mardi 29 janvier 2008

Univocité et hégémonie

Si le monde de l'homme était parvenu à recouvrir le réel, si le réel se confondait avec le monde de l'homme, alors l'uniformité du système serait envisageable : la domination rationnelle sur le réel entraînerait la rationalisation de sa maîtrise, soit son uniformisation. Chaque partie du réel pourrait être traitée de manière égale et égalitaire. Puisque le monde de l'homme prétend d'autant plus recouvrir de sa chape le monde de l'homme qu'il en est de fait incapable, les répercussions avec usure de cette tromperie se manifestent par des déflagrations de violence pure et l'instauration croissante du chaos en lieu et place de la civilisation promise. Premier fait.
Deuxième fait, cette uniformisation en tant qu'égalitarisme rationnel est une utopie impossible à mettre en pratique. Raison pour laquelle l'inadéquation du monde de l'homme et du réel conduit à des différences d'autant plus fortes et injustifiables que l'ordre se veut unique et triomphalement dominateur.
L'hégémonie (fallacieuse) de l'ordre conduit de fait à des disparités et des inégalités bien plus importantes que dans une représentation selon laquelle l'extériorité de l'ordre est reconnue et de ce fait l'inégalitarisme reconnu (inégalités internes, justifiées par la cohésion de l'ordre contre les autres ordres et contre l'absolu; inégalités externes, dans la mesure où les ordres ne sont pas constitués de la même manière).
Ces inégalités sont évidentes dans l'examen de l'ordre unique et des relations entre ses composants. Si l'ordre était vraiment unique, le signe indubitable serait que les relations entre les différents composants sont égales. Mais c'est l'inverse qui se produit : le moins que l'on puisse constater, c'est qu'entre les différents et innombrables composants qui forment l'ordre unique, les relations ne sont pas égales et la communication est impossible.
Au lieu de la communication claire qui définit des relations égalitaires entre les composants, la communication est profondément impossible et unilatérale (entre les élites et les composants qui forment la masse), à tel point que cet inégalitarisme des rapports et de la communication est la meilleure définition de la tromperie que constitue l'ordre unique.
Non seulement les relations sont foncièrement inégales, puisque fondées sur l'élitisme, mais ce caractère biaisé des relations suppose l'hypocrisie, puisque l'ordre prétend être rationnel et égalitaire. C'est toujours au nom du Bien et de la nécessité régie par ce Bien que s'effectuent les rapports, alors que fondamentalement ces rapports s'effectuent à partir de l'idée d'unilatéralisme et d'univocité.
Il est clair que ces rapports évoluent dans un sens, toujours le même sens : de l'élite vers les masses. Bien entendu jamais dans le sens inverse, ce qui constituerait l'impossibilité. Si bien que les rapports sont déchiffrables depuis le point de vue des élites, jamais depuis le point de vue des masses. Au contraire, ces points de vue ultimes et derniers sont marqués du sceau de l'opaque et des ténèbres.
Depuis le point de vue des élites, il lest possible de comprendre le fonctionnement de l'ordre et son processus intime. Selon le point de vue inverse, le même schéma est indéchiffrable et intraduisible. Telle est la preuve du fonctionnement à la fis univoque et inégalitaire de l'ordre unique et des dérives que ne manque pas de susciter la prétention hypocrite à l'égalitarisme de la part du système le plus inégalitaire et élitiste qui soit. Hypocrite et pervers : car le fait de retourner systématiquement le sens pour se donner l'apparence inverse de ce qu'on est vraiment ressortit bel et bien de la perversion et constitue certainement la marque de fabrique funeste de l'époque.

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