Lorsque la Raison s'imagine que son programme a triomphé, on sent poindre une certaine incrédulité en germes, celle des Lumières. Il est vrai que le programme le plus idéaliste de l'immanentisme n'est autre que la philosophie de Spinoza, dont on peut mesurer les réticences, voire le rejet qu'elle engendra de la part des adversaires pourtant déclarés du transcendantalisme.
Maintenant, les Lumières sont l'expression de l'immanentisme triomphant. Elles sont elles-mêmes une appellation extrêmement positive et extrêmement connotée. Evidemment, les Lumières ne risquaient guère de se dénommer par exemple les Ténèbres ou que sais-je de péjorativement connoté.
Maintenant, si l'on regarde l'évolution de la propagande immanentiste, après l'idéalisme spinoziste et le triomphalisme superficiel d'un Voltaire, grand styliste mais piètre penseur, à ma connaissance, que l'on regarde l'évolution de l'immanentisme. Dès le dix-neuvième, les preuves historiques s'accumulent qui indiquent que les desseins flamboyants et grandioses de la Raison sont d'ores et déjà battus en brèche par le retour au réel.
Le dix-huitième pouvait encore se targuer de croire dans la Raison et dans l'accomplissement de ses projets ambitieux et radicalement novateurs. Le dix-neuvième prend acte par une multitude d'incarnations de l'échec de la Raison. C'est ainsi qu'il faut comprendre que le vrai visage de la Raison prend forme au dix-neuvième avec une netteté des contours que le dix-huitième adolescent ne présente pas. Non pas l'idéalisme du dix-septième ou la propagande optimisme à tout crin du dix-huitième. Mais le réalisme du dix-neuvième.
Si l'on se concentre sur le programme immanentiste, on constate qu'il a pris un sérieux virage vers la fausse modestie à la Nieztsche, voire le pessimisme tout aussi faux à la Schopenhauer. Schopenhauer ne peut que relever le caractère aveugle de la volonté, quand Spinoza triomphait avec son Désir immanent et si fort. Nietzsche est le meilleur indicateur de la défaite cuisante de l'immanentisme, lui qui ne propose rien de mieux qu'une transformation radicale de l'homme ou de son désir par l'action de la Raison. Transformation fort élitiste qui ne peut intervenir qu'en élisant une catégorie très restreinte, réputée être la catégorie des Surhommes.
C'est dire que Nieztsche est le meilleur représentant des immanentistes pragmatiques, mais que son pragmatisme est en même temps mâtiné d'idéalisme, puisqu'il se réfugie dans l'élitisme le plus impossible : le Surhomme est irréalisable. C'est donc dire que le pragmatisme est l'expression de l'idéalisme en fin de course (remarque importante). L'alternative que propose Nieztsche est l'annonce de l'échec immanentiste : soit le Surhomme, soit le nihilisme. C'est donc bien le nihilisme qui est appelé à triompher dans le déroulement de l'immanentisme, selon le propre aveu de Nieztsche.
On comprend le désespoir de Nieztsche, qui se matérialise par sa folie et son effondrement mental. Le véritable programme de Nieztsche au sommet de Sils-Maria réside dans la compréhension du visage explicite de la Raison : c'est le programme de l'impossible. La catégorie de l'impossible est capitale pour comprendre l'immanentisme tel qu'il s'amorce au dix-neuvième. Je dirais même que l'impossible est la meilleure définition elliptique de l'immanentisme. Effectivement, l'immanentisme est un projet tout à fait impossible, qui repose sur de graves erreurs et de non moins graves dysfonctionnements.
Le vrai visage de l'immanentisme annonce ainsi que les desseins de la Raison sont impossibles et vont déboucher sur le nihilisme. C'est la lucidité effrayante de Nieztsche affrontant la pensée de l'impossible (la pensée de midi signifiant aussi la maturité consommée de l'immanentisme) et c'est la raison pour laquelle cet adversaire farouche et un brin excité du transcendantalisme, singulièrement de sa version chrétienne, finira dans le mutisme version folle de l'Antéchrist terrassé : mieux vaut s'effondrer que de demeurer lucide dans un monde promis à l'effondrement.
De ce point de vue, Nieztsche est un authentique prophète et l'on comprend que d'instinct il se soit opposé par sa prose grandiose et grandiloquente au Christ : il était le prophète de l'immanentisme qui essayait de trouver une alternative supérieure face au symbole du prophétisme chrétien, monothéiste et transcendantaliste.
L'autre grande voix immanentiste du dix-neuvième est le pendant progressiste de l'immanentisme pragmatique qu'incarne Nieztsche. Rappelons-nous que ce pragmatisme est en fin de course parce que la Raison est déjà finie. Mais le progressisme possède un programme plus ambitieux et séduisant qui consiste à affirmer que la Raison peut-être appliquée et développée jusqu'à atteindre un point de perfection, qui consistera dans la fameuse égalité communiste.
Raison pour laquelle Marx engendre un tel enthousiasme et pour laquelle aussi il faudra comprendre que l'immanentisme progressiste se développe pendant que l'immanentisme pragmatique se montre déjà en fin de course. Car le progressisme croit précisément que le donné peut s'améliorer, quand le pragmatique constate que ce donné hyperrationnel est clairement insuffisant et empli de carences.
L'opposition de Marx au capitalisme et au libéralisme sonne comme une opposition interne à la Raison. Il faudra un jour développer les racines de l'immanentisme, qui ne se trouvent pas au dix-neuvième, mais sont en germes deux siècles plus tôt, voire trois. La vraie opposition au dix-neuvième entre le pragmatisme et le progressisme se situe entre Nieztsche et Marx. La différence entre les pragmatiques amènent à des sous-différences entre les pragmatiques idéalistes emmenés par Nietzsche et les pragmatiques utilitaristes, que Nieztsche d'ailleurs a raillé avec sa véhémence réjouissante et souvent déséquilibrée.
Le progressisme se met en branle explicitement au moment où la Raison parvient à un constat d'impasse, où elle se trouve en bout de course. Le progressisme se comporte un peu comme la vitalité paradoxale qui précède la mort dans nombre de cas d'agonies. Il est d'une certaine manière le chant du cygne de la Raison qui constate que son application telle quelle est condamnée et qui du coup se réfugie dans une forme de bulle spéculative avec cette idée folle que la raison peut rendre parfait le monde de l'homme.
Bien entendu, les résultats du communisme aboutiront à une catastrophe, si bien que la Raison en totale décomposition commence par le démantèlement du progressisme et laisse croire au triomphe du pragmatisme. Cela fait pourtant longtemps que le pragmatisme était condamné et il faut voir dans ce pragmatisme excité et extrémiste un signe déjà évident de délabrement, tant la médiocrité a remplacé l'excellence. Nietzsche était un penseur de qualité, quand les pensées postmodernes produites par les petits maîtres sont toutes passables, mauvaises, voire carrément nulles.
Mais je m'aperçois que je n'ai toujours pas examiné le visage explicite de l'immanentisme tel qu'il se matérialise de manière prévisible au dix-neuvième. Je glose, je glose et j'en oublie un dernier codicille : le lien entre communisme et idéalisme. Donc : encore une glose.
L'idéalisme communiste tel qu'il s'exprime dans le marxisme n'est que le prolongement concret de l'idéalisme marxien tel que l'exprimait la pensée de Marx. Évidemment, les liens sont forts entre Marx et le marxisme, mais la pensée de Marx exprime l'idéal du progressisme immanentiste. Parler d'idéal en liant l'idéalisme et l'immanentisme est contradictoire si l'on veut parce que précisément l'idéalisme s'oppose à l'immanentisme.
L'immanentisme typiquement idéaliste est incarné par la figure de Spinoza, parce que Spinoza peut encore proposer l'alternative immanentiste au transcendantalisme en estimant que la solution immanentiste est supérieure aux nombreuses applications transcendantalistes, particulièrement monothéistes. Mais l'idéalisme de Spinoza est paradoxalement immanentiste en ce qu'il croit que l'immanence est un idéal d'application. L'idéalisme immanentiste s'oppose à l'idéalisme transcendantal en ce que l'idéal du transcendant est ailleurs, quand l'idéal de l'immanent se veut ici et maintenant.
Spinoza est tellement puriste et pur (au sens où le purisme est intégrisme et extrémisme) qu'il croit vraiment que la Raison balbutiante en s'appliquant va obtenir des résultats formidables qui permettront l'obtention d'un monde enfin satisfaisant pour les attentes du désir humain - un monde idyllique pour l'homme. Spinoza n'est ni pragmatique comme les libéraux classiques, ni progressiste parce qu'il intervient à une époque où il peut encore croire dans l'hyperrationalisme et où il ne prend certainement pas conscience de la mutation rationnelle contenue dans l'immanence.
C'est vraiment en ce sens que Spinoza est idéaliste parce que ce qui l'intéresse c'est de mettre au point un programme rationnel pour l'homme et que son attente est d'ordre explicitement ontologique, à savoir trouver un équilibre ontologique où la Raison puisse donner le meilleur d'elle-même. Les libéraux classiques se moquent éperdument de la dimension ontologique, alors que Spinoza estime que sans cet idéal d'ensemble aucune application concrète n'est possible.
Les libéraux classiques se focalisent sur les applications concrètes et immédiates et jugent les considérations ontologiques comme une perte de temps relevant des spéculations métaphysiques appelées à être stipendiées (on se souvient que la tradition antispéculative et antimétaphysique de l'immanentisme aboutira aux conclusions extrêmes et décadentes du cercles de Vienne, comme de juste apportées au nom de la logique, puisque Spinoza se voulait géomètre et que la Raison exprime l'idéal de la logique toute-puissante).
C'est en ce sens que la profondeur spinoziste est supérieure à l'utilitarisme de type anglo-saxon, dont la superficialité de pensée est à prendre dans un sens sans doute premier, alors que la superficialité immanentiste a été justement relevée par Nieztsche, qui en bon immanentiste associe la profondeur à la superficie.
Le progressisme immanentiste se distingue au fur et à mesure que l'immanentisme montre des signes de faiblesse. Raison pour laquelle à l'époque de Spinoza, où l'immanentisme n'en est qu'à ses commencements et combat explicitement le transcendantalisme de type monothéiste, la distinction n'a pas de sens. Avec l'âge d'or des Lumières, l'immanentisme admet implicitement au moins qu'il est plutôt progressiste parce que son application brute ne fonctionne pas.
Alors que l'échec immanentiste se manifeste par l'éclosion radicale du scientisme à la Comte, le progressisme devient prépondérant avec Marx et ses rejetons pittoresques, parce que précisément l'échec pragmatique est consommée que le conservatisme stricto sensu est impossible, à moins de verser dans le cynisme le plus désabusé. L'avènement de Marx puis des idéologies marxistes, le socialisme bâtard et le communisme radical, traduisent la mise en orbite et au premier plan du progressisme, soit son effondrement consommé au faîte de son succès doctrinal.
L'effondrement du progressisme marxiste est prévisible parce que la Raison ne peut guère améliorer le réel si son fonctionnement est en lui-même déficient. La Raison étant faible, les transformations qu'elle opèrera seront branlantes et bientôt évanouies. Il est parfaitement normal et cohérent que l'effondrement du progressisme laisse place à l'omnipotence de l'immanentisme pragmatique, mais d'un pragmatisme déjà totalement affaibli et moribond. C'est dire que l'omnipotence affichée de ce pragmatisme qui déclare sans ambages s'être débarrassé de son rival cache en fait la mort prochaine d'un complice qui a perdu en fait son frère jumeau et qui ne se relèvera pas de l'épreuve.
Ce pragmatisme moribond est comme un arbre malade qui ne peut plus donner de fruits ou juste des produits rabougris et malingres. Il suffit de s'aviser que les pensées aujourd'hui systémiques sont d'une médiocrité et d'une nullité remarquables et que toute pensée est en fait absente, pour être remplacée par des produits très limités et axés exclusivement sur le domaine concret et immédiat. Que l'on lise à cet effet les pitoyables intellectuels néoconservateurs et l'on aura un aperçu de la folie stupide - ou de la stupidité folle - de ce pragmatisme qui montre clairement sa dégénérescence, dont le symbole serait ce W. représentant dévoyé (mais parfaitement attendu aussi) d'une dynastie corrompue et décadente comme l'histoire en a tant fabriqué avec une répétition prévisible et irréfutable.
