarité historico-ontologique. Cependant, il faudrait savoir : soit l'Etat, soit l'individu. Si l'on ne choisit pas, on coule sous peine d'adhérer au principe rédhibitoire de la contradiction! Souvenons-nous que ce sont les intérêts oligarchiques qui proposent cette fausse solution. C'est qu'ils comptent garder la mainmise politique dans cette alternative fallacieuse de système, parangon de compromis et d'autocritique. Dans leur mentalité dominatrice, l'État mondial accroîtra leur pouvoir tout en permettant à leurs seuls intérêts de dominer l'Etat.
Le privé qui domine l'Etat est l'oligarchique. Cette restriction de l'influence privée à l'oligarchie corrige-t-il le défaut du libéralisme? La correction réduplique l'erreur postulant que le fondement du reél réside dans l'individu (et dans son expression privilégiée : les factions en lieu et place des nations). Il n'est tout simplement pas possible de faire de l'Etat un outil de régulation au service de l'individu car l'Etat est soit au-dessus de l'individu, soit au service de l'individu. Si tel est le cas, il est au service des groupes d'individus les plus forts.
Cette conception de l'Etat détruit l'Etat et n'en conserve que la coquille vide de l'outil. Elle exprime l'instrumentalisation oligarchique de l'Etat. Il est instructif que le modèle auquel se réfère l'oligarchie est le modèle chinois. On parle pour le modèle chinois de capitalisme d'État. C'est dire que le libéralisme oligarchique a trouvé son incarnation dans l'évolution du modèle communiste maoïste vers le libéralisme dirigé.
Ne cherchons pas plus loin l'apologie que les forces oligarchiques libérales atlantistes dressent dès les années 70 du maoïsme. Le représentant oligarchique David Rockefeller Sr., qui n'est pas le maître du monde, juste le représentant des intérêts Morgan (c'est moins glorieux, c'est plus réaliste), a écrit un article significatif à ce sujet, louant de manière incompréhensible pour un capitaliste forcené l'oeuvre inoubliable et inégalée du Président Mao.
Pourquoi l'éloge du communisme le plus meurtrier par un libéral ennemi? Ce n'est pas le but égalitaire que revendique l'oligarque Rockefeller, pantin de l'oligarchie atlantiste. C'est l'association de l'étatisme et du capitalisme. La résurgence de cette association étrange et oxymorique montre que l'oligarchie ne voit pas d'un mauvais oeil l'effondrement du libéralisme classique sous sa forme extrême d'ultralibéralisme (théorisé par Hayek et ses comparses et appliqué par Friedman et l'Ecole monétariste de Chicago).
L'évolution idéologique chinoise est même conçue comme un modèle précurseur et une source d'inspiration. Si l'on revisite l'histoire contemporaine de la Chine, on se rend bien compte que l'évolution du maoïsme vers le libéralisme d'État ne suit pas un cours spontané, mais se trouve ardemment soutenue par les formes du libéralisme atlantiste. Les Chinois sont les alliés des atlantistes, n'en déplaise aux propagandistes qui agitent des peurs de vilaine nature en se récriant devant l'épouvantail du Péril Jaune.
La Chine n'est jamais que l'arrière-cour de l'impérialisme occidental. Elle fabrique à prix cassés (esclavagisés) les produits que l'Occident ne veut plus produire, lui qui s'engage vers des sociétés de service et qui délaisse toute activité industrielle. Non seulement la Chine dépend de son marché extérieur occidental de manière indéfectible, mais encore le modèle chinois, entre libéralisme et collectivisme, recoupe les programmes stratégiques du NOM.
Dans ces conditions, la chute du libéralisme prévoit son remplacement par une extension du modèle chinois à l'Occident, la baisse sévère du niveau de vie occidental, notamment justifiée par les fameux impératifs écologiques malthusiens et par les préoccupations individualistes de ses populations moutonnières et antipolitiques (plus on est moutonnier, moins on est politisé). Les milieux oligarchiques, qui sont les descendants historiques des milieux synarchiques de la première moitié du vingtième siècle, se trompent pourtant, n'en déplaise à leur sentiment diabolique de toute-puissance et d'omniscience, car ils parient sur la pérennité du modèle idéologique chinois, qui réunit et recoupe le communisme et le libéralisme.
La Chine est-elle un zoo idéologique? Un laboratoire d'idées finies? On ne fait pas du neuf avec du vieux. Contrairement à l'adage conservateur, il appert que l'immanentisme n'est plus renouvelable et qu'il est arrivé au carrefour de son programme destructeur.
- Soit l'homme demeure dans le nihilisme, dont les formes d'expression branchées sont le libertarisme ignare et décadent - et il disparaît;
- soit l'homme évacue le nihilisme et se tourne vers l'espace - il se renouvelle.
Il est probable que les contradictions du nihilisme réveille l'instinct de survie humain et le contraigne à un sursaut vital. Abandon des idéologies, création d'un courant de fond religieux qui prenne la place du transcendantalisme et qui rende l'immanentisme obsolète et caduc. L'homme retrouve une identité, un sens, une valeur. Il cesse de justifier le pire sous prétexte du pitre. L'Occident disparaît, parce qu'il en est au stade terminal où il promeut les formes de plus en plus mortifères de sa dégénérescence. Nieztsche décrivait de manière prophétique, en tant que prophète immanentiste justement dénié et présenté comme philosophe, le dernier homme, le nihiliste intégral qui confond son plaisir individualiste avec le sens de l'existence.
Il me semble qu'on peut identifier le libertarisme comme cette expression ridicule et pétrie de contradictions. Le libertarien est cet individu qui est d'autant plus malheureux qu'il est incapable d'agir et qu'il se meut dans l'apparence la plus intenable. L'incarnation du libertarien? Dany Cohn-Bendit, démagogue issu des pires influences de Mai 68 et qui a eu la cohérence d'associer son libertarisme avec l'écologisme et le libéralisme.
Ce triptyque détonant, qui aurait de quoi assommer un Socrate (réputé solide au combat et à la boisson), est pourtant parfaitement conséquent. De la même manière que la différence libertarienne se conjugue harmonieusement avec la prévisibilité ultralibérale, le libertarisme est l'allié objectif du libéralisme. Un piège exténué et faiblard pour geignards prétentiards et perdus. Éperdus? En attendant l'absolution et la rédemption de l'espèce par l'espace, il faudra expliquer au libertarien qui ne songe qu'à sortir oublier (qu'il va mourir) qu'il est l'allié objectif du libéral d'obédience postmaoïste (qui ne pense qu'à mentir). DSK va vous l'expliquer bientôt.