mardi 23 février 2010

L'Empire des sangs

A l'heure où les rumeurs de possible attaque unilatérale israélienne contre l'Iran bruissent, en particulier rapportées par les sources toujours fiables de l'Executive Intelligence Review, notamment reconnues par le conseiller Bailey du NSC sous Reagan, il est étonnant qu'on mette seulement en avant la stratégie évidemment suicidaire, démente et désaxée des Israéliens, sous la férule modérée du gouvernement Netanyahu. Pourquoi ne relie-t-on jamais les liens entre Netanyahu et ses protecteurs de la City de Londres? Pourquoi se contente-t-on de dénoncer le réducteur soutien américain - en déclin? Pourquoi ne mentionne-t-on jamais les conseils pacifiques d'un catholique prodige à la Blair, qui, employé notamment par des intérêts comme JP Morgan ou Zurich Financial Services, indique les factions poussant Israël vers le chaos et la division : les cercles financiers de la City de Londres, dont nous tenons rien qu'en citant Blair deux spécimens remarquables : les intérêts Morgan (dont la Deutsche Bank par le truchement de Morgan, Grenfell&Co.) et les intérêts UBS, dont Zurich Financial Services sont proches (citons dans ce réseau les intérêts Warburg, M.M. Warburg&Co. pour la section allemande, Warburg Pincus pour les États-Unis et UBS/S.G. Warburg&Co. pour la City spécifiquement).

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On nous répète qu'il n'existe pas de solution au conflit israélo-palestinien. Ah bon? L'impossible est une catégorie nihiliste? La paix serait-elle impossible? Elle l'est dans le cadre d'une perspective nihiliste. C'est l'aveuglement de l'immanentisme, qui interdit de considérer l'évidence : non seulement des solutions de paix existent, mais le cadre de la division est historique. En remontant aux accords de Sykes-Picot de 1916, on tombe sur les germes de la guerre civile actuelle, qui semble insoluble et inextricable. Ces accords secrets et pervers émanent de la logique impérialiste occidentale, en particulier britannique, selon laquelle le meilleur moyen de dominer est encore de diviser. Suivant ces désaccords, le partage colonial des terres est effectué de telle manière que des conflits sont inévitables et irrémédiables.
Quand est créé l'État d'Israël en 1947, on prétexte que c'est suite à l'épisode de la Shoah. La vérité historique est que c'est suite à l'engagement de l'Empire britannique que les revendications sionistes sont satisfaites (Déclaration Balfour de 1917). La Shoah n'est qu'un prétexte ultérieur et de peu de vraisemblance. L'invocation de la Shoah ajoute à la confusion victimaire la logique décoloniale selon laquelle le colonialisme politique est remplacé par un colonialisme économique qui ne dit pas son non et qui prospère sur la justification de la décolonisation. Décolonisation politique, peut-être; décolonisation - certainement pas. Le stratagème perdure et fonctionne dans les pays colonisés. La création d'Israël viole le principe fondamental et anticolonial de l'autodétermination des peuples. Réparer les souffrances d'un peuple religieux par l'octroi d'une terre habitée est une décision remarquable, qui ne peut germer que dans des esprits frottés de colonialisme et d'impérialisme. La résolution du conflit israélo-palestinien n'est envisageable que dans un monde qui reconnaît les principes du colonialisme et de l'impérialisme occidentaux, en particulier britanniques.
Si l'on commence à dénoncer de plus en plus ouvertement l'existence de l'impérialisme occidental au travers de ses récurrents méfaits, si l'on reconnaît l'existence du néo-colonialisme improprement présenté comme décolonialisme, l'existence de l'Empire britannique n'est guère identifiée de nos jours. On nous rebat les oreilles avec l'Empire américain, voire l'Empire sioniste, voire une combinaison accommodante des deux dominations, mais personne n'a le courage d'affronter le vrai visage de l'impérialisme qui est britannique et dont les formes américaines (confédérées) et israéliennes sont des satrapies aux contours plus financiers que politiques.
Tant que l'impérialisme britannique qui règne sur le monde ne sera pas démantelé et analysé, il ne sera pas possible d'empêcher que des manifestations de sa brutalité croissante (avec son déclin) ne se produisent. Impossible d'empêcher les conséquences sans identifier les causes. L'impérialisme britannique présente une particularité par rapport aux formes classiques d'impérialisme : il n'est pas de nature politique. Il est de spécificité économique. Fidèle à la mutation idéologique réductrice produite par le libéralisme (doctrine issue de la Compagnie des Indes britannique), l'impérialisme britannique a repris le monétarisme inhérent à toute forme impérialiste classique, mais lui a conféré une centralité qui est son originalité et qui explique la raison pour laquelle il est si peu remarqué - et décrié.
