mardi 30 novembre 2010

Un culte

Qu'est-ce que la culture? C'est l'Un. Et qu'est-ce que la contre-culture? C'est le multiple. L'Un désigne le fait que le réel est unique. Aussi bien cette unité signifie-t-elle profondément que l'Un n'est pas la nécessité, soit le fait que les choses soient déterminées à l'avance. Car cet Un nécessaire débouche sur l'impossibilité contradictoire de l'unité dans le schéma de la nécessité : si l'Un est écrit à l'avance, il faut bien qu'il soit écrit par quelque chose ou quelqu'un. De ce fait, la nécessité n'est pas compatible avec l'unité, comme le montre le schéma nihiliste, tel qu'il est théorisé par Démocrite (avant qu'il ne soit à peine modifié par Aristote).
Le fondement du nihilisme, c'est l'antagonisme duel, qui s'oppose à l'unité du réel. Distinguons entre unité et unicité. Car c'est par cette confusion que la nécessité peut sembler de l'unité, alors qu'elle est de l'unicité. L'unicité distingue l'idée qu'il n'est qu'une forme de réel, soit que ce que l'on nomme réel et unique. C'est ici qu'entre en jeu la mauvaise foi - le sophisme : qu'appelle-t-on réel? Les nihilistes à la suite d'Aristote vous expliqueront que le réel est le physique (phusis). Dès lors, l'unicité du réel entendu comme le fini aménage insidieusement mais irréfutablement l'existence d'un complément nécessaire à ce réel.
L'unicité va de pair avec le dualisme. Mais le dualisme ne s'accommode pas de l'unité. Car l'unité entend que tous les éléments du réel soient unis entre eux, autrement dit compatibles, ou encore qu'il ne puisse exister une quelconque partie qui ne soit pas unie avec les autres parties. Évidemment, les nihilistes objecteront que le néant (rien) ne relève pas de l'existence - d'une quelconque partie. Mais justement, l'unité contredit cet antagonisme entre ce qui est et ce qui n'est pas.
L'unité implique que la considération de ce qui n'est pas ne puisse être antagoniste à ce qui est. Par ailleurs, l'unité implique secondairement que le lien soit la caractéristique commune à tous les éléments du réel. Les éléments qui composent le réel peuvent être fort hétéroclites, dissemblables; la structure du réel peut fort bien reposer sur une absence d'unicité ou d'homogénéité (contredire de manière capitale le schéma transcendantaliste usuel dans l'histoire); il n'empêche que le réel est un - Un.
Cela implique que l'idée de fixation (le figé) ne soit compatible qu'avec la multiplicité, quand la dynamique chère à l'école platonicienne n'est compatible qu'avec l'unité. Il n'est pas d'unité fixe, écrite à l'avance. D'où la leçon sur la structure du réel : la dynamique de l'Un implique que l'unité ne procède pas d'un lieu stable et figé, mais au contraire que cette dynamique provienne d'une absence de lieu. L'Un ne désigne pas un lieu, mais un état. C'est ce qu'estimaient les néoplatoniciens, selon qui l'Etre engendre le changement (ils font remonter d'un cran l'Un en l'identifiant au non-être entendu comme Dieu).
C'est dans un schéma de type monothéiste que l'on en vient peu à peu à identifier le changement comme l'expression attitrée de l'Etre, parce que l'immobilité renvoie à ce qui est le morcelé, l'éclaté, le multiple. L'erreur de la nécessité qui débouche sur l'apologie de la multiplicité, c'est la pensée de Rosset, sorte de symptôme emblématique de l'immanentisme terminal - tellement plus représentatif de cet mentalité, plus cohérent à sa manière, dans l'éloge transie de l'incohérence et de l'irrationalité, qu'il n'est pas considéré comme postmoderne par les postmodernes eux-mêmes.
Rosset s'émerveille de la vision plotinienne, parce qu'il escompte récupérer cette intuition foudroyante et irrationnelle pour la plaquer sur sa multiplicité et exclure l'Un cher à Plotin. Cette subversion du néoplatonisme (en particulier de son représentant le plus valeureux) au service du multiple travestit en unicité la nécessité. Pourtant, Rosset lui-même accrédite le lien entre nécessité et multiplicité - également entre nécessité et unicité. Car le fait de reconnaître que la vision plotinienne de l'Un est la même que la sienne, à ceci près qu'il défend plutôt la vision du multiple, indique que la multiplicité est la seule possibilité cohérente au sein de la nécessité.
Ce qui est nécessaire ne peut être que fini. Cette identité indique que pour programmer, même de manière hasardeuse et aveugle (ce qui est un moyen de botter en touche le problème de la causalité) le réel, il convient de le normer de manière finie. L'infini ne saurait être nécessaire. L'existence irréfutable de l'infini, contre lequel butte la rhétorique d'ensemble du nihilisme, d'Aristote à Spinoza, en passant par Descartes, réfute la validité de cette thèse.
La culture porte la thèse de l'Un, qui énonce l'unité du réel plutôt que son unicité. La contre-culture est un terme bien choisi en ce qu'il exprime cet antagonisme entre ce qui est et ce qui n'est pas. Du coup, si la culture tend vers l'infini, la contre-culture en tendant vers le fini tend aussi vers la multiplicité de ses chapelles. C'est ce qu'on remarque avec le caractère aussi médiocre que foisonnant de toutes ces productions contre-culturelles, qui ont pour effet comique de se réclamer de l'authenticité, chacune à l'opposé des autres.
Toutes sont d'autant plus uniques qu'elles se ressemblent. En même temps, il est prévisible que ce qui se montre médiocre et multiple concorde avec les caractéristiques qui le déterminent. L'unité de la culture s'oppose à la multiplicité des contre-cultures. Non que cette unité signifie son unicité, mais au contraire qu'elle signale que la multiplicité des points de vue culturels trouve son unité dans leur adhésion commune à l'infini. Tandis que la multiplicité des contre-cultures va de pair avec le caractère coupé, schizoïde, de leur manifestation. Quand on constate cette multiplicité pratique, on ne peut s'empêcher de constater que la dualité théorique qui la soutient n'est pas viable.

dimanche 28 novembre 2010

Chemin qui mène à part

Toute vérité est bonne à dire.

L'inclination banale et courante porte à estimer que ce qui advient est l'expression de la logique, voire de la justice, alors qu'en lieu et place de ces deux caractéristiques nobles, les consciences s'inclinent devant la vieille et arbitraire loi du plus fort. Comprenne qui pourra. Voilà l'extrait-vidéo de la campagne présidentielle de Jacques Cheminade en 1995. Il dure plus de vingt minutes, mais il a le mérite de rétablir quelques vérités derrière le torrent de calomnies expédiées contre cet homme :


