mercredi 17 novembre 2010

Du changement par le faux

Cette note fut écrite juste avant le faux changement français du gouvernement Fillon. Sarko a décidé de manière brillante et savante de remplacer Fillon par Fillon. On ne pouvait trouver meilleur exemple de faux changement.

Comment empêcher le changement? En façonnant une fausse opposition (consciente ou non de ce qu'elle fait) qui recoupe le parti au pouvoir. Ce parti représente la perversion de ce qu'il présente. Alors que le parti au pouvoir est unique sous des atours de différences, l'opposition est tout aussi frauduleusement unique sous des atouts de différences. Si le parti au pouvoir est de tendance soi-disant progressiste, la fausse opposition est un repoussoir d'extrême-droite; alors que si le parti au pouvoir est conservateur, la fausse opposition vire vers l'extrême-gauche. Dans les deux cas, l'opposition est incapable de proposer une alternative viable et ses fondements recoupent les fondements réputés antagonistes du parti en place. Normal puisque les différences réelles n'existent pas ou sont seulement internes.
Dans cette stratégie qui instaure des différences fallacieuses, il s'agit de camoufler qu'il n'existe au fond qu'une seule tendance. Quand on arrive à cette unicité malsaine, c'est le signe que le système s'effondre et qu'on crée artificiellement des différences pour camoufler la récupération - l'absence de différences. Cette tendance politique se trouve théorisée ontologiquement par le concept de nécessité, que vantent tant dans l'histoire immanentiste Spinoza ou Nietzsche : la nécessite est uniciste sous prétexte que le réel serait unique. On notera l'amalgame patent entre unité et unicité. On cautionne l'unicité des points de vue en les amalgamant avec l'identité (unicité en particulier) du réel.
Cette ruse ontologique recoupe et fonde la ruse politique selon laquelle les points de vue A, A', A'', et ainsi de suite, seront présentés comme A, B, C, et ainsi de suite. L'opposition de ces différences est d'autant plus fausse que la référence initiale A est fausse (mettons que A soit le libéralisme). Mais ce qui pourra passer pour une entourloupe géniale, dont se délectent peut-être quelques stratèges retors et côtelés, que l'on appellerait de nos jours spin doctors, et qui en général émanent de cabinet d'affaires ou en conseils, accélère le changement sous prétexte de l'empêcher.
Eh oui : le faux changement traduit l'accélération du changement effectif. Le faux changement extrémiste n'empêche pas le changement, mais l'accélère. Les pantins libertariens ne consolident pas l'ultralibéralisme qui les finance, mais accélère le changement qui renversera inévitablement ce marigot. C'est donc une bonne nouvelle : les théoriciens de la fixité ne parviennent pas à empêcher le changement, seulement à l'accélérer. On savait que les complots desservent les comploteurs. De même les faux changements desservent les manipulateurs et les marionnettistes.
En France, on a une idée de ce qu'est le faux changement avec l'illustration du faux remaniement du gouvernement Fillon, remplacé par un nouveau gouvernement... Fillon. Le procédé pourrait se révéler comique. Pour parodier Arréat : on se lasse pas de changer les institutions, ne pouvant changer les hommes.
Dernière précision avec l'origine de ce faux changement. On nous serine que les modes viennent des Etats-Unis et qu'elles sont ensuite et seulement appliquées en Europe, comme si le Nouveau continent précédait l'Ancien et menait le bal. C'est l'inverse qui est vrai. De même que l'Etat américain est sous la coupe croissante de l'Empire britannique, de même les stratégies manipulatrices, comme celles du faux changement, ont été développées en Europe et sont recyclées en Amérique.
C'est ainsi que la stratégie de la fausse bannière utilisée dans le 911 émane de l'Empire britannique et fut utilisée par l'Empire français lors de la guerre d'Algérie et dans le néocolonialisme algérien (avec la perversion tous azimuts de l'islamisme manipulé par des barbouzes militaires à la solde de généraux fort peu islamistes et tout à fait terroristes). On nous fait le coup du boomerang inversé pour mieux entériner la stratégie du faux changement : on confère un statut d'auteur à la victime. Les Etats-Unis sont la victime des agissements de l'Europe, en particulier de l'Empire britannique. Le seul point positif est le principal : que cette stratégie, loin de réussir dans son dessein, sert le changement.

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