vendredi 6 août 2010

L'insécuritarisme

On connaît la stratégie du sécuritarisme élaborée par des atlantistes et mise en place par un Giuliani à New York dans les années 199o. En gros, il s'agit de susciter un effet qu'on prétend ensuite guérir. Cette entourloupe (empoisonner pour mieux guérir) ne peut fonctionner qu'avec des populations qui comprennent peu aux problèmes, ou plutôt qui ne comprennent des problèmes que le strict immédiat ou la surface des réalités.
Stratégie du pompier pyromane. C'est parce qu'on oublie le lien de cause(s) à effet(s) que l'on peut à la fois susciter le problème et prétendre le guérir. Dans un sondage consternant du 5 août 2010 (IFOP pour Le Figaro), une large majorité de Français soutiendrait les mesures sécuritaristes proches du fascisme que le gouvernement français du président Sarkozy entend promulguer (sauf accident à court terme). Eh bien, on apprend que certains entendent s'opposer à ces mesures pour le moins extrémistes en organisant notamment une grande manifestation contre la politique sécuritaire de Sarkozy le 4 septembre.
Je passerai sur les propos d'un porte-parole politicien de Sarkozy, l'inénarrable Bertrand, qui appuie ces malpropositions et montre que nous nous trouvons dans une période proche du fascisme. C'est mauvais signe : historiquement, quand les idées nationalistes et violentes arrivent au pouvoir, c'est signe de crise. Signe des temps, cette crise est l'ultime, non des crises, mais de la grande crise générale et systémique qui va emporter l'ensemble du système immanentiste (dans lequel nous nous trouvons et que nous soutenons).
La dernière idéologie de cette ontologie nihiliste s'écroule, le libéralisme, mais derrière ce grand fracas un peu vain, c'est l'ensemble d'un système nihiliste qui est en train de sombrer. Est-ce une si mauvaise nouvelle? Pour la violence que cela créera, oui; mais on ne constate pas assez que l'opposition aux mesures de Sarkozy est la première responsable des mesure prises.
Bien entendu, il est consternant que de telles mesures recueillent un assentiment majoritaire versatile (par sondage), ce qui indique une évidence : si le système va mal, c'est que la plupart de ses membres vont mal. Si les membres se portaient mieux, alors le système se porterait mieux. Ce que l'on note moins, c'est que si le système va mal, c'est plus à cause de ceux qui s'y opposent de l'intérieur que de ceux qui le soutiennent (dans leur égarement intéressé).
On peut en discerner le symptôme dans les positions du journal Le Monde, qui est un journal de référence situé historiquement au centre-gauche. Que Le Monde répercute sans s'opposer fondamentalement ce genre de propos indique qu'il joue un jeu des plus pervers : mettre en avant une politique qu'on critique sur le bout des ongles. Il est vrai que plus le temps passe et plus Le Monde, comme la plupart des journaux de la presse consensuelle, répercute les idées des oligarchies financières britanniques.
De ce point de vue, Le Monde est de gauche comme DSK le directeur du FMI : un ultra-libéralisme de gauche qui n'est plus de gauche et qui utilise la gauche comme un masque de thèmes secondaires pour faire entrer tel un cheval de Troie des thèmes libéraux et impérialistes (de facture eux prioritaire). L'opposition d'une ligne idéologique comme celle du Monde à l'extrémisme de plus en plus voyant de la ligne atlantiste et néo-conservatrice (pragmatique) tendance Sarko &Co., c'est l'opposition entre deux camps tous deux ultra-libéraux. L'antagonisme se déroule dès lors sur des sujets tout à fait mineurs, voire hypocrites : on peut se montrer en apparence plus soft - et réaliser en réalité une politique quasiment similaire.
Obama s'en rend bien compte et s'en sert - l'un de ses principaux conseillers officieux, l'humaniste Brzezinski, l'avait théorisé. Mais tous les opposants à la politique actuellement au pouvoir ne sont pas des ultra-libéraux de gauche. Il s'en trouve même à l'extrême-gauche, mais ce qu'il y a d'important pour situer la nature d'une certaine conception politique, c'est : cette opposition est-elle interne ou externe?
Si elle est interne, elle propose des corrections à l'intérieur de fondements identiques. Si elle est externe, elle propose des changements différents. Dans un cas de figure où le système en place fonctionne peu ou prou, le changement peut se révéler néfaste. C'est l'argument de Montaigne : mieux vaut conserver ce qui fonctionne que d'empirer sous prétexte de changer. Mais quand le système est vicié, pourri, périmé, comme c'est le cas actuellement (du moins pour ceux qui ont encore le courage de regarder les choses en face, les autres se contentant de vagues promesses de reprises prochaine), il est temps d'accéder au changement.
Les réactions au changement sont souvent agressives, calomnieuses, amalgamantes. On ne comprend pas les idées de changement. On passe à côté. C'est la nature conservatrice de l'homme qui s'exprime - un sentiment entre peur et incompréhension (plus que bêtise spécifique) face à la perte ce qui existe sous une certaine forme pour retrouver on ne sait quelle nouvelle forme. Tels sont les progressistes d'un certain système ou les plus grands opposants au système.
Ils peuvent bien être de grands opposants à l'intérieur du système. S'ils sont dans cette position, ils participent du système. S'il convient de changer le système, cette opposition-là (opposition interne) non seulement ne sert à rien, mais devient perverse (opposition-soutien de nature oxymorique). Car l'on s'oppose sur des sujets accidentels pour défendre plus profondément et plus véritablement des sujets - essentiels. Ainsi de ces opposants aux mesures sécuritaristes et proches du fascisme du gouvernement sous Sarkozy : au lieu de remettre en question les fondements branlants du système, de facture monétariste, ils les adoubent et concentrent leurs attaques virulentes sur des sujets secondaires.
Ces sujets peuvent fort bien être lucides ou justifiés. Ainsi de cette opposition aux mesures disproportionnées et honteuses prises par la clique à Sarko. Mais ces oppositions sont des positions secondaires en tant qu'elles ne vont pas à la racine et qu'elles confortent les erreurs fondamentales maquillées par ces diversions souvent grossières. Dans cette affaire de montée de mesures sécuritaristes aux relents fascistes, il est hallucinant de tenir des bagatelles pour des questions premières.
Elles sont des diversions irrationnelles et incohérentes pour masquer le vrai problème politique : la crise systémique, qui n'est pas qu'économique. Face à cette crise qui promet une baisse drastique du niveau de vie des Français et une oligarchisation de la société, on agite l'épouvantail du bouc émissaire. S'en prendre aux plus faibles. D'abord aux gens du voyage (terme transparent). Puis aux étrangers. Enfin aux immigrés. De préférence de religion musulmane (minoritaire en France). Cette manière de concevoir n'est pas seulement moralement abjecte. Elle est aussi tout à fait fausse. Seul point positif : si à court terme elle sert les calculs de ses concepteurs, à plus longue échéance elle concourt à accélérer le changement.

Aucun commentaire: