mercredi 30 janvier 2008

Le mythe du mensonge

Question : pourquoi le 911 respire-t-il à ce point le mensonge que l'on se rend compte dès l'examen un tant soit peu approfondi de ce drame que la version officielle est fausse et que le mensonge recouvre toutes les interprétations officielles et validées par l'Occident comme une chape de plomb mal ajustée et implacable?
Il est certain que par sa médiatisation et sa dimension planétaires, le 911 se pose comme un mythe. Mythe justifiant la guerre contre le terrorisme, mythe d'un genre un peu particulier, puisqu'il prétend rompre avec la définition classique du mythe et imposer à la place l'Evénement. Qu'est-ce que l'événement? C'est le substitut du mythe, soit le témoignage que le mythe désormais expulsera l'absolu et fondera la civilisation à partir d'une histoire purement immanente et rationnelle.
Si le mythe du 911 ne correspond pas du tout à la définition du mythe classique, sa rupture indique-t-elle pour autant qu'il penche dangereusement du côté du mythe en tant que mensonge? Le mythe du mythomane, en quelque sorte. Le mythe serait-il en fin de compte un grossier faux, un usage de faux aberrant? En tout cas, le mythe moderne prétend créer la culture à partir du mensonge, et du mensonge sacralisé, dans la mesure où mythe et mensonge sont si parents, si proches.
Car le mythe classique engendrait la culture à partir de l'insertion de l'absolu quand le mythe moderne prétend que le mensonge peut remplacer l'absolu. Tout tient au rôle de l'ordre. Rôle classique : l'ordre affronte l'absolu et l'intègre. Rôle moderne : l'ordre dénie l'absolu et prétend décider pour lui-même de ce qu'il est et de ce qu'il sera. De ce fait, l'ordre sert les élites irresponsables qu'il suscite et décide de ce qui est réel et de ce qui est illusoire - de la vérité et du mensonge.
Le mensonge n'a pas d'importance et se révèle d'un grand prix à partir du moment où il sert les élites, qui de ce fait estiment servir l'ordre. Il est vrai qu'au départ le coup tordu fonctionne et que le mensonge semble remplacer sans histoire l'absolu. Il est fascinant de constater que dans le déni d'absolu, c'est le mensonge qui prend la place de l'absolu, comme si le mensonge constitutif (le déni d'absolu) entraînait la nécessité de remplacement ou de substitution du mensonge mythique.
Que mensonge et mythe ait parenté qui se retrouve dans un des acception du mythe ne signifie certainement pas que ce que nous nommons mythe repose sur le mensonge. Au contraire, le mythe est antithétique du mensonge et n'est jamais considéré comme mythe qu'à partir du moment où son effectivité religieuse ne fonctionne plus. C'est quand on ne croit plus au mythe que le mythe est considéré comme mythe.
Moins l'on croit au mythe, plus le mythe effectif est objet de croyance et de sacralisation, plus le mythe se distingue du mensonge. Plus le mythe perd en sacralisation et en religiosité, plus il est considéré comme mythe, et plus il se rapproche du mensonge. Raison pour laquelle le mensonge d'aujourd'hui prétend à la mythisation, sans se rendre compte que prétendre au mythe en tant que mythe non religieux, c'est déjà proférer un mensonge éhonté et invraisemblable. Ce n'est qu'a postériori que l'on nomme mythe le mythe. Vouloir faire du mythe al constitution positive de la culture, c'est toujours déjà lancer un mensonge comme l'on lance les plus inouïs mensonges. A méditer.

Universel, quand tu nous tiens

A tous les occidentalistes et les occidentalisés, qui croyez que l'Occident charrie les valeurs universelles, qui estimez que l'Occident est la Providence, y compris et surtout quand l'Occident est dénié, renié, comprenez cette vérité, comprenez la vérité, ayez le courage d'ouvrir les yeux, de déciller votre regard, d'allonger votre cou. Que voyez-vous alors? Quel changement frappe votre attention?
L'universel est l'universeul. Eh oui, ce jeu de mots exprime plus que bien, plus que mieux la réalité acérée de nos maux. L'universel est l'universeul, car l'universel n'est jamais que le cheval de Troie rationnel par lequel, grâce auquel l'Occident parvenait à justifier de manière argumentée et satisfaisante son impérialisme. Que l'on se comprenne bien : ce n'est pas que l'Occident rompt avec les autres cultures, les autres civilisations, mais le propre de l'Occident n'est pas tant d'imposer son impérialisme que de le vendre grâce à la ruse de la Raison.
L'Occident a trouvé le moyen de remplacer la force de l'impérialisme par les raisons de l'impérialisme. Sans le savoir, sans le soupçonner, en pensant enterrer les autres cultures, l'Occident par la raison a prononcé son oraison. Car l'universel n'est cheval de Troie que dans la mesure où ce cheval de Troie est la ruse qui dupe tout le monde, y compris le dupeur.
L'Occident croit avoir dupé le reste du monde en inventant sa ruse rationaliste d'occidentalisme à valeur d'universel alors qu'il est le dupeur dupé, le balayeur balayé : bref, alors que son universalisme n'est pas destiné à mondialiser les valeurs occidentales, à imposer au monde ces valeurs postchrétiennes qui se veulent achrétiennes, qui seraient l'incarnation supérieure et suprême de la Raison, successeur grandiose et humaniste de Dieu, l'Occident a en fait préparé le terrain à autre chose qu'à l'universalisme made in Occident, à autre chose qu'à ses propres calculs très classiques et très prévisibles.
Je pense bien entendu que l'universel révèle dans son terme même sa destinée de la même manière qu'il évoquait aussi sa faille terrible et tragique. Car de la même manière que l'universel contient l'universeul quand l'universel se veut mondialisation et libéralisme - occidentalisme hypocrite et larvé, l'universel renvoie à l'univers in fine. Si les valeurs universelles mènent à la ruine quand elles se déclarent fins mondialisées, ces mêmes valeurs universelles conduisent à l'univers et à l'espace viable quand elles se présentent pour ce qu'elles sont : des moyens prophétiques et divins.


mardi 29 janvier 2008

Ordre de démission

J'insiste, je persiste et je guigne. A la question : "Pourquoi la masse se résigne-t-elle devant les dictats des élites?", "Pourquoi ploie-t-elle l'échine?", je crois que la réponse coule de source : parce qu'elle est trop attachée à son confort pour remettre en question l'idée fantasmée et fantasmatique selon laquelle l'ordre n'est pas foncièrement et viscéralement bon; parce qu'elle est incapable d'accepter l'idée que l'ordre pourrait lui nuire; parce qu'elle est incapable d'envisager la mutation de l'ordre, la perversion du rôle de l'ordre. La principale cause du déclin de l'ordre, c'est l'incapacité constitutive des composants de l'ordre à révoquer les élites, je veux dire à adopter un point de vue lucide et critique qui permette de contester la mutation de l'ordre et d'y apposer des solutions vigoureuses et salvatrices. Si l'ordre décroît, c'est avant tout parce que ses composants s'altèrent aussi. Au lieu de se demander si l'ordre poursuit sa mission, ils adoptent le présupposé selon lequel il faut suivre les directions données par l'ordre quoi qu'il arrive et pour le bien général et particulier. Moyennant quoi : les composants de la masse se trouvent, au nom de l'ordre, au service exclusif des élites les plus dévoyées. A qui la faute?

Baratins divins

Il est certainement un aveuglement dans lequel se complaisent les seigneurs des élites de l'ordre unique : puisqu'ils se trouvent à la tête de l'ordre unique, ils incarnent le pouvoir absolu en tant qu'ils sont en mesure de décider du sens de l'ordre, soit de décider du sens général - en définitive : du sens tout court.
Cette proposition effrayante n'en est pas moins pourtant absolument vraie : les sommités installées à la tête de l'ordre unique ont l'illusion d'occuper les places de démiurges tout-puissants, soit d'être invertis de pouvoirs divins et grisants. Décider en définitive du sort de l'ordre, du sort des composants de l'ordre, c'est dépasser la toute-puissance et la démesure réunies, puisque seuls les dieux les plus bénis furent investis de ce pouvoir dans les mythes aujourd'hui dépassés des peuples de l'Eurasie.
Qu'il est grisant d'être en mesure de décider en dernier recours et sans autre recours possible du destin du réel! Ni plus ni moins. Peut-être même la gravité accompagne-t-elle les lourdes décisions de ces décideurs suprêmes et que chacun de leurs gestes est marqué de la conscience de détenir un pouvoir si lourd qu'il ne peut s'exécuter que dans le secret des dieux.
C'est ainsi que s'est déroulé le 911. C'est ainsi que se sont déroulés toutes les grands décisions et tous les grands événements de l'époque moderne, depuis en fait que certaines élites se trouvent investies du pouvoir de décider de la direction et des directives pour l'ordre unique. Le secret accompagne nécessairement l'annonce du sens et l'annonce du vent.
Pourquoi le secret? Et pourquoi pas la transparence, la vraie transparence, pas celle dont se réclame l'ordre unique et qui renvoie en fait au mensonge et au travestissement? Réponse aussi lapidaire que terrible : parce que le secret est nécessaire à la protection du mensonge. Ne nous leurrons pas : si ce sont certaines élites qui sont chargées de donner le sens, alors ces élites sont aussi condamnées à mentir et à faire passer le mensonge pour la vérité - pour la réalité.
A mentir : comment donner publicité universelle au sens si le sens consiste à asservir l'ordre à certaines élites privilégiées, comme ce ne peut être que le cas dans l'ordre unique?
Le mensonge en vérité : si toute vérité n'est jamais que la présentation de mensonges au peuple, le fait de faire passer au peuple l'exploitation et la domination pour la tolérance et la démocratie, c'est que le travestissement du mensonge en vérité est adossé sur le mensonge constitutif : l'ordre n'est pas unique et n'a pas recouvert le réel au point d'en expulser l'absolu (d'ailleurs : où?).

Mite

Le mythe en tant que mensonge serait opposé au mythe en tant que fondement de la culture. Cette opposition oublie seulement de distinguer le mythe comme avènement de l'imaginaire et de l'absolu dans le fini et le mythe comme recouvrement de l'absolu dans le fini. Dans le premier cas, il est légitime que le mythe débouche sur des propositions surnaturelles et extravagantes pour un esprit rationnel. Dans le deuxième cas, le mythe a déjà muté et exprime le mensonge comme vérité.
Il faut s'arrêter sur le mensonge. Un mythe dans lequel on ne croit pas exprime un mensonge parce que l'absolu qu'il contenait et charriait n'est plus perceptible. Autant dire que la société ne se reconnaît plus dans les codes du mythe et qu'un mythe dépassé pour une culture, c'est l'idée de déphasage, soit de changement des valeurs culturelles.
Mais tout autre est le mythe qui prétend abolir l'absolu dont il est censé rendre compte (notamment par l'immixtion du surnaturel) et qui prétend en fait fonder l'ordre unique sur son seul fait. Ce mythe-là, non seulement ne correspond guère au mythe classique, mais surtout est chargé de donner sens à la violence pure et au chaos qui ne manquent pas de déferler sur l'ordre unique. Quand le mythe classique était chargé de la fonction de transformer le chaos en absolu, et l'absolu en fini, par une série de médiations complexes et labyrinthiques, le mythe moderne rompt avec cette définition en ce qu'il est chargé quant à lui de donner sens au surgissement de la violence paroxystique.
Autrement dit : le mythe moderne rompt avec le mythe classique en ce qu'il en reconnaît pas l'absolu. Dans la pratique, cette mutation est lourde de conséquences : sans la médiation de l'absolu, la violence déferle avec une force de plus en plus persistante, qui contraint peu à peu l'ordre unique à se désagréger et à ne pas se renouveler. L'ordre unique se croit d'autant plus fort qu'il dépérit, puis cède sous les coups de la violence chaotique qu'il ne parvient plus à transformer.
Comprend-on que le 911 marque le surgissement de ce type de mythe, fondé sur le mensonge, l'exploitation du mensonge et l'idée criminelle que du mensonge peut sortir l'ordre nouveau, l'ordre mondial, l'ordre universel?

Ben Bush

La constante stupéfiante du double dans la fausse distinction est à l'œuvre dans les événements du 911. J'ai déjà noté que les jeux de miroir sont la règle ou la clé qui permettent de décoder le monde, comme si ces événements traduisaient en fait l'accélération du processus inéluctable qui mène à l'unicité et l'univocité du système censé nous réguler avec ordre et intelligence.
C'est ainsi que l'invasion de l'Afghanistan répondait à celle de l'Irak. Pas seulement : le terrorisme répondait à la civilisation comme le Bien au Mal, à moins que ce ne soit l'inverse. Mais encore : les Twin Towers étaient bel et bien des tours jumelles, comme si l'événement du 911 étaient placé sous le sceau de la gémellité. Enfin : W., rejeton de la rédemption du clan Bush, était opposé de manière théâtrale et médiatique à Ousama, brebis galeuse et honnie (officiellement) du clan ben Laden.
Deux riches familles, deux familles alliées de l'économie internationale, deux symboles du ciment qui unit la civilisation mondiale dans le pétrole. Sans bien entendu imputer le 911 à l'alliance sidérante de deux clans et de deux dynasties, qui devraient permettre de revisiter les soaps interminables des séries américaines, style Dallas ou Santa Barbara (tu ne sais pas pourquoi!), il est certain que les étroits rapports des Bush et des ben Laden valent plus qu'un long discours détaillé sur le 911. Ils expriment la loi des séries.
Cette alliance éclaire la gémellité du 911 et atteint son paroxysme dans l'opposition viscérale entre W. et Ousama. Quand une personne hait par trop une autre, c'est qu'elle l'aime. Quand on oppose par trop deux personnes, ou deux choses, ou deux entités, c'est qu'au fond ce dédoublement cache mal l'identité et la communauté des destins. Sans aller jusqu'à spéculer sur une alliance hypothétique entre ben Laden et Bush (sur le mode : je ferai de toi un mythe dans le temps où je te lyncherai et je te détruirai), il est certain que les deux symboles (le chef de la civilisation occidentale contre le chef du Mal et du terrorisme unifié) sont unis par leur identité travestie en opposition irréconciliable.
Touché! S'ils sont irréconciliables, c'est parce qu'ils sont les mêmes et qu'ils représentent la même. W. = Ousama? Certainement. Il serait intéressant d'observer la proximité quasi parente des deux discours et des revendications respectives. Sont-ce les mêmes scribes qui accouchent de discours pourtant présentés comme aux antipodes? Certainement pas. Il suffit en fait que l'on comprenne que le meilleur portrait de W. Est en miroir, que l'ennemi de W. est son miroir et que W; ne peut que détester sa propre ombre, celle que par définition il refuse de contempler.

Univocité et hégémonie

Si le monde de l'homme était parvenu à recouvrir le réel, si le réel se confondait avec le monde de l'homme, alors l'uniformité du système serait envisageable : la domination rationnelle sur le réel entraînerait la rationalisation de sa maîtrise, soit son uniformisation. Chaque partie du réel pourrait être traitée de manière égale et égalitaire. Puisque le monde de l'homme prétend d'autant plus recouvrir de sa chape le monde de l'homme qu'il en est de fait incapable, les répercussions avec usure de cette tromperie se manifestent par des déflagrations de violence pure et l'instauration croissante du chaos en lieu et place de la civilisation promise. Premier fait.
Deuxième fait, cette uniformisation en tant qu'égalitarisme rationnel est une utopie impossible à mettre en pratique. Raison pour laquelle l'inadéquation du monde de l'homme et du réel conduit à des différences d'autant plus fortes et injustifiables que l'ordre se veut unique et triomphalement dominateur.
L'hégémonie (fallacieuse) de l'ordre conduit de fait à des disparités et des inégalités bien plus importantes que dans une représentation selon laquelle l'extériorité de l'ordre est reconnue et de ce fait l'inégalitarisme reconnu (inégalités internes, justifiées par la cohésion de l'ordre contre les autres ordres et contre l'absolu; inégalités externes, dans la mesure où les ordres ne sont pas constitués de la même manière).
Ces inégalités sont évidentes dans l'examen de l'ordre unique et des relations entre ses composants. Si l'ordre était vraiment unique, le signe indubitable serait que les relations entre les différents composants sont égales. Mais c'est l'inverse qui se produit : le moins que l'on puisse constater, c'est qu'entre les différents et innombrables composants qui forment l'ordre unique, les relations ne sont pas égales et la communication est impossible.
Au lieu de la communication claire qui définit des relations égalitaires entre les composants, la communication est profondément impossible et unilatérale (entre les élites et les composants qui forment la masse), à tel point que cet inégalitarisme des rapports et de la communication est la meilleure définition de la tromperie que constitue l'ordre unique.
Non seulement les relations sont foncièrement inégales, puisque fondées sur l'élitisme, mais ce caractère biaisé des relations suppose l'hypocrisie, puisque l'ordre prétend être rationnel et égalitaire. C'est toujours au nom du Bien et de la nécessité régie par ce Bien que s'effectuent les rapports, alors que fondamentalement ces rapports s'effectuent à partir de l'idée d'unilatéralisme et d'univocité.
Il est clair que ces rapports évoluent dans un sens, toujours le même sens : de l'élite vers les masses. Bien entendu jamais dans le sens inverse, ce qui constituerait l'impossibilité. Si bien que les rapports sont déchiffrables depuis le point de vue des élites, jamais depuis le point de vue des masses. Au contraire, ces points de vue ultimes et derniers sont marqués du sceau de l'opaque et des ténèbres.
Depuis le point de vue des élites, il lest possible de comprendre le fonctionnement de l'ordre et son processus intime. Selon le point de vue inverse, le même schéma est indéchiffrable et intraduisible. Telle est la preuve du fonctionnement à la fis univoque et inégalitaire de l'ordre unique et des dérives que ne manque pas de susciter la prétention hypocrite à l'égalitarisme de la part du système le plus inégalitaire et élitiste qui soit. Hypocrite et pervers : car le fait de retourner systématiquement le sens pour se donner l'apparence inverse de ce qu'on est vraiment ressortit bel et bien de la perversion et constitue certainement la marque de fabrique funeste de l'époque.

lundi 28 janvier 2008

Uniformités

L'ordre exclusif renvoie l'idée d'une uniformité de l'ordre qui se croit seul et nécessaire. Comme si l'exclusivité étant une vue de l'esprit et une illusion aussi grotesque qu'évidente, il coulait de source que le système était uniforme, soit - harmonieux! L'uniformité équivaudrait à l'expulsion totale du néant : soit à la victoire des forces qui considèrent que le monde de l'homme doit triompher vaille que vaille.
Mais le monde de l'homme ne saurait triompher, parce qu'il ne saurait expulser définitivement le néant. Le monde de l'homme ne peut que donner l'illusion qu'il accomplit cet acte triomphant. Au final, le néant doit en toute nécessité être présent dans le système de l'ordre, mais à la différence de l'ordre qui affronte le néant et qui affronte les autres ordres jusqu'à les dominer, le système malade qui se croit seul n'aperçoit pas la vérité : l'ordre en bonne santé intègre et transforme le néant, quand le système en mauvaise posture n'est plus capable que de subir le néant à l'état brut.
C'est ce qui produit notre bon vieux système uniciste et belliciste : le néant produit ses différences à l'état brut. Raison pour laquelle il serait fallacieux d'estimer que le système unique est le système qui rend tout homogène et qui de ce fait engendrerait le bonheur. Au lieu de différences qui garantissent la pérennité parce qu'elles permettent l'existence de différents ordres humains, l'unique ordre humain suscite de fausses différences qui sont des différences internes et artificielles.
Ces fausses différences rappellent que le néant est à l'état brut, c'est-à-dire que la violence brute ou le chaos sont en mesure de détruire l'ordre au moment où l'ordre se croit le plus invincible et conquérant. Les différences reproduisent des disparités et des différences qui prouvent que l'unicité de l'ordre suit avant tout le mouvement que prétend impulser et inspirer l'élite.
Sentiment fallacieux, mais sentiment de puissance qui ne concerne vraiment que l'élite, voire les cercles concentriques qui gravitent autour de l'élite (soit les élites qui impulsent la direction du système). Mais les différences posent des obstacles et des oppositions inconciliables et irréconciliables entre les élites et les autres milieux. L'ordre unique pose ainsi des multitudes de différences internes, car l'ordre unique n'est pas capable d'imposer son homogénéité.
Son unicité est fort hétérogène et accidentée. Mais ce qui compte, c'est que la direction lancée et proposée est unique et que la faiblesse du système est proportionnelle à ses prétentions de toute-puissance. Le système qui se prétend unique est faible parce qu'il se prétend unique. L'unicité est faiblesse et son hétérogénéité est un aveu éclatant de cette faiblesse.

Le théo-économique

Nous apprenons avec un mélange d'incrédulité et de stupéfaction que les dirigeants de l'Occident les plus en pointe dans l'occidentalisme seraient tous versés dans des conceptions bibliques plus que douteuses, selon lesquelles la fin du politique consisterait à hâter la venue du Christ et à réaliser de ce fait l'avènement du prophétisme apocalyptique.
Drôle de conception que celle où le politique veut d'autant moins imprégné par le religieux, d'autant plus laïc, ou en tout cas distant, de la théocratie que dans la réalité le but du politique se révèle tragiquement lacunaire, si lacunaire et tragique que le politique finalement réinstaure ce qu'il prétend expulser : le religieux.
Mais un religieux quelque peu particulier : car le religieux d'ordinaire, le religieux classique, le religieux multimillénaire, celui qui instaure la pérennité des sociétés humaines, suit pour but l'intégration de l'absolu dans le fini. Ce religieux incarne la rupture car ce religieux sert surtout la stratégie d'expulsion et de déni de l'absolu et la toute-puissance (contradictoire dans les termes) du fini.
Reste que ce religieux-là, qui est une trahison du religieux, se présente comme l'emblème et la continuation du religieux traditionnel et qu'à cet égard, personne ne conteste vraiment cette forme pervertie de religieux. Ni les adversaires du religieux, trop contents de détenir un religieux si frelaté et si dévoyé. Ni les partisans du religieux trop heureux, par ces temps d'antireligiosité, de contempler de pareils succès commerciaux.
C'est un fait pourtant que si le religieux s'est toujours bien marié avec le politique, au point en fait de l'inspirer (ne l'oublions pas), le religieux par contre s'est toujours révélé incompatible et antinomique avec l'économique. Raison pour laquelle il me paraît ô combien plus pertinent, pour qualifier les présentes dérives à teinte religieuse, chrétienne et apocalyptique, de les définir comme des mouvements théo-économiques, et nullement théo-politiques.

dimanche 27 janvier 2008

J'ai compris

Longtemps, j'ai cru que les méchants venaient d'Orient et d'Afrique et étaient mus par la haine. Que l'on se comprenne bien : en tant que gentil petit Occidental bien tolérant et bien cool, il n'était pas question pour moi de tomber dans le panneau d'amalgames racistes et néo-coloniaux. Il est impossible de commettre le mal sciemment ou alors, c'est qu'on poursuit des buts qui légitiment le machiavélisme le plus cynique.
Longtemps, j'ai cru que les musulmans radicaux étaient vraiment les grands méchants. Que l'on se comprenne bien : j'étais vraiment persuadé que ma belle société française était quand même un modèle; alors, pourquoi est-ce que je me serais posé la question : "Est-ce que l'Occident est une civilisation pérenne?", moi qui ne voyais pas plus loin que le bout de mon horizon? Moi qui pensais que la France était une civilisation? Qui pensais que l'occidentalisme était une utopie?
Longtemps, j'ai cru que les systèmes qui nous gouvernent étaient grosso modo bienveillants pour leurs concitoyens consciencieux et appliqués. Que l'on se comprenne bien : je ne pouvais concevoir que le mal fasse partie du réel et de l'existence. Quand on est jeune, il est plus confortable de se dire que les accidents de la vie sont des accidents obéissant au hasard et que la croyance dans le mal ressortit de l'obscurantisme. J'étais loin d'imaginer que par un beau jour de 2001 des avions abattraient deux tours et s'attaqueraient à l'emblème de la Défense nationale de la plus grande puissance occidentale. A l'époque, pour moi, il était inconcevable que ce ne soit pas les grands méchants qui fassent le coup et que ces grands méchants ne soient pas des ennemis de l'Occident. Musulmans ou autres, peu importe, ma tolérance se satisfaisait qu'ils soient avant tout des radicaux dévoyés et décervelés.
Longtemps, j'ai cru que j'avais l'insigne chance d'appartenir au camp du Bien, au camp des Gentils, et que les méchants étaient ceux qui voulaient empêcher le camp des gentils d'organiser le monde comme ils le souhaitaient, d'une manière nécessairement gentille et bienveillante. Que l'on se comprenne bien : j'étais loin de deviner que les méchants et les gentils ne faisaient qu'un et que les grands méchants désignés n'existaient pas, plutôt à l'état de mythes que de personnes physiques, plutôt à l'état de boucs émissaires que de bourreaux effectifs.
Longtemps, je me suis satisfait d'une vision d'Occidental privilégié, qui préférais, pour ne pas voir la vérité et l'évolution du monde, se placer du coté de la paix et de l'amour. Peace and love. Que l'on se comprenne bien : il est tellement confortable de réfuter les crimes des siens en se plaçant du point de vue de l'universel irréfutable et absolu, de la moralisation fantastique et fantasmée. Now, I know.
Par hasard, un jour, j'ai été contraint de quitter ces habits confortables de personne morale et estimable - et j'ai compris. J'ai compris à quel point il était dur de quitter ses préjugés quand les préjugés se nomment tolérance, paix, respect et vitalité. J'ai compris que les crapules se réclamaient des valeurs positives comme les honnêtes gens et qu'il n'était possible de démasquer l'hypocrisie qu'à partir de ses actes. J'ai compris que les méchants n'existaient pas, ou si peu, c'est-à-dire à l'état de pantins plus ou moins désarticulés, plus ou moins manipulés par l'Occident.
J'ai compris que les méchants auxquels je croyais (tant) étaient bel et bien des méchants et que d'aucuns (les gentils Occidentaux qui pour faire gentils se mettent contre l'Occident) avaient bien tort de fermer les yeux sur leurs agissements. Simplement j'avais aussi tort que raison. Les méchants étaient des vrais méchants parce qu'ils étaient des projections des gentils. Les méchants étaient très méchants parce que les gentils étaient très méchants. Les gentils étaient très gentils parce qu'ils étaient très hypocrites. Il suffisait qu'un grain de sable n'enraye leur belle machine d' hypocrisie, et les gentils tombaient le masque et se montraient prêts à tout, y compris aux pires méchancetés à l'égard de leur propre camp.
J'ai compris que notre beau monde s'écroulait, que la guerre des civilisations signifiait l'écroulement de la civilisation occidentale. J'ai compris que ce monde s'était fourvoyé, qu'il faudrait être courageux et pugnace, qu'il faudrait reconstruire. Au final, l'homme repartirait de plus belle. Oublierait-il ses mensonges et ses omissions? Oui, puisqu'il était si facile de croire que le monde est gentil et que si l'on vit dans le confort, c'est que le confort est un idéal accessible et aisé à obtenir. Le propre de l'homme est ainsi de projeter avec une candeur déconcertante ce qu'il fait sur ce qui est : si le monde est gentil - pour moi, c'est que le monde est gentil. Point. Si le monde est méchant - avec les autres, c'est que les autres sont méchants. Poing.

L'ambre de l'ombre

Il est évident que les islamistes terroristes sont gens abominables et effroyables. Il est évident que l'impérialisme islamiste serait effroyable et insoutenable. Mais on est contraint d'user de conditionnel et de nombreuses précautions quand on emploie ces termes, parce que : qui sont les terroristes? Qui sont les impérialistes? A ces deux questions, l'honnêteté tant historique que soumises à la croyance en la vérité, cette honnêteté commande de répondre et de répéter que la vérité est tellement bafouée que des observateurs scrupuleux seraient bien en peine de définir et de délimiter des islamistes terroristes en mesure de défier la civilisation occidentale.
Nul besoin d'innocenter et de rendre positifs, par l'effet d'on ne sait quelle naïveté angélique, les monstres abrutis et à moitié cinglés qui professent le meurtre et le martyr au nom de Dieu. Mais combien sont ces monstres sanguinaires? Il suffit de poser cette question et de chercher des chiffres pour prendre la mesure de la vaste propagande initiée par les occidentalistes et leurs élites infâmes.
Car des islamistes en mesure de poser des bombes, on en compte tellement peu qu'en faire les ennemis irréductibles de la civilisation occidentale et de la mondialisation universelle, c'est professer une vaste galéjade avec des accents de racaille farfelue et fantaisiste. Effectivement, l'opinion occidentale et occidentalisée adhère au spectre de la menace islamiste terroriste en constatant à quel point ces individus sont déséquilibrés et haineux.
Une fois que certains individus se rendent compte de la petite poignée d'individus qui se livrent à des actions ultraviolentes et ultraaberrantes, ces mêmes individus ne peuvent que s'indigner contre la manipulation dont ils ont été les victimes et dès lors poser les vraies questions. Si la civilisation menaçant la civilisation occidentaliste et universalisante n'existe pas, alors qui sont les terroristes? Une poignée dérisoire et criminelle? Ces islamistes qu'on nous désigne comme des terroristes, alors que la plupart sont opposés au terrorisme? Les musulmans différenciés des islamistes?
Mais alors : si le grand public occidental refuse les amalgames, il faut d'ores et déjà enfoncer le clou, expliquer inlassablement que si les musulmans ne sont ni terroristes ni islamistes parce qu'ils sont musulmans, si les islamistes ne sont pas terroristes parce qu'ils sont islamistes, alors la vraie question mène au mécanisme de la projection. Eh oui, les vrais terroristes sont en fait les occidentalistes qui sont prêts à tout pour imposer la grandeur et l'hégémonie de l'Occident et qui inventent un ennemi fantasmé et imaginaire. Quoique. En fait d'imaginaire, le terrorisme comme menace en mesure de mette en péril la mondialisation, c'est l'ombre que l'Occident mondialisé refuse d'apercevoir et de considérer, sa propre ombre diabolique et monstrueuse. Avouer que l'Occident, c'est la démocratie et le terrorisme, ce serait en fin accepter que le système qui nous meut et nous oppresse de plus en plus soit un système inique et non viable. De plus en plus.

Conserves

Faudrait-il se montrer davantage conservateur que progressiste, si le progressisme repose sur un mensonge? Vaste dérobade que de feindre de ne pas voir la vérité : le progressisme et le conservatisme mentent tous les deux parce qu'ils tiennent leurs positions d'un seul et même processus, d'un seul et même système, l'occidentalisme, dont la toute-puissance lui permet de se présenter comme l'unique système.
Tout comme le progressisme, le conservatisme est adossé sur le mensonge, le mensonge du système, parce que le conservatisme croit au Progrès et à la Raison.
Croyance au Progrès : le Progrès n'est plus, comme c'est le cas du progressisme, à venir; il est déjà là, et, je dirais, toujours déjà là. On entérine le mensonge plus qu'on ne le déplace dans un ailleurs systématique et introuvable.
Croyance en la Raison : si un ordre précis et ponctuel peut être établi, c'est l'ordre de la Raison. Progrès donné par la Raison, historiquement établi dans le passé, de manière plus ou moins mythique, mais bel et bien là, indubitable. Cette fondation est aux prémisses de la modernité, au moment où l'homme a subsumé la Raison comme faculté magique et magnifique.
Finalement, la différence entre le progressisme et le conservatisme tient moins à la croyance au Progrès, mutuellement partagée, qu'en une différence d'interprétation concernant ce Progrès reconnu comme figure essentielle de la Raison. Les progressistes estiment que le Progrès est donné quant au dessein, amis que son application demeure imparfaite. Il convient en ce sens d'étendre cette implication imparfaite à toutes les couches de l'humanité. Les conservateurs jugent que la perfection tient dans le donné et qu'aucune amélioration en peut être apportée à ce donné, suivent l'argument de Leibniz (le meilleur réel est aussi le seul réel).

Progressisme

Les mensonges du progressisme sont de plusieurs ordres. Ils consistent particulièrement à :
- faire croire que le progressisme est un système suffisamment cohérent pour gouverner durablement sans l'alternance conservatrice et qu'il pourrait remplacer définitivement le conservatisme. De ce point de vue, le progressisme n'est pas l'alternative au nécessaire conservatisme. Il se présente comme un système unique, soumis seulement au bon vouloir des électeurs. Les alternatives à l'intérieur du système sont trop bonnes!
- faire croire que le progrès continuel et perpétuel est possible, tant d'un point de vue historique (jusqu'à approcher de la perfection) que d'un point de vue géographique (le progrès est viable pour l'ensemble de l'humanité). Bien entendu, le progrès n'est envisageable que :
1) s'il ne concerne qu'une fraction réduite de l'humanité (quelque chose comme son élite fantasmée);
2) s'il ne suit pas une linéarité impeccable et enthousiasmante, à tel point qu'on peut s'interroger sur la réalité du progrès : la progression est certainement plus circonscrite à certaines périodes. Dans cette acception, l'idée de progrès ne serait compatible qu'avec l'idée de régression, tout comme le progressisme n'est possible qu'avec le conservatisme.
Le Progrès serait-il un mythe?

Janus

On se souvient que le système se présente comme infiniment bon et positif, qui plus est le seul à prétendre au bien et à la positivité la plus diaphane. Pourtant, la seule qualité indubitable à transparaître est finalement plus son exclusivisme que son aptitude au Bien. Car les fausses oppositions dont se couvre le système sous prétexte de débat démocratique et de différence démocratique ne sont jamais que des oppositions destinées à masquer la terrible vérité : le système est unique et seul, désespérément seul, désespérément unique.
Car les courants qui parcourent la démocratie se résument bizarrement, comme par enchantement, à une opposition binaire : conservatisme et progressisme. Il y aurait matière à contester ce binarisme de l'expression libre et démocratique. Mais le binarisme révèle en fait que le système est unique et qu'il ne peut faire mieux que de se dédoubler pour laisser croire à sa pluralité et à son respecte des règles de la démocratie.
En fait, le système est unique, car que signifient progressisme et conservatisme, socialisme libéral et libéralisme sécuritaire, droite et gauche? Que le progressisme travaille pour le Progrès du système, quand le conservatisme prétend maintenir en place les valeurs et les fondements du système. Eh oui, la différence entre le progressisme et le conservatisme est ténue si on la prend en compte dans sa dimension explicite : les deux au fond servent le système.
Il ne reste plus qu'à constater historiquement qu'on voit mal comment deux alternatives travaillant pour le même but porteraient des alternatives essentielles et différentes. Au contraire. Les deux alternatives servent la même pièce comme deux revers de la médaille qui se prétendraient opposés d'autant plus qu'ils sont en fait quasi identiques. Le progressisme sert à faire passer les mesures du système que le conservatisme ne parviendrait à assumer explicitement. Le rôle dans le système du progressisme est de faire croire qu'il travaille pour les plus défavorisés, pour la progression et l'adaptation du système aux exigences des défavorisés, quand le vrai but du progressisme est de réaliser la part du système qui ne peut passer que sous le couvert du progressisme.
Finalement, le conservatisme seul ne représente pas la vraie face du système, qui a besoin de deux faces pour s'épanouir. Le seul conservatisme aboutit à la sclérose radicale du système qui a besoin de l'idée de Progrès pour s'épanouir. Quant au seul progressisme, il parviendrait tout autant au même constat de ruine car le Progrès a besoin d'un socle sur lequel s'épanouir, et le conservatisme incarne ce socle stable et rassurant de valeurs et de fondements. Mais que l'on ausculte les deux processus, progressisme et conservatisme. Tous deux reposent sur la foi dans la Raison et le Progrès. Tous deux sont identiques au fond.
Une illustration sera plus parlante qu'un long exposé : concernant la guerre en Irak actuelle, les progressistes H. Clinton et B. Clinton mari et femme soutiennent la guerre en Irak. Le candidat démocrate B. Obama a pour conseiller principal l'inusable Z. Brzezinski, ancien conseiller de J. Carter, farouche ennemi de la Russie et l'un des créateurs avec D. Rockefeller de la Commission Trilatérale. Brzezinski est notamment l'un des farouches instigateurs des divers mouvements islamistes d'Afghanistan chargés de déstabiliser l'URSS. Qui a dit que les néo-conservateurs étaient seuls partisans du Nouvel Ordre Mondial et que les progressistes représentaient une alternative fiable à ce bellicisme aveugle et intéressé?

samedi 26 janvier 2008

Le Roi est nu : vive le Roi!

Lorsque le système se réunit jusqu'à l'union unique, jusqu'à l'unicité unie, alors le système se retourne contre lui-même. Ce qui signifie, aussi : l'ordre dominant ayant avalé tous les autres ordres jusqu'à apparaître sérieusement comme le seul ordre, l'ordre exclusif, il se retrouve sans autre choix que d'utiliser sa violence contre lui-même. Au moment où il se croit débarrassé de la corvée de lutter contre son extérieur, au moment où il croit avoir dépassé l'intériorité et l'extériorité, l'ordre se retrouve en fait dans le plus grand péril qu'il puisse concevoir.
Au final, l'ordre unique n'a d'autre choix pour garder un sens et ne pas dépérir dans l'anarchie que de trouver une différence interne qu'il fera passer pour une différence véritable. Opposition d'un ordre contre un autre ordre quand il s'agit en fait d'un seul et même ordre. Fausse différence qui se remarque au fait que l'opposition repose en fait sur le mécanisme de la projection et l'identité du manichéisme le plus arbitraire et le plus simpliste.
Plus l'ordre unique est acculé devant son impéritie et sa faillite, plus il a recours à la séparation du manichéisme. Autrement dit, l'opposition n'est plus l'antagonisme d'un certain ordre contre un autre, d'un donné contre un autre. L'opposition désormais est celle de la lumière contre l'ombre, du Bien contre le Mal. L'opposition est tellement factice et fallacieuse qu'elle se radicalise pour éviter de laisser transparaître le spectre de son caractère illusoire.
Voilà pourquoi dans ce système de fausses oppositions, il est capital pour le système unique de laisser croire qu'il possède à l'intérieur de ses institutions des oppositions internes qui invalident la théorie du système unique. Autrement dit, pour reprendre le refrain ou l'antienne du système : à côté de l'opposition entre l'intériorité l'extériorité, entre la démocratie et le totalitarisme, se retrouve l'opposition interne entre le conservatisme et le progressisme. Il s'agit de radicaliser les propositions, d'expulser du système toutes les nuances afin de simplifier et de clarifier jusqu'à l'outrance l'expression de la représentation.
A l'intérieur donc : l'illusion que la démocratie possède deux alternatives. Il est clair que cette logique obéit au mécanisme du mimétisme. L'intérieur et l'extérieur se recoupent dans le progressisme et le conservatisme. Ne jamais laisser entendre que le système unique est unique. Pourtant, de fait, derrière la formidable propagande qui répète à l'envie que le système est plurielle, qu'il est bardé de différences comme ses meilleurs représentants de diplômes alléchants, en fait le système est unique et le roi est nu.

Freedamned

La liberté selon la modernité est adossée sur sa définition de la Raison. Autrement dit : la liberté ressortit étroitement du formatage le plus strict. L'individu se trouve d'autant plus libre qu'il s'en tient à l'espace imparti, au format dévolu. Paradoxe insoutenable : est dit libre celui qui suit la mission qui lui est attribuée par le système. Tout écart est assimilé à une trahison au nom de la liberté.
Raison pour laquelle tous les hommes réputés libres selon la norme du système sont des moutons veules et serviles. Dès que le système est contesté par une voix un tant soit peu insolente ou discordante, il agite la liberté pour l'étouffer impitoyablement. Le spectre de la liberté formatée est le prétexte pour cacher la vérité impayable : au nom de la liberté on interdit le présupposé numéro un de l'état de liberté : la contestation argumentée et critique. L'esprit critique est l'ennemi public numéro un de la liberté formatée, puisque la liberté formatée prétend imposer la vérité unique et irréfutable du système.
C'est ce qu'on constate avec la version officielle du 911, qui ne prend même pas en compte les contestations pour les réfuter. Il faut préciser aussi qu'elle n'en est pas capable et que la reconstruction dont elle se charge est trop fragile pour se confronter au réel. Idem avec le cas Denis Robert : on est libre à parti du moment où on ne conteste pas l'ordre établi. Si l'on s'y aventure, on est harcelé et affamé, jusqu'à ce qu'épuisement s'en suive et que triomphe la vérité du système, aussi mensongère et fallacieuse soit-elle.
Cette conception de la liberté est en fait dévoyée en ce qu'elle encourage exclusivement le formatage et permet au formatage de se présenter sous les traits de la liberté et des valeurs nobles. Au final, la vraie liberté est insupportable, de même que la vraie vérité est inacceptable. Ce sont les deux grands crimes que doit même châtier impitoyablement le système s'il veut se donner l'illusion de sa pérennité et ne pas considérer qu'à fuir de plus en plus le reél il parvient an fait à masquer seulement qu'il agonise et que ses définitions des valeurs sont mortifères et destructrices.

vendredi 25 janvier 2008

Transperrance

On nous vante et on nous vend la modernité comme une gigantesque entreprise de transparence. A quoi renvoie ce terme? A l'idée d'une identité du réel et de l'apparence. Le réel est rassurant puisqu'il correspond grosso modo à l'impression qu'il dégage. Le postulat selon lequel les choses sont telles qu'elles se présentent provient nécessairement de ceux qui ont intérêt à faire croire une pareille absurdité, c'est-à-dire les élites. A ce compte, on peut tout aussi bien prétendre que le mal n'existe pas et que la vie est un long et paisible chemin tranquille. Vivent les pâquerettes!
La transparence est ternie par sa correspondance troublante avec l'époque qui la meut et qui tend à affirmer que le réel est connu et que ce doux réel est assujetti aux normes de perception et de compréhension de l'homme. Cette sérénade en mode majeur ressemble pourtant et étrangement à la mélopée ensorcelée et maléfique que déversaient aux oreilles des marins transis et en état d'agonie les sirènes aussi attirantes que mortifères.
Si le réel est connu, alors le réel est transparent. L'homme n'a rien à craindre du système qui le meut puisque le système n'a rien à cacher. L'homme n'a rien à craindre de l'homme, de ses congénères, puisque l'homme est tel au fond qu'il le prétend. Dis-moi qui tu es : je le peux. Donc je suis transparent et nous vivons une époque formidable. L'idylle est-elle aussi mirifique ou la perfection n'accouche-t-elle pas en fait du trouble et de l'agonie programmée?
Mais si ce postulat est faux, alors la transparence n'est pas seulement un mensonge. C'est aussi un redoutable moyen de propagande et de manipulation. L'exigence de transparence est aussi impossible que l'exigence de vie éternelle ou de perfection. Au fond, si la perfection n'est pas de ce monde, la transparence non plus.
Si l'idéal de transparence n'est pas atteint, c'est parce que la définition claire et précise du réel n'est possible qu'à condition que soit laissée de côté la majeure part du réel. Que reste-t-il du réel quand la transparence est ôtée? Quel côté obscur de la force ressurgit, qui était seulement occulté? Principalement deux aspects :
1) d'autres ordres que l'ordre auquel on appartient;
2) le néant.
Ces deux exceptions majeures et retentissantes obèrent définitivement l'idéal de transparence et montre à quel point cet objectif est hypocrite et dévastateur. Car la transparence sert précisément ceux qui s'en réclament pour servir des intérêts autrement plus nébuleux et ténébreux que l'idéal superbe et éclatant dont ils se réclament. En un mot comme en cent : l'exigence de transparence sert en fait ceux qui sont armés d'intentions inavouables et contrecarrant la transparence.
La transparence est bien ténébreuse affaire. Elle met en avant une exigence qui instaure et conforte en fait l'opacité et la négation de la vérité. Plus l'homme se réfère à la transparence, plus en fait il poursuit des buts de manipulation et de diversion. Comme il est impossible de finir le réel, le seul moyen d'y parvenir consiste à opérer le mécanisme fatal de la réduction. Dans les premiers temps, le résultat semble révolutionnaire et mirifique et puis, alors que l'on pense la révolution entérinée et le progrès promulgué, les premiers signaux alarmants se manifestent. L'édifice se craquèle. Les fondations se lézardent.
Pourquoi cette catastrophe incompréhensible surgit-elle pour gâcher le bel ordonnancement institué? Parce que le bel ordonnancement est un leurre, qui répond au doux nom de réduction, voire d'illusion. Au final, au lieu de respecter les conditions de fonctionnement du réel, on a fait qu'empirer les choses sous prétexte de les améliorer. Il est vrai qu'elles peuvent désormais se prévaloir de l'effort de transparence, un peu comme l'on parle d'effort de guerre quand on veut justifier des privations et des lourdes pertes qu'engendre inévitablement tout conflit armé.



Occultisme

L'implosion de l'État dans le système en état de déclin n'est pas seulement la dissolution de l'autorité, soit le refus d'un pouvoir central et centralisateur et sa dissémination à des myriades de poches - le retour à l'élitisme le plus virulent et le plus totalitaire. Cette implosion est dramatique en ce qu'elle suppose le maintien formel de l'État et des institutions, sauf que l'État est censé indiquer le chemin en tant que puissance officielle et exclusive et que par ailleurs il remplit de moins en moins sa mission véritable. Son implosion signifie qu'il est investie tel le cheval de Troie par des groupes de pression et des circuits d'influence auxquels il ne peut qu'obéir.
Dans un système où l'État incarne l'ordre et sa mission la direction de l'ordre, il n'est pas possible que se développe cette manipulation des institutions. Mais dans un système d'exclusivisme, l'apparente omniprésence ou omnipuissance (toute-puissance) de l'État cache mal sa dramatique faiblesse. L'État est vidé de son sens tant il est vrai qu'il est vide de sens. L'État demeure juste à l'état de squelette, comme un appareil qui sert désormais à opprimer les composants majoritaires du système, depuis que sa puissance première a perdu son sens (dominer les autres ordres, la mission est tout autre).
Il est prévisible qu'un système aveugle, avant de s'apercevoir qu'il court à sa perte, soit l'objet de sa manipulation aveugle et cynique. Dans le système exclusif, l'État est détourné dès lors que le but de toute élite est de dominer les masses. Le but de l'État devient de manipuler et de servir de caution à la manipulation. On passe d'un système où l'État sert le système à un système où l'État masque que le vrai but du système est d'exploiter. Quelle exploitation?
L'exploitation de la masse par les élites. Nous y sommes. Nous y sommes parce que le détournement de la mission première (et noble) de l'État en instrument d'oppression et de destruction montre que la puissance qu'auparavant servait le système devient désormais et par aveuglement la puissance qui détruit le système. La mutation de l'État signe aussi sa trahison et son instrumentalisation en dit long sur la conception du rapport de forces et du pouvoir. Le système se détruit parce qu'il pense être seul, non parce qu'il a conscience de son aveuglement.

mercredi 23 janvier 2008

Double bang

D'un côté, on nous bassine les oreilles avec les infâmes terroristes islamistes qui incarneraient le Mal et chercheraient à détruire la belle liberté et la belle démocratie que symboliserait l'Occident. De l'autre, on nous oppose que ce sont ceux qui accusent les islamistes d'être les incarnations du Diable qui sont en fait, voire contre toute attente les vrais hérauts du Diable.
Il faudrait choisir : soit les fous d'Allah sont le Mal; soit ce sont les neveux de l'oncle Sam. Quelle que soit l'alternative, il faut distinguer entre le Bien et le Mal. Entre les fous d'Allah et les neveux de l'oncle Sam. Voire. L'urgence consiste peut-être à se rendre compte que le choix est sans doute l'acte le plus contraignant et le plus illusoire et que le choix cache derrière l'injonction inévitable la vérité de son mensonge.
En d'autres termes : les deux pendants de l'alternative sont justes parce que la différenciation est interne au même système et qu'il s'agit d'une fausse différenciation. Au final, la projection est ahurissante : les fous d'Allah ne sont jamais que les clones (ou les cousins germains) des neveux de l'oncle Sam. Si les fous d'Allah incarnent le Mal aux yeux des neveux de l'oncle Sam, c'est tout bonnement parce que le cercle vicieux fonctionne à merveille et que les fous d'Allah ne sont jamais que la projection des atlantistes et des marionnettistes qui manipulent l'Occident et la stratosphère.
Oui : tous les discours fouillés et savants sur l'islamisme le plus radical et le plus terroriste sont justes à condition qu'on se souvienne qu'ils caractérisent à merveille les auteurs de l'islamisme, auteurs tant historiques qu'idéologiques. Il est terrible mais irréfutable de constater que l'islamisme est la projection de l'atlantisme et que la vision parcellaire d'un monde en danger parce qu'opposant la civilisation et la barbarie sauvage manque l'essentiel, en même qu'elle touche du doigt la vérité.
Qu'il est tragiquement ironique ou délicieux que la famille Bush et la famille ben Laden soient de proches parents en affaires, alors que se trouvent opposés, dans un simplisme et un manichéisme effrayant, qui en dit long sur les moyens infinis dont dispose cette propagande, le diaboliquement prophétique Ousama et l'Amérique présidée par W. Incroyable mais vrai! Les faits sont si têtus, si inflexibles qu'ils en révèlent plus que toutes les explications et les longs discours pompeux et officiels.
Les diaboliques islamistes ne sont jamais que les projections logiques des diaboliques atlantistes. La distinction était d'autant plus vive et viscérale qu'elle n'était que de façade. Ben Laden et la Quaeda sont-ils les sombres et lugubres révélateurs de ce qu'est l'Occident - l'ombre expulsée de la lumière et le refus de considérer les deux faces (au moins) de Janus?

mardi 22 janvier 2008

Contre-poire

La mutation du contre-pouvoir que représentent les médias dans l'ordre viable est tout à fait visible dans le cas du 911. Car pour que le 911 soit survenu, il faut que la mutation du système vers son déclin ait été engagée depuis longtemps. Depuis quand? C'est souvent à l'acmé de son apogée que le déclin s'enclenche, avec un vice facétieux et insoutenable. Peut-être aux prémisses de la mondialisation, lorsque l'Occident découvrit plus ou moins intentionnellement le Nouveau-Monde.
Peut-être aussi quand cette découverte cataclysmique engagea l'Occident au faîte de sa puissance dans l'expansion colonialiste et l'impérialisme. Résultat des courses : aujourd'hui que les Indiens ont disparu du Nouveau Continent, il semblerait que l'Occident paye pour ce crime occulté, jusqu'à produire de manière immanente le spectacle de sa pourriture vermoulue et de son hypocrisie mensongère, travestie en valeurs nobles et opposées.
Ne nous leurrons pas : d'aucuns usent de l'argument convaincant selon lequel jamais un mensonge aussi majeur que le serait le 911 revisité en complot intérieur ne serait envisageable dans notre beau système occidental et démocratique. Las! Cet argument serait valable dans un système vraiment démocratique, je veux dire dans un système où les contre-pouvoirs jouent vraiment leur rôle de pendants par rapport aux pouvoirs officiels et patentés. Mais dans un système où la mutation amorcée tend dangereusement vers le déclin, le contre-pouvoir n'est jamais que le héraut servile du pouvoir. Les médias ont ainsi trop peur d'affaiblir le pouvoir qu'ils sentent fragiles et qui après tout obéit à la loi de l'exclusivisme : dans le système unique, il est cohérent que les médias soient les porte-paroles du pouvoir, la voix du maître, puisque le pouvoir est nécessaire et intangible.
La fonction du contre-pouvoir est dès lors caduque, sauf à considérer qu'il sert lui aussi le pouvoir, qu'il en est le fidèle adjuvant. Non plus d'informer au service de la vérité; mais de relayer l'information au service du pouvoir. De contestation critique on est passé au statut de propagandiste fier de l'être et trop craintif d'attaquer le sommet du système unique et tout puissant... Et l'on s'étonnerait après que le 911 ait pu être organisé par des éléments du pouvoir, des éléments ténébreux et obscurs du pouvoir disloqué, en miettes - et avec l'assentiment tacite des médias? De quels médias parle-t-on ici? Parce que si l'on évoque les médias d'Occident, ces grands cartels à la botte de multinationales tentaculaires et uniformisées dans le mercantilisme et le cynisme, moi, je n'ai aucune hésitation.



Mondiabolisation

Dans le drame du 911, il est évident que le cataclysme n'a pas été commandité (seulement) par ben Laden ou Al-Quaeda. A vrai dire tout converge pour indiquer que les auteurs de l'attentat sont étonnamment proches du pouvoir américain. Nouvelle et frappante illustration de la vieille fable du tueur criant à l'assassin, comme dans ces séries policières un brin formatées et souvent de grande qualité (je pense notamment à Colombo), où le plaignant se révèle être le meurtrier, souvent personnage peu recommandable, tandis que le premier suspecté n'était qu'une fausse piste.
Au juste, je ne sais quelle part le dénommé ben Laden a pris dans le 911, puisqu'on sait fort peu de choses sur ce chef terroriste mystérieux, au point que son identité renvoie plus au mythe qu'à la réalité. Ben Laden est-il mort ou en vie? Peu importe pour le sujet. La vraie question est bien plus terrible : qu'a-t-il pu se produire dans l'évolution de la civilisation occidentale pour que survienne un événement comme le 911?
Il serait bien naïf de penser que le 911 a été programmé entre deux montagnes escarpées et imprenables de l'Afghanistan. Il est plus que plausible que la préparation de ces attentats nécessitait au contraire l'implication d'instances haut placées dans l'État américain. Il est tout aussi saisissant que le 911 se produise au moment où la mondialisation prend son visage explicite et inéluctable. Que s'est-il passé pour que l'événement que tous présentent comme éminemment positif et digne de louanges pour et par l'homme nécessite le drame et l'horreur?
Se pourrait-il que le 911 révèle le vrai visage de la mondialisation, soit une réalité bien moins positive que celle présentée? Je pense que cette interprétation est la bonne et que le 911 montre que la mondialisation est en fait l'extension de l'occidentalisation au monde de l'homme dans son intégralité et son universalité (ah, le doux nom d'universel! L'universel est aussi l'universeul!). Le 911 interviendrait comme la formidable déflagration qui révèle au monde, de manière implicite, la violence implacable nécessaire à ce processus d'occidentalisation.
De la même manière que le 911 anéantit 80 nationalités pour montrer sa vision de la mondialisation, l'occidentalisation est mondialisation en tant que la mondialisation est en fait l'extension de l'occidentalisation au monde et que ce projet grandiose et inquiétant comporte une violence dont le 911 pose les fondements nécessaires, paroxystiques et métonymiques. La violence apocalyptique que contient le 911 annonce-t-elle au monde que l'Apocalypse est proche et prend la forme de la mondialisation?
Sans verser dans le prophétisme, tout en constatant que cette haute tradition est aujourd'hui méprisée, ainsi que la modernité en a pris la triste habitude avec les traditions de haut prix et de haute volée, il semblerait que la violence du 911 contienne en germe la violence à venir et que cette violence se tapisse sous les meilleures auspices et les plus touchantes intentions. On connaît la chanson : la démocratie, le Bien, la civilisation.

911-2

Quant à la suite de We And Dem, elle est éloquente. Son évocation s'impose comme la référence aussi nécessaire que prophétique de la situation de notre belle civilisation mondialisée.

" But in the beginning Jah created everything
He gave men dominion over all things
But now it's too late you see men have lost their faith
Eating up all the flesh from off earth, yeah
We no know how we and them
A go work this out, we no know
We no know how we and them
A go work it out, no we no know
We no know how we and dem
A go work this out
Them a flesh and bone
We no know how we and them
A go work it out
But we no have no friends in a high society, yeah
We no have no friends, oh mark my identity
We no have no friends, oh oh
We no know how we and them
A go work it out
No we no know
We no know how we and them
A go work this out
We no know
We no know how we and them
A go work it out
No we know
We no know how we and them
A go work this out."

Eloge de l'unité

Pour ceux qui douteraient du formatage et de la compartimentation qui enserrent de leur gangue mortifère le système régi par l'Occident, il n'est besoin que de se pencher sur la conception et l'état de la connaissance. Il est intéressant de constater que c'est au nom du Progrès de la connaissance que les sciences se sont vu accorder la suprématie et que les voix autorisées ont commencé leur travail de propagande et de sape : oui, effectivement, tout devait être assujetti à la méthode scientifique, y compris et surtout la philosophie et la pensée. Quant au religieux, il méritait de disparaître toutes affaires cessantes, comme un avatar et un prolongement de la sorcellerie et autres pratiques.
Ne restait plus qu'à établir une carte de l'objectivité, comme en d'autres temps on dressa une carte du tendre, pour que les nouvelles sciences répondent à l'objectif et l'exigence d'impartialité qui sous-tendait toute la démarche scientifique et qui était présentée comme la révolution en mesure d'apporter la Vérité et le Progrès ultime. Il était urgent de plaquer le modèle scientifique sur la pensée. On créa donc ce qui devait succéder (quand on était poli) à la philosophie et fournir de nouvelles bases et banques de données à la pensée.
Malheureusement, on ne tarda pas à découvrir que Bouvard et Pécuchet n'étaient certainement pas les seuls imbéciles en liste pour la postérité et que les positivistes n'étaient pas un cénacle d'illuminés marginaux. C'était l'ensemble de la modernité qui était gangrénée, et ce dès ses fondements. Alors que la science se divisait en une myriade toujours plus importante de spécialisations, les sciences humaines révélaient leur impuissance à fournier un tableau éclairant et synoptique du réel.
Au contraire, les sciences humaines avaient fait explosé sous leur coups de buttoir l'exigence d'unité de la pensée. Désormais, la voie était libre pour les spécialistes et les experts, ces savants qui détiennent un savoir intransigeant dans un domaine précis et qui ne sont pas capables de la moindre vue d'ensemble.
C'était d'eux et d'eux seuls dont la modernité avait besoin. L'abolition de la pensée et son remplacement par le savoir cloisonné était en ce sens un plan précis et parfaitement rationnel - pour peu que ce terme ait encore quelque sens. L'avènement de la spécialisation de la pensée, après la spécialisation de la science, traduisait la spécialisation du savoir et l'avènement inquiétant de la toute-puissance et de l'omniprésence du professionnel.
Le formatage professionnel n'était envisageable que dans la mesure où il était accompagné de la compartimentation des savoirs. Préalable indispensable à la compartimentation des modes de pensée et des modes de vie! Il suffit de restaurer l'exigence d'unité du réel pour que le système ne puisse plus utiliser l'arme de la compartimentation et de l'isolement. Que l'on restaure l'unité globale et le système retrouverait immédiatement ses vertus d'antan, à commencer par le sens de son action et de sa démarche et l'impossibilité d'ériger le système comme exclusif. L'unité de l'ordre implique paradoxalement mais avec profondeur que l'ordre se situe dans une infinité d'ordres. L'exigence d'exclusivité fait d'autant plus apparaître l'unité connexe à l'exclusivité qu'en réalité cette unité signifie l'aveuglement. Elle signifie aussi le déclin qu'annonce et préfigure tout isolement de l'individu dans son formatage décadent.

lundi 21 janvier 2008

911-1

Pour expliquer ce qui attend l'Occident depuis le 911, je ne trouve rien de mieux que ces paroles toujours aussi universelles de Bob Marley.