Maintenant, les Lumières sont l'expression de l'immanentisme triomphant. Elles sont elles-mêmes une appellation extrêmement positive et extrêmement connotée. Evidemment, les Lumières ne risquaient guère de se dénommer par exemple les Ténèbres ou que sais-je de péjorativement connoté.
Maintenant, si l'on regarde l'évolution de la propagande immanentiste, après l'idéalisme spinoziste et le triomphalisme superficiel d'un Voltaire, grand styliste mais piètre penseur, à ma connaissance, que l'on regarde l'évolution de l'immanentisme. Dès le dix-neuvième, les preuves historiques s'accumulent qui indiquent que les desseins flamboyants et grandioses de la Raison sont d'ores et déjà battus en brèche par le retour au réel.
Le dix-huitième pouvait encore se targuer de croire dans la Raison et dans l'accomplissement de ses projets ambitieux et radicalement novateurs. Le dix-neuvième prend acte par une multitude d'incarnations de l'échec de la Raison. C'est ainsi qu'il faut comprendre que le vrai visage de la Raison prend forme au dix-neuvième avec une netteté des contours que le dix-huitième adolescent ne présente pas. Non pas l'idéalisme du dix-septième ou la propagande optimisme à tout crin du dix-huitième. Mais le réalisme du dix-neuvième.
Si l'on se concentre sur le programme immanentiste, on constate qu'il a pris un sérieux virage vers la fausse modestie à la Nieztsche, voire le pessimisme tout aussi faux à la Schopenhauer. Schopenhauer ne peut que relever le caractère aveugle de la volonté, quand Spinoza triomphait avec son Désir immanent et si fort. Nietzsche est le meilleur indicateur de la défaite cuisante de l'immanentisme, lui qui ne propose rien de mieux qu'une transformation radicale de l'homme ou de son désir par l'action de la Raison. Transformation fort élitiste qui ne peut intervenir qu'en élisant une catégorie très restreinte, réputée être la catégorie des Surhommes.
C'est dire que Nieztsche est le meilleur représentant des immanentistes pragmatiques, mais que son pragmatisme est en même temps mâtiné d'idéalisme, puisqu'il se réfugie dans l'élitisme le plus impossible : le Surhomme est irréalisable. C'est donc dire que le pragmatisme est l'expression de l'idéalisme en fin de course (remarque importante). L'alternative que propose Nieztsche est l'annonce de l'échec immanentiste : soit le Surhomme, soit le nihilisme. C'est donc bien le nihilisme qui est appelé à triompher dans le déroulement de l'immanentisme, selon le propre aveu de Nieztsche.
On comprend le désespoir de Nieztsche, qui se matérialise par sa folie et son effondrement mental. Le véritable programme de Nieztsche au sommet de Sils-Maria réside dans la compréhension du visage explicite de la Raison : c'est le programme de l'impossible. La catégorie de l'impossible est capitale pour comprendre l'immanentisme tel qu'il s'amorce au dix-neuvième. Je dirais même que l'impossible est la meilleure définition elliptique de l'immanentisme. Effectivement, l'immanentisme est un projet tout à fait impossible, qui repose sur de graves erreurs et de non moins graves dysfonctionnements.
Le vrai visage de l'immanentisme annonce ainsi que les desseins de la Raison sont impossibles et vont déboucher sur le nihilisme. C'est la lucidité effrayante de Nieztsche affrontant la pensée de l'impossible (la pensée de midi signifiant aussi la maturité consommée de l'immanentisme) et c'est la raison pour laquelle cet adversaire farouche et un brin excité du transcendantalisme, singulièrement de sa version chrétienne, finira dans le mutisme version folle de l'Antéchrist terrassé : mieux vaut s'effondrer que de demeurer lucide dans un monde promis à l'effondrement.
De ce point de vue, Nieztsche est un authentique prophète et l'on comprend que d'instinct il se soit opposé par sa prose grandiose et grandiloquente au Christ : il était le prophète de l'immanentisme qui essayait de trouver une alternative supérieure face au symbole du prophétisme chrétien, monothéiste et transcendantaliste.