Le paradoxe dans cet extrait-vidéo est que le candidat communiste Marchais est invité sur les plateaux de télévision pour dénoncer le conservatisme censeur de ses ennemis politiques alors que le communisme va bientôt s'effondrer. Moralité : Marchais ne propose rien d'alternatif au système qu'il combat (qu'il appelle l'ordre capitaliste et auquel il oppose son idéal de communisme). Moralité seconde : quand on propose une alternative effective, le système vous censure - ne vous invite pas.
L'alternative consiste à identifier adéquatement qui sont les vrais opposants - des faux. Les vrais opposants proposent des alternatives pour sortir du système, quand les faux opposants ne proposent rien de valable - d'existant. La nouveauté sera toujours décriée, calomniée et combattue. A l'aune de ce critère historique, nous avons une série de nouvelles qui pourraient sembler triviales, alors qu'elles sont capitales pour révéler le moment de débâcle systémique dans lequel nous nous trouvons.
Toutes les positions politiques majeures s'effondrent, parce que toutes sont reliées au libéralisme. Bien entendu, les positions libérales explicites sont visées. Mais aussi la récupération des idéologies collectivistes par le libéralisme : ainsi du socialisme qui a trahi l'idéal de Jaurès pour se trouver subverti par le poison Mitterrand. Le grand secret des idéologies passées, c'est qu'on a présenté à l'homme contemporain l'alternative au libéralisme identifié au capitalisme. C'était le marxisme - et ses applications politiques afférentes, comme les communismes.
Marx reprend les dogmes du libéralisme pour les dépasser. Comme le libéralisme repose sur des erreurs impérialistes, les corrections marxiennes reprennent les erreurs qui obscurcissent les corrections proposées. En réalité, le communisme comme renversement dialectique du capitalisme est une erreur, une impasse, voire une imposture et un mensonge. L'héritage de Marx n'était pas viable pour critiquer le libéralisme. Raison pour laquelle le communisme s'est effondré - l'hégémonie du libéralisme a pu laisser penser que le monde était multipolaire et que la fin de l'histoire était arrivée.
La fin de l'histoire libérale, oui. Face à ce désastre où la propagande (médiatique) travestit la réalité, toute alternative au libéralisme se trouvera impitoyablement critiquée, calomniée, éreintée par les sbires du libéralisme. Si vous pensez que le libéralisme exprime la quête de la liberté, sa vraie face promeut l'impérialisme commercial au service de la Compagnie des Indes britannique (la main invisible). De même que le communisme est la correction révolutionnaire du libéralisme, de même nous vivons dans une autre illusion consécutive, plus large et fondamentale, qui tient à l'amalgame entre libéralisme et capitalisme.
Le capitalisme définit un mode d'organisation économique, quand le libéralisme propose une certaine conception commerciale du capitalisme. L'on peut être capitaliste sans être libéral. Sans doute trouvera-t-on d'autres formes d'organisation économique que le capitalisme. Le préjugé de l'heure identifie capitalisme et libéralisme parce que la plus performante organisation économique moderne se nomme capitalisme. Le mérite lucide distinguera entre capitalisme et libéralisme à l'heure où la propagande libérale établit une équivalence complice et maligne entre les deux termes.
Quant à la complicité sourde et obvie, elle prône la dépolitisation face à des sujets aussi complexes qu'inutiles. Pendant qu'on se désintéresse des thèmes politiques, ceux qui sont intéressés à l'impérialisme agissent activement sur la scène désertée. Les dépolitisés sont ainsi les complices des libéraux qui dominent actuellement et qui sont en passe de détruire le système politique. Si on poursuivait cette attitude de dépolitisation, qui est une forfaiture pour la démocratie, on aboutirait à une situation de chaos irresponsable qui en dit long sur l'identité des dépolitisés (entre bêtise et nihilisme).
Force est de constater que les dépolitisés expriment l'irresponsabilité, l'irrationalité, trop souvent la médiocrité intellectuelle et morale. Quant aux libéraux, leur tactique est limpide : tout ce qui ne participe pas au moins indirectement de leur dogme sera classé à l'extrême-droite, une classification qui exclut, marginalise, discrédite et qui en dit long sur l'intolérance d'un milieu qui se réclame de la tolérance - pour peu qu'on pense comme lui. Ce ravalement grotesque et immotivé à l'extrême-droite a certes valeur de discrédit total, mais pas seulement : il s'agira aussi d'indiquer que dans l'échiquier politique façonné par le libéralisme, toutes les opinons ont leur cours - que le libéralisme est capable de comprendre en son sein toutes les idées, toutes les options, toutes les opinions.
Affirmation tendancieuse de la démesure : le libéralisme exprimerait rien moins que la totalité des opinions. Le libéralisme total est l'avatar du mythe de la complétude - du désir. Cette insinuation est bien entendu totalitaire. Comme quand un idéologue ultralibéral insinue qu'après la chute du communisme (soit l'alternative intérieure au libéralisme présentée commeextérieure), nous aurions atteint la fin de l'histoire. C'est une stratégie typique de la mentalité hégélienne que de produire un schéma dans lequel le changement est contenu dans le système. C'est la méthode ternaire de l'Aufhebung, qui constitue une négation de la méthode dialectique socratique, selon laquelle le changement est extérieur au système - le seul moyen d'y parvenir est le dialogue.
La méthode dialectique hégélienne et son application idéologique marxienne sont la subversion contemporaine (la trahison) de la dialectique classique de type socratique. Un cran au-dessus dans le processus de subversion de la dialectique classique, on trouve le chaos constructeur d'un Nietzsche, repris par l'élite intellectuelle (ramassis de médiocrité mimétique et prévisible) contemporaine et délirante (triomphante). Quant au libéralisme, outre que c'est une idéologie qui exprime la réduction de la philosophie à l'idéologie, il reprend la méthode du totalitarisme consistant à faire passer la partie pour le tout.
C'est donc un dérivé d'immanentisme, puisque le propre de l'immanentisme présente le désir comme complet. Le libéralisme applique cette variante ontologique (de nature éthique) en laissant entendre que toutes les options idéologiques sont contenues dans son système, ce qui est une manière de clore le débat - sans l'avoir résolu. Le libéralisme énonce la fin de l'histoire au sens où il contient toutes les options humaines possibles dans le champ politique. Plus exactement dans le champ idéologique.
Cette prétention démesurée et totalitaire, qui indique que la fin se rapporte au terme, se trouve confirmée par les idéologies dérivées de la pensée marxienne, qui confondent (fondent) libéralisme et capitalisme. Maintenant, que l'on revienne à un fait significatif, qui ne prend son sens que dans cette distinction entre libéralisme et capitalisme. Je vise le traitement méprisable infligé d'ordinaire aux larouchistes, qui distinguent justement entre capitalisme et libéralisme. Serait-ce la raison de leur ostracisation virulente et des calomnies invraisemblables qu'ils charrient, une fois qu'on a vérifié qu'ils n'étaient ni extrémistes, ni sectaires? C'est comme si dans le domaine privé un gêneur innocent se trouvait affublé de la réputation discréditante (et significative) de violeur ou de pédophile...
En 1995, lors des élections présidentielles qui virent la victoire finale de Chirac (et l'accession au second tour du candidat nationaliste poujadiste Le Pen), le candidat Cheminade reçut en guise de présentation médiatique démocratique et libérale un torrent d'insultes risible et débile. C'est ça, le reflet de la liberté libérale? On entendit à la télévision le journaliste Gérard Carreyroux (un modèle d'indépendance et d'intelligence) demander à Cheminade pourquoi il était antisémite; on lut un article du Monde (le quotidien de référence des bobos bien-pensants) insinuant que Cheminade était un candidat d'extrême-droite subventionné par le régime baassiste irakien de Saddam Hussein.
Passons sur la gravité des calomnies. Derrière l'hystérie qui indique à quel point on ment et on travestit sur l'essentiel (ce qui dérange) dans notre belle démocratie libérale, les galéjades recèlent une dimension profondément comique, tant elles reposent sur l'affabulation. Les comptes de campagne de Cheminade furent rejetés par le Conseil constitutionnel français, qui valida les comptes de Balladur et Chirac. L'opinion publique et les médias ne pipèrent mot. Quant au petit candidat Cheminade, il se retrouva ruiné et méprisé - et c'était bien mérité : après tout, n'était-il pas un trouble néo-nazi proche du gourou sectaire LaRouche, quelqu'un qu'il fallait fuir dare-dare et qui méritait son sort funeste?
C'est ici (notamment) que l'on mesure à quel point les membres des démocraties libérales occidentales sont responsables de la chute qu'ils subissent en ce moment : car c'est Cheminade qui avait raison et ils n'ont rien dit; comme des moutons, ils ont oscillé entre dépolitisation et condamnation, au nom de la loi du plus fort; la bêtise moutonnière provient du jugement mimétique. Maintenant que nous sommes en 2010, il flotte comme un parfum de justice immanente. Le système s'effondre, comme Cheminade l'avait prévu en 1995, à cause de la désintégration du cancer financier centré autour de la City de Londres; et surtout, la vérité commence à apparaître.
Dans un article du Monde paru le jeudi 26 novembre 2010, les journalistes Raphaëlle Baqué et Pascale Robert-Diard reconnaissent que les comptes de campagne de Balladur et Chirac étaient truqués, et que c'est Cheminade, le petit candidat avec 0,28% des suffrages au premier tour, qui n'a pas été remboursé. Même commentaire dans une dépêche de l'AFP, qui est connue pour reprendre factuellement (superficiellement) les nouvelles favorables au pouvoir occidental :
http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5hJjONLnRrc5-Hc4OKawV2-JEML7w?docId=CNG.c2ee98aa6da1a035e0dd89939ef9af8d.c1
Encore plus étonnant dans la reconnaissance tardive : le crypto-nationaliste Zemmour, invité de tous les médias à l'heure où les extrémistes fleurissent dans notre joujou libéral fin de règne, dans une chronique sur la grande radio RTL, se livre au même type de commentaire soudain honnête (du moins en partie) :
http://videos.rtl.fr/video/iLyROoafZhWv.html
Zemmour est connu pour ses positions en faveur de l'impérialisme romain, dont la France serait le prolongement historique; tant Le Monde que l'AFP n'ont pas ménagé Cheminade, déversant sur sa réputation les mêmes flots de mensonges et d'erreurs avariées. Aujourd'hui, ils commencent à reconnaître l'essentiel, sans aller jusqu'au mea culpa : que Cheminade a été victime des très graves habitudes de corruption des institutions françaises et que c'est au moment où ces institutions s'effondrent, ébranlées par la crise terminale du libéralisme porteur, que l'on commence à sortir la vérité autour de Cheminade.
Le scandale est aussi une habitude. L'homme honnête se retrouve ruiné, alors qu'il est le seul à avoir osé dire la vérité. LaRouche emprisonné, calomnié et persécuté - pour les mêmes motifs. Pendant ce temps, la plupart des citoyens d'Occident n'ont rien dit, préférant ne rien comprendre et suivre les propagandes mensongères qu'on leur serinait à longueur de temps dans les médias dominants. Les citoyens d'Occident se sont couchés devant le libéralisme, tant le libéralisme représentait l'avatar contemporain de la loi du plus fort.
Cette manière de commettre l'injustice politique rappelle le précédent de Jésus, qui fut mis à mort par les Romains et les représentants du Sanhédrin, à ceci près que Cheminade est un homme politique, quand Jésus était une figure religieuse. La vérité finit toujours par sortir, surtout quand elle se trouve au départ maltraitée. C'est le signe que plus ce qu'on dit est vrai, plus le chemin de la reconnaissance s'avère long, cruel et sinueux.

P.S. : j'apprends par une dépêche du site de Solidarité et Progrès que deux agressions physiques ont été effectuées contre des équipes françaises de larouchistes depuis la reconnaissance médiatique de l'injustice perpétrée à l'encontre de Cheminade. En quelques heures donc. Comme d'habitude dans ces histoires de manipulation, les violences ont été réalisées pour des motifs antifascistes, alors qu'ils sont mus par l'état d'esprit le plus fasciste qui soit. Outre l'aveu de faiblesse qui se tapit derrière l'intimidation, il convient de réaliser que le caractère physique des agressions implique la reconnaissance négative, violente, déniée du phénomène attaqué. Qu'est-ce que le physique, si ce n'est le plus immédiat, le plus explicite signe de reconnaissance? En agressant physiquement, les nervis manipulés, sans doute desantifas primaires manipulés par des groupes à l'opposé des convictions qu'ils affichent, avouent à rebours la vérité : que les larouchistes ne sont pas des fascistes, mais des capitalistes progressistes injustement martyrisés parce qu'ils proposent une alternative capitaliste au libéralisme moribond. Pis, ils reconnaissent que le libéralisme qui les meut et qu'ils attaquent dans leur incompréhension se trouve dans un état d'agonie qui justifie les pulsions de violence incontrôlée et désespérée, en particulier les leurs. Comment dit-on - suicidaire?

