mercredi 24 février 2010

L'emprise des vamps

"Aujourd’hui, Internet a augmenté les possibilités de ce processus de résonance créative en éliminant le problème de la distance physique entre les acteurs, qui même en se trouvant aux antipodes les uns des autres, peuvent partager de la même façon une sorte d’espace mental, rendant ainsi possible l’apparition de véritables groupes disséminés qui s’échangent régulièrement des informations et développent des modèles de réalité communs."
Roberto Quaglia, Le monde d’aujourd’hui se divise en deux catégories : les Confiants et les Désenchantés.




Je tombe sur une citation de Nabe extraite de son dernier roman, L'homme qui arrêta d'écrire. Nabe pour faire la nique au système Gutenberg de l'édition a promu son innovation de l'anti-édition, qui constitue une révolution de l'entre-deux, soit un faux changement. C'est une contestation qui conteste le système tout en demeurant dans le système. Tout à fait la position d'un Nabe, qui n'a pas compris que quand on critique un système vermoulu, le seul moyen de poursuivre sa route consiste à changer de système. Hein, Nabe? FOG t'invite sur les plateaux, toi t'accours? Tu ne remarques pas soudain que tu es devenu culte, sulfureux - mais à la mode? Pourquoi ces égards qui égarent et qui autrefois te valaient le silence, voire quelques fielleuses reconnaissances?
Réponse : tu es un faux révolutionnaire. Ta révolution repose sur une fausse révélation. Le système qui s'effondre, la crise financière qui est plus que financière, qui est systémique, et qui ne s'arrêtera qu'avec le changement de système, politique mais surtout religieux, ce maudit système, ce damned babylon system, ce shitstem a recours à tes serviles services pour laisser entendre qu'il pratique la démocratie en donnant la parole à ses vrais opposants. Tu parles d'un opposant! Un opposant déposé? Un contestataire qui se prétend ultra-anarchiste, qui se montre ultra-individualiste, qui réfute les fils de alors qu'il en est un d'irréfutable, qui critique les complotistes en pleine époque décadente de complots effectifs, et qui, mine de rien, l'air vindicatif et supérieur, vous assène que le 11 Septembre a bel et bien été effectué par un commando d'islamistes hurluberlus au nom d'Allah. Vengeance! C'est se montrer raciste que d'estimer les Arabes incapables de cet acte héroïque! Eurêkaka! La VO est juste, mais à condition de la retourner : le 911 n'est pas un acte terroriste, c'est un acte juste.
Euh, comment dire? Sans rentrer dans les détails, on dit comment - passer à côté de l'histoire? Le 911, c'est un test. Un peu comme l'Éternel Retour chez Nietzsche (folie avariée sans doute), le 911 indique avec une certitude translucide l'identité des acteurs-participants de notre époque apocalyptique (ce n'est pas la fin du monde, non, non, juste la fin d'un monde). La plupart des citoyens n'en ont rien à cirer, pris dans les rets de leur individualisme nombriliste et minable. On s'en fout si le système croule parce que ce qui nous intéresse, c'est notre nombril, voire le nombril de nos amis. Pas au-delà. Pour l'individualiste, l'important tourne autour de l'individu. Le reste n'a pas de sens. Les sens au lieu du sens. Pas d'importance. Les moutons se réveilleront la laine gorgée d'eau, si incapables qu'ils sont déjà incapables de comprendre qu'ils vont être tondus, puis qu'ils vont crever noyés comme des rats.
Variante de l'individualisme : quand on veut donner un peu de Sens à son existence individualiste et qu'on suit les critères du système en le détestant, on sombre dans le pessimisme : selon cette conception hypertrophiée, le fonctionnement social est sombre, mais inéluctable. Il est nécessaire de suivre le système même s'il est shitstem. Souvent les pessimistes-fatalistes recoupent les individualistes forcenés et impuissants qui composent la meute des peuples d'Occident. Le pessimisme est incarné par ceux qui prétendent à une certaine originalité intellectuelle, à un certain niveau de brillant académique. Dans le fond, rien n'est pire qu'un rebelle systémique, car il vous fait bouffer la merde du système quand ledit système s'effondre.
Paradoxe : un rebelle qui soutient le système est un conservateur mauvais teint- teinté de réactionnaire. Il faut être réactionnaire pour suivre les inclinations et la mentalité d'un système putride - c'est se plonger dans le passé nostalgique que de reprendre les modes condamnées. Serait-ce le cas d'un Nabe? Sa position concernant Internet recoupe son incompréhension viscérale du 911. Quand on ne comprend pas qu'on est un rebelle systémique, quand on ne comprend pas le système, on est incapable de comprendre la véritable révolution qui chamboule le monde de la littérature - Internet.
Nabe ne comprend pas le 911? Nabe ne comprend pas l'Occident? Nabe ne comprend pas le christianisme? Nabe ne comprend pas qu'on ne peut pas se déclarer chrétien et aller se taper des putes (sans comprendre qu'une pute qui n'est déjà plus une personne ne sera jamais une personne)? Nabe ne comprend pas le phénomène majeur de son temps en matière d'écriture? Pour lui, qui appartient au chœur du système, il est nécessaire de faire évoluer le système tout en restant dans le système. Plus d'anarchie, plus d'individualisme, plus - d'ultra-libéralisme? En termes littéraires, cela donne : il est impératif de faire évoluer Gutenberg tout en demeurant dans les limites de Gutenberg. Résultat des courses : Nabe l'Écrivain Majeur de son temps est emprisonné dans son temps.
Nabe empoisonné dans son tempo : dansons, c'est son châtiment. Nabe n'est pas capable de comprendre l'évolution d'Internet car ses postures l'enferment (l'enfer me ment) dans une logique surannée et révolue. Nabe est plus révolu que révolutionnaire. Plus vermoulu que révolutionnaire? Nabe : un écrivain mineur pour la littérature, tant il n'a pas su prendre la mesure de la révolution Internet. Il a pris la révolution pour une rave. Il a pris la mesure pour une mesurette. Il a manipulé Internet en l'intégrant dans le cadre Gutenberg. Il a confondu le géant et le nain. Il joue à l'écrivain incompris (parce que génial) avec des critères postromantiques qui indiquent son égarement. Comprendre son temps, c'est ne pas en rester à son temps. C'est être de tous les temps. C'est définir le temps. Tant pis!
Nabe n'est pas antisémite (terme impropre). Nabe écrit trop bien. Nabe a des trouvailles trolatiques. Cet écrivain aura au moins la dimension de Bloy. C'est un compliment - vachard : Bloy, c'est la casse. La case mineure. Mieux vaut être un Bloy qui ploie qu'un ringard hagard à cigares (exemple Beigbeder de nos jours). Nabe est de ces écrivains d'avant-guerre qui n'ont guère saisi le bouleversement de la crise de 1929, la montée des fascismes, les rumeurs de guerre, et qui se réfugient dans des valeurs dépassées, réactionnaires, voire franchement haineuses. Ainsi de la haine religieuse des juifs pour Bloy? Nabe ne hait pas les juifs. Il hait Internet. C'est sa croix et sa passion. Le juif de Nabe, c'est Internet? Nabe n'est pas antisémite (terme impropre)? Nabe est antiinternet.
Un blogueur peu suspect de détestation cite Nabe sur le site de Nabe : Nabe déclarant que les blogueurs "croient que parce qu’ils écrivent, et qu’ils sont lus, ils sont publiés alors que non… L’illusion est parfaite, mais le papier manque, c’est-à-dire la matière, la chair. Et ce n’est pas la publication en soi qui fait cruellement défaut, c’est l’impression."
http://www.alainzannini.com/index.php?option=com_content&view=article&id=1759:la-lecture-du-nabien-anonyme-1000-livres-21-fevrier-2010&catid=47:blogs-internet&Itemid=66
Ça, c'est une preuve de contresens. C'est comme quand Nabe s'en prend aux complotistes du 911 au lieu de s'en prendre aux complots du 911. Malaise dans l'écriture! Contresens, contre-sang, contre-seing... C'est les Arabes qui ont fait le coup - c'est bien fait! C'est le châtiment contre les atrocités impérialistes et coloniales de l'Occident. Ce serait pas un peu raciste comme assertion?
Le contresens, c'est la mauvaise impression. Nabe qui parle d'impression! Tu parles d'une impression! Une impression - psychologique? Une impression Gutenberg? Nabe, le vrai problème, c'est pas de se servir d'Internet comme d'une plate-forme court-circuitant les parasites de l'édition officielle style Gutenberg. L'impression Gutenberg, c'est l'impression ancienne. Dépassée. Déphasée. Tu fais comme ceux que tu critiques, tu prends l'oseille pour ton profit, même justifié, même mérité, même engagé. Tu passes à côté de la richesse. Tu le sais, pourtant, que la richesse n'est pas pécuniaire et qu'elle n'est pas davantage quantifiable. Le fric, c'est bon quand tu fais dans ton froc.
Les révolutions ne sont pas monétaires, financières ou mercenaires. Internet est une révolution dans la conception de l'échange. L'impression Internet, c'est l'impression virtuelle. C'est le rituel du virtuel. Avant Internet, l'échange se manifestait par la médiation du papier. Compromis entre la matière et le virtuel. Le génie d'Internet est d'avoir supprimé la médiation séculaire. Plus de papier. La vertu d'Internet, c'est son virtuel. On imprime. On lira sur des écrans, mais finies les médiations Gutenberg. Fini le cher, finie la chair. Gutenberg, c'est fini. La chair chère à Nabe n'est-elle pas - trop chère?
Internet a fondé un nouveau monde. Un nouvel échange. Une nouvelle expression. Internet a sa vertu : la vertu du virtuel. Internet a fondé le virtuel comme le moyen d'expression qui confère à l'homme une nouvelle dimension. On vit une époque où l'homme se rabougrit, se sclérose, se blottit sur lui-même. C'est triste, un petit vieux qui attend la mort sans rien faire, fataliste et épuisé. Démuni et contrit. L'avenir de l'homme est dans l'espace. L'avenir de l'espèce est dans la décroissance? Croire que croître, c'est la vie. Le cloître, c'est décroître?
Le vice de Nabe, c'est se la jouer rebelle alors qu'il est conservateur de classe Gutenberg. Conservateur du musée Gutenberg. Fini. Dépassé. Encore plus réac que les réacs à la FOG qui l'invitent sur leur plateau en compagnie du libéral mondain Tesson? Néologisme pour Nabe : conservatueur. C'est vrai que Nabe est craint sur les plateaux pour sa verve satirique. Mais les mille plateaux sont des postes piteux du postmodernisme capiteux. Le roman de Nabe constate que Paris mondain sent la fin. Paris mondain ment, Paris mondain est... C'est la fin d'une mode. La fin d'un mondain. La fin d'un Empire. La faim d'une époque.
C'est l'époque Internet qui se libère. Internet libère un espace. Quel espèce d'espace. L'espace de l'espèce. Le monde de l'homme s'ouvre, s'agrandit, change, se contorsionne. De grands bouleversements voient le jour. Tu crois que tu t'adapteras avec tes ratiocinations et tes jérémiades? Tu crois que tu peux adapter le géant Internet au format nain Gutenberg? Format people : c'est Nabe qui le dit! Internet donne un bon coup d'époussetage dans un sacré nid de poussière. Sacré nid de vipères! Sacré lit de vils pairs. Impairs et passe. Rentre dans la nasse. Rentre dans ta rente.
Nabe n'a pas compris parce qu'il est le rebelle de son temps. C'est l'époque qui n'a pas compris. Le changement est incompris. L'incompris n'est pas compris. Nabe l'incompris est compris. Tu piges l'incompréhension? Internet mérite d'être compris : c'est une invention géniale, dont le génie ne dépend pas d'un individu. C'est une invention dont s'empareront les créatifs, les féconds, les géniaux et les avant-gardistes pour trouver de nouveaux langages. De nouveaux styles. De nouvelles phrases. De nouvelles expressions. La fin de Gutenberg, ce n'est pas le début de l'anti-édition. L'auto-édition new wave. C'est le début d'une fin d'édition, une reddition en quelques clics et quelque coût.
Les vraies inventions sont collectives. Elles dépassent les potentialités d'un individu solitaire et supérieur. Elles concernent l'homme. Elles ouvrent de nouveaux pans de réel. Cas d'Internet, qui annonce la conquête spatiale. Internet exprime l'expression spatiale. Internet imprime l'impression spatiale. L'échange spatial contre le libre-échange. Le style spatial contre le stylet vénitien. C'est sûr qu'à côté, Gutenberg fait ringard. Nabe finit regard : quand on commence célébré par les moribonds de son temps, il y aurait de quoi se poser des questions.
Écoutez ce qu'en dit un auteur de science-fiction du nom de Roberto Quaglia :
http://www.reopen911.info/News/2010/02/22/12-roberto-quaglia-le-monde-d%E2%80%99aujourd%E2%80%99hui-se-divise-en-deux-parties-les-confiants-et-les-desenchantes/
"Même si le bruit de fond sur Internet a grandi au point de rendre problématique la recherche de ce qui peut effectivement nous intéresser, la Toile a malgré tout permis à tous les individus qui dénichent dans le Village Global une information méconnue, mais importante, ou qui parviennent à élaborer des raisonnements brillants sur des thèmes critiques, de les partager avec tous ceux que cela intéresse de par le monde. Historiquement, les époques “magiques” de la culture humaine durant lesquelles l’intellect humain a donné naissance à d’inoubliables foisonnements de génies – la culture grecque, la culture latine, la Renaissance, le Siècle des Lumières, etc.… – ne furent pas le fruit de l’action de quelques individus brillants, mais bien le résultat d’un phénomène de résonance créative au cours duquel le génie et la créativité de l’un catalysent le génie et la créativité de l’autre, et ainsi de suite, dans un enchaînement admirable d’interactions positives qui élèvent l’intellect de tous. Mais il était nécessaire que les sujets concernés par ce processus partagent un même espace physique peu étendu, sinon comment auraient-ils pu se rencontrer et interagir de façon profitable ?"
Pigé? Piégé? Y a-t-il quelque chose de génial à ajouter?

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