L'autre grande voix immanentiste du dix-neuvième est le pendant progressiste de l'immanentisme pragmatique qu'incarne Nieztsche. Rappelons-nous que ce pragmatisme est en fin de course parce que la Raison est déjà finie. Mais le progressisme possède un programme plus ambitieux et séduisant qui consiste à affirmer que la Raison peut-être appliquée et développée jusqu'à atteindre un point de perfection, qui consistera dans la fameuse égalité communiste.
Raison pour laquelle Marx engendre un tel enthousiasme et pour laquelle aussi il faudra comprendre que l'immanentisme progressiste se développe pendant que l'immanentisme pragmatique se montre déjà en fin de course. Car le progressisme croit précisément que le donné peut s'améliorer, quand le pragmatique constate que ce donné hyperrationnel est clairement insuffisant et empli de carences.
L'opposition de Marx au capitalisme et au libéralisme sonne comme une opposition interne à la Raison. Il faudra un jour développer les racines de l'immanentisme, qui ne se trouvent pas au dix-neuvième, mais sont en germes deux siècles plus tôt, voire trois. La vraie opposition au dix-neuvième entre le pragmatisme et le progressisme se situe entre Nieztsche et Marx. La différence entre les pragmatiques amènent à des sous-différences entre les pragmatiques idéalistes emmenés par Nietzsche et les pragmatiques utilitaristes, que Nieztsche d'ailleurs a raillé avec sa véhémence réjouissante et souvent déséquilibrée.
Le progressisme se met en branle explicitement au moment où la Raison parvient à un constat d'impasse, où elle se trouve en bout de course. Le progressisme se comporte un peu comme la vitalité paradoxale qui précède la mort dans nombre de cas d'agonies. Il est d'une certaine manière le chant du cygne de la Raison qui constate que son application telle quelle est condamnée et qui du coup se réfugie dans une forme de bulle spéculative avec cette idée folle que la raison peut rendre parfait le monde de l'homme.
Bien entendu, les résultats du communisme aboutiront à une catastrophe, si bien que la Raison en totale décomposition commence par le démantèlement du progressisme et laisse croire au triomphe du pragmatisme. Cela fait pourtant longtemps que le pragmatisme était condamné et il faut voir dans ce pragmatisme excité et extrémiste un signe déjà évident de délabrement, tant la médiocrité a remplacé l'excellence. Nietzsche était un penseur de qualité, quand les pensées postmodernes produites par les petits maîtres sont toutes passables, mauvaises, voire carrément nulles.
Mais je m'aperçois que je n'ai toujours pas examiné le visage explicite de l'immanentisme tel qu'il se matérialise de manière prévisible au dix-neuvième. Je glose, je glose et j'en oublie un dernier codicille : le lien entre communisme et idéalisme. Donc : encore une glose.
L'idéalisme communiste tel qu'il s'exprime dans le marxisme n'est que le prolongement concret de l'idéalisme marxien tel que l'exprimait la pensée de Marx. Évidemment, les liens sont forts entre Marx et le marxisme, mais la pensée de Marx exprime l'idéal du progressisme immanentiste. Parler d'idéal en liant l'idéalisme et l'immanentisme est contradictoire si l'on veut parce que précisément l'idéalisme s'oppose à l'immanentisme.
L'immanentisme typiquement idéaliste est incarné par la figure de Spinoza, parce que Spinoza peut encore proposer l'alternative immanentiste au transcendantalisme en estimant que la solution immanentiste est supérieure aux nombreuses applications transcendantalistes, particulièrement monothéistes. Mais l'idéalisme de Spinoza est paradoxalement immanentiste en ce qu'il croit que l'immanence est un idéal d'application. L'idéalisme immanentiste s'oppose à l'idéalisme transcendantal en ce que l'idéal du transcendant est ailleurs, quand l'idéal de l'immanent se veut ici et maintenant.
