lundi 6 février 2017

L'attrait du minimalisme

Comment expliquer le succès du minimalisme? Ce n'est pas qu'il reste presque rien qui retient l'attention, mais plutôt qu'il reste toujours quelque chose, fût-ce quasiment rien. Autrement dit, l'adhésion que provoque le minimalisme tient au fait que le minimum recèle plus de saveur que ce qui s'avère plus étendu, parce qu'il précéderait ce qui s'est développé. Tout se passe comme s'il dévoilait l'origine des choses, c'est-à-dire une forme plus pure que celles qui suivent, et qui du coup passent pour délayées et inférieures. 
La croyance qui explique cette sensation repose sur le mythe, relayé par Descartes, selon lequel il convient de remonter au commencement pour trouver le parfait, la suite n'étant qu'une longue et inéluctable dégénérescence, allant de pair avec le développement. Dès lors, plus on progresse dans la découverte de formes plus petites, plus dépouillées, plus on éprouve le sentiment de progresser dans la perfection. 
Raison pour laquelle le métaphysicien est engagé dans une course au réductionnisme ontologique, où il cherche à retrouver la cause unique qui explique la suite, et qui se rapporte au minimum et à ce qui pour lui est le plus proche de la perfection.
Dans cette mentalité, peu importe que le minimal exprime l'approximation de ce qui ne peut être qu'imparfait et parcellaire. Peu importe l'irrationalité de l'imparfait, à partir du moment où il exprime quelque chose.
A la limite, plus l’imparfait se minimalise, plus il se montre porteur de la teneur en originel. Avec l'évolution de la métaphysique vers de plus en plus de simplicité suite à son discrédit contemporain grandissant (du fait des progrès de la science), voilà que certains philosophes se targuent de suivre le principe d'Ockham.
C'est notamment ce qui peut fasciner chez un Clément Rosset. La philosophie qu'il propose est l'une des plus dépouillées qui soit, minimaliste en diable. 
Par ailleurs, elle est d'un parfait irrationalisme, donc d'une grande inconséquence : ainsi propose-t-il le réel comme substrat de sa philosophie, étant entendu que ce terme désigne quelque chose qui n'est pas définissable.
Dès lors, il est le résidu d’extériorité sur lequel peut s'appuyer la représentation pour parader qu'elle a trouvé un point d'appui extérieur qui signifie qu'elle approche du vrai. Peu importe que ce point d'appui approche de la désinvolture simpliste.
Le problème de fond de cette mentalité qui part de la métaphysique en philosophie, c'est qu'elle recherche le point extérieur le plus simple possible. Rosset réussit à déterminer un point d'extériorité, donc il présente un intérêt philosophique, quand bien ce dernier s'avère minimaliste, tant pour la philosophie, qui n'a pas besoin de cette tentative irrationaliste et ludique, que pour la compréhension du monde (qui n'a pas besoin d'en passer par la philosophie). 
Mais cet intérêt s'avère assez vite dérisoire en termes de connaissance : c'est en posant le problème, non selon les critères de la métaphysique, mais de la connaissance que l'on se rend compte de la pauvreté de cette méthode consistant à partir de ses représentations pour aller vers l'extérieur.
Rosset représente ainsi, outre un jeu intellectuel assez drôle, le moyen d'aller vers la philosophie à partir d'une forme qui n'est pas de la philosophie, car elle entend résoudre le problème par un principe postulé comme vérité. Dans ce cas, le minimum montre bien qu'il n'est pas retour au sources vers la vérité primordiale et primitive, mais substrat à partir duquel on peut construire.
Rosset comme caricature contemporaine, mais aussi toutes les formes réductionnistes comme le matérialisme au fil de l'histoire des idées et de la philosophie, permettent ainsi de construire à partir. Le minimalisme se révèle ainsi insuffisant, mais préparatoire, et c'est en cela que résident son attrait aussi bien que son succès.

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