" But someone will have to pay
For the innocent blood
That they shed every day
Oh children mark my word
It's what the Bible say, yeah yeah
We no know how we and them
A go work this out
We no know how we and them
A go work it out."

We And Dem, BOB MARLEY.

dimanche 20 janvier 2008

Compact contact

On ne peut comprendre le phénomène qui frappe la civilisation occidentale qu'en introduisant l'idée de compartimentation, idée conjointe au processus prévisible et inéluctable de dépolitisation et de formatage. Dans l'idée d'un ordre exclusif et possessif, quasi tyrannique au sens où l'on parle de parent tyrannique (souvent par manque affectif ou compensation), l'ordre unique implique que chaque composant joue son rôle déterminé à l'avance et que ce rôle déterminé à l'avance soit nécessairement occupé par un pion. Dès lors, le rôle exclusif d'un composant de l'ordre exclusif consiste seulement à accomplir sa tâche, à remplir sa mission, à jouer le rôle que le système attend qu'il joue, en vaillant pion du système trouvant sa consistance et le sens de sa présence dans cette tâche souvent harassante et toujours primordiale dans son identité.
Il ne reste plus qu'à observer que l'exclusivisme de la tâche amène logiquement à la compartimentation, comme il amène à la dépolitisation et à l'individualisme. Se consacrer à sa tache implique de par le caractère massif ce repli sur son rôle; mais au-delà, pourquoi aller au-delà de ce que le système vous impute comme tâche? Pourquoi se préoccuper d'autre chose que de son segment de marché? La compartimentation et la solitude qui en découle sont considérées comme des catégories de bon sens et des catégories positives par le pion qui se dévoue au système et qui en retire une grande j=jouissance d'être, un supplément d'identité, le sentiment d'être investi par l'ensemble du système, donc par le reél himself.
Au final, la compartimentation, cette spécificité inquiétante et prévisible du formatage professionnel générée par le système, cette compartimentation indique avec une précision qui n'a d'égale que la netteté de ses contours que le système est dans sa phase de déclin accélérée, voire avancée, puisqu'il a muté, puisqu'il s'est retourné contre lui-même.

samedi 19 janvier 2008

Etat des lieux

La transformation de l'État dans les nations occidentales n'est pas seulement palpable. L'implosion, plus que l'explosion, des Nations modernes se voudrait pourtant la réalisation de l'utopie selon laquelle le citoyen universel, le citoyen mondial sont les heureux bénéficiaires de la mondialisation et que les États sont des créations inutiles et dangereuses amenant directement le nationalisme et d'autres graves inconvénients. Bref, selon cette vue en phase avec la mondialisation, et pas seulement l'apanage des libéraux, les nations sont avant tout des facteurs de dysfonctionnements et de troubles et comme tels il convient de les abattre, de les remplacer et de les améliorer.
Quelle entité pourrait bien améliorer l'État? Sans nul doute le concept de gouvernement mondial, qui garantit un seul et même État pour tous les hommes, sans souci de discrimination ou de différence. Le rêve de tout antiraciste et de tout universalistes se trouverait résolu en un clin d'œil par la mondialisation. Malheureusement, la bénie mondialisation est un peu comme le carrosse de la princesse qui se transforme en citrouille une fois que l'aube du réel darde de ses rayons cruels la porte de nos songes.
La mondialisation signale surtout la mutation de l'État qui passe du rôle de catalyseur à celui de dominateur et d'oppresseur. Ce pour une raison fort simple : l'État classique indique la voie, indique le chemin. Il est violent, mais il fédère l'ordre vers sa pérennité et son sens véritable. A partir du moment où l'on décrète que l'État, cet État est caduc et qu'on va le remplacer par le concept de mondialisation, cela signifie que l'ordre s'est retourné contre soi-même et que l'absence d'État ne signale nullement le progrès de l'humanité qui aurait tellement évolué qu'elle n'aurait plus besoin d'État, qu'elle s'auto-suffirait et s'auto-régulerait en mondialisation bienheureuse et bien-portante.
Non, l'ordre s'est retourné contre lui-même. Désormais, l'État n'est plus que le tableau d'élites plus ou moins complices, plus ou moins disparates dont le but est d'opprimer la masse, c'est-à-dire de la dominer. Dans ce jeu de quilles impitoyable, la mondialisation est la transformation de l'ordre en affaissement, soit en début d'anarchie et de désordre. Au lieu de l'ordre homogène et maîtrisé, l'implosion des États permet surtout la recomposition de petits groupes opérant leur domination au nom de la force et de la puissance. Cette triste et terrible réalité n'est possible que parce que l'ordre ignore dans sa déliquescence les autres ordres et ne se préoccupe même plus de répondre à la seule question qui pourtant vaille : qu'est-ce que Dieu?

vendredi 18 janvier 2008

L'aprofondeur

Il est stupéfiant de constater, simplement constater que l'homme, pardon, l'Homme, est parvenu au Bien, à la Raison, à la pleine possession de ses moyens depuis sa transformation supérieure et transcendante, au Changement Radical, avec une radicale amélioration de ses productions artistiques et ses productions de pensée. Pour l'art, l'Hyperréel s'est chargé depuis belle lurette de montrer ce qu'était l'Hyperart pour le moderne : désormais le vrai artiste est le médium de son époque et de ce point de vue, c'est l'animateur de télévision qui occupe le poste, fidèle à sa charge et sans doute peu regardant sur les raisons qui ont présidé à l'évolution du raté sympathique à la Jacques Martin au prétentieux imbuvable et frustré de l'acabit d'un Michel Drucker. En matière de pensée, en guise de penseur, les Nouveaux Philosophes se sont chargés d'assurer la transition entre le penseur plus ou moins intellectuel à la Sartre et l'expert américain.
Bien entendu, la médiocrité de BHL ou de ses compères est affligeante et elle n'est que transitoire, puisque la génération suivante des penseurs français a sombré en dessous du niveau de vide concevable (Onfray ou Enthoven). Mais mon propos n'est pas de jeter un regard lucide sur le nihilisme des pompeux ou sur les vrais penseurs qu'ils cachent et impliquent (les experts pensant dans la mesure où ils ont expédié la pensée pour penser l'immédiat et l'événementiel). Oublions cette caricature de BHL, dont chacun sait bien, dans le fond, qu'elle est condamnée à l'imposture et l'apostat.
Il est frappant de voir que le libéralisme, le démocratisme, le système qui se targue avec un extrémisme féroce de personnifier le Bien, ce système engendre de façon répétée et désespérée la médiocrité ou le mineur. Que l'on produise seulement un seul penseur explicitement libéral, un seul penseur qu'aurait conçu le système démocratico-libéral. Impossible. Sans aller jusqu'à rappeler que le système libéral est un système où la dégradation qualitative est sidérante, où la nullité est de plus en plus prononcée, dans une descente aux Enfers que l'on aimerait s'épargner, aucun observateur impartial n'est en mesure de produire un seul grand nom affilié au libéralisme.
Bien entendu, les pensées de qualité abondent, mais ces pensées sont au mieux mineures : Aron, Popper, voire Weber, c'est valeureux, mais les grands noms ne sont pas dans la liste du système, tant s'en faut. Il est même ironique que ce soit les ennemis les plus indéfendables du libéralisme qui puissent, eux, se targuer de la profondeur et du génie. Un seul exemple : le nazisme, le terrible et impitoyable nazisme, le régime présenté par la démocratie comme l'incarnation du Mal, le nazisme peut s'enorgueillir d'avoir compté dans ses rangs en quelques années plus de penseurs que le libéralisme pourrait relever dans toute son histoire.
Heidegger, Carl Schmitt, Leo Strauss, c'est de l'antilibéralisme, mais ça pèsera toujours plus lourd que Adam Smith, Ricardo ou tous les penseurs libéraux déclarés et patentés. Pourquoi Heidegger vaudra-t-il toujours plus que Aron? Bonne question. Bonne et lourde question. Certainement pas parce que Heidegger fut nazi et pas Aron. Mais quand on mesure à quel point des intellectuels comme Revel ont hypothéqué la pensée pour produire la propagande libérale au service du nationalisme, on est sidéré que la question se pose.
La réponse coule de source : parce que Aron était libéral. L'adhésion au libéralisme empêche la pensée dans la mesure où la pensée a besoin de la profondeur et que le propre du libéralisme est de supprimer la profondeur pour privilégier l'immédiateté et l'apparence. Le libéralisme est une pensée reconnue comme spéciale, voire étrange, dans la mesure où elle se voudrait la pensée qui nie la pensée. Si bien qu'un authentique philosophe comme Hume a besoin de contredire son libéralisme politique dans sa réflexion philosophique pour penser. D'ailleurs, Hume est déjà en dissidence de libéralisme, si l'on s'avise que le libéralisme n'est pas vraiment invoqué dans son oeuvre philosophique et qu'il pencherait du côté des libéraux classiques et de type politique. Voltaire se situe quant à lui à la marge. A la terrible marge.
On peut être nazi et grand penseur (Heidegger). On ne peut être libéral et grand penseur. Ce triste constat suffit amplement à indiquer la valeur véritable du libéralisme, en tant que pensée prétendant remplacer tout l'ancien système appuyé sur le monothéisme et le religieux : négation de la pensée, le libéralisme n'est pas seulement voué à la médiocrité et au nihilisme. En tant qu'émanation et expression du nihilisme, il se révèle également terriblement dangereux.

Ontothéologie

Quelle est l'ontologie qui se tapit derrière le formatage et la dépolitisation? Derrière la dépolitisation? Le grand événement marquant de la modernité, ce n'est pas le libéralisme, c'est l'effondrement du monothéisme et l'affirmation proclamée et signée que la modernité avait trouvé le moyen de surpasser le religieux. Fort bien! Par quoi? Car si l'on croit que la Raison a surpassé le religieux en inventant la maîtrise du réel redéfinie en Monde de l'Homme, on en revient toujours à la démarche de la mauvaise foi : cacher les problèmes pour mieux les résoudre. On pourrait bien entendu considérer que les desseins qui prétendent sortir du religieux sont des desseins de crise et d'attente, de passage et de transition, et que le religieux ne saurait ramener qu'au religieux. En d'autres termes : le religieux est trop humain pour disparaître. Par contre, la promotion de la philosophie par temps de mauvais temps, je veux dire de nihilisme, cette promotion n'est pas vraiment bon signe pour la philosophie. Au contraire. Si la philosophie remplace le religieux dans ce que le religieux présente de faculté de réflexivité et d'esprit critique, on retombe pile poil sur ses pieds, sur cette bonne vieille raison qui à l'époque du monothéisme avait le bon sens de se mettre au service de Dieu et qui depuis la Raison croit exprimer la Voix de la sagesse et de l'intelligence. La philosophie n'a accédé au premier rang que parce que sa démarche était rationaliste. Que cesse le nihilisme, que soit démasquée l'imposture de la raison, et la philosophie retournera dans sa boîte de Pandore avec ses autres congénères, tous ces esprits arrivistes et serviles, qui se croient d'autant plus importants et décisifs qu'ils ne sont que des moutons, et encore, des moutons de la pire espère, brebis galeuses et incurables, bêtes et méchantes, futiles et veules. Autrement dit, en deux mots comme en cent, puisque le temps presse et que brûle Babylone : la quête d'ontologie est encore une démarche de philosophe, qu'il est bon, non de traiter avec le mépris, mais de replacer à sa juste mesure. Car l'ontologie est encore trop rationaliste pour atteindre au religieux. Et c'est pourquoi le vénérable esprit religieux est accessible à tout homme, tandis que l'ontologie et ses dérivés ne sont destinés qu'à une élite de scribes.

jeudi 17 janvier 2008

911

« Après cela, je vis descendre du ciel un autre ange, qui avait une grande autorité; et la terre fut éclairée de sa gloire.

Il cria d'une voix forte, disant: « Elle est tombée, elle est tombée, Babylone la grande! Elle est devenue une habitation de démons, un repaire de tout esprit impur, un repaire de tout oiseau impur et odieux,

parce que toutes les nations ont bu du vin de la fureur de son impudicité, et que les rois de la terre se sont livrés avec elle à l'impudicité, et que les marchands de la terre se sont enrichis par la puissance de son luxe. »

Et j'entendis du ciel une autre voix qui disait: « Sortez du milieu d'elle, mon peuple, afin que vous ne participiez point à ses péchés, et que vous n'ayez point de part à ses fléaux.

Car ses péchés se sont accumulés jusqu'au ciel, et Dieu s'est souvenu de ses iniquités. »

Apocalypse, 18.


“Come we go burn down Babylon
One more time, Come we go chant down
Babylon one more time
For them soft, yes them soft
Them soft, yes them soft
So come we go chant down Babylon one more time

Men see their dreams and aspirations
Crumble in front of their face
And all their wicked intentions to destroy the
Human race.”

Bob Marley, Chant Down Babylon.


«C'est quand le danger est le plus grand que le salut est le plus proche.»

«Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve.»

Friedrich Hölderlin.


Nine eleven. Onze Septembre. Peu importe comment l’on baptise cette tragédie. Il est certain que l’effondrement de trois tours à New-York (WCT 1, 2, 7) et l’attaque meurtrière contre le Pentagone ont marqué un tournant dans les relations internationales et dans l’image que l’Occident donne de lui-même et a de lui-même. Auparavant, l’Occident pouvait encore se prévaloir de défendre la démocratie et le droit international, non de manière ferme et continue, mais au moins au niveau des principes. Les entorses alternaient avec le respect de la loi et des principes.

Aujourd’hui, il faut être béat et confit d’illusion pour souscrire à ce propos, tant il est clair que depuis le 911 (c’est ainsi que j’appellerai par commodité cet événement) l’impérialisme occidental n’est plus une source d’interrogations et de perplexités – mais une réalité. Je le définirais ainsi : alors qu’auparavant, on pouvait encore penser que la dichotomie de l’Occident entre ses principes revendiqués (liberté et démocratie) et ses actions internationales laissait à réfléchir, aujourd’hui on est fixé sur cette dichotomie. Pourquoi l’Occident administrait-il une politique hors de l’Occident qui violait le plus souvent les lois qu’il se fixait avec fierté dans ses terres ?

Désormais, il faudra répondre : parce que le système occidental n’est pas capable de s’étendre à toute l’humanité (l’habituel refrain sur l’évolution et la généralisation de la démocratie à tous les peuples, le modèle occidental…). L’Occident renvoyait à une catégorie privilégiée de l’humanité, à quelque chose comme son élite, non dans un sens qualitatif, mais quantitatif. L’Occident s’enorgueillissait d’avoir trouvé une philosophie et une politique supérieures à celles précédentes, d’avoir rompu avec l’impérialisme et le bellicisme et d’avoir imposé la rationalité et la démocratie. Las ! L’Occidental désabusé se rendait compte que cette démocratie et cette liberté étaient de la poudre aux yeux et que les vrais principes que poursuivait l’Occident étaient en fait le capitalisme de plus en plus sauvage et le libéralisme de plus en plus ultralibéral.

Autrement dit : les arguments qui consistaient à expliquer que la contestation était mauvaise conseillère parce que l’Occident dispensait quand même la plus grande liberté jamais connue par l’homme s’effondraient sous l’idée dévastatrice que cette promesse de liberté était peut-être le cheval de Troie derrière lequel s’abritait la progression de principes qui n’étaient pas si novateurs que leur appellation originale le laissait entendre. Capitalisme et libéralisme. Qu’étaient le capitalisme et le libéralisme pour se dégrader sans cesse et déboucher sur le capitalisme sauvage et l’ultralibéralisme ?

Alors on pouvait s’entêter dans l’aveuglement et s’en tenir au seuil des appellations. Effectivement, le libéralisme promettait la liberté et le capitalisme était tout ce que l’homme avait trouvé pour imposer la démocratie à la sauce capitaliste et libérale. Mais il fallait vraiment être stupide pour ne pas observer l’inquiétante évolution qui s’était dessinée depuis que le libéralisme n’avait plus pour adversaire le communisme. Autrement dit, sans adversaire, sans opposant, sans ennemi, le libéralisme filait à sa perte et cette perte n’était nullement un phénomène original et jamais observé. L’ultralibéralisme ramenait en fait à l’élitisme qu’induisait le totalitarisme. Si bien que la propagande atlantiste qui consistait à se féliciter de la chute du Mur de Berlin et des régimes communistes n’était sans doute qu’une fausse bonne nouvelle.

Livré à lui-même, le libéralisme était de moins en moins démocratique et de plus en plus viscéral. Il en revenait, dans un éternel retour particulièrement ironique, à la forme atavique qu’il prétendait combattre selon sa propagande habilement dispensée par des propagandistes travestis en penseurs (au service des lobbys atlantistes, des think tanks et autres écoles philanthropiques à but fort peu caritatif et fort idéologique) : le totalitarisme. Il était certain que le libéralisme livré à lui-même finissait en ultralibéralisme, soit en extrémisme, et que cet extrémisme était dangereux dans la mesure où il livrait l’homme à l’élitisme et au totalitarisme sous le prétexte d’asseoir la liberté. Le dogme classique voulait que l’homme ait besoin d’un régime autoritaire pour permettre sa pérennité. Selon ce dogme, la démocratie était dangereuse parce que démagogique. Elle dégénérait rapidement en anarchie et en luttes intestines, qui rétablissaient au final le totalitarisme le plus pernicieux, celui qui, non pas tempéré par la réflexion et l’expérience, mais mû par l’impatience et l’avidité, exigeait d’enrichir ses élites dans un avenir des plus brefs et ne se souciait guère de l’avenir de l’intérêt général.

Il fallait regarder les choses en face : était-ce cet horizon sombre qu’annonçait l’inexorable dérive du libéralisme, sans cesse tempérée et excusée par des discours de propagande au nom de la liberté ou de savants calculs, qui ne démontraient pas autre chose que la démarche sidérante avec laquelle on peut manipuler les méthodes et les moyens scientifiques ? Avant le 911, on pouvait en douter. On pouvait encore croire que l’humanité penchait dangereusement du côté de l’arrivisme et du court terme, mais qu’elle était aussi protégée par son souci de l’intérêt général et ses trouvailles nobles et démocratiques. Le souci de la liberté parviendrait-il à préserver l’homme de ses tentations arrivistes, cupides, élitistes et totalitaires ?

Grave question, qui ne cessait d’être nourrie d’une autre, connexe : les méthodes du libéralisme capitaliste étaient-elles compatibles avec l’intérêt général de l’homme sur le long terme ? L’homme ne suivait-il pas son intérêt immédiat et n’abandonnait-il pas, pour un peu d’hédonisme, pour un peu de répit, de manière atroce et inexcusable, les problèmes de son avenir à long terme aux générations futures ? L’homme contemporain ne serait-il pas accusé par les générations futures d’avoir détruit son environnement et de lui avoir livré un héritage gravement détruit et désormais instable ? Quelle était cette ontologie qui mouvait ainsi la politique contemporaine de l’homme, au point de faire disparaître la pérennité sous l’immédiat, la survie et la viabilité derrière l’apparence ?

Le 911 a profondément changé la donne parce qu’il est certain que le 911 a redéfini ces questions si embarrassantes à répondre. Il est certain qu’il n’est pas facile de se poser le problème de la disparition de son espèce ou du danger accompagnant une manière de vivre dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle consistait à privilégier les intérêts immédiats et à ne pas tenir compte du long terme. Le 911 a clarifié les problèmes : soit l’homme vivait en brûlant ses cartouches à terme ; soit l’homme avait inventé une nouvelle et féconde manière de vivre qui bouleversait sa façon de voir l’existence. Si la deuxième hypothèse était le cas, le 911 entraîna des conséquences si évidentes qu’elles suscitèrent un démenti cuisant et cruel.

D’une certaine manière, l’intérêt du 911 fut d’apporter à notre place de manière brutale, mais évidente, une réponse aux alternatives que l’homme se posait, et notamment : la manière de vivre occidentale, libérale et démocratique était-elle un caprice inconséquent et non pérenne ou une révolution pérenne qui était de surcroît en mesure de s’étendre à l’ensemble de l’humanité ? Autre question : la mondialisation libérale était-elle le signe que le libéralisme réussirait dans le dessein qui avait anéanti le communisme (et ses Internationales) ou était-elle le processus qui apportait l’ultralibéralisme, l’élitisme et la déchéance ? Avant le 911, les doutes étaient de plus en plus marqués. Le 911 a vraiment répondu à notre place, si bien qu’aujourd’hui fermer les yeux et refuser de se poser les bonnes questions équivaut à de la lâcheté et de l’irresponsabilité. Personne depuis le 911 ne pourra dire : je ne savais pas.

L’invasion de l’Irak sous des motifs aussi grossiers que mensongers (et notamment cette grotesque alliance de Saddam Hussein et d’Oussama ben Laden) fut précédée de l’invasion de l’Afghanistan sous un prétexte contestable (la culpabilité de ben Laden dans cette affaire n’ayant jamais été apportée, c’est le moins qu’on puisse dire). Tous ces mensonges furent orchestrés au nom du Bien et de l’Amérique (USA) comme symbole du Bien. Inutile de préciser que les Etats-Unis englobaient dans leur sillage de nombreux alliés, mais bien entendu et au premier chef cet Occident dont elles personnifiaient jusqu’à la caricature les valeurs et la politique (la philosophie aussi et surtout).

Alors certes, le 911 n’est pas indispensable pour comprendre que l’Occident a réagi d’une manière violente, illégale et brutale aux problèmes que lui posait sa manière de vivre et de voir la vie. L’Occident a montré son vrai visage en envahissant les pays qui n’étaient pas encore sous sa coupe et qui contenaient les richesses énergétiques indispensables à cette ère où le vrai enjeu est la gestion et le contrôle de l’après-pétrole. L’Occident n’était démocratique et libéral que dans la mesure où il contrôlait le monde. Que certains enjeux majeurs lui échappent, et l’Occident montrait d’un coup de quel bois il se chauffait. Foin de la démocratie et du libéralisme dès lors qu’il était question de gérer la fin du pétrole et les conséquences de la mondialisation (notamment l’impossibilité pour l’humanité de vivre à l’occidentale) !

D’ailleurs, l’émergence de la Chine et d’autres grandes puissances montrait que le principal n’était pas la démocratie dans l’évolution contemporaine, mais le capitalisme. On pouvait être totalitaire et capitaliste et les Chinois l’étalaient amplement. En même temps, les Etats-Unis révélaient pour qui en doutait encore que leur impérialisme servait la cause de la suprématie occidentale. Dans cette affaire, les nations occidentales secondaires cessaient de jouer le jeu d’une partition indépendante et s’alignaient clairement derrière le point de vue occidentaliste. Personne n’était dupe et le vrai perdant était sans doute la démocratie, tous les beaux principes de la démocratie, l’idée que la démocratie avait élu son renouveau et son essor universel en terre d’Occident.

Rien n’était moins démocratique que cette manière d’agir occidentale, qui consistait à se prétendre démocratique sur ses terres et à se montrer totalitaire et impitoyable hors de ses terres. La démocratie était un masque qui se fissurait dès que se posaient les vrais problèmes. Et les citoyens des nations démocratiques étaient des moutons que l’on pouvait manipuler en leur servant la soupe des beaux discours de liberté. Les peuples démocratiques se laissaient mener comme des veaux à condition qu’ils bénéficient de leur niveau de vie démocratique. Ils étaient prêts à de nombreux compromis sur leur pouvoir d’achat et leurs libertés pour peu qu’on leur promette de maintenir la démocratie et ses gains. Ils fermaient les yeux sur les agissements de leurs capitaines d’industries et les politiques hors de leurs terres pourvu que ces agissements ne leur portent pas préjudice.

Finalement, le citoyen démocratique était comme les autres hommes. Il se montrait veule et servile si ses intérêts le poussaient à préserver ses acquis. Il était certes inquiet qu’on rogne sur ses acquis sociaux, mais il préférait ne pas se poser trop de questions embarrassantes, qui l’incommodaient et le poussaient à se demander si la démocratie n’était pas en train de s’effondrer. Autant dire que le 911 ne fut pas seulement un drame isolé ou épisodique. Le 911 fut bien plus qu’une tragédie sans conséquence sur la suite des opérations (c’est le cas de le dire). Le 911 fut un événement fondateur comme l’on dit. Cet événement fondateur ne fut autre que la clarification de l’évolution véritable de la mondialisation, du libéralisme et de la démocratie.

L’Occident était impérialiste. L’Occident ne dissimulait que fort peu les divergences globales de fond, autrement qu’à des titres associatifs ou privés. Contrairement à la projection grossière de l’Orient, c’était bel et bien l’Occident qui existait à l’état de bloc homogène (au niveau de la philosophie et des Etats) – bien plus que l’Orient, fort hétérogène ; bien plus que l’Islam, fort peu uni. À tel point que parler d’occidentalisme n’était pas une vue de l’esprit, même s’il est certain que les nuances et les exceptions méritaient toujours d’être rappelées. Le sortilège du 911 agissait comme s’il servait de catalyseur et de révélateur quasi surnaturels. Non, le 911 n’était pas un événement isolé et coupé du cours historique général de l’Occident !

W. (Bush) avait-il parlé de Croisade du Bien contre le Mal ? Eh bien, c’était vraiment ce vers quoi menait l’occidentalisme : l’idée que l’Occident était le Bien et que les principes universels dont se réclamait l’Occident pour agir n’étaient pas le fond de ses visées et de ses menées. Dans le fond, l’Occident servait sa propre cause, étant entendu que cette cause n’était pas celle des peuples occidentaux, mais celles de ses élites, prêtes à toutes les alliances pour parvenir à ce but enivrant : la domination durable de l’Occident. Il était saisissant que la mondialisation aille de pair avec le 911 et que le 911 ne soit certainement pas cet événement isolé que l’on invoque avec remords quand on veut se cacher la vérité et ne pas se confronter aux graves problèmes qu’il pose.

Sans doute la principale cause au déni et à l’occultation tenait dans le véritable visage du 911. Affronter le 911, c’était se rendre compte qu’à l’instar de la métonymie qui exprime la partie du tout, le 911 exprimait le sens de la mondialisation et de l’Occident. Quand les tours s’effondrèrent dans une médiatisation inouïe, ce ne sont pas seulement, avec les milliers de victimes, les emblèmes de la puissance américaine qui se sont effondrées à une vitesse stupéfiante. Les tours symbolisaient l’Occident et dans une prophétie saisissante, c’est la chute de l’Occident qui s’est ainsi manifestée, comme si une puissance surnaturelle, ce Dieu peut-être refoulé, cherchait à mettre en garde l’homme sur le destin qui attend tout occidentalisant, sans aucune illusion sur sa puissance de déni, de mensonge et de cynisme : la chute impitoyable, la chute effroyable, la chute de l’Occident.

