lundi 29 octobre 2012

Mes Que Servituda

Des journalistes de l'EIR sont allés interviewer les responsables du MES dans leurs locaux sis capitale Luxembourg de l'Etat éponyme. Remember : le Luxembourg est un paradis fiscal. Le MES gère 7 000 milliards d'euros en théorie. Vous avez bien lu. L'EIR a été fondée par l'homme politique et économiste LaRouche, un démocrate américain qui se réclame de T.D. Roosevelt, qui milite contre le monétarisme, qui plaide en faveur du Glass-Steagall et que les médias dominants présentent comme un néo-nazi homophobe, antisémite et milliardaire - que des calomnies, quoi. 
Ce reportage montre très facilement que le MES est une coquille vide à l'image de ses locaux, dans une bâtiment anonyme et banal, sans aucun rapport avec l'importance stratégique de son portefeuille. L'on parle quand même de l'établissement financier censé sauver les États européens de la faillite qui menace de les engloutir et qui ferait disparaître par la même occasion l'Union européenne fédéraliste et son protecteur, les marchés financiers. Le décalage sidérant, voire sidéral, entre la coquille vide des locaux du MES, ses 60 collaborateurs officiels, et l'importance que les médias lui confèrent ne manque pas d'interpeller. Il faut que des journalistes marginaux et de qualité se coltinent le travail, au risque de passer pour d'horripilants hurluberlus, paranoïaques et extrémistes.
Il y aurait pourtant de quoi sortir un scoop retentissant pour n'importe quel journaliste se donnant enfin les moyens de sortir la vérité. Pareille imposture, comment passer à côté? Comment taire ces locaux modestes, cet anonymat éloquent, cette localisation dans un paradis fiscal - tout qui montre le MES sous la coupe des intérêts financiers et l'Union européenne une bureaucratie à la solde de la City? Pourquoi les grands médias ne relayent-ils pas cette imposture, qui aurait de quoi scandaliser les peuples, en France où le niveau de vie s'effondre et où les classes en décrochage commencent à grincer des dents - mais aussi en Espagne où le chômage est galopant et où la faillite menace de ruiner le pays?
De quoi proposer des jeux de mots faciles : l'Union européenne a recours à des moulins à vents, dignes de Don Quichotte et de son goût pour l'illusion! Mais non, pas un mot. C'est le signe que les médias sont aux ordres des réseaux du monde financier. Le quotidien Libération se trouve tenu en majorité par le financier Edouard de Rothschild; Le Monde compte comme actionnaire principal des hommes-liges des intérêts BNP, alors qu'auparavant il subissait à son Conseil de surveillance l'oligarque autoproclamé Alain Minc, le conseiller anglophile des grands patrons et de Sarkozy, qui représente le capitalisme français fasciné par l'ultralibéralisme et les méthodes dérégulatrices de la City.
Les journalistes ne suivent pas sciemment des ordres explicites distribués par ces irresponsables ou leurs représentants (car ils n'ont pas le temps de tout détruire, nos travailleurs compulsifs), mais se prosternent fascinés et ébaubis devant le droit du plus fort. Comme ce droit antijuridique fonctionne sur le mimétisme, il relève de la mentalité - inconsciente. Raison pour laquelle il se révèle aussi dangereux : il est pernicieux. Son péril n'est pas dans la domination d'une oligarchie cruelle et désaxée sur la majorité apeurée et moutonnière, ainsi que Nietzsche le décrivait avec délectation, mais dans l'autodestruction qu'elle génère et qui finit par tuer l'auteur du crime.
L'oligarchie est programmée pour disparaître aussi sûrement qu'elle fait disparaître. Quand on dit que l'impérialisme commence par détruire pour finir par s'autodétruire, c'est selon un mécanisme connexe : l'impérialisme désigne l'action extérieure de toute oligarchie. Derrière la catastrophe du MES, qui loin de relancer la machine européenne, finira par détruire les dernière digues du niveau de vie des peuples, il convient de comprendre que les masses occidentales, engoncées dans leur léthargie ouatée et ankylosée, ne se rendent pas compte qu'elles vont rejoindre la triste réalité qu'elles ont contribuée par leur passivité complice à instaurer en Afrique.