vendredi 26 novembre 2010

La privatisation du public

Le grand phénomène auquel est confronté notre monde d'immanentisme, c'est le symptôme de la privatisation du public. Par privatisation, on entend d'ordinaire les vagues de privatisation qui réduisent les services publics pour faire gagner de l'argent à l'Etat. Plus le temps passe, plus on se rend compte de l'arnaque, surtout quand au nom du libéralisme et de la liberté mal comprise, on privatise des secteurs régaliens comme les énergies.
Mais allons plus loin. C'est de privatisation totale dont il s'agit. De privatisation totalitaire. Qu'est-ce que le fascisme? C'est quand les intérêts privés s'emparent du contrôle de l'Etat, une dérive qui est inscrite au coeur du libéralisme en tant que processus impérialiste masqué. Le fascisme exprime la privatisation du public, soit le fait que le public censé appartenir à l'intérêt général soit contrôlé en fait par des cercles oligarchiques.
Nous en sommes au point où les institutions publiques manquent de tomber sous la coupe d'intérêts privés. Définition du fascisme... Nous nous trouvons dans une période de préfascisme pouvant amener un possible fascisme universel - dont les formes seraient différentes et inédites, sans doute plus ultimes que les formes qu'a prises le fascisme historique, encore circonscrit par les Etats-nations. Ce préfascisme recoupe aux Etats-Unis les idéologies qui soutiennent l'ultralibéralisme, de l'extrême-droite néoconservatrice aux libertariens en ajoutant les ultralibéraux démocrates, proches en France d'un DSK.
Si l'on s'émeut de l'éventualité palpable d'une privatisation totale de la société, c'est l'inflexion qui pourtant pend au nez. On se soucie guère de la dérive radicale d'un processus dont nous sommes les parties intégrantes - quoique peu intègres. On s'effraye de l'élection des libertariens et autres ultraconservateurs assimilés, sous le vocable de Tea party, aux mouvements de protestation dépolitisés (et peu sensés) de millions de citoyens américains qui en ont assez que leur niveau de vie s'effondre et que leur pays, première puissance du monde, tombe si vite dans la tiers-mondisation.
Ces libertariens d'extrême-droite qui promeuvent l'Etat minimaliste ne sont pas si éloignés des ultralibéraux et autres néoconservateurs, et l'on peut distinguer un geste désespéré dans leur élection, comme si les libertariens pouvaient être des opposants au libéralisme - sauce progressiste ou conservatrice. En réalité, les libertariens sont les opposants idéaux qui légitiment les mesures d'austérité draconienne que les libéraux modérés ne peuvent entériner, surtout s'ils sont progressistes (comme Obama l'hypocrite qui n'aura tenu aucune de ses promesses de campagne). Que l'on relise un théoricien du minarchisme comme Nozick, qui flirta depuis le libertarisme avec le libéralisme.
Si l'on doute de cette parenté entre libéralisme et libertarisme, que l'on remonte jusqu'à la prose d'un Hayek, théoricien oscillant entre ultralibéralisme et anarchisme, qui commence par prôner l'ultralibéralisme et qui finit par exiger une privatisation totale (ou presque) de la société. Nous y sommes. Les libertariens se retrouvent ici les alliés des ultralibéraux, que ces libertariens soient des membres de l'extrême-droite ou de l'extrême-gauche. C'est un de ces secrets honteux que l'on voudrait cacher en Occident : que les libertaires d'extrême-droite (comme Rand Paul, le fils de Ron) proposent des thèses pas très éloignées des fondements libertaires d'extrême-gauche vantés en Europe comme progressistes et intéressants - de la même manière que les libéraux américains ne sont qu'une variante progressiste, de louche keynésienne, du libéralisme conservateur dominant en Europe, avec notamment ce Rawls de pensée politique tartuffe, déshonoré en toile de fond par la politique d'Obama.
Cette privatisation du public signe la privatisation du pouvoir : c'est ainsi qu'on se lamente sur la peoplisation de la vie politique ou les modes de vie dignes du show-business de nos représentants publics. Dérive des rives. On a en France l'exemple emblématique et consternant de Sarko le néoconservateur ultralibéral. Notre hyperprésident (hyper étant le synonyme de minus en jargon contemporain) a marié la Bruni, un mannequin qui fait dans la figuration artistico-mondaine. Mais d'où vient cette tendance à la privatisation du public, dont on retrouve une appellation significative dans la mode des partenariats publics/privés? De l'individualisme - comme gradation radicale et extrémiste de l'individu.
Ce n'est pas qu'il faille revenir sur le mouvement historique où l'individu prend de l'importance et s'émancipe du groupe, à partir du monothéisme, de manière accrue avec la Renaissance, qui traduit l'accélération du processus; mais en comprendre les mécanismes pour extirper les déviances et les impasses, dont la crise actuelle est l'expression paroxystique. L'individualisme considère que la fin du sens réside dans les bornes exclusives de l'individu. C'est cette conception qui est mauvaise, qui détruit et l'individu et le groupe, car elle installe la fixité, alors que la notion de groupe (de collectif) permet l'indéfinie croissance comme garantie vitale, qui passe désormais par l'individu. C'est l'erreur principale des libertaires de tous poils et des anarchistes couplés aux ultralibéraux que de croire que le problème est d'ordre collectif et que l'amélioration passe par le supplément d'individualisme (comme si le mal de l'individualisme pouvait être résolu par le pire de l'individualisme).
La notion de privé recoupe les caractéristiques de l'individu conçu dans sa conception extrême comme individualisme. Le public renvoie au peuple. La négation du public est logique dans une mentalité absolument individualiste, qui ne reconnaît que l'existence de ce qui est propre à l'individu, et qui peu à peu glisse dans l'extrémisme en niant l'existence de la volonté générale. C'est vers cette conception anarchisante (de droite) que se dirige un Rosset, emblème de la pensée immanentiste terminale - ce qui indique les soubassements ontologiques des idéologies politiques.
Le privé commence par être attrayant en renvoyant à ce qui est spécial, donc unique et original, puis peu à peu il se révèle dangereux en ce qu'il isole et sépare - jusqu'à détruire. Le destin de l'individualisme est inscrit dans l'étymologie de privé : il finit par détruire tout ce qui n'est pas circonscrit au privé, soit à une partie du réel qui commence par isoler et qui finit par détruire, enfin par s'autodétruire. Destin tragique, dont il est vrai que les immanentistes promeuvent le caractère suicidaire.
Si l'on se penche sur l'histoire de l'immanentisme, c'est dès son fondateur que se retrouvent les traces de l'individualisme exacerbé et de son expression privatisée (plus que privée). Dans l'ontologie éthique de Spinoza (l'éthique privée s'opposant à la morale publique), le fondement de la complétude est accordé au désir. Mais le désir n'est l'expression que partielle, voire parcellaire, de l'individu - cette caractérisation est carencée dès lors. Le désir n'étant pas complet, n'en déplaise aux efforts que Rosset entreprend pour définir en vain cette fameuse autant que fumeuse complétude du désir, mythe introuvable et véritable invérifiable, Atlantide des immanentistes, le fondement du désir n'est pas valable.
La transformation qu'appelle l'immanentisme de ses voeux, pour subvertir et mettre un terme au transcendantalisme, n'est pas viable. Le mythe ontologique du désir complet engendre l'erreur politique de l'individualisme, dont les effets économiques se font sentir dans cette privatisation aberrante du public. Partenariat public-privé : cette dénomination oxymorique va de pair avec la privatisation de la politique et la privatisation des comportements, qui devraient d'autant plus être rattachés à la spécificité publique. L'interindividuel est réduit à l'individuel. La spécificité étonnante et détonante de notre épique de crise, c'est qu'au moment où on aurait plus que jamais besoin d'une promotion du groupe, on promeut l'individualisme à tel point que :
1) on propose encore plus d'individualisme pour guérir des maux de l'individualisme donné;
2) on assiste à une privatisation du lieu par excellence du public, ce pouvoir si représentatif de ce que nous sommes et de ce que nous renvoyons vraiment : le politique.
Quand on contemple des oeuvres artistiques, les personnages politiques ont ceci de supérieur qu'ils incarnent la volonté générale, en regard de laquelle la volonté individuelle apparaît insignifiante (bien fade et bien mesquine). Mais aujourd'hui, la privatisation du public chamboule tellement les mentalités et les représentations que ces mêmes dépositaires du public, ces ex incarnations de la volonté générale, loin de constituer une forme d'acmé du fait du processus démocratique, sont devenues des formes tout à fait insignifiantes.
C'est en regardant leurs frasques que l'on mesure à quel point on est passé du personnage public dépositaire de la volonté générale au personnage public qui se comporte de manière tout à fait programmée, finie - et qui devient au mieux un symbole de réussite sociale, quelque chose comme un superindividu dominant quantitativement les autres individus. Cette privatisation oxymorique (privatisation du public) est une conséquence des valeurs de l'immanentisme, directement issue de l'aristotélisme, via l'ontologie spinoziste.
Dans cette conception désaxée et dangereuse, le réel est le fini. Du coup, le public se trouve évacué comme inutile et superflu, comme la morale et comme toute valeur qui implique le changement et l'infini. On en arrive à une conséquence prévisible, quoique troublante : le personnage public devient une sorte de superprivé, non pas au sens où il serait devenu un détective, mais au sens où toute dimension publique s'estompe au profit d'anecdotes privées, d'événements privés médiatisés et poeple. Du coup, on restaure la propension pour l'anecdotique, qui indique l'erreur de cette conception immanentiste dans laquelle le politique loin d'avoir été remplacé par une forme supérieure se dissout dans l'acide individualiste.