Effectivement, si l’Occident avait annoncé sa chute de manière sinistre et prémonitoire, à l’insu de son plein gré, de la plus involontaire des manières, celle du criminel qui tue pour faire disparaître le corps, alors que le corps est à ses côtés et signe son forfait, la remise en cause ne saurait venir de cet Occident manipulateur et pervers, puisque l’Occident est prisonnier de son piège frelaté et ne saurait changer de chemin. Pour ce faire, encore lui faudrait-il vaincre son ensorcellement et bénéficier d’autres alternatives. Il n’en a aucune et personne plus que l’Occident n’est aveuglé sur les véritables actes qu’il commet. L’insigne majorité des populations occidentales ne voient que leurs petits intérêts étriqués et immédiats et détournent le regard au lieu de se poser les véritables questions ; quant aux élites, elles pensent d’autant plus être responsables et maîtres du destin de l’Occident (qu’est-ce qu’il est grisant de se sentir maître de son propre destin et du destin de l’humanité et de toucher enfin du doigt le pouvoir des dieux !) que ces élites prétentieuses, décadentes et arrogantes croient que le cynisme dont elles font preuve s’accompagnent de la lucidité. Malheureusement, elles sont si aveuglées et ensorcelées qu’elles ne se rendent pas compte qu’elles agissent à l’inverse de ce qu’elles estiment préméditer avec liberté, autonomie et consentement. Pauvres élites ! Elles sont emplies du ridicule de qui se croit important alors qu’il est manipulé. Oui, c’est cela, les élites sont ces manipulateurs manipulés qui évoquent le balayeur balayé.

Et tandis que le 911 évoquait l’effondrement sinistre et inquiétant de l’Occident, ces élites crurent qu’elles avaient profité de l’événement et qu’elles accroissaient encore leur pouvoir et leur prestige. Vraiment pauvres élites ! La troisième image, c’est ce surgissement du Diable en la personne d’Oussama ben Laden. Effectivement, si cet homme jusqu’alors décrit comme un chef terroriste, mais un chef marginal, avait monté l’opération du 911, c’était plus qu’un monstre. C’était un démon, capable d’assassiner froidement des milliers de civils et d’innocents par la pire des armes, l’homme transformé en martyr et en pur formatage au nom de la cause qu’il défend, de ce Dieu dont on a peine à penser qu’il exige de pareils sacrifices de la part de ses sectateurs. Pauvre Allah ! Car la troisième image est celle de la projection.

Non seulement ben Laden est un mythe, mais c’est un mythe fabriqué par l’Occident, autrement dit : il serait trop facile de réduire la projection au fantasme d’un élu démocratique dégénéré (W.), hypothèse la plus commode et la plus superficielle ; mais tout aussi périlleux de se voiler la face en décryptant le mécanisme de la projection ramené à un courant seulement limité, par exemple les néo-conservateurs (quand on veut vraiment circonscrire la dérive à une idéologie finalement de peu de portée), ou les républicains (quand on veut ménager l’espoir que les démocrates et le courant modéré du libéralisme peuvent encore sauver plus que les meubles, l’Occident lui-même et une certaine idée de la liberté), ou les atlantistes (quand on reconnaît que le problème est d’importance, ne se limite pas à quelques courants occidentaux, mais qu’on tient malgré tout, tout de même, à le séparer de l’Occident et à incriminer une certaine manière impérialiste de considérer la politique, désignant les élites américaines).

Malheureusement, la projection renvoie in fine à l’Occident lui-même, comme le boomerang revient toujours se fiche dans la figure de son sardonique expéditeur. Autrement dit : W. n’est que l’expression de la dégénérescence de l’Occident, tout comme l’atlantisme n’est que l’expression de la dérive qui a conduit l’Occident à se laisser mener par le courant de pensée impérialiste, cynique et aveugle qui le meut désormais. Républicains et démocrates ne sont que l’expression d’un seul et même mouvement, mouvement de dérive comme les glaciers tristement célèbres des Pôles. Le fond de l’affaire, c’est l’Occident, qui fait d’autant plus mine de se porter à merveille, de ne jamais s’être aussi bien porté, qu’en fait il se situe dans les gouffres et qu’il n’a jamais été aussi proche, malheureusement, de son effondrement. Pour que le 911 ait été possible, il faut que l’Occident se trouve en décadence, et en décadence prononcée – dans la décomposition et la purulence.

Refuser de voir l’impact du 911, tout comme l’impact de l’effondrement des tours, c’est refuser de voir logiquement ce que le 911 représente : le 911, c’est la radioscopie fulgurante de l’Occident. Le 911, c’est la prophétie qui condamne l’Occident, parce que l’Occident s’est fourvoyé au point de parer le mythe de Faust (et ses conséquences funestes) des habits de lumière de la liberté. C’est un point peu observé que le pacte de Faust annonce de manière saisissante, non la perdition de quelques brebis égarées, mais bel et bien l’anéantissement apocalyptique de l’Occident en tant que civilisation. Le pacte de Faust annonce bel et bien l’effondrement des tours comme conséquence qui attend Faust au terme du pacte – l’Occident au terme de son pacte diabolique. Il est extraordinaire et divin que ceux qui ont fomenté le terrible acte du 911 n’aient certainement pas voulu produire cette annonce irréfutable et paroxystique de la chute de l’Occident au travers de la chute des Tours. S’il s’agit de ben Laden et d’al Quaeda, ils voulaient seulement châtier les impies Occidentaux ; s’il s’agit d’un tout autre complot, ses acteurs voulaient affermir leur mainmise perverse et paranoïaque.

Qui a intérêt à provoquer, voire accélérer l’effondrement d’une civilisation ? Qui est en mesure de créer ex nihilo, tel un démiurge sadique et pervers, l’acte fondateur annonçant l’anéantissement d’une civilisation ? Pour ce faire, il faudrait que le ou les démiurges détiennent un pouvoir justement de démiurge, pas le pouvoir limité de grappes d’humains agissant pour le compte d’intérêts soudain si finis et dérisoires. Il est évident que le 911 est un événement qui dépasse de loin tous ses spectateurs (ce que les analystes ultérieurs et présents ont tant de mal à accepter, parce que la conclusion est trop douloureuse), mais aussi ses acteurs, totalement dépassés par les conséquences de leurs gestes. Acteurs directs ou acteurs indirects, le degré d’implication importe peu, car au final l’acteur direct se trouve tout aussi grotesque et marginalisé que l’acteur indirect, celui qui croyait vraiment établir un geste (ré)novateur en fomentant le 911, celui qui ne s’est pas rendu compte que son action destructrice ne servait à rien de son point de vue propre, à rien d’autre qu’à accomplir un destin plus vaste, un destin plus vague, le destin qui justement le dépasse. C’est d’ailleurs un fait peu remarqué, en tout cas pas à sa juste valeur, à l’heure où l’accusation de conspirationnisme suffit à discréditer toute théorie contestataire portant sur le 911, c’est-à-dire sur la nature hautement hasardeuse de la version officielle, à l’heure où les termes de terroristes ou d’al Quaeda sont des anathèmes valant plus que des blasphèmes et des excommunications, que, quelle que soit la vérité sur le 911, il y a bel et bien eu complot. Complot officiellement relayé émanant d’al Quaeda ; ou complot d’un groupe interne à l’Occident et à des puissances dévoyées et prêtes à tout pour perpétrer leurs visées autoritaires et violentes. Dans tous les cas, il s’agit bel et bien d’un complot.

Et où la thèse du complot mérite examen, c’est qu’elle est d’autant plus stipendiée et stigmatisée qu’elle contient la vérité (puisque dans tous les cas, le complot appartient à la vérité). La vérité du complot : car non seulement c’est un complot qui amène le 911 (selon la version officielle, ben Laden et ses sbires complotant dans les grottes de Tora Bora pour lancer des avions sur le World Trade Center), mais il se pourrait que ce complot délivre, dans une révélation dont le sens ne cesse d’ébaubir en même temps que de stupéfaire, la vérité dans le mensonge.

Je m’explique : la version officielle du 911 explique que l’attaque terroriste du 911 émane d’une organisation terroriste répondant au nom d’al Quaeda dirigée par son chef, le désormais incontournable Oussama ben Laden. En quelques jours, ces deux noms vont se ranger directement dans la catégorie des mythes, de ceux qu’on n’efface pas des mémoires et qu’on n’oublie pas des célébrations. Mythes paradoxaux, puisqu’ils seraient censés incarner la lutte du Mal contre le Bien, du fanatisme contre la liberté, de l’Orient contre l’Occident, de l’islamisme contre le christianisme. Les oppositions abondent. Mais ces oppositions manichéennes cachèrent dans un premier temps le fanatisme de W., le chef incontesté du parti des néo-conservateurs. Des néo-conservateurs ? Alors pourquoi ce parti, s’il était minoritaire, fut-il soutenu de l’ensemble des populations occidentales et surtout de leurs élites ? Au nom du patriotisme ? Au nom de l’aveuglement ? Qui étaient ces élites à se prétendre tolérantes, universalistes, mondialisées, bref, le gratin du Bien, pour soutenir un chef soi-disant illégitime et au mieux stupide (au pire un monstre crapuleux et obscène) ?

Je l’ai dit, le 911 agit comme un miroir où se concentre la vérité d’une civilisation, un miroir grossissant et un formidable et surnaturel révélateur, puisque au-delà d’un événement ponctuel, au-delà de la vérité événementielle, c’est la vérité profonde qui a surgi, celle qui transfigure l’instant pour évoquer l’ensemble du réel, ou l’absolu, ou le temps. Il est vrai que finalement la portée du 911 est mystique, au sens où seule l’ontologie peut la comprendre en servant un discours rationaliste ; et où seul l’esprit religieux est en mesure de saisir sa portée qui dépasse de loin ce que la plume la plus exercée d’un journaliste ou d’un intellectuel peut concevoir (soit les deux figures contemporaines du penseur, qui prétendent dépasser et déboulonner par leur originalité et leur acuité les modèles classiques du philosophe et du théologien). J’y reviendrai par la suite, puisqu’à ma connaissance, seul René Girard a osé porter un regard métaphysique sur le 911 et qu’il a rapproché cet événement de l’Apocalypse, telle notamment qu’elle est développée dans sa version chrétienne et biblique.

De nos jours, on privilégie tellement l’événementiel ! Les élites raillent avec tant d’esprit et de chien la théologie, véritable discipline issue de la science-fiction, et la philosophie, dont les visées spéculatives sont de la perte de temps et ont, de toute manière, été remplacées depuis belle lurette par leurs versions améliorées et scientificisées, je pense bien entendu aux sciences humaines et surtout, surtout, clou du spectacle, au direct journalistique ! Il est vrai que le morcellement des savoirs va de pair avec le morcellement des événements, dont il est impossible aujourd’hui de saisir la complexité et l’ensemble sans voir agité des versions kaléidoscopiques et sans cesse changeantes. Comment rester impassible quand tout sens d’ensemble est impossible ?

Voilà aussi ce que révèle le 911 : l’impossibilité de comprendre l’événement le plus considérable sans en demeurer justement au stade de l’événement. Au-delà, l’esprit se voit taxé d’élucubrateur – si l’on est poli. Sinon, les juges n’auront de cesse de harceler le malheureux, jusqu’à ce qu’il soit reconnu comme un menteur, un manipulateur, un pervers, un désaxé, un dangereux terroriste. Bref. Le mécanisme de la projection est à l’œuvre et fonctionne de manière remarquable et éclatante.

Dès que la fumée des tours réduites en poussières s’est quelque peu dissipée, je sortis de ma stupeur et m’empressai d’assembler le puzzle : guerre en Afghanistan, guerre en Irak, enjeux stratégiques majeurs. Saddam Hussein pendu ; ben Laden introuvable… Quelle soupe nous servait-on ? À l’époque je m’intéressais à l’assassinat de JFK, toujours mystérieux et non élucidé à ce jour et je me demandais sur cette affaire JFK : quelles puissances possèdent le pouvoir fascinant et considérable d’assassiner le président en exercice des Etats-Unis (soit la plus grande puissance mondiale de l’après-guerre) et de demeurer dans l’impunité la plus choquante ? J’ai malheureusement rapidement saisi que les similitudes entre l’assassinat de JFK et le 911 commençaient par cette question : quelles puissances sont assez puissantes pour, cinq ans après, n’avoir toujours pas réussi à arrêter le commanditaire proclamé (et de quelle manière) du plus grand attentat terroriste frappant sur son sol et contre un symbole éclatant la première puissance du monde ? Qui était donc ce ben Laden inarrêtable et ces branches grouillantes d’al Quaeda insaisissables ? Il fallait être soit secouru par Dieu en personne, soit relever d’un maléfice inexplicable pour échapper ainsi encore et toujours aux mailles du filet potentiellement le plus fin et méticuleux qu’on puisse imaginer (qu’on se renseigne sur les moyens d’investigation technologiques dont bénéficient notamment le NRO et la NSA pour le compte du renseignement américain) !

En cherchant à me documenter, grâce au remarquable livre d’Éric Laurent (un authentique reporter, lui) et aux multiples documentaires qui circulent sur Internet, autant dire sous le manteau, bref, la vraie presse qui n’est pas bâillonnée par les cartels occidentaux et occidentalistes, j’ai appris de manière irréfutable quelques faits qui ne peuvent certainement pas être taxés d’élucubrations, voire de théories hypothétiques et incertaines. Il y en aurait d’autres, mais ceux-là sont à vous couper le souffle.

1- L’honorable ben Laden n’a jamais été inculpé par le FBI ni par aucune instance des Etats-Unis pour les attentas du 911 (« Oussama ben Laden est recherché dans le cadre des attentats à la bombe perpétrés le 7 août 1998 contre les ambassades américaines de Dar es-Salaam, en Tanzanie, et de Nairobi, au Kenya »).

2- Le WCT7, un immeuble de 47 étages qui faisait également partie, avec les Tours Jumelles (WTC1&2), du complexe du World Trade Center, s’est effondré le 11 Septembre 2001, à 17 h 20, de manière inexplicable, selon le rapport de la FEMA (Federal Emergency Management Agency, l’Agence Fédérale des Situations d’Urgence). Quant à la commission dite Hamilton, elle ne mentionne tout simplement pas l’effondrement du WTC7, bien qu’il ait été « tiré » (« pull it ») selon son propriétaire, Larry Silverstein (également propriétaire des Twin Towers).

3- La version officielle, confirmée par ladite commission, concernant l’attaque du Pentagone et ses centaines de victimes, est absurde et contredit manifestement les lois de la physique, de la logique et ses propres conclusions : comment un pilote terroriste et novice, le présumé Hani Hanjour, aurait-il réussi à manipuler au ras du sol et à une vitesse vertigineuse le vol 77 d’American Airlines, un Boeing 757 avec 69 personnes à bord (qui a décollé de Washington à 8 h 20 à destination de Los Angeles, a été détourné par un comman­do de cinq terroristes et s’est écrasé sur une aile du Pentagone à 9 h 37) ? Comment expliquer, dans la façade de l’immeuble, selon le cliché officiel, l’impact de quelques mètres, en totale inadéquation avec les mensurations pachydermiques d’un 757 ? Pourquoi les autorités refusaient-elles de communiquer les vidéos et les clichés du drame, alors qu’aucun corps n’avait été retrouvé sur les lieux du crash ?

4- Un gigantesque délit d’initiés entoure le 911, sur les compagnies aériennes, mais aussi sur les compagnies d’assurance (voir, notamment, les révélations d’Eric Laurent, bien entendues reconnues et jamais démenties : « Peu avant le 11 Septembre, de très nombreux délits d’initiés sont avérés : Entre le 6 et le 7 septembre, 4 744 options de vente « put options » portant sur les actions d’United Airlines sont achetées, contre seulement 396 acquises à l’achat. Le 10 septembre, veille des attentats, ce sont 4 516 « put options » d’American Airlines qui sont acquises, contre 748 à l’achat » ; mais aussi : « des niveaux élevés d’options de vente sur les actions de sociétés de réassurance susceptibles de payer des mil­liards pour couvrir les pertes dues aux attentats : Munich Re et le Groupe AXA » ; « des niveaux élevés d’options de vente sur les actions de compagnies financières touchées par les attentats : Merrill Lynch & Co., Morgan Stanley, Bank of America » ; « des niveaux énormes d’options d’achat sur un fabricant d’armes dont l’action a monté en flèche : Raytheon »).

5- Le FBI a publié une liste de 19 personnes soupçonnées d’être des pirates de l’air ayant détourné 4 avions, 3 jours après les attentats. Une liste complète avec photos sera publiée le 27 septembre 2001. Pourtant il apparaît bien vite que plusieurs de ces pirates de l’air sont vivants. Dès le 21 septembre, le Los Angeles Times affirme que 5 personnes ont été identifiées dans plusieurs pays arabes et protestent de leur innocence. Aujourd’hui que cela est confirmé, la liste des 19 pirates de l’air n’a pourtant jamais été corrigée ni par la Commission d’enquête ni par le FBI, qui continue à la publier telle quelle sur son site. D’où le FBI tient-il ces identités ? Apparemment des listes de vol des avions détournés. Or, il apparaît que dans les mois qui ont suivi le 911, aucune liste publiée par les médias ne révèle ces noms. Ces listes subissent des fluctuations au gré des publica­tions sur le nombre et les noms de certains passagers, mais ne donnent pas les noms des pirates de l’air présumés. Aucun pirate n’a été identifié lors des autopsies réalisées sur les restes des passagers des vols 77 et 93. En fait, rien ne prouve que les pirates de l’air présumés se trouvaient bien à bord des avions (informations relayées notamment par le site Internet Reopen 911).

Sans faire le jeu de polémiques stériles, il est certain que ces cinq faits suffisent à fonder la seule conclusion rationnelle qui vaille. La version officielle, telle que présentée et entérinée par la commission dite Hamilton (du nom de son vice-président) le 24 juillet 2004, est aberrante et ne tient pas la route. Elle est encore plus incohérente et fausse que la version officielle entourant la mort de JFK. C’est peu dire et c’est tout dire. JFK aurait été abattu par un déséquilibré, lui-même liquidé par un caïd de la pègre, lui-même abattu par un inconnu. Le 911 a été perpétré par 19 terroristes dont au moins 6 présentent une identité controuvée. Alors qu’est-ce qui se cache derrière les attentats les plus spectaculaires de l’histoire, si l’on y ajoute les guerres au terrorisme menées en Afghanistan et en Irak ? Qui a le pouvoir de commanditer ces attentats, de les mener à bien, d’accréditer une version planétaire totalement fausse du drame, d’ignorer les contestations les plus évidentes et rationnelles ? Qui, sinon l’Occident lui-même, et quels que soient les sinistres acteurs qui se cachent derrière cette tragédie dont le plus tragique est certainement le mensonge qui l’enserre ? Pourquoi protège-t-on un mensonge évident si ce n’est parce que le mensonge est ici fondateur de l’événement en tant que tel, mais aussi de la civilisation qui porte cet événement tel Sisyphe ? Dire la vérité, serait-ce détruire l’Occident bien plus profondément que les Twin Towers ?

Il est capital de préciser que la méthode qui consiste à asséner la vérité la plus froide, la plus implacable contre les sornettes qui nous sont débitées en guise d’explications évidentes, relayées toutes les minutes sur les médias officiels, soit les relais de propagande du pouvoir et de l’autorité en terre d’Occident, cette méthode se doit de séparer impitoyablement les faits qui démontrent que la version officielle est fausse (pour ne pas ajouter plus) et les hypothèses, même les plus plausibles et décisives. Sans quoi les accusations et les dénigrements porteront leurs fruits. Sans doute de nombreuses interprétations, dispensées par des voix autorisées, s’appuyant sur des informations étayées, sont-elles justes. Mais les faits suffisent à balayer d’un revers de main la version officielle.

Nul besoin par la suite de risquer de discréditer ces faits en les mêlant à des accusations incertaines et hypothétiques, aussi fondées soient-elles. Il est suffisamment éclatant que les faits ne concordent pas avec la version officielle, ce qui signifie que ceux qui ont dispensé la version officielle ont des secrets à cacher et que cette version officielle est un mensonge. Peu importe de savoir qui ce mensonge protège. Il est des protections qui meurtrissent plus que les pires blessures. Ce qui compte finalement, c’est que le mensonge sur le 911 révèle à quel point le 911 est un révélateur de la faillite de l’Occident.

J’aimerais rappeler que la guerre d’Irak s’appuie sur un mensonge invraisemblable : celui des armes chimiques, mensonge reconnu aujourd’hui, bien qu’il ne fasse pas bondir de révolte l’Occidental moyen, trop habitué aux scandales officiels et à la corruption médiocre de ses représentants et de ses élites. Il a tort, le pauvre Occidental, car la guerre d’Irak fonde l’impérialisme occidental révélé au grand jour et prêt à tout pour s’emparer des richesses en voie d’extinction. Le pauvre Occidental, ce même impérialisme va fondre tôt ou tard sur ses acquis de haute lutte et ne fera pas de quartier, tout Occidental qu’il est. S’il savait, le pauvre Occidental que la cupidité des carnassiers de la haute finance et des multinationales apatrides cache bien plus qu’une histoire de gros sous : la volonté d’engloutir le réel dans une reconstruction, une story telling à l’arrière-goût rance et putride !

Car la guerre d’Irak est aujourd’hui un échec qui dépasse de loin le caractère militaire. Échec universel pour le coup, tant politique que philosophique. Mais cet échec tous azimuts, cet échec prévisible puisque adossé sur un mensonge, cet échec possède son double, tout comme les Twin Towers sont des mimes saisissants, tout comme ben Laden est le double de W., tout comme le 911 est un gigantesque jeu de miroirs (selon la remarque avisée de Laurent, je crois) : la guerre d’Afghanistan. Quoi ? se récriera-t-on de fureur, cette guerre est légitime au moins, puisque les talibans ont refusé d’extrader ben Laden et que ben Laden est responsable du 911 ! Que nenni, mon bon prince. Ben Laden fut accusé par le fait du prince pour le 911, selon les outils de propagande américains les plus officiels, mais à ce jour aucune preuve n’est venue étayer ces accusations pourtant graves et capitales. Aucune.

Car la vidéo de ben Laden revendiquant de manière vague et amphigourique ces attentats est plus que suspecte. D’une part, une vidéo n’a pas valeur de preuve irréfutable. D’autre part, la traduction a été retouchée. Enfin, de nombreuses incohérences contredisent la véracité de ce ben Laden peu ressemblant et soudain droitier. Qu’est-ce qu’un sosie ? Le mime du réel. Les Occidentaux sont en train d’apprendre à leurs dépens qu’il est impossible de remplacer totalement le réel par sa reconstruction humaine et que cet essai coûte l’anéantissement. Les Occidentaux ont commis un sacrilège et payeront pour ce sacrilège. Le réel se venge toujours avec usure quand certaines de ses parties infimes essayent de l’effacer (terme qui désigne aussi l’homicide) et de le remplacer. Sa vengeance est implacable : elle consiste à rappeler que la tentative était vouée à l’échec puisque aucune partie ne saurait remplacer le tout. Par contre, toute partie qui prétend remplacer dans sa démesure le tout est anéantie au nom de son désir d’universalisation et du syndrome de la grenouille et du bœuf.

Il est ironique que ce soit le diable ben Laden qui ait osé rappeler la simplicité du réel face à la complexité laborieuse des assauts officiels. Le 16 septembre, ben Laden dément une implication dans les attentats du 911 dans un communiqué, affirmant : « Je voudrais dire au monde que je n’ai pas réalisé ces attentats, qui semblent avoir été planifiés par des gens qui ont des motivations personnelles. » (Dénégations qu’il réitèrera par la suite.)

Dont acte, d’autant que ce démenti s’enrichira d’un démenti écrit et que les talibans accepteront d’extrader ben Laden à condition que les Américains apportent sa culpabilité. Il est capital de rappeler que les preuves de cette culpabilité pourtant capitale ne seront jamais offertes au monde, contrairement aux accusations sans preuve qui mèneront à la guerre contre le terrorisme. Par contre, l’Afghanistan sera bombardé et colonisé, tandis que des milliers d’innocents, dont certains ignorent jusqu’aux attentats du 911, seront massacrés sous les bombardements… Il est vrai que la guerre d’Afghanistan a servi avec une opportunité inouïe le projet américain de s’emparer des richesses en gaz et pétrole entourant la mer Caspienne, tout comme la guerre en Irak permet de mettre la main sur des richesses pétrolières capitales dans la perspective de l’ère de la fin du pétrole…

Ce n’est pas mon propos que d’offrir un énième panégyrique du 911. D’autres sites s’y sont employés mieux que moi et présentent des synthèses écrites et visuelles remarquables. Le but est de constater que les mensonges grossiers jonchent le 911 et ses conséquences dramatiques comme des cadavres bordant une route de campagne. Il est capital de rappeler que le 911 ne fut certainement pas un cas isolé à vite oublier, mais l’acte fondateur par excellence, celui porteur de changements – et de changements sinistres. Ceux qui ont fait le 911 n’ont pas hésité à assassiner froidement des milliers de vies (le 11 septembre, mais aussi dans les semaines qui vinrent, puis par des guerres injustifiées et injustifiables) parce qu’ils estimaient que les morts étaient indispensables à des enjeux stratégiques et politiques qui dépassaient de loin l’arrivisme et la crapulerie pécuniaires et affairistes.

Les auteurs du 911 agirent en fait comme des patriotes d’un genre un peu particulier, des patriotes au service de l’Empire, autrement dit : des impérialistes. Impérialistes occidentaux, il va sans dire, puisque le gagnant de la grande manipulation demeure l’Occident et que c’est au nom de cet occidentalisme que les auteurs du 911 aimeraient nous faire avaler la pilule du 911. Malheureusement, ces auteurs fort peu responsables (c’est mon goût de l’étymologie qui me titille) n’ont fait en fait que démasquer au grand jour l’impérialisme occidental travesti en rationalisme, démocratie, libéralisme, et toutes les valeurs droits de l’hommistes que l’on nous sert à la louche pour nous endormir et nous faire croire que le monde s’est bonifié depuis que l’Occident a été éclairé par la lanterne magique des Lumières et de l’enchantement rationaliste.

Le 911 a apporté la vérité en lieu et place du mensonge qui était censé nous endormir. Ironie de l’Histoire, la vraie, c’est en prétendant manipuler et mentir avec leur coutumière mauvaise foi que les occidentalistes les plus durs, ceux en mesure de fomenter des attentats comme ceux du 911, ont servi la véritable lumière qu’ils auraient estimée comme les ténèbres de l’Enfer s’ils avaient mesuré la portée de leurs actes et de leurs gestes. Ces mêmes occidentalistes avaient déjà réussi l’exploit de coloniser le monde depuis Colomb pour mieux déclencher le processus inéluctable de décolonisation et de néocolonialisme. Le 911 a dépassé en premier lieu ses auteurs parce qu’il a démasqué l’Occident comme le lieu du mensonge au nom de la liberté (et de la raison).

Ajoutons que le mensonge autour du 911 est à ce point grossier qu’il n’est même pas un mensonge crédible pour qui possède encore un peu d’esprit d’analyse et de critique. Il est vrai que l’acceptation du 911 a discrédité les médias occidentaux et la définition de la démocratie occidentale : selon le mot d’Aristote, gouverner et être gouverné. Le 911 a montré que l’esprit critique était en terre occidentale l’exception qui confirmait la règle et que depuis longtemps il avait été remplacé par l’esprit moutonnier, si tant est que ce fameux esprit critique ait existé un jour ou l’autre. Le 911 est un mensonge qui est sans puissance et sans portée en tant que mensonge, un mensonge destiné à être démasqué et rejeté (un peu comme pour l’assassinat de JFK, mais avec des conséquences d’une tout autre ampleur).

Dès lors, il est certain que le 911 annonce l’effondrement de l’Occident. Au moment où l’avenir de l’humanité est en péril, il n’est pas certain que cette annonce soit une catastrophe, puisqu’il n’est pas certain que le régime occidental soit plus performant que les autres régimes, contrairement à ce que sa propagande essaye de nous faire accroire, se parant des vertus irréfutables du Bien absolu. Peut-on dire que la prospérité matérielle constitue un bien tel qu’il autorise à détruire l’environnement et à remettre gravement en question l’avenir des générations futures ?

La réponse est bien entendu : non. Alors l’effondrement de l’Occident sera-t-il aussi atroce, soit générateur de souffrances et de victimes, que le 911 le fut directement et indirectement (j’inclus bien sûr les victimes des guerres d’Irak et d’Afghanistan, les victimes à venir, mais aussi les victimes au nombre de cinq mille qui furent sacrifiées à la reconstruction de l’emplacement mortifère du WCT après les attentats) ? Soit l’humanité disparaîtra et le 911 est la tragédie qui annonce cette disparition inimaginable pour l’homme, l’homme étant incapable de gérer l’accession de son désir à la technologie ; soit l’homme va prospérer et se sortir de ce péril inimaginable. Je penche résolument pour la seconde hypothèse et si j’espère que l’Occident émergera sans trop de heurts de son nihilisme actuel, il est certain que seuls les Africains peuvent conduire ce renouveau et que seul l’espace peut être la terre d’accueil et d’hospitalité de ce renouveau. Que les Africains soient les fers de lance du renouveau spatialiste est aussi déconcertant que prévisible. Déconcertant : après tout, les Africains sont les grandes victimes et les grands délaissés de la mondialisation engendrée par Colomb. Prévisible : après tout, les Africains sont les instigateurs et les maîtres de l’hospitalité, au point que l’on a pu évoquer à l’endroit de leurs cultures la douce expression de culte de l’hospitalité.