Un impérialisme classique serait derechef dénoncé comme une atteinte cardinale à la bonne marche de l'humanité et aux Droits de l'homme. Hum, hum... L'impérialisme économique est invisible parce qu'il n'est pas reconnu, identifié et précisé. Il prospère sur son caractère mutant, qui procède par exactions non identifiées, donc invisibles. La forme moderne la plus performante d'État est la forme de l'État-nation telle qu'elle fut codifiée par les accords de Westphalie de 1648.
Avec les guerres de religions chrétiennes en Europe, la conception proto-tribaliste et géographique de l'État ne fonctionne plus. Elle est dépassée par la forme rationaliste de l'État-nation. Les formes impérialistes financières propagent la doctrine du libre-échange qui est antagoniste aux États-nations et qui milite ouvertement pour le remplacement de ces États-nations par une gouvernance mondiale de type fédérale et antirépublicaine (oligarchique). L'impérialisme est favorable à la destruction des États-nations car son standard économique tient dans la faction. Les factions opèrent avec d'autant plus d'efficacité qu'elles sont des formes non reconnues et non identifiées.
Un peu comme un missile qui obéirait à des lois physiques si révolutionnaires qu'elles ne sont pas encore connues des stratèges de l'armée adverse, la faction non identifiée est libre de ses agissements. L'État d'Israël est souvent décrit et décrié par ses adversaires comme l'entité sioniste. Il est vrai qu'il n'obéit pas vraiment aux critères de l'État-nation. S'il serait assez aisé de montrer que sa revendication de démocratie bafoue les droits élémentaires des Palestiniens et des peuples environnants (pour ne citer qu'eux), si les liquidations sommaires sont le fait de procédés dictatoriaux et arbitraires, le statut bizarre et protéiforme d'Israël s'explique par l'identité de son soutien : les factions financières de l'Empire britannique.
Israël n'est pas la création d'un État-nation, c'est la création d'un État postcolonial, issu de l'impérialisme et d'une vague vulgate qui sert les intérêts de l'impérialisme britannique. Si l'on devait décrire la nature de l'État d'Israël, on serait gêné par sa bigarrure. Il est à la fois un État tribal et un État rationnel. Il repose de facto sur des principes irrationnels et inexistants. La notion de peuple juif est une aberration dès qu'on quitte la définition religieuse et ses prolongements associés (comme les formes artistiques).
Les revendications sionistes pour l'existence d'un peuple juif qui serait géographique et rationnel ne tiennent pas la route. Le fait d'avoir pris la place d'un peuple colonisé indique quelle est la mentalité des sionistes : une mentalité de colons, ainsi qu'on baptise avec une lucidité provocante les extrémistes qui poursuivent envers le droit la colonisation de la Palestine. Plus exactement : une mentalité de colons financiers, soit de décolons. Décollons les collants colons?
Le refus d'envisager la parenté des problèmes israélo-palestinien et sud-africain tient moins aux conséquences scandaleuses que cette reconnaissance induirait (racisme, esclavage, apartheid...) qu'au statut exact de ce colonialisme qui ne fonctionne que sur le déni et le secret. Chut! ne dites surtout pas aux satrapes de l'Empire britannique qu'ils n'ont aucune identité politique, mais une identité financière. D'un point de vue politique, cette identité étrange se manifeste par une forme étatique toujours contestable et toujours contestée.
Les satrapies prospèrent sur le culte perpétuel du conflit et de la division, dans le direct prolongement de la stratégie de l'Empire britannique. Le seul moyen d'arrêter le cycle infernal, au sens où l'on parle de cercle vicieux, est de mettre un terme aux menées impérialistes originaires. Si vous voulez obtenir la paix dans l'interminable conflit entre les Israéliens et les Palestiniens, il ne suffit pas de remarquer l'injustice néocolonialiste faite aux autochtones palestiniens ou la nature baroque de l'État d'Israël : encore est-il urgent de démanteler les factions financières de l'Empire britannique sans lesquelles l'existence des satrapies n'est pas possible.
Il est bien beau de polémiquer avec justesse sur le néocolonialisme hypocrite et d'apartheid qui caractérise Israël. Encore convient-il de relier ces remarques avisées avec la constatation de l'existence non reconnue du protecteur. Dès lors, la solution coule de source. C'est la création d'un État unique, laïque et multiconfessionnel, sur le modèle du Liban voisin, cet État qu'Israël détruit depuis quarante ans justement pour empêcher que son modèle fédérateur et voisin soit réclamé. La solution de l'État unique permettrait aux Israéliens de ne pas connaître le destin funeste des Français d'Algérie; tout en détruisant les intenables traces impérialistes, colonialistes et mensongères de l'État d'Israël. Rappelons que dans sa folle course vers le vide, Israël a commis lors du récent massacre de Gaza (décembre 2008-janvier 2009) des crimes de guerre assortis de crimes contre l'humanité.
Quand on commet ces atrocités abjectes (410 enfants sciemment assassinés), il n'est pas cohérent d'invoquer le statut de démocratie. Le plus aberrant est que cette démocratie serait compatible avec l'exercice exacerbé et croissant de l'impérialisme et du néocolonialisme. La solution de l'État unique est calquée sur le précédent sud-africain. Elle n'est pas idéale mais elle a le mérite de concilier l'existence des Israéliens avec la légitimité des autochtones. Dans le faux débat qui assourdit et aveugle autour de la question du conflit israélo-palestinien, les diversions sont multiples. Mais outre la constatation pessimiste et fataliste selon laquelle aucune paix n'est possible sans bain de sang préalable, rien n'est pire après la solution impossible que la fausse solution.
Je pense à la proposition à laquelle j'ai longtemps adhéré et qui consiste à proposer deux États mitoyens, l'un palestinien, l'autre israélien. Cette hypothèse obéit à la catégorie de l'irrationnel, si tant est que l'on veuille fonder des États-nations. La solution reste envisageable pour l'État palestinien. Pour l'État israélien, c'est impossible. Impossible de fonder rationnellement un État-nation tribaliste, voire fantoche. Les Israéliens n'ont aucun droit historique sur la terre de Palestine (même rebaptisée Grand Israël) et le principe de l'État juif obéit à des critères nauséabonds qui évoquent le racialisme de l'apartheid.
Le seul moyen d'appeler au compromis est la solution d'un seul État. Se désole-t-on de savoir si les Blancs d'Afrique du sud vont disparaître en se noyant dans la majorité noire? Idem avec les juifs sionistes israéliens : c'est déjà beaucoup de permettre à cette minorité issue de l'aberration postcoloniale et idéologique de ne pas disparaître dans les affres de la vengeance sanguinaire. Seule solution possible, à l'encontre de ce que préconisent les diplomates vénérables et chevronnés comme le Français Stéphane Hessel : un État unique qui incorpore Palestiniens autochtones et colons israéliens au sein d'un État-nation laïque.
La solution double rappelle trop la stratégie du dualisme antagoniste et impérialiste. La fausse solution à deux États a reçu le soutien de sionistes qui prônent la paix pour paraître modérés, dans la mesure où la paix qu'ils soutiennent est injuste et utopique. Ils ont beau jeu par la suite de reporter les torts sur la partie palestinienne en expliquant contrits que les désaccords ne sont pas leur faute. Tu parles! Tant que la solution impraticable à deux États prévaudra sur la seule solution viable (un État), aucune paix ne sera possible. La paix repose sur la justice.
Mais le fond du problème ne tient pas tant à l'ignorance intéressée de cette solution si simple qu'à la vraie nature du déni. Pas question d'aborder la racine. Qui parle de la vraie identité satrapique d'Israël? Qui désigne l'Empire britannique fondé en factions financières? Tant que l'on n'incriminera pas ces factions financières prévaricatrices et invisibles, on fera le jeu de l'impérialisme britannique qui divise pour régner et qui utilise Israël comme un jouet monstrueux, pervers et sardonique. Si vous voulez vraiment que le cauchemar des enfants de Gaza prenne fin, démantelez le circuit impérialiste dont Israël n'est qu'une ramification et qui dans la seule région du Proche et du Moyen-Orient ne cesse de créer des divisions et des conflits.
Vous voulez la fin de la guerre civile en Irak? La fin de la monarchie délirante saoudienne? La fin de la dictature égyptienne? La fin du protectorat jordanien? La fin de la destruction du Liban? La fin de la théocratie extrémiste iranienne? Vous voulez que ces pays et ces peuples aient droit à la constitution d'États-nations souverains et modernes, qu'ils aient accès au développement et au progrès véritable? Dans ce cas, tirez- en les conséquences : impossible d'instaurer le développement avant-gardiste avec la coexistence oppressante de impérialisme, a fortiori quand cet impérialisme est dénié ou défiguré.
Regardez la question du nucléaire iranien... Imaginez-vous des essais spatiaux à Gaza ou en Irak avec la tutelle impérialiste britannique figurée notamment par les États-Unis, l'Arabie saoudite, l'Égypte ou Israël? Il n'est pas possible de venir à bout de l'impérialisme britannique si vous vous contentez paresseusement de l'affubler d'une identité réductrice comme l'identité israélienne, l'identité américaine ou l'hybride sioniste. Ce sont des masques trop imparfaits et trop lacunaires pour remédier au véritable problème. Vous voulez soigner le mal? Faites le bon diagnostic! Donnez le bon remède! Identifiez le vérifiable mal! Les Palestiniens ont droit à la paix. Les Palestiniens ont droit à la justice. Les Palestiniens ont droit au développement. Les Palestiniens ont droit à la souveraineté. Les Palestiniens ont droit à la vérité.

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