jeudi 25 novembre 2010

Au nom du non

En ce moment, un écrivain se trouve quasiment plus célébré que les nominés aux prix littéraires décernés par le milieu de la littérature - de l'édition. Cet écrivain prétend être opposé à la République des Lettres, en particulier aux éditeurs, et plus large encore, au système occidental dans son ensemble. Il a monté un système d'antiédition qui n'est qu'un avatar de l'autoédition. Il a versé dans le travers littéraire de son époque, l'autofiction. Il se réclame de l'anarchisme le plus vague, qui consiste à être contre le groupe et pour l'Individu.
Je veux parler de Nabe, le pseudonyme cachant à grand peine que notre écrivain est le fils de. Tu veux ou tu veux pas - perdre le fil? Retenant ce slogan symptomatique, Nabe a décidé qu'il voulait bien à condition qu'il ne veuille pas. Mal - plus que bien entendu, on ne retiendra rien de Nabe d'ici quelques décennies. Quand je pense qu'il ose se comparer à Bloy... Bloy qui est un écrivain mineur vaudra toujours plus qu'un écrivain salonnard, médiatique et faux opposant.
C'est en tant qu'il incarne la figure du faux, du symptôme du faux dans toutes ses dimensions, que Nabe intéresse. Au fond, Nabe a tout faux. Il raconte n'importe quoi. Il suffit de lire les interviews qu'il pond pour l'hebdomadaire ultralibéral conservateur de FOG ou dans l'hebdo ultralibéral de gauche (tendance Obama) Le Nouvel Observateur. Sa technique la plus drôle : la preuve qu'il est un opposant tient aux critiques qu'il provoque (et qu'il réfute sur le mode de la jalousie); mais si les gens qu'il critique décident de le soutenir, à l'instar de l'oligarque FOG, c'est la preuve à rebours que Nabe a du talent.
Nabe ne débite que ce genre de sophismes puérils où l'irrationnel le dispute à la mauvaise foi. On peut à bon droit poser la question de la valeur de Houellebecq, mais il est certain que Nabe ne sera qu'un feu de paille médiatique. Alors pourquoi parle-t-on autant de lui? Parce qu'il est utilisé par les milieux oligarchiques des médias pour singer l'opposant et prouver que l'on peut s'opposer au système tout en étant reconnu par le système.
Cette pantalonnade, destinée à prouver que FOG et ses comparses ne sont pas des oligarques, mais des démocrates libéraux, s'appuie sur une fausse opposition interne au sérail : Nabe est le pur produit du milieu oligarchique des Lettres. Si l'on étudie son opposition, elle est fumeuse. Nabe a eu le bon goût de défendre la VO du 911 au moment où elle est totalement démentie par de nombreuses sources officielles du sérail occidental.
L'imposture Nabe, qui repose sur la posture du faux opposant tressé de lauriers par ceux qu'il critique, exprime certes la récupération d'un système politique en fin de course qui essaye tant bien que mal de prolonger sa course folle en intégrant les plus grotesques de ses membres, fussent-ils des tartuffes et des incohérents. L'affaire n'est pas littéraire ou artistique. Elle est politique. Il serait insultant pour les écrivains d'accorder une valeur littéraire à l'impétrant - autre que celle de la subversion médiatico-politique.
Que ne constate-t-on que la publicité (au demeurant relative, et insultante dans cette relativité) orchestrée autour du cas Nabe (au sens où Nietzsche parlait d'un cas Wagner idiosyncrasique d'une certaine mentalité, et plus du tout musical) intervient au moment où les électeurs américains ont élu des libertariens fascistes, racistes et plus ultras que les ultralibéraux, notamment sur la question déjà extrémiste de l'individualisme? A l'heure actuelle, le principal (mais pas unique) promoteur de Nabe dans les médias se nomme FOG, qui est un cas d'école pour faire montre des passerelles entre le monde ultralibéral anglo-saxon et le monde français gangrené par la mentalité britannnique passée par l'Amérique.
Si Nabe ne s'est jamais prévalu de l'influence des libertariens sur son anarchisme, il a clamé à plusieurs reprises son admiration pour l'anarchisme le plus pur, le plus idéaliste, celui qui serait à la droite de l'extrême-droite et à la gauche de l'extrême-gauche. On l'a compris, Nabe se définit comme un individualiste forcené, qui estime que c'est sortir du système que de prôner plus d'individualisme pour contrer la faillite du système.
Évidemment, cette mentalité est typique d'un mondain parisianiste déconnecté des réalités, qui joue tout sur sa personne, son nom et qui ne sait que trop que le groupe qu'il dénonce ne le lâchera jamais tant qu'il le dénonce pour mieux le promouvoir. La preuve en ce moment, où Nabe en dénonçant le groupe en général fait de facto le jeu du groupe oligarchique auquel il appartient. Paradoxe du docte tox à l'intox. La correspondance politique entre l'anarchisme éthéré de Nabe et le libertarianisme comme prolongement extrémiste (fasciste) de l'ultralibéralisme de tendance friedmanienne indique qui est Nabe : non pas un fasciste au sens historique, mais un fasciste au sens où il se situe à l'extrême de l'ultralibéralisme zélateur de l'individualisme.
Je passe sur le couplet dépolitisation auquel Nabe sacrifie comme tout bon oligarque qui veut endormir son auditoire (ténu et romantisant malgré la publicité) et j'en reviens à la valeurlittéraire de Nabe. Pour évaluer ce qu'elle vaut, rappelons que Nabe est un recopieur, unrecycleur dont la technique consiste à parer l'existant d'une impression (au sens pictural) de nouveauté. Nabe fait dans l'autofiction? Qui ne voit que notre littérateur reprend la mode de son temps - et repompe la technique d'écrivains en panne d'imagination, dont le plus éminent est ce Matzneff qui dépasse relativement Nabe (un sous-Gide qui allie la mentalité oligarchique du Russe blanc avec la maladie du désir définissant l'autofiction et consistant à confondre le désir et l'imaginaire?
Nabe invente l'antiédition? Comment ne pas voir qu'il s'agit d'une resucée d'autoédition qui a pour caractéristique hilarante de conforter le milieu qu'on honnit et qu'on hennit- l'édition bourgeoise Gutenberg? Même le parrain FOG commet le lapsus à plusieurs reprises en présentant son poulain comme un autoédité dans la tradition d'ancêtres comme Dostoïevski ou Proust. Prout. Quant à l'invention sensée détrôner le modèle Gutenberg, elle y ramène furieusement, faisant de l'innovation Internet un moyen d'éloge au service de l'antiédition. Tu parles d'une escroquerie intellectuelle.
Un catalogue de paranoïa et de mégalomanie où la Toile serait au service d'une vulgaire araignée. Si l'on voulait réfléchir, il conviendrait de se demander en quoi la littérature est compatible avec Internet, pas en quoi Internet peut servir un écrivain - pas même la littérature. En parlant d'escroquerie, c'est sous ce vocable que les fanatiques de Nabe, qui animent son site Internet destiné à le servir comme un pacha, m'ont dénommé. Ils m'ont fait de l'honneur, ces esclaves à leur enclave, vieille supercherie où le style remplacerait le fond. Comment ne pas voir un bel exemple de projection?
L'escroquerie est perpétrée par celui qui passe à côté de son époque comme de son art. L'art consiste à identifier dans son temps le caractère universel du réel. Nabe passe furieusement et haineusement à côté d'Internet comme il passe à côté du 911. Nabe ne comprend pas plus la politique que l'art parce que dans tous les cas, il propose une approche oligarchique de tendance extrême. Quelque chose comme de l'hyperindividualisme. Notre navni surgit comme un symbole du génie littéraire alors que c'est le courant extrémiste des libertariens qui perce en Occident. Le symbole médiatique est consommé quand on retrouve sur un plateau télé de FOG Nabe face à (entre autres) Onfray.
Le philosophe qui est présenté par FOG le racoleur comme un grand nom de la critique freudienne, incarne le parti de l'ultragauche libertaire. Si Onfray est un grand penseur, on veut bien que Nabe soit un grand écrivain; sinon, on assiste à la mise en scène pathétique de deux égos aussi surdimensionnés que périmés, deux talents sous-dimensionnés, deux impostures calibrées, qui représentent deux fausses oppositions individualistes et médiatiques. Onfray exprime la position libertaire, Nabe la position crypto-libertarienne.
Nabe s'est tellement perdu dans les méandres scabreux de son autofiction, à force de raconter ses épisodes de cul (la praline) au nom de l'esthétique de l'immanence, du je-raconte-tout, qu'il ne se rend pas compte qu'il est instrumentalisé, et qu'on utilise son anarchisme mondain et creux aux fins de le tirer vers le libertarisme au moment où l'Occident en déconfiture bascule. Déjà que Nabe avait la réputation d'un écrivain d'extrême-droite plus ou moins talentueux, mais infréquentable, alors là, imaginez l'image pour la postérité.
Sans doute aurait-il été préférable de passer pour un extrémiste classique, un poujadiste ou un élitiste, que pour un libertarien. De toute façon, quand on se met en scène sous le fard de l'autofiction, on ne se raconte avec complaisance que dans la mesure où l'on déploie la panoplie de la complétude du désir, le mythe de cette hypertrophie du désir qui exprime rien moins que l'enflure de l'égo.
Matzneff exprime le mieux ce point de vue, bien au-dessus de Nabe, mais il n'est pas certain qu'être le meilleur dans la médiocrité soit un gage d'excellence. Matzneff se raconte, se la raconte, comme s'il était un inépuisable séducteur doublé d'une bête de sexe hors catégories... Si l'on consent à replacer les vantardises au rayon des trucs de l'autofiction, Matzneff affiche un dandysme de grand bourgeois qui vous donne la mesure d'un écrivain d'autofiction : un oligarque qui confond l'art avec le rang social.
Nabe, qui n'a rien inventé, mais qui brille en second se prenant pour un premier couteau, n'a pas compris que son milieu le laissait se bercer de douces illusions avec son mythe du grand écrivain puéril et tout à fait romantique pour mieux le manipuler. Nabe n'a pas compris que le Grand Ecrivain est une catégorie fantasmatique (de son petit désir de mondain) qui n'existe pas socialement. La catégorie du grand écrivain dont il se réclame, historiquement bourgeoise, n'est pas une catégorie esthétique, mais purement sociale. Encore un contresens chez notre trop-compris qui n'a rien compris et qui in petto se définit comme incompris.
Nabe, qui avoue avec vulgarité ne pas dédaigner la compagnie des péripatéticiennes plus littéralistes qu'analytiques ne se rend pas compte que son principal mérite est d'avoir prostitué l'art au social. Il n'accède de nos jours à une célébrité de mauvais aloi qu'en enfonçant le clou, pour parodier son titre racoleur et tonitruant : en se radicalisant dans l'autofiction à tendance libertarienne. Cette réduction de l'art au social n'est pas le propre de Nabe.
Nabe est un suiveur qui comme tous les suiveurs se flattent de création. Plus pâle il copie, plus il prétend créer. C'est ainsi que Nabe, dans une émission récente, alors qu'il lance une de ses envolées lyriques dont il aurait le secret, et qui rime avec l'esprit de plomb du racolage actif, se flatte d'écrire divinement bien. Il aurait dû lucidement corriger qu'il écrit - diablement bien.
Car sa conception du religieux, une forme obscurantiste et irrationnelle de mystique orthodoxe, comme son maître Matzneff, est tout à fait diabolique. Sa fascination pour Saint Jean et l'Apocalypse signifie qu'il adhère à la théorie du chaos créateur d'un Schumpeter, propagée dans les milieux néoconservateurs et libertariens. Mais... c'est la conception générale de l'immanentisme, selon lequel le désir est complet et l'infini l'incréé - laissant la place béante au néant nihiliste et dénié.
Dans cette conception, ce que l'on appelle le fond disparaît puisqu'il n'a plus d'existence. Le fond devient le style. Comment ne pas voir que cette rengaine est celle d'une époque opaque, celle de l'immanentisme terminal, surtout prégnant dans les milieux mondains qui croient d'autant plus représenter le monde qu'ils en sont coupés? C'est surtout la rengaine pressentie par Nietzsche, qui est le prophète de l'immanentisme tardif et dégénéré précédant notre période décadente. Nabe confesse aimer Nietzsche, mais c'est l'aveu qu'ils partagent les mêmes valeurs, même si Nabe est un vaniteux, quand Nietzsche savait écrire.
Il est dangereux de couper le fond de la forme. On arrive à des absurdités irrationalistes comme la définition que Rosset propose du réel à la suite du physicien Mach : ce qui est sans miroir. "Le réel est sans complément" signifie que la morale devient caduque (au profit de l'éthique), mais qu'en esthétique, seul le style compte. On peut être une parfaite ordure, on est un grand écrivain. Mieux : il faut être une parfaite ordure pour être un grand écrivain, car le grand style provient d'une vision amorale de la société - par-dessus bien et mal.
Il faut être un dominateur pour posséder un style divin. C'est du vocabulaire hypernietzschéen, selon lequel le surhomme est l'artiste créateur. Le surhomme est l'homme qui devient dieu. L'individu est magnifié dans son expression artistique. Cette apologie de la domination est incarnée par Matzneff, qui a l'égo tellement hypertrophié qu'il n'hésite plus à l'approche de la mort à se présenter comme un génie promis à l'immortalité. Si l'on peut douter que l'éloge de la pédophilie conduise à la grandeur artistique, il est certain que cet éloge du style complet participe des valeurs immanentistes selon lesquelles le désir est complet (et sans complément, cherchez l'erreur).
Rétablissons les évidences : un amoraliste est un immoraliste; un styliste est un autiste; l'autofiction hait la fiction (au profit des factions); l'antiédition favorise l'édition. En guise de verdict général, un Nabe estime que l'on est dans la mesure où l'on hait, soit que l'être signifie la haine. Cette erreur généralisée, qui porte à se tromper autant sur son temps que sur son art, à confondre l'art et le social, se manifeste dans la plus risible des postures de notre diariste antiédité par ses mauvais soins : confondre le people et le peuple.
Nabe croit sans doute que les peoples sont ces gens qui représentent des courants d'opinion. Leur élection médiatique et oligarchique repose sur leur représentativité et leur excellence. Trop content d'être un artiste people, Nabe ne se rend pas compte qu'il incarne la coupure entre l'oligarchie people et médiatisée et le peuple, dont le dégoût manifeste déjà la soif du changement et la fin d'une culture. L'autofiction est ainsi le démon de la tautologie ou plus exactement le démon de l'autotélisme.

mercredi 24 novembre 2010

Et ta nation?


http://www.egaliteetreconciliation.fr/Apres-l-Irlande-le-Portugal-de-nouveau-en-premiere-ligne-4699.html