Spinoza est tellement puriste et pur (au sens où le purisme est intégrisme et extrémisme) qu'il croit vraiment que la Raison balbutiante en s'appliquant va obtenir des résultats formidables qui permettront l'obtention d'un monde enfin satisfaisant pour les attentes du désir humain - un monde idyllique pour l'homme. Spinoza n'est ni pragmatique comme les libéraux classiques, ni progressiste parce qu'il intervient à une époque où il peut encore croire dans l'hyperrationalisme et où il ne prend certainement pas conscience de la mutation rationnelle contenue dans l'immanence.
C'est vraiment en ce sens que Spinoza est idéaliste parce que ce qui l'intéresse c'est de mettre au point un programme rationnel pour l'homme et que son attente est d'ordre explicitement ontologique, à savoir trouver un équilibre ontologique où la Raison puisse donner le meilleur d'elle-même. Les libéraux classiques se moquent éperdument de la dimension ontologique, alors que Spinoza estime que sans cet idéal d'ensemble aucune application concrète n'est possible.
Les libéraux classiques se focalisent sur les applications concrètes et immédiates et jugent les considérations ontologiques comme une perte de temps relevant des spéculations métaphysiques appelées à être stipendiées (on se souvient que la tradition antispéculative et antimétaphysique de l'immanentisme aboutira aux conclusions extrêmes et décadentes du cercles de Vienne, comme de juste apportées au nom de la logique, puisque Spinoza se voulait géomètre et que la Raison exprime l'idéal de la logique toute-puissante).
C'est en ce sens que la profondeur spinoziste est supérieure à l'utilitarisme de type anglo-saxon, dont la superficialité de pensée est à prendre dans un sens sans doute premier, alors que la superficialité immanentiste a été justement relevée par Nieztsche, qui en bon immanentiste associe la profondeur à la superficie.
Le progressisme immanentiste se distingue au fur et à mesure que l'immanentisme montre des signes de faiblesse. Raison pour laquelle à l'époque de Spinoza, où l'immanentisme n'en est qu'à ses commencements et combat explicitement le transcendantalisme de type monothéiste, la distinction n'a pas de sens. Avec l'âge d'or des Lumières, l'immanentisme admet implicitement au moins qu'il est plutôt progressiste parce que son application brute ne fonctionne pas.
Alors que l'échec immanentiste se manifeste par l'éclosion radicale du scientisme à la Comte, le progressisme devient prépondérant avec Marx et ses rejetons pittoresques, parce que précisément l'échec pragmatique est consommée que le conservatisme stricto sensu est impossible, à moins de verser dans le cynisme le plus désabusé. L'avènement de Marx puis des idéologies marxistes, le socialisme bâtard et le communisme radical, traduisent la mise en orbite et au premier plan du progressisme, soit son effondrement consommé au faîte de son succès doctrinal.
L'effondrement du progressisme marxiste est prévisible parce que la Raison ne peut guère améliorer le réel si son fonctionnement est en lui-même déficient. La Raison étant faible, les transformations qu'elle opèrera seront branlantes et bientôt évanouies. Il est parfaitement normal et cohérent que l'effondrement du progressisme laisse place à l'omnipotence de l'immanentisme pragmatique, mais d'un pragmatisme déjà totalement affaibli et moribond. C'est dire que l'omnipotence affichée de ce pragmatisme qui déclare sans ambages s'être débarrassé de son rival cache en fait la mort prochaine d'un complice qui a perdu en fait son frère jumeau et qui ne se relèvera pas de l'épreuve.
Ce pragmatisme moribond est comme un arbre malade qui ne peut plus donner de fruits ou juste des produits rabougris et malingres. Il suffit de s'aviser que les pensées aujourd'hui systémiques sont d'une médiocrité et d'une nullité remarquables et que toute pensée est en fait absente, pour être remplacée par des produits très limités et axés exclusivement sur le domaine concret et immédiat. Que l'on lise à cet effet les pitoyables intellectuels néoconservateurs et l'on aura un aperçu de la folie stupide - ou de la stupidité folle - de ce pragmatisme qui montre clairement sa dégénérescence, dont le symbole serait ce W. représentant dévoyé (mais parfaitement attendu aussi) d'une dynastie corrompue et décadente comme l'histoire en a tant fabriqué avec une répétition prévisible et irréfutable.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire