Les concessions que les soi-disant contestataires du système adressent aux partisans du système sont le plus souvent des propos clairement localisables à l’intérieur du système. C’est ainsi que nos grands contestataires faisandés, à moins qu’ils n’expriment de fausses différences parce qu’ils sont de faux adversaires, valident les pires billevesées de leurs adversaires farouches pour mieux s’en prendre aux fariboles superficielles et secondaires. Avec de pareils contestataires, le système dominant n’a aucun souci à se faire !
On commence par entériner le dogme de l’antisémitisme, sans veiller à ce que le refus de l’antisémitisme ne cache pas des intentions nettement moins avouables que la lutte saine contre le racisme. Dans cette perspective, il est ahurissant que personne ne s’émeuve du choix du terme antisémite pour qualifier le racisme spécifique à l’encontre des Juifs.
Nulle intention de dénoncer la spécificité du racisme dont sont victimes les Juifs, surtout après la Shoah, mais de comprendre ce que cache cette volonté exacerbée d’exception quasi intouchable. On en serait presque à se demander si la dénonciation de l’antisémitisme ne servirait pas à entériner une quête moins admissible, celle du refus de la critique.
Touché ! L’examen le plus expéditif du terme antisémite révèle un amalgame stupéfiant entre les Sémites et les Juifs. Selon cette grille de lecture, les Juifs seraient les seuls Sémites. Ce raccourci sémantique exprime la réduction ontologique que l’on entretient autour de ce sujet épineux.
Coulé ! N’oublions pas que les Sémites comprennent notamment la sous-catégorie des Arabes, qui sont les ennemis intimes des Juifs depuis un demi-siècle et qui sont les cibles de la guerre contre le terrorisme. Cette soif d’occulter les autres Sémites pour s’approprier l’ensemble de l’appellation démontre que l’intention souterraine tapie sous l’antisémitisme consiste à détruire le réel qui dérange. Pourquoi cette gêne insistante à faire disparaître le réel sous ses propres attentes fantasmatiques ?
On s’approprie l’ensemble d’un donné quand on veut dépasser le statut de la partie. Est-ce la démesure ? Est-ce le mensonge que recèle cette confusion tapie sous le terme d’antisémitisme ? En tout cas, il faut croire que le coup de force n’est pas seulement suffisant car l’on assiste depuis au moins dix ans à un redoublement de la confusion sémantique originelle.
Sans doute les mentalités se satisfaisaient-elles de l’antisémitisme comme d’un racisme spécifique certes, mais un racisme tout de même. Raison pour laquelle les plus zélés des combattants de l’antisémitisme se sont commués en antiantisémites professionnels, un peu comme l’on trouve des antiracistes bien connus pour tenir des discours du même acabit.
Le nouvel antisémitisme est une appellation brevetée, qui redouble la confusion originelle. Désormais, l’antisémitisme intransigeant est d’autant plus confus qu’il s’attache de surcroît à tenir compte de la création d’Israël, soit à cautionner le sionisme comme direction bien particulière et très orientée à l’intérieur de la religion juive.
L’antisémitisme classique dénotait la confusion déjà exacerbée ? Le nouvel antisémitisme croîtra un cran au-dessus au point de rendre impossible la moindre critique contre le sionisme.
Le coup est admirable ! De l’art de faire sauter les barrières et de rendre inattaquable les éléments pourtant les plus enclins à l’exercice de la critique… Soustraire à la condamnation et au racisme les éléments les plus critiquables, le procédé est éloquent : il s’agit d’établir comme fondamental et normatif le friable et le contestable à l’intérieur d’un donné. Il s’agit de déplacer les lignes et de réduire l’esprit critique aux attentes d’une certaine représentation.
Qu’est-ce que le nouvel antisémitisme, sinon une confusion supplémentaire et parfaitement scandaleuse ajoutée à une confusion initiale ? Qu’est-ce que le fait de développer du sens sur le terreau de la confusion ? Le meilleur moyen d’admettre le mensonge. Le nouvel antisémitisme traduit l’apologie du mensonge dont se pare le système poussif et tardif en déclin.
Se rendre compte que l’on est incapable de définir ce qu’est un Juif à l’aune de l’antisémitisme conduit à s’interroger sur la définition que recoupe en fait le nouvel antisémitisme : c’est le désir de cautionner le sionisme – et Israël. C’est l’évidence même : l’antisémitisme tend à faire du Juif une identité indiscutable ; le nouvel antisémitisme va jusqu’à faire du sioniste et de l’Israélien une identité d’autant plus irréfutable qu’elle se trouve assimilée au Juif en tant que victime. Justifier à partir de l’amalgame et de la confusion…
Reste un dernier point à noter : contrairement à ce que serine une certaine propagande partiale et orientée, dénoncer ces confusions surajoutées ne signifie nullement qu’on soit contre les Juifs, contre les sionistes, contre les Israéliens. Au contraire, il appert que l’effort de vérité sert en premier lieu ceux qui sont asservis et avilis par l’effort de confusion. Où l’on voit que la propagande contre le nouvel antisémitisme, surenchère de la propagande antiantisémite, est l’ennemi premier de ceux qu’elle prétend défendre.
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