Les deux premiers liens renvoient à la crise irlandaise, qui alourdit encore la crise financière européenne (mondiale) et indique que la brutale agonie du système monétaire international approche de sa fin si aucune mesure n'est prise pour amorcer un Glass-Steagall global et mettre en faillite les intérêts spéculatifs toxiques. Après l'Irlande, ce sera le Portugal, l'Espagne et l'Italie... Effet dominos. Impossible pour ce système monétaire de surmonter sans un sévère avis de tempête la faillite de l'Etat espagnol.
Actuellement, les capitaines à la barre sont des barrés qui n'ont rien à perdre et ont adopté un comportement suicidaire - désespéré. Face au mur, ils accélèrent. C'est comme un alcoolique à qui l'on explique qu'il faut arrêter de boire sous peine de mort proche et qui en réponse au verdict augmente sa consommation d'alcool... Tant qu'on ne comprendra pas que les financiers qui dirigent le monde sont aveugles et cinglés, que le roi est nu, on perdra son temps entre fausses références et pathétiques révérences.
Pendant ce temps, Obama achève sa décrépitude de messie progressiste nimbé de négritude et de l'aura Luther King dans la décompensation narcissique; et le président Sarko dérape autour de l'affaire Karachi, en hurlant à la calomnie, au complot délirant et en traitant un journaliste de pédophile putatif... Si les politiciens de haut niveau perdent leur nerf, c'est qu'ils suivent la pente savonneuse d'un système monétaire qui dérape de manière incontrôlée, dans une violente et prévisible embardée menant à plusieurs tonneaux, puis à l'abîme.
Quant aux citoyens des démocraties libérales occidentales, ils agissent comme des boxeurs groggys ou des autruches terrées - au choix. Ils se meuvent entre déni dépolitisé et incompréhension de bois. Ils feraient mieux de se hâter d'agir politiquement, car ils seront les premiers moutons à payer pour la folie de leurs bergers qu'ils ont accrdéités en toute veulerie et tout opportunisme. Si l'on doute encore de la gravité de la situation, que l'on lise la troisième dépêche,
http://french.peopledaily.com.cn/31966/101177/index.html
qui indique qu'en Chine, un des rares pays dans le monde à opposer quelques mesures vigoureuses contre la politique frénétique de la planche à billets, on prend des mesures contre l'hyperinflation, qui est devenue inexorable dans la configuration actuelle suite à la décision début novembre de la Réserve fédérale américaine d'imprimer quelques 600 milliards de dollars supplémentaires pour enrayer l'effondrement de l'économie physique américaine...
Nous vivons une époque de crise où l'événementiel devient essentiel, soit où chaque événement ou presque acquiert une portée ontologique. Ce pourrait être une aubaine pour des idéologues prétentieux comme un BHL en France, mais ils ne peuvent accéder à cet événementiel essentiel, eux qui ont liquidé l'essentiel dans un réflexe d'immanentistes terminaux et disjonctés.
Quand on avance que le temps s'accélère ou que les événements deviennent capitaux, c'est parce que d'un point de vue ontologique la crise implique une injection, non de liquidités, mais de changement, d'Etre - diraient des platoniciens (et autres ontologues associés). Un néanthéiste dirait que c'est le mécanisme d'enversion qui se déclenche et qui introduit du néant existant dans l'être fini.
Mais cet événementiel de crise ne devient accessible à l'essentiel que quand on saisit la structure fondamentale de cette crise. Fondamentalement, cette crise est religieuse. C'est une crise de sens. Cette crise religieuse se répercute de manière politique : sur quel héritage vit-on depuis l'avènement de l'époque moderne? Sur la domination antiimpérialiste des Etats-nations qui ont été inventés contre les guerres de religion engendrées par la politique de chaos mené par l'impérialisme européen (notamment des Habsbourg).
Qu'est-ce que l'Etat-nation? Comme son nom l'indique, c'est la superposition de l'Etat et de la nation, soit l'idée selon laquelle un groupe est dirigée par un Etat. L'idée de Mazarin et des opposants à l'impérialisme européen mené par la dynastie des Habsbourg est simple, quoique lumineuse : c'est d'opposer la notion de volonté générale à la notion d'individualisme isolé débouchant sur le féodalisme des factions, soit l'agrégation disparate de quelques individus privés de volonté générale et se mouvant en piratant de l'intérieur la volonté générale.
L'Etat-nation promeut la volonté générale alors que la mentalité oligarchique la détruit. Mais toute la rhétorique lancée par le cheval de Troie de l'Union européenne consiste précisément à détruire les Etats-nations en les déclarant obsolètes. C'est ce que déclarent les conseillers de Blair qui sont aussi les inspirateurs de l'Union européenne et qui du coup montrent le visage de leurs maîtres : les élites financières dirigées depuis la City de Londres.
La destruction de l'Etat-nation est la fin déclarée de l'oligarchie financière qui veut remplacer ce système contraignant pour ses intérêts par le féodalisme. Le dessein de l'oligarchie financière mondialiste implique la destruction des Etats-nations et leur remplacement par des entités régionales sans principe universel et en interdépendance avec les autres zones fédérales dans le monde. L'alternative est simple : soit l'on détruit les bulles financières toxiques; soit les Etats-nations seront remplacés par des fédérations bureaucratiques au service d'intérêts financiers féodaux et implacables.
Toute tentative de considérer le problème sans prendre en compte sa trame politique internationale aboutit à des contresens et des caricatures qui proviennent de la réduction effectuées depuis le problème général vers des problèmes particuliers déconnectés de leur sens général. Les informations présentées ci-dessus ne prennent tout leur sens que si on les relie au problème de philosophie politique de l'Etat-nation en tant que seule forme politique connue de nature antioligarchique et antiimpérialiste. Sinon on est condamné à prendre des mesurettes timorées et inadaptées face à un problème véritablement plus général, qui cible l'ensemble de l'humanité.

mardi 23 novembre 2010

A la santé du salut

http://www.romandie.com/infos/news2/101120005245.psvnlsu2.asp

Ah ça une fois, enfin un peu de bonne foi? L'économiste et homme politique américain LaRouche, décrié comme néo-nazi (plus autres noms d'oiseaux afférents) alors qu'il est un démocrate au sens américain se réclamant de l'héritage de F.D. Roosevelt, avait annoncé vers 2007, en même temps que la crise économique, le fait que cette crise serait tellement profonde qu'elle ne se limiterait pas à des conséquences économiques, mais qu'elle se révélerait culturelle. J'ajouterais à sa suite qu'il s'agit d'une crise religieuse, qui engage rien moins que le sens de cette humanité bloquée entre la mondialisation et l'espace.
LaRouche avait expliqué avec son avance coutumière (prophétique, dirait le Corriere) qu'une crise d'ordre systémique engendrerait de nombreux troubles d'ordre psychiatrique. Eh bien, nous y sommes. Il serait intéressant de comparer les variations statistiques des troubles mentaux dans les pays d'Occident, qui sont proportionnellement d'autnt plus affectés par la crise qu'ils dégringolent depuis un point de référence plus élevé. Voilà qui s'appelle prendre une claque par-derrière - pas le taureau par les cornes. L'historienne Huffington qualifie de tiers-mondisation l'effondrement économique de la première puissance mondiale pour caractériser la chute du niveau de vie, plus le détournement de l'argent public aux fins de renflouer les déficits privés abyssaux sans plus entretenir les infrastructures.
Selon l'étude précitée, un Américain sur cinq aurait souffert en 2009 d'un trouble psychiatrique, dont presque un sur vingt de manière grave. Plus révélateur encore, les jeunes de moins de vingt-cinq ans se montrent les plus touchés, soit ceux qui assureront la continuité de la société américaine. Autre indice que le mal est profond, un quart des femmes américaines ont été atteintes de problèmes psychiatriques.
Cette étude tombe à pic pour exprimer les répercussions sur la santé psychiatrique de la crise. Le paramètre économique est intéressant. A l'heure où la plupart des Européens ne comprennent pas que la réforme de la santé engagée par Obama n'est pas égalitariste ou progressiste, mais qu'elle est une forfaiture au service des industries pharmaceutiques et des assurances, pas plus que nos moutons européens ne comprennent ce qui se passe, que la fête est finie, on apprend que les cousins d'Amérique, de plus en plus malades, ont de plus en plus de difficultés à se soigner - de manière convenable.
La nature de la maladie est symptomatique : le domaine psychiatrique renvoie au mal-être d'une population subitement passée de l'abondance matérielle à la dépression la plus inattendue. Ce mal-être recoupe le déni dont sont atteintes les populations occidentales, que l'on pourrait caractériser par le syndrome de l'autruche. Ce n'est pas en niant le problème que l'on résout le problème. La preuve.
Mais la mauvaise santé psychiatrique des Américains (sans doute corrélée avec leur mauvaise santé tout court) était déjà portée en avant par l'état mental inquiétant, là aussi dénié, de leur Président. On dit qu'un représentant de la volonté générale indique la mentalité de ceux qui en majorité l'ont porté au pouvoir. Obama d'après de nombreuses sources, dont des psychiatres spécialistes, présente des signes de décompensation liés à un trouble narcissique majeur. Autrement dit, les Etats-Unis se trouvent représentés, dans tous les sens du terme, par un malade mental, incapable de faire face de manière cohérente à la crise qui sévit.
Notre aigre-fin, qui aurait tant aimé être aigle fin, et qui sera lègue-faim, propose des mesures effectives qui contredisent ses promesses de campagne et qui rejoignent in fine les mesures prises par son adversaire politique et prédécesseur à la Maison Blanche : W. ferme ta bouche. Vous savez? L'ancien énergumène-président, qui était moqué dans le monde entier pour ses comportements dégénérés et ses addictions multiples. Cela fait un bout de temps que les Etats-Unis sont gouvernés par des déséquilibrés, des désaxés.
Si le déséquilibre croissant (quoique traité) d'Obama sera d'ici peu un secret de Polichinelle, il incarne tel une métonymie le symptôme de la crise systémique que traversent en particulier les Etats-Unis : les troubles psychologiques de masse sont les signes des troubles culturels et religieux que rencontre une culture. En l'occurrence la culture mondialisée. La population américaine se trouve d'autant plus durement frappée par la folie qu'elle a perdu tout sens et tout repère suite à l'effondrement des valeurs libérales qui furent les siennes.
Il faut comprendre les réactions désemparées des Américains : c'est un effondrement de leur sens commun et profond qui engendre cette folie générale et croissante. N'oublions pas qu'il serait vain de circonscrire l'épidémie de folie aux seuls esprits américains. Les populations occidentales dans leur ensemble sont frappées par ce fléau - et depuis quelque temps. Ouvrons les yeux. Les Français sont décrits comme dépressifs et détiennent de tristes records médicamenteux. Si l'on applique à la France le même critère de représentativité qu'aux Etats-Unis, force est de constater que notre actuel Président est un symptôme confondant et consternant de déséquilibre et de superficialité.
Il n'est pas seul dans son enfermement. L'actuel Premier ministre britannique applique une politique d'austérité draconienne qui en dit long sur son état mental. Le premier ministre italien est un mafieux qui évoque ce qu'est l'ultralibéralisme au pays du fascisme. On pourrait allonger la liste des travers et y ajouter quelques détails croustillants - comme la personnalité sinistre de cette Carla Bruni, qui en dit long sur la décrépitude de la culture française et des moeurs présidentielles.
Mais revenons au sens de cette épidémie de crise psychiatrique, baromètre de la santé des Occidentaux. Qu'est-ce que le sens de santé? C'est le salut. La santé, c'est ce qui sauve. La folie est le signe de la crise alors que la bonne santé tient dans le salut. Quand on sombre dans la folie, c'est qu'on manque de sens pour sortir de la crise. A l'inverse, la bonne santé implique qu'on sorte de la crise comme l'on sort d'une maladie. Le corps ne triomphe pas d'une maladie par un retour fixiste à un état sain antérieur à l'état pathologique. Ce n'est pas retour à l'ordinaire.
Le corps guérit d'une maladie en créant un état nouveau et supérieur. Retour vers le futur. C'est la notion d'entropie qui est battue en brèche tant par l'observation de l'univers que par les paramètres médicaux courants. Le retour à la bonne santé mentale, qui coïncide avec le salut de l'humanité, ne sera envisageable qu'avec l'invention d'un sens religieux (ontologique) supérieur à celui devenu caduc - faisant tant défaut de nos jours.
Cette folie rampante se manifeste de manière ostentatoire et visible chez les plus faibles, tant d'un point de vue psychologique que social. Mais cette folie n'est pas l'apanage d'une minorité croissante. Elle a déjà contaminé l'ensemble des esprits. Car nous vivons dans notre beau monde mondialisé dans un état de folie croissante qui a déjà commencé à germer depuis longtemps. En langage économique, la théorie monétariste est une théorie diabolique.
Elle ne peut mener qu'aux désordres tous azimuts actuels, puisqu'elle repose sur l'erreur déjà condamnée par les monothéismes : on ne peut rationnellement créer de la valeur à partir de rien (sens nihiliste). Cette tendance au monétarisme est la trace (la correspondance) en économie de ce que le diabolique occupe dans l'univers religieux : le monétarisme détruit le sens économique comme le diabolique détruit le sens religieux (la correspondance entre la raison humaine et le divin). La folie définit l'adhésion au diabolique et le monétarisme.
Le salut définit le retour au sens. Mais ce retour au sens comme à ce qui est sain - de la même manière que la folie renverrait à l'état dénué de sens - ne se peut faire qu'en surmontant le sens déficient et l'état pathologique. Soit en surmontant la crise par un sens néguentropique et croissant. Géographiquement, les mesures monétaristes ne se résoudront ni dans un secteur géographique national, ni même mondial.
A l'opposé des théories décroissantes suicidaires et pessimistes (exactement : néo-malthusiennes), le seul moyen de venir à bout de la folie est de lui opposer un sens supérieur. Pour contrer la folie du sens mondialiste, qui prétend orchestrer la décroissance dans un univers fixe et stable cantonné au monde terrestre, il n'est qu'une seule voie (de principe) : créer un sens plus large, un sens croissant, un sens spatial (en la matière). Une fois dans cette optique, le sens se subdivisera en plusieurs, mais fondamentalement, il n'est que deux sens, au sens littéral - deux directions antagonistes : croissance ou décroissance.

lundi 22 novembre 2010

Le reflet libertarien


D'après un ami, un acteur italien aurait déclaré que le pire danger pour l'Italie n'était pas Berlusconi, mais la part de Berlusconi que chaque Italien possédait en lui-même. Cette remarque rejoint la distinction islamique entre le grand et le petit Jihad. Alors qu'on nous bassine avec le Jihad armé et frustre, on mentionne rarement que cette référence renvoie seulement au petit Jihad, alors que le grand Jihad désigne la lutte psychologique que l'on doit mener contre ses propres travers.
Suite à la terrible crise économique que le monde globalisé traverse et qui affecte tout particulièrement les Etats-Unis, avec un effondrement cataclysmique qui est en train de plonger la nation la plus riche du monde dans la voie de la tiers-mondisation, l'administration s'est fait justement sanctionner dans les élections de novembre 2010 pour sa gestion oligarchique et ultralibérale consistant à renflouer Wall Street et à opérer des coupes cryptofascistes contre main street.
Quels sont les nouveaux représentants démocratiques que les électeurs américains ont promus (du moins ceux qui sont allés voter)? Des opposants à la politique d'Obama qui allaient mettre fin à la crise en cessant de renflouer Wall Street pour venir en aide aux classes moyennes et défavorisées (bientôt un synonyme), alors qu'Obama avait prétendu lors de ses discours électoraux qu'il allait aider ces classes moyennes?
Il était évident que la cause de la crise est la théorie ultralibérale qui ravage le monde depuis la fin des Trente glorieuses, en gros depuis le découplage or/dollar de 1971. Eh bien, aussi incroyable ou irrationnel, les électeurs américains ont choisi pour remédier à l'ultralibéralisme qui ravage leur pays depuis Nixon (à des degrés divers) des extrémistes et des fascistes à droite de l'ultralibéralisme. C'est comme si un malade vous déclarait que face au poison dont il est la victime et qui cause sa maladie, il choisit un poison encore plus fort et plus pernicieux en guise d'alternative et de changement...
Prend-on la mesure de ce genre de folie? C'est pourtant celle qui est à l'oeuvre chez les électeurs américains qui ont voté pour des libertariens et autres ultraconservatuers pour punir les démocrates ultralibéraux (progressistes) autour d'Obama. Les libertariens ne sont rien d'autres que des ultraultralibéraux, qui prétendent encore plus démanteler l'Etat et promouvoir l'individu exclusif. Les libertariens sont au service des individualistes, soit des plus forts (des oligarques).
On glose, on jase et on s'étonne de ce choix - calamiteux. L'on impute cette bizarrerie à la dépolitisation des électeurs, ce qui est vrai, mais qui ne fait que confirmer le verdict lucide. Si les électeurs italiens ont voté pour Berlusconi - en majorité, c'est parce qu'ils partagent la plupart de ses envolées populistes, néo-fascistes et ultralibérales. Si les Français ont voté pour Sarkozy, c'est qu'ils partagent - en majorité - ses lubies néoconservatrices et ultralibérales. Idem pour Obama, qui est un ultralibéral progressiste, succédant à un ultralibéral néoconservateur (pour qui les électeurs américains avaient déjà voté, et deux fois).
Après l'effondrement du modèle libéral lors de cette crise, qui est comparable à l'effondrement du Mur de Berlin pour le communisme, les électeurs occidentaux s'entêtent : ils cherchent désespérément des alternatives à l'intérieur du système libéral. L'ultralibéralisme est caduc? Furetons du côté du libertarisme pour vérifier s'il n'existe pas par hasard quelques bribes encore valides de libéralisme, fût-il de texture extrémiste et violente...
Qu'est-ce que le libéralisme? C'est la philosophie idéologique qui légitime l'impérialisme de la Compagnie des Indes britannique... Les populations occidentales sont (en majorité toujours) favorables à cet impérialisme du moment qu'il leur profite. Il leur a profité durant le siècle passé et c'est avec stupéfaction et immoralité cultivée qu'elles constatent que leur beau joujou ne fonctionne plus; dès lors, leur révolte a peu de chance de se montrer lucide et clairvoyante. Face à l'effondrement du libéralisme, les profiteurs du système se montrent juste capables - hébétés et las - de choisir plus libéral encore - plus extrémiste encore.
Problème : bien qu'on ait fait mine de ne pas voir la supercherie, le paradigme libéral n'a cessé de croître à mesure que la mondialisation se mettait en place. Les progressistes sont devenus libéraux; les conservateurs prônent un ultralibéralisme fanatique. Le fascisme, qui est le stade terminal du libéralisme, a peu à peu montré son hideux minois, comme en témoigne l'avènement au pouvoir des néoconservateurs dans le monde (pas seulement aux emblématiques et représentatifs Etats-Unis).
Du coup, l'effondrement intervient au moment où c'est le stade extrémiste du libéralisme qui règne - l'ultralibéralisme de Friedmann. Le libéralisme inspiré par le dernier Hayek n'est que l'extrémisation quantitative de l'ultralibéralisme - lui aussi inspiré par Hayek dans des ouvrages précédents. L'avènement du libertarisme aux Etats-Unis, pour effrayant qu'il soit, n'en était pas moins prévisible.
Il sonne comme la réduplication, toutes proportions gardées, de l'avènement par les urnes d'un certain Hitler en période d'hyperinflation. L'histoire bégaie, du moins quant aux principes. Aura-t-on des dictatures et des guerres comme conséquences des graves désordres actuels, qui sont en général des prémisses à la violence? Que serait une troisième guerre mondiale à l'heure de la mondialisation? Ces hypothèses sont possibles, puisqu'elles sont envisagées par des diplomates et des anciens ministres.
Au surplus, ce serait un bon moyen pour les financiers de l'Empire britannique de créer un nouvel ordre mondial à leur botte suite à un chaos généralisé et effrayant. Après une bonne guerre, les gens préfèrent n'importe quel ordre à la poursuite des hostilités, des morts et des pleurs. Pourquoi les financiers du nazisme ne sont pas plus montrés du doigt pour leurs responsabilités écrasantes de commanditaires? Pourquoi ne parle-t-on jamais des liens entre les nazis et les financiers de la City et de Wall Street? Pourquoi n'ajoute-t-on pas à ces liens massifs l'existence gardée secrète de l'Empire britannique?
Ceux qui sont présentés comme les grands opposants, tels ce radoteur passablement raseur de Chomsky (qui en bon intellectuel myope commence à s'apercevoir que la VO du 911 est une escroquerie!), désignent comme coupables ultimes l'Empire américain, l'idéologie sioniste ou ce genre d'approximations - souvent de surcroît passablement haineuses et stupides. Ces menteurs, au moins obtus, voire malhonnêtes, se rendent-ils compte qu'ils se déconsidèrent pour les siècles à venir, quand la supercherie sera passée et que nos descendants s'étonneront de notre veulerie et de nos compromissions?
Comment peut-on faire la fête alors que le feu est déclaré? Comment peut-on élire des libertariens pour remédier à des ultralibéraux progressistes? Comment peut-on choisir de se désillusionner par le gage de l'illusion plus forte? Cette nouvelle méthode (la surenchère irresponsable) ne peut venir que de désemparés qui se sont trompés et qui sont incapables de proposer une alternative hors du champ de leur erreur monumentale. On n'élit des libertariens pour punir des ultralibéraux (progressistes) que parce qu'on est soi-même un libéral qui a tout sacrifié à la mentalité dominante. On est un mouton qui suit le troupeau. De biques.
Quand on est enfermé dans une mentalité, il est des plus difficiles d'en sortir. L'enfer me ment. Telle est la loi de la loi du plus fort, dont l'histoire du libéralisme est une illustration contemporaine : ce qui au départ passe pour une évidence claire et prometteuse, la liberté libérale, la main invisible et autres stupidités pour profiteurs gâtés, devient vite un monstre sanguinaire qui réclame de plus en plus de sacrifices pour subsister. C'est l'histoire de la gradation inexorable du libéralisme en ultralibéralisme (n'en déplaise aux illusionnés illusionnistes qui nous abreuvent de leur distinction savante et fantasmatique entre le libéralisme politique, modéré et respectable, et le libéralisme économique, dévoyé et critiquable).
Dans ce processus, l'issue est inévitable : c'est le chute. Cette chute s'accompagne des inévitables péripéties qui accompagnent tout effondrement : les violences sont multiples et hideuses (les fascismes en offrent un aperçu consternant au vingtième siècle). Le fascisme set le stade terminal du libéralisme comme la violence est la conséquence ultime d'un système en fin de course. Les libertariens jouent le rôle de ce masque hideux aux Etats-Unis à l'heure actuelle. Peut-être ne sont-ils pas tout à fait des fascistes virulents, au mieux des préfascistes, mais le pire est de constater qu'il existe un processus que l'on nomme libéralisme - et que les libertariens font partie de ce processus.
Pourtant, l'on s'entête à les isoler du processus, à les réduire à l'état de phénomènes hasardeux et inexplicables, spontanés comme l'absurde génération éponyme. Les phénomènes n'auraient pas de cause. La causalité est suspendue, voire supprimée, comme dans l'irrationalisme cher à Hume. La méthode de l'inexplicable irrationnel est la méthode de l'Empire britannique. La méthode de l'immanentisme comme production ontologique. Un peu de bon sens, point trop de mauvais sang : les libertariens sont la conséquence de la cause directe ultralibérale, qui elle-même s'insère dans la gradation inexorable et virulente du processus libéral.
Ce n'est pas parce qu'on refuse de voir que le réel n'est pas. La preuve en ce moment. Pour finir, s'inspirer de l'Islam révèle une vérité douloureuse : les représentants libertariens que les citoyens américains ont élus au pouvoir sont les symboles de ce que nous sommes, citoyens occidentaux dans la mentalité majoritaire libertariens. Oui, la plupart d'entre nous sommes des libertariens, des néoconservateurs, des ultralibéraux, des faux progressistes, des rebelles de pacotille. Et si nous ne correspondons pas positivement à ce spectacle désolant, si nous ne sommes pas des libertariens actifs ou des ultralibéraux conscients, nous collaborons passivement, par notre mimétisme et notre grégarisme. La plupart d'entre nous en Occident ont sacrifié à l'individualisme et à ses préoccupations suicidaires.
La plupart vivent comme dans la Grande Bouffe : goinfrons-nous de nos satisfactions mesquines et à courte vue avant de crever comme des porcs. Si l'on additionne les individualistes dépolitisés aux individualistes politisés, nous tombons sur la majorité significative des populations occidentales. Rien d'étonnant qu'à l'heure actuelle l'on retrouve autant de représentants politiques dégénérés dans les Etats-nations occidentaux en décrépitude : ils sont le reflet de ce que nous sommes et dont nous refusons la copie infamante et fidèle.

samedi 20 novembre 2010

Al Karachi


http://fr.news.yahoo.com/4/20101119/tts-france-niger-aqmi-ca02f96.html

Toujours la même histoire : l'épouvantail Oussama appelle les pays occidentaux infidèles à obéir à sa loi (grossière et déformée) de l'Islam alors qu'ils sont militairement les plus forts et qu'il les nargue à longueur de mois depuis une cache introuvable. Cette fois, le gouvernement français d'obédience néoconservatrice endosse le rôle du courageux rançonné qui refuse le chantage et la compromission du Vieux de la Montagne.
Al Quaeda est une nébuleuse terroriste surprenante. Outre qu'elle s'est calquée sur une interprétation de l'Islam aberrante, toute en haine et en fanatisme, elle a connu un développement miraculeux depuis le 911. Al Quaeda est passée du groupuscule régional d'Afghanistan à une superstructure secrète capable d'intervenir aux quatre coins du monde. Al Quaeda aurait-elle calqué son fonctionnement sur celui d'une multinationale mondialiste?
Même la logique se trouve défiée par cette mutation supersonique. Aux objecteurs du bon sens, qui rappellent que cette vision irrationnelle n'est pas réaliste, les islamologues occidentaux répondent en parfaits experts (au service du vice) qu'al Quaeda n'est pas une structure pyramidale coordonnée par le vizir Oussama, mais un mouvement spontané et décloisonné, qui pousse partout où des fanatiques islamistes décident de verser dans le terrorisme. Pas de coordination, ni de lien, juste des allumés qui revendiquent leur fascination pour le modèle Oussama. Lalala. Le problème rejoint les théories fumeuse de feu Huntington concernant le choc des civilisations. La civilisation musulmane n'est pas compatible avec la civilisation judéo-chrétienne.
Pan! Problème : de nombreuses lézardes apparaissent dans cette interprétation stéréotypée. D'une part, depuis sa création récente et anticommuniste, al Qaueda a toujours été le jouet des services secrets occidentalistes, manipulée conjointement et/ou successivement par les Saoudiens, les Pakistanais, les Israéliens, les Américains et les Britanniques. D'autre part, Oussama le coupable non inculpé du plus grand crime actuel (le 911) n'est toujours pas arrêté. C'est logistiquement impossible à l'heure des satellites.
En outre, de mauvaises langues murmurent qu'il serait mort; d'autres, qu'il n'a rien à voir avec les attentats (ou si peu). Enfin, al Quaeda s'est métastasée dans les endroits où fleurit l'armée américaine flanquée principalement de son alliée (sardonique) britannique. De là à penser que nos Anglo-sacxons seraient les véritables inspirateurs du terrorisme al Quaeda... Dans l'Empire britannique politique (qui a muté en conglomérat financier), le major Kitson a contribué à théoriser les opérations sous fausse bannière : le colon forme des dupes et des fantoches pour propager un message contestataire, stupide et violent.
Puis, quand vos révolutionnaires extrémistes et benêts sont prêts à agir, vous les doublez et vous réalisez une action monstrueuse qui les discrédite et dont ils sont incapables. C'est ce qui se passa avec la lutte armée anticolonialiste des Mau-mau contre l'Empire britannique. Les crimes perpétrés par des barbouzes britanniques furent imputés à des révolutionnaires mau-mau, discréditant le mouvement d'anticolonialisme. De même avec al Quaeda, dont les actions terroristes discrédite l'Islam et l'anticolonialisme musulman (sous domination occidentale).
Selon la dépêche précitée, la branche maghrébine d'al Quaeda, qui a enlevé des otages français au Niger, presse la France de quitter l'Afghanistan et d'abandonner la coalition musulmane. Toujours ce discours violent et allumé. Je ne voudrais pas me montrer désobligeant avec les brillants moutons qui en Occident (pour beaucoup) croient encore à la farce al Quaeda, mais c'est de l'illusion entretenue et périmée (du déni face à une farce trop horrible à admettre).
Si l'on s'attarde sur les dépêches actuelles qui nous abreuvent d'un nouveau scandale français, qu'apprend-on? Les familles des victimes des attentats de Karachi au Pakistan réclament les têtes de Sarkozy, Villepin, Balladur ou Chirac, tous coupables d'avoir plus ou moins couvert des rétrocommissions de marchés de sous-marins... Pour simplifier leur colère légitime, leurs parents seraient morts en innocents payant d'inavouables turpitudes politiciennes.
http://www.20minutes.fr/article/625041/societe-le-karachigate-ou-enquete
http://actu.orange.fr/une/apres-balladur-chirac-et-villepin-eclabousses-par-l-affaire-karachi_76907.html
Mais le plus sinistre dans cette gigantesque partie de poker menteur, c'est que l'attentat a été originairement revendiqué par al Quaeda et attribué à al Quaeda par ces mêmes autorités française et leurs relais moutonniers des médias et de l'expertise ès-islamologie académiste et colonialiste. Mais voilà que contredisant ces avis éclairés et officiels on apprend qu'al Quaeda aurait été la vitrine d'une opération de vengeance commanditée par les milieux affairistes lésés et perpétrée par des barbouzes pakistanais (ou affiliés).
Attendez, comme hurlent les imbéciles quand ils veulent susciter un leurre masquant leur incurie. Si l'on s'est servi d'al Quaeda sous fausse bannière, qu'est-ce qui nous prouve qu'il n'en va pas de même dans les autres opérations où al Quaeda est incriminée, en particulier dans les endroits où al mouvance terroriste n'existait pas auparavant, a profité de l'action occidentale armée et n'a pas les moyens logistiques pour se déployer de manière fulgurante et inopinée? N'est-ce pas la preuve, en plus des autres suspicions étayées, que l'on nous désinforme avec un épouvantail aberrant et absent?
Pas de faux-semblant. Si l'on ne sait pas, c'est qu'on ne veut pas savoir. Les populations occidentales ne marchent dans la propagande grossière qu'on leur sert que parce qu'elles ne veulent pas savoir la vérité de leur comportement : qu'elles sont les complices accueillantes et légères de l'ogre impérialiste qui les gave en compensation - et qui perpètre ses crimes et ses razzias (ses pillages au sens où Francis Drake fut anobli par l'Empire britannique ) dans des terres étrangères que l'on ne connaît pas (et dont on préfère tout ignorer). Plus que jamais, il est temps de se réveiller. Non seulement l'illusion est immorale, raison principale, mais en plus, raison anecdotique, la fête est finie : l'impérialisme occidental parvenu à sa fin ne parvient plus à maquiller ses crimes sous la perversité de vertus charitables (comme à l'époque de son firmament où il masquait son impérialisme sous le doux nom de libéralisme). Veut-on crever de fin?

vendredi 19 novembre 2010

Politique de la dépolitisation

Vous disposez de plusieurs moyens de mal interpréter la situation actuelle :
1) prôner un conservatisme débridé et jusqu'au-boutiste, qui entérine la situation et soutient mordicus la théorie dominante (libérale) dans toutes ses conséquences (y compris le fascisme comme prolongement ultralibéral prévisible et inexorable);
2) préférer un progressisme interne, qui a l'avantage de paraître ouvert (de gauche), mais l'inconvénient de tomber le masque de manière piteuse quand survient l'effondrement du système. Ce masque correspond aux formes collectivistes libérales, qui présentent quelque pertinence au départ de la contestation, mais perdent tout crédit à la fin du processus;
3) décréter que la situation politique catastrophique n'engendre aucune conséquence pour l'individu dans ce qu'il possède de plus important : la sphère de son désir. Raison pour laquelle les citoyens des démocraties occidentales, au moment où le voile politique se tombe sur cette époque tragique, se terrent la tête dans le sable, tels des autruches bornées et entêtées. Evidemment, si l'on considère fondamentalement que ce sont les productions du désir individuel (donc individualiste) qui comptent, les événements politiques et/ou d'ordre collectif n'auront jamais qu'une importance secondaire, voire dérisoire.

mercredi 17 novembre 2010

Du changement par le faux

Cette note fut écrite juste avant le faux changement français du gouvernement Fillon. Sarko a décidé de manière brillante et savante de remplacer Fillon par Fillon. On ne pouvait trouver meilleur exemple de faux changement.

Comment empêcher le changement? En façonnant une fausse opposition (consciente ou non de ce qu'elle fait) qui recoupe le parti au pouvoir. Ce parti représente la perversion de ce qu'il présente. Alors que le parti au pouvoir est unique sous des atours de différences, l'opposition est tout aussi frauduleusement unique sous des atouts de différences. Si le parti au pouvoir est de tendance soi-disant progressiste, la fausse opposition est un repoussoir d'extrême-droite; alors que si le parti au pouvoir est conservateur, la fausse opposition vire vers l'extrême-gauche. Dans les deux cas, l'opposition est incapable de proposer une alternative viable et ses fondements recoupent les fondements réputés antagonistes du parti en place. Normal puisque les différences réelles n'existent pas ou sont seulement internes.
Dans cette stratégie qui instaure des différences fallacieuses, il s'agit de camoufler qu'il n'existe au fond qu'une seule tendance. Quand on arrive à cette unicité malsaine, c'est le signe que le système s'effondre et qu'on crée artificiellement des différences pour camoufler la récupération - l'absence de différences. Cette tendance politique se trouve théorisée ontologiquement par le concept de nécessité, que vantent tant dans l'histoire immanentiste Spinoza ou Nietzsche : la nécessite est uniciste sous prétexte que le réel serait unique. On notera l'amalgame patent entre unité et unicité. On cautionne l'unicité des points de vue en les amalgamant avec l'identité (unicité en particulier) du réel.
Cette ruse ontologique recoupe et fonde la ruse politique selon laquelle les points de vue A, A', A'', et ainsi de suite, seront présentés comme A, B, C, et ainsi de suite. L'opposition de ces différences est d'autant plus fausse que la référence initiale A est fausse (mettons que A soit le libéralisme). Mais ce qui pourra passer pour une entourloupe géniale, dont se délectent peut-être quelques stratèges retors et côtelés, que l'on appellerait de nos jours spin doctors, et qui en général émanent de cabinet d'affaires ou en conseils, accélère le changement sous prétexte de l'empêcher.
Eh oui : le faux changement traduit l'accélération du changement effectif. Le faux changement extrémiste n'empêche pas le changement, mais l'accélère. Les pantins libertariens ne consolident pas l'ultralibéralisme qui les finance, mais accélère le changement qui renversera inévitablement ce marigot. C'est donc une bonne nouvelle : les théoriciens de la fixité ne parviennent pas à empêcher le changement, seulement à l'accélérer. On savait que les complots desservent les comploteurs. De même les faux changements desservent les manipulateurs et les marionnettistes.
En France, on a une idée de ce qu'est le faux changement avec l'illustration du faux remaniement du gouvernement Fillon, remplacé par un nouveau gouvernement... Fillon. Le procédé pourrait se révéler comique. Pour parodier Arréat : on se lasse pas de changer les institutions, ne pouvant changer les hommes.
Dernière précision avec l'origine de ce faux changement. On nous serine que les modes viennent des Etats-Unis et qu'elles sont ensuite et seulement appliquées en Europe, comme si le Nouveau continent précédait l'Ancien et menait le bal. C'est l'inverse qui est vrai. De même que l'Etat américain est sous la coupe croissante de l'Empire britannique, de même les stratégies manipulatrices, comme celles du faux changement, ont été développées en Europe et sont recyclées en Amérique.
C'est ainsi que la stratégie de la fausse bannière utilisée dans le 911 émane de l'Empire britannique et fut utilisée par l'Empire français lors de la guerre d'Algérie et dans le néocolonialisme algérien (avec la perversion tous azimuts de l'islamisme manipulé par des barbouzes militaires à la solde de généraux fort peu islamistes et tout à fait terroristes). On nous fait le coup du boomerang inversé pour mieux entériner la stratégie du faux changement : on confère un statut d'auteur à la victime. Les Etats-Unis sont la victime des agissements de l'Europe, en particulier de l'Empire britannique. Le seul point positif est le principal : que cette stratégie, loin de réussir dans son dessein, sert le changement.

mardi 16 novembre 2010

L'onde de demain

Si l'on voulait comprendre ce que signife l'accès au pouvoir des libertariens américains, sous la bannière républicaine et le vocable hâtif et amalgamant de Tea party, on peut parcourir l'étude que le Réseau Voltaire consacre au think tank Cato Institute. Le Réseau Voltaire est un bon outil d'information quand il ne verse pas dans l'antiaméricanisme primaire. Il est vrai qu'il recourt de plus en plus à cette simplification abusive pour livrer une interprétation du monde qui dans la veine de Chomsky et des chiites iraniens délivre une clé du monde déformée et simpliste.
Les libertariens américains sont certes des anarchistes de droite, soit des fascistes identifiables, mais leur communauté de fondements avec les libertaires européens, classés à l'extrême-gauche, est évidente : même engouement pour l'individualisme débridé et source de tous les biens, même refus de l'Etat, du groupe, du collectif, de la société. Au moment où l'ultralibéralisme cher à la Société du Mont-Pèlerin et aux théories économiques de ses représentants (von Mises, Hayek, Friedmann...) s'effondre, il recourt à des théories d'opposition et de contestation qui se résument à une radicalisation et une extrémisation de son message.
Qu'est-ce que le libertarianisme américain? Toujours plus d'individualisme et le refus de l'Etat pour contrer les dérives de l'ultralibéralisme, qui passait déjà par la promotion de l'Etat minimaliste et de l'individualisme exacerbé. Les théories libertaires, plus extrémistes que les théories ultralibérales, sont au fond identiques. Quant à la différence entre les libertaires d'extrême-droite et les libertaires d'extrême-gauche, différence géographique entre l'Europe et l'Amérique peut-être, elle réside dans l'apparence du message, pas dans les fondements. A la différence des libertariens, les libertaires de gauche mettent l'accent sur l'antiracisme et les droits individuels progressistes, mais ils propagent une vision de la société foncièrement individualiste et anticollective.
Les libertariens sont eux classés à l'extrême-droite parce qu'ils sont racistes, mais leur individualisme est le même que la revendication libertaire de gauche. De la même manière qu'on ne veut pas voir que la contestation marxienne entérine les fondements (erronés) du libéralisme, on refuse de considérer la parenté entre tous les libertaires. On pourrait même adjoindre dans ce mouvement les différentes types d'anarchisme, qui proposent des différences au fond minimes (en gros, les anarchistes refusent toute forme d'Etat, quand les libertaires seraient plus favorables à un État minimal, comme le promeut le minarchisme).
Les libertariens américains sont des racistes qui reprennent les théories de Murray? Les libertariens sont les idiots utiles des néo-conservateurs. Il conviendrait d'aller plus loin dans la dénonciation. De la même manière que les adeptes autour de Rand Paul sont des fascistes de droite, le fascisme de gauche en est le complément souvent peu remarqué. Sont fascistes de gauche tous les libertaires, anarchistes qui promeuvent l'individualisme débridé sous le masque du progressisme individualiste.
Au fond, ils sont des anarchistes sociaux du même acabit que les anarchistes de droite, ces libertariens dont on aimerait tant nous expliquer qu'ils sont si différents des libertariens de gauche. La parenté entre le Cato Institute et l'ultralibéralisme de l'école de Chicago (celle de Shultz et Friedmann) est patente : un ancien conseiller de Reagan s'occupe de rédiger les théories libertaires du Cato concernant la suppression de l’impôt sur le revenu, la privatisation des retraites (Social Security), de la sécurité sociale (Medicare) et de l’Éducation. Un ancien ministre chilien à Pinochet, régime fasciste promu par les Chicago boys, est chargé de répandre ces théories, dont il a appliqué le contenu dans son propre pays.
Le Cato est favorable aux théories de l'École de Chicago et du Mont-Pèlerin. Il est subventionné par les multinationales. Le courant libertaire est la façade de l'individualisme radical qui prétend aller plus loin encore que l'ultralibéralisme et le néoconservatisme dans cette voie. On comprend l'instrumentalisation actuelle des cercles de Rand Paul par les financiers de l'Empire britannique sur le territoire américain. Wall Street a intérêt à détruire l'héritage de Roosevelt et à promouvoir toute théorie individualiste, voire ultraindividualiste. Les libertariens sont les idiots utiles des financiers libéraux, comme les fascistes européens furent les idiots utiles des financiers de la City et de Wall Street. A cinquante ans d'écart, l'histoire bégaierait presque.
Quand on comprend que la référence des libertaires du Cato est la Société du Mont-Pèlerin, on mesure quelle est la véritable identité des libertariens ou anarchistes d'extrême-droite : ils sont les extrémistes armés, souvent aveugles, de l'ultralibéralisme, alors que l'ultralibéralisme est déjà un processus d'extrémisme. De superextrémistes sensés résoudre les problèmes de tiers-mondialisation de l'hyperpuissance américaine? On mesure le leurre. Le raisonnement vicieux serait en l'occurrence : comment guérir d'un empoisonnement en accentuant la quantité de poison.
Mais cette parenté idéologique patente, au regard des idées et du parcours du Cato Onstitute, entre ultralibéraux, néoconservateurs et libertaires d'extrême-droite, ne doit pas gommer la parenté, scandaleuse pour les gauchistes, entre tous les courants libertaires. Car au fond, qu'ils soient de gauche ou de droite, les libertaires sont des fascistes. Il est plus facile de dénoncer comme repoussoirs les libertaires de l'extrême-droite américaine pour oublier que les libertaires de l'extrême-gauche ne valent pas mieux et promeuvent les mêmes idées fondamentales.
Le visage repoussant d'un Rand Paul ou des idéologues du Cato contribue à mettre en accusation l'ensemble de la mouvance individualiste qui considère que le problème consiste toujours dans le pas assez d'individualisme. Il y aura toujours trop d'Etat. Le problème, c'est l'Etat. Le positif, c'est l'individu. Il n'y aura jamais assez d'individualisme. Cette logique n'est pas seulement une réaction impromptue et soudaine qui serait déconnectée de la mentalité dominante en Occident.
Si l'on s'avise que l'individualisme gangrène l'Occident, il ne faut pas s'étonner de l'avènement d'un excès d'individualisme en réponse aux problème posés par l'individualisme. Le libertarisme n'est jamais que l'écume d'une lame de fond qui affecte l'ensemble de l'Occident. Or l'on veut bien de l'individualisme à condition qu'il ne débouche pas sur des excès niant le groupe ou le collectif. Le monstre couvait depuis belle lurette.
Il n'est besoin que de considérer l'émergence du fascisme de gauche, qui est représenté par l'ultralibéralisme de gauche d'un DSK patron du FMI ou d'un Obama trop vite messianisé alors qu'il est le pantin de l'Ecole de Chicago version comportementaliste. La mode sympathique et souvent décérébrée des libertariens et autres anarchisants mous dans la jeunesse moutonnière et rebelle d'Europe en est une autre illustration. On promeut l'individualisme débridé depuis cinquante ans comme la conséquence du système libéral qui nous gouverne.
Puis, quand ce libéralisme s'effondre, de manière prévisible et inéluctable, on met en avant les pires extrémistes de l'individualisme - et soudain on s'émeut avec hypocrisie de leur avènement, comme si l'effet monstrueux n'avait pas de causes peu reluisantes. Les libertariens fascistes autour de Rand Paul ne sont jamais que le fruit de cet ultralibéralisme de gauche inspiré par le comportementalisme et représenté par Obama le faux Noir et vrai ultralibéral. L'extrémisme individualiste ferait presque oublier que l'individualisme est déjà un extrémisme.
Ce n'est pas la caricature libertarienne qu'il faut démanteler que le fond ultralibéral et nauséabond. Oubliez Murray et toute cette clique d'agités confusionnels qui estiment que l'homme ne se sortira de son marasme actuel que par plus de boue, de pourriture et de merde. Focalisez-vous sur le vrai problème au lieu de bloquer sur des dérivés, aussi infects soient-ils (et ils le sont). L'ultralibéralisme, c'est le monétarisme débridé des Friedmann et des Hayek, qui contient déjà en son sein le germe du fascisme. Ce n'est qu'en démantelant cette mentalité que l'on viendra à bout des théories délirantes qui courent à l'heure actuelle et dont la partie libertarienne n'est que l'écume virulente.
Le libertarisme n'est que la caricature de l'ultralibéralisme. Mais l'ultralibéralisme n'est que la gradation extrémiste d'un processus inéluctable qui s'appelle le libéralisme et qui charrie les dérives actuelles. Le libéralisme n'est pas viable et ne peut qu'engendrer l'extrémisme grandissant et galopant. Qu'est-ce que le libéralisme, sinon la récupération du capitalisme par la stratégie impérialiste incarnée par la Compagnie des Indes britannique (et ses associés)? En définitive, nous vivons une période de crise qui est aussi une période de transition.
Dans cette transition, la violence n'est pas exempte du changement. Les pires extrémistes s'agitent et sont promus. Mais ils n'annoncent pas le monde de demain, ni aucune fatalité sombre. Ils ne sont que les pantins d'une mentalité purulente et à la dérive qui délire parce qu'elle ne peut supporter d'arriver à sa phase terminale et glauque. Ce sont des effets terminaux et très limités, sporadiques.
Il importe à l'homme de se rendre compte que l'avenir n'est pas écrit, comme la route de la servitude (pour parodier ce prophète de l'ultralibéralisme et de son extrémisme libertarien que fut le triste sire Hayek). Pas de complotisme. Juste la prise de conscience que la liberté ne peut être associée à la domination. Sinon, nous en mesurons les conséquences de nos jours avec les théories fumeuses du toujours plus d'individualisme pour exprimer la liberté en loques.