L'Afrique se trouve détruite dans son ensemble par cinq siècles d'esclavagisme puis de colonialisme. On s'est tu sans se rendre compte qu'en acceptant se crime, l'Occident impérialiste se condamnait à finir en oligarchie dépravée, cruelle et moribonde. L'actuel état de l'Empire britannique postcolonial et officieux est éloquent : il gît en état d'agonie, alors que les miasmes de la Françafrique rappellent ce qu'il en coûte d'instaurer un néo-colonialisme putride mêlant des (sous) élites métropolitaines à des connexions autochtones collaboratrices.
Je ne me montrerais pas aussi optimiste et aveuglé que certains analystes de la situation africaine qui, tout en concédant que l'Afrique souffre de multiples maux endémiques, s'émerveillent du taux de croissance assez important qui caractériserait l'activté économique du continent. J'aimerais savoir dans quelle mesure ce taux ne rejoint pas une croissance oligarchique, au service des intérêts élitistes et qui appauvrit la majorité. Les Africains désignent-ils seulement les deux ou trois pour cents les plus riches - ou peut-on parler de croissance si et seulement si la situation profite à la majorité et engendre des classes moyennes en hausse de niveau de vie (un bon critère d'évaluation)?
La croissance annoncée en Afrique rejoint les effets d'annonce similaires dans les pays émergents, où l'on constate, notamment au Brésil, que le développement profite surtout aux plus riches et crée moins de classes moyennes que de pauvres appauvris. Encore faudrait-il ajouter que la réalité africaine se trouve augmentée par les effets du néo-colonialisme, qui profitent autant à des cercles métropolitains qu'à des factions autochtones servant de facto de collaborateurs à cette politique de pillage et de saccage. La croissance se trouve placée au service inquiétant de l'oligarchisation.
C'est le sort qui attend l'Occident si ses peuples persistent à se taire quand l'oligarchie, l'impérialisme et le colonialisme frappent des parties du monde étrangères, sans s'aviser que ce qui concerne en premier lieu l'étranger, l'Africain ou l'Asiatique, finira inévitablement, tel un boomerang, par revenir à la gueulede l'envoyeur. Si les peuples d'Occident ne sont pas tout à fait coupables de la politique d'oligarchisation des pouvoirs qu'ils ont élus et qui ne les représentent pas, financés et tenus qu'ils sont par les cercles financiers composites, du moins sont-ils coupables par lâcheté et non-assistance à eux-mêmes. Le plus souvent, c'est la fascination (plus encore que la peur) face à la loi du plus fort et à son mécanisme inconscient, le mimétisme.
Nous en sommes à ce point. Le MES sonne la tocsin de la situation qui attend les pays d'Afrique. L'économiste camerounais Pouemi a analysé la relation de dépendance et de vassalité qu'introduisait la sujétion du Franc CFA à la monnaie française, désormais sous la coupe des intérêts de l'euro. Le MES indique le même mécanisme, cette fois retourné contre les peuples européens. Même coquille vide, même pauvreté de contenu par rapport au but qui lui est fixé. Comment développer des pays vastes et disloqués avec une monnaie sous emprise coloniale?
Comment remédier à la dette abyssale des pays de la zone euro avec le MES? Les deux gageurs sont impossibles. La seule possibilité qui reste pour rompre avec cette oligarchisation qui commence par ruiner l'extérieur avant de revenir ravager l'intérieur, c'est de lancer une politique d'alliance entre les anciennes colonies et leurs métropoles, de telle manière que le rapport de soumission s'inverse et se transforme en développement mutuel. Contre l'oligarchie, qui fonctionne par antagonisme, rien de tel que le progrès, qui fonctionne par